B. LES PREMIERS RÉSULTATS DES EXPÉRIMENTATIONS EN COURS MONTRENT L'AMPLEUR DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ QU'IL EST POSSIBLE DE RÉALISER EN ADAPTANT LES TOURS DE SERVICE
1. Les expérimentations mises en place dans les centres de contrôle volontaires ont permis de réduire significativement les retards
La DSNA a bien conscience de l'importance d'adapter l'organisation du travail des contrôleurs aériens aux caractéristiques nouvelles du trafic et d'améliorer l'organisation des tours de service.
Elle s'est donc fixé pour objectif d'offrir environ 20 % à 30 % de capacités supplémentaires sur les périodes de pointe à effectif constant grâce à de nouveaux cycles de travail plus flexibles.
Dans le cadre du protocole social 2016-2019, ses responsables ont ainsi négocié avec les représentants des contrôleurs la mise en place d'expérimentations destinées à faire évoluer leur organisation du travail « pour s'adapter aux hausses de trafic à venir et aux variations de plus en plus marquées de celui-ci en fonction de la période de l'année, de la semaine ou de la journée dans les meilleures conditions de sécurité ».
Ces expérimentations n'ont aucun impact sur la durée annuelle de travail , qui reste de 1 420 heures annuelles .
En revanche, elles amènent les contrôleurs aériens à travailler lors de 7 vacations sur des cycles de 12 jours , contre 6 jours sur 12 habituellement, pendant les périodes où le trafic est le plus chargé , c'est-à-dire principalement l'été.
Cette vacation supplémentaire s'accompagne d'une diminution de la durée des vacations 54 ( * ) , de la mise en place de plus de souplesse dans la gestion des débuts et fin de vacations et des pauses ou bien encore par la réduction du nombre de vacations en période creuse , sans remettre en cause le travail en équipe auquel les contrôleurs aériens sont très attachés.
Indiscutablement, ces expérimentations constituent des contraintes sociales supplémentaires pour les agents concernés , car ils sont amenés à travailler plus fréquemment pendant les périodes de week-ends et de congés du reste de la population, alors qu'ils travaillaient déjà régulièrement pendant ces périodes.
Elles n'en demeurent pas moins indispensables et les contreparties financières apportées paraissent équilibrées : ce sont les centres de contrôle qui choisissent, sur la base du volontariat, de mettre ou non en place ces expérimentations, sachant que les ICNA qui y participent bénéficient d'une majoration indemnitaire de 500 euros ou 255 euros mensuels selon l'ampleur de l'évolution consentie, en vertu de critères qui ont été définis dans le cadre du protocole social. 15 millions d'euros ont été prévus pour financer ces indemnités pour la période 2016-2019.
À ce jour, les expérimentations sont en place dans les centres en-route de Reims, de Bordeaux, de Brest et dans les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et de Nice.
Leurs premiers résultats apparaissent très prometteurs et montrent des gains de capacité en pointe de l'ordre de 15 % dans les centres en-route à effectifs constants et des baisses des retards dus au contrôle aérien compris entre 16 % et 35 % .
On constate ainsi, en comparant les données des étés 2016 et 2017 une baisse des retards de -39 % à Reims , de -36 % à Bordeaux et de - 35 % à Brest , alors que, dans le même temps, le trafic avait augmenté dans ces trois centres de respectivement + 4,2 % , + 5,7 % et + 6,9 % .
En outre, l'analyse faite à l'issue de ces premières années d'expérimentation n'a pas relevé d'impact négatif sur la fatigue des contrôleurs aériens , ce qui constitue un élément très important sur le plan de la sécurité.
2. Il faut aller plus loin dans l'assouplissement de l'organisation du travail des contrôleurs aériens en leur proposant un projet mobilisateur
Votre rapporteur spécial est convaincu que des gains de productivité et de capacité considérables peuvent être dégagés en revoyant en profondeur l'organisation du travail des aiguilleurs du ciel , aujourd'hui beaucoup trop figée et rigide , alors que les caractéristiques du trafic aérien ne sont plus du tout les mêmes que par le passé.
Les expérimentations menées depuis 2015 montrent à quel point il est possible de réaliser des progrès très significatifs en rajoutant 1 vacation par cycle de 12 jours lors des périodes de pointe .
Il faut à présent pérenniser ces expérimentations et les étendre à tous les centres de contrôle , sans céder aux revendications de ceux qui souhaiteraient obtenir des primes supplémentaires sans adapter l'organisation du travail.
Il sera ensuite nécessaire de trouver de nouveaux gisements de productivité dans le cadre du prochain protocole social , en s'inspirant notamment des exemples étrangers, et en agissant sur tous les leviers : il pourrait ainsi être envisagé de concentrer les formations continues suivies par les contrôleurs pendant l'hiver pour dégager du temps de travail en salle de contrôle l'été.
La DSNA doit également proposer à ses contrôleurs aériens un projet qui soit véritablement mobilisateur .
Cela implique naturellement de leur fournir le matériel dont ils ont besoin mais également de leur redonner la fierté d'être les aiguilleurs du ciel de la deuxième puissance aéronautique mondiale .
Eu égard à l'excellence de leur formation, il suffirait qu'ils soient de nouveau convaincus du dynamisme de leur administration pour que la culture de la performance soit partagée par la très grande majorité d'entre eux.
Recommandation n° 12 : pérenniser le rythme de travail de 7 vacations par cycle de 12 jours mis en place dans le cadre du protocole social de 2016-2019 et négocier de nouveaux assouplissements de l'organisation du travail dans le cadre du prochain protocole social. |
3. Faut-il davantage de contrôleurs aériens pour faire face à la hausse du trafic ?
Le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) comptait, à la date du 1 er janvier 2017, 4 104 agents , ainsi qu'il a été rappelé supra .
Cet effectif était de 4 378 agents au 1 er janvier 2010 et de 4168 agents au 1 er janvier 2013. Il a donc connu une diminution de -6,3 % depuis 2010 et de -1,5 % depuis 2013 , les départs à la retraite n'ayant pas été compensés par des recrutements équivalents.
Dans le même temps, le trafic a considérablement augmenté et s'est concentré sur des périodes de pointe.
Cette situation devrait se prolonger jusqu'en 2020 au moins , ce qui crée de fortes tensions dans certains centres en-route, et notamment celui d'Aix-en-Provence, dont la population de contrôleurs est plus âgée que celle des autres centres. C'est notamment pour réclamer des effectifs supplémentaires que des mouvements de grève paralysent régulièrement ce centre actuellement.
Si l'amélioration des tours de service et la livraison la plus rapide possible des nouveaux systèmes technologiques seront les principaux leviers d'amélioration de la capacité du contrôle aérien français, votre rapporteur spécial estime que la question d'une hausse des recrutements des contrôleurs aériens ne doit pas être taboue , à la double condition de ne pas se faire à la place des efforts de productivité que doit réaliser la DSNA et qu'une analyse fine des départs à la retraite prévus dans les prochaines années soit menée.
Sous ces deux réserves, il lui paraît donc souhaitable d'augmenter progressivement le nombre de places de contrôleur aérien formés à l'ENAC , tout en sachant que les nouvelles recrues ne seront opérationnelles dans les salles de contrôle que dans cinq ans, compte tenu de la durée nécessaire pour obtenir leur qualification.
Recommandation n° 13 : augmenter avec mesure le nombre de recrutements d'élèves contrôleurs aériens à l'École nationale de l'aviation civile (ENAC). |
* 54 La durée des vacations de jour est ainsi ramenée à 8 heures 30.