ANNEXES

ANNEXE 1 : LA REGULATION DES MEUBLÉS DE TOURISME EN ZONE TENDUE ISSUE DES LOIS ALUR ET REPUBLIQUE NUMERIQUE

I. LA LÉGISLATION SUR LE CHANGEMENT D'USAGE DES LOCAUX D'HABITATION, CLÉ DE VOÛTE DES DISPOSITIONS EN VIGUEUR

Afin d'accroître le parc des logements disponibles dans le contexte de la nécessaire reconstruction du pays après la Seconde guerre mondiale, un principe d'interdiction de tout changement d'affectation des locaux à usage d'habitation a été posé par l'ordonnance du 11 octobre 1945. Alors que l'autorisation préalable de changement d'usage a longtemps relevé la compétence du Préfet, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie la confie aux communes.

Dans son étude relative à l'ubérisation de l'économie, le Conseil d'Etat rappelle que la législation sur les changements d'usage était, précédemment à l'adoption de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (dite « ALUR »), « peu appliquée en pratique et peu connue ». Cet outil constitue aujourd'hui la clé de voûte de la régulation locale du marché de la location touristique de courte durée.

Certaines communes utilisent également le levier fiscal, à travers la possibilité qui leur est offerte de majorer entre 5 et 60 % le taux de la taxe d'habitation applicable aux logements meublés non affectés à l'habitation principale 113 ( * ) . La presse 114 ( * ) s'est fait l'écho de ce que les mairies des communes situées en zone tendue 115 ( * ) ont un recours accru à ce dispositif, notamment en vue de réduire le recours à la location en meublé de tourisme. Si, dans les villes où un changement d'usage soumis à compensation empêche la location d'une résidence secondaire sauf à payer une importante somme, une telle mesure renforce l'incitation des propriétaires à mettre leur résidence secondaire sur le marché locatif traditionnel, dans les villes où un tel régime est absent, cette mesure est en revanche de nature à inciter les propriétaires à mettre leur bien en location touristique.

A. LES DIFFÉRENTS RÉGIMES D'AUTORISATION DE CHANGEMNT D'USAGE EN VIGUEUR.

1. Dans les plus grandes agglomérations et dans les départements de la « petite couronne » parisienne, le régime d'autorisation de changement d'usage est obligatoire et peut être assorti d'obligations de compensation.

L'article 16 de la loi ALUR a modifié l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en vue de préciser les modalités selon lesquelles les locations de meublés de tourisme sont soumises au régime de changement d'usage des locaux d'habitation. Le dernier alinéa de cet article dispose ainsi que « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».

Il convient de souligner que le champ d'application géographique de ce régime est circonscrit : il est obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants 116 ( * ) et dans les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne 117 ( * ) .

Le changement d'usage ne s'applique pas aux locaux de bureaux ou commerciaux, qui ne sont pas des locaux d'habitation. Un local est réputé à usage d'habitation, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970, ce qui peut être établi par tout mode de preuve. Après le 1 er janvier 1970, les locaux sont réputés avoir l'usage pour lequel leur construction ou les travaux dont ils ont fait l'objet ont été autorisés. Toutefois, après le 1 er janvier 1970, lorsqu'un local a fait l'objet d'une autorisation subordonnée à compensation, ce local et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Afin de pouvoir procéder au changement d'usage d'un local à usage d'habitation en vue de le transformer en meublé de tourisme à l'année, ce régime impose d'obtenir :

- une autorisation préalable, dont les conditions de délivrance sont déterminées par le conseil municipal 118 ( * ) « au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logement »,

- et, si la commune le souhaite, une obligation de compenser 119 ( * ) la perte de surface affectée au logement sur le territoire de la commune par la mise à disposition d'une surface équivalente pour le logement. La compensation peut prendre deux formes : soit le demandeur transforme lui-même en logement une surface qu'il possède et qui était auparavant dédiée à un autre usage, soit il ne réalise pas lui-même l'opération et achète un titre de compensation correspondant à une opération de transformation en logement réalisée par un tiers. Comme le remarque le rapport d'une mission d'inspection 120 ( * ) , « d'un point de vue économique, la compensation peut être vue comme un moyen de faire internaliser au bailleur les externalités négatives (la raréfaction du parc locatif à usage d'habitation principale) liées à son investissement ».

Il convient de noter que l'autorisation de changement d'usage est en principe attachée à la personne, c'est-à-dire qu'elle cesse de produire ses effets lorsqu'il est mis fin à l'exercice professionnel du bénéficiaire. Autrement dit, elle revêt un caractère temporaire. En revanche, lorsqu'il y a compensation, cette autorisation devient attachée au local. Autrement dit, elle revêt alors un caractère définitif.

Enfin, et surtout, la loi ALUR précise qu'un tel régime n'est pas applicable aux locaux qui constituent des résidences principales 121 ( * ) . Avant cette loi, la notion de résidence principale applicable au logement meublé était définie à l'article R. 641-1 du code de la construction et de l'habitation, qui faisait de l'occupation « effective et continue avec sa famille » le critère de définition de la résidence principale. La jurisprudence avait recours à un un faisceau d'indice caractérisant le principal établissement (tels que la durée d'occupation du logement, les attaches familiales, le lieu d'exercice de la profession, le lieu d'iscription sur les listes électorales et le lieu du paiement de l'impôt). Depuis la loi ALUR, la résidence principale est « le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation » 122 ( * ) . En conséquence, s'agissant des locations de meublés de tourisme, deux situations doivent être considérées :

- les résidences principales au sens de ces dispositions peuvent être louées en meublés de tourisme sans autorisation de changement d'usage ;

- les logements qui ne sont pas des résidences principales au sens de ces dispositions, c'est-à-dire tout logement qui n'est pas occupé pendant au moins huit mois par an, ne peuvent être loués sans autorisation de changement d'usage. Par convention, on désigne habituellement ces logements par les termes de « résidences secondaires ». Or, cela peut à la fois concerner les logements achetés par des investisseurs en vue de louer en meublé de tourisme en permanence, et donc de façon professionnelle, et les résidences secondaires utilisées par leurs propriétaires comme des « pieds-à-terre » et louées ponctuellement en meublé de tourisme.

2. Dans les autres communes, ce même régime est facultatif.

La loi ALUR a néanmoins modifié l'article L. 631-9 en vue d'étendre le champ d'application géographique potentiel du régime du changement d'usage.

Depuis 1978, celui-ci dispose que le Préfet peut rendre applicable ce régime dans n'importe quelle commune après avis du maire. Depuis 2008 123 ( * ) , chaque maire peut proposer au Préfet de prendre une décision en ce sens.

La loi ALUR permet aux 1149 communes situées en zone tendue figurant sur la liste des communes dans lesquelles une taxe annuelle sur les logements vacants est applicable de mettre en place un régime d'autorisation de changement d'usage (sur décision de la commune ou de l'EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme) . Ce régime peut alors être instauré par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal.

Les critères d'identification des communes situées en zonen tendue

Selon l'article 232 du code général des impôts, seules les communes appartenant à une « zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par :

- le niveau élevé des loyers,

- le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens

- ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social », peuvent instaurer une taxe sur les logements vacants. D'autres mesures s'appliquent à ce périmètre, comme la majoration de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires.

La liste de ces communes figure, conformément aux dispositions de l'article 232, au décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts. Sont visées des communes appartenant aux aires urbaines suivantes : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch - Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton - Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Seules 28 aires urbaines ont été retenues sur les 118 aires urbaines françaises de plus de 50 000 habitants.

Critères retenus pour la détermination du périmètre géographique d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants

Source : Inspection générale des finances, conseil général de l'environnement et du développement durable, Évaluation de politique publique : mobilisation des logements et des bureaux vacants, janvier 2016, à partir d'informations communiquées par le bureau des études économiques de la DHUP.

Comme pour le précédent régime, les résidences principales ne peuvent y être soumises et la commune a également la possibilité d'instaurer une obligation de compensation.

3. Dans les plus grandes agglomérations et dans les départements de la « petite couronne » parisienne, une autorisation de changement d'usage temporaire sans obligation de compensation peut également être instaurée au bénéfice des demandeurs personnes physiques.

La loi ALUR a, enfin, créé un régime d'autorisation de changement d'usage temporaire dédié aux locations touristiques de courte durée 124 ( * ) par des propriétaires personnes physiques à l'article L.631-7-1 A.

La commune (ou l'EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme) ne peut subordonner cette autorisation à une compensation.

Ce régime permet aux communes de définir des critères de délivrance de cette autorisation : ceux-ci peuvent porter sur la durée des contrats de location, sur les caractéristiques physiques du local ainsi que sur sa localisation en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Ces critères peuvent être modulés en fonction du nombre d'autorisations accordées à un même propriétaire .

4. Les plans locaux d'urbanisme peuvent également soumettre le changement de destination du bien à demande d'autorisation d'urbanisme.

Enfin, dans certaines villes, le règlement d'urbansime peut également imposer le dépôt en mairie d'une demande d'autorisation d'urbanisme , c'est-à-dire, selon le cas, une déclaration préalable ou un permis de construire en cas de changement de destination du bien . C'est par exemple le cas de la ville de Paris, dont le plan local d'urbanisme la transformation en meublé de tourisme à une destination relevant de l'hébergement hôtelier. Un investisseur qui souhaiterait modifier des locaux commerciaux ou de bureau en vue de les affecter à la location touristique n'aurait pas besoin d'effectuer une demande de changement d'usage mais devrait effectuer une demande de changement de destination.


* 113 Depuis la seconde loi de finances rectificative pour 2014 ayant créé l'article 1407 ter du code général des impôts, dont le dispositif a été renforcé par l'article 97 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 portant loi de finances pour 2017.

* 114 Par exemple, Le Figaro, Les mairies tentées par la taxe sur les résidences secondaires, 21 février 2018.

* 115 Au sens du I de l'article 232 du code général des impôts.

* 116 Ce seuil issu de l'ordonnance du 8 juin 2005, a été relevé à 200 000 habitants car les travaux parlementaires relatifs à la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit avaient souligné la nécessité de concentrer le périmètre aux grands centres urbains. Ainsi le seuil est cohérent avec les enjeux du marché immobilier que le dispositif entend protéger. Il s'agit des communes suivantes : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nice, Nantes, Montpellier, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Rennes.

* 117 Soit 123 communes.

* 118 Ou l'organe délibérant de l'EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme.

* 119 Selon l'article L. 631-7-1, l'autorisation « peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage ».

* 120 Inspection générale des finances, conseil général de l'environnement et du développement durable, Évaluation de politique publique : le logement locatif meublé, annexe V relative à la location meublée de courte durée, Janvier 2016.

* 121 Selon le dernier alinéa de l'article L631-7-1 A, « Lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ». Auparavant un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 mai 2011 (3 e chambre, n° 10/23802) avait jugé que les logements donnés en location en meublé ne sont réputés locaux d'habitation « que si le bail répond aux conditions de l'article L. 632-1 (du code de la construction et de l'habitation) à savoir la location pour une durée d'une année à titre de résidence principale ».

* 122 Article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Les personnes à charge au sens du code de la construction et de l'habitation sont définies à l'article R. 351-8. De même, ne sont pas soumis à autorisation préalable les locaux dont une partie seulement est affectée à une activité autre que l'habitation.

* 123 Article 13 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. L'article R. 631-5 du code de la construction et de l'habitation, qui résulte d'un décret datant de 2007, dispose néanmoins toujours que l'arrêté d'extension doit être pris après avis du maire.

* 124 Plus précisément, aux locations « pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ».

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