E. DES RISQUES NATURELS ÉMERGENTS

1. Algues sargasses

Les invasions des côtes par les algues sargasses ne sont pas un phénomène inédit dans les territoires ultramarins. Pourtant, il prend une ampleur sans précédent depuis plusieurs années.

Depuis 2011 , les invasions sont régulières et massives. Elles concernent les côtes des Antilles - Martinique, Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin - ; la Guyane est, elle aussi, touchée. Les échouages ont été particulièrement importants durant le premier semestre 2018. Les rapporteurs ont pu les constater au cours de leur déplacement, au François en Martinique, mais aussi à Petit-Bourg et Marie-Galante en Guadeloupe.

Ces algues, qui bloquent les plages et les ports et isolent parfois des îles comme la Désirade en mai 2018, ont un impact majeur sur l'activité économique en bloquant les activités touristiques et de pêche. Elles ont en outre de possibles conséquences sanitaires de par la présence de sulfure d'hydrogène et d'ammoniac dans les émanations qu'elles produisent ; des fermetures d'écoles ont ainsi été décidées lors d'invasions en Guadeloupe par exemple.

Aussi, la valorisation des algues une fois ramassées n'est pas évidente : un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail de 2017 recommandait de proscrire l'utilisation des sargasses pour l'alimentation humaine ou animale en raison de concentrations de cadmium et d'arsenic, deux métaux lourds.

Il est urgent d'agir face à ce fléau . L'action doit se concevoir sur plusieurs fronts :

- mieux étudier ce phénomène pour en connaître les causes précises et pouvoir lutter en conséquence ;

- en amont, agir en mer pour éviter l'échouage sur les côtes ;

- en aval, agir aux côtés des collectivités pour le ramassage, le stockage et le traitement des algues ;

- poursuivre les recherches pour une valorisation de ces algues dont l'arrêt de la prolifération n'est envisageable que sur le moyen terme.

Une série d'annonces gouvernementales en juin 2018

En déplacement dans les Antilles en juin 2018, M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, ont annoncé un « plan sargasses ».

Alors qu'un fonds d'urgence de 3 millions d'euros avait été constitué, 3 millions supplémentaires ont été annoncés, pour l'achat de matériels sur les communes touchées. Ce plan prévoit aussi 22 nouveaux capteurs en Guadeloupe et en Martinique afin de faire remonter des données d'échouage, de dégagement de gaz permettant notamment de produire des bulletins quotidiens.

Le Gouvernement entend garantir des capacités de ramassage sous 48 heures après les échouages : ce sont 10 millions d'euros sur 2018-2019 qui seraient consacrés à ce plan, afin de cofinancer l'achat de matériel de déblayage. L'État prendrait en charge la moitié, l'Union européenne et les collectivités l'autre moitié.

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après des communiqués de presse de M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et de Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.

Une mission commune des ministères des outre-mer, de l'environnement, de l'énergie et de la mer et de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a rendu en juillet 2016 un rapport sur les échouages aux Antilles et en Guyane 7 ( * ) . Celle-ci insistait alors sur la nécessité d'appréhender les sargasses sous un angle de gestion de risque , considérant « le caractère fluctuant et non prévisible des échouages ».

Si la mission explique les raisons qui ont mené à un refus de la qualification de catastrophe naturelle, elle n'exclut pas un changement de position de la commission interministérielle des catastrophes naturelles 8 ( * ) . Les rapporteurs sont favorables à cette reconnaissance ; une nouvelle appréciation est possible à droit constant.

Le 9 octobre 2014, le conseil départemental de la Martinique avait adopté à l'unanimité une motion « exigeant la déclaration de catastrophe naturelle pour l'ensemble du département en raison d'une invasion d'algues sargasses ».

Recommandation n° 1 : Aux Antilles et en Guyane, reconnaître les algues sargasses comme un risque naturel à part entière et permettre la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Recommandation n° 2 : Soutenir la recherche scientifique au niveau national et à l'échelle de coopérations régionales, en particulier sur les nouveaux risques naturels tels que la prolifération des sargasses.

2. Érosion du trait de côte

L'érosion du trait de côte est un risque littoral de long terme pour les côtes des territoires ultramarins , alors que ceux-ci sont d'une grande diversité : tropicaux, équatoriaux ou septentrionaux avec des barrières coralliennes, des falaises de moraines glacières ou encore des mangroves.

Un risque de long terme sous surveillance

Le BRGM développe des structures, partenariats ou observatoires de suivi du littoral, en partenariat avec les services de l'État, les collectivités territoriales notamment.

C'est ainsi le cas :

- de l'observatoire de la dynamique côtière de la Guyane française (ODYC) en partenariat avec la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Guyane, parallèlement à un groupement de recherche (GDR LiGA) ;

- de l'observatoire du littoral de la Guadeloupe, en lien avec la DEAL et la région Guadeloupe ;

- d'études ponctuelles en Martinique, avec la DEAL, l'Université des Antilles et la Communauté d'agglomération centre-est de la Martinique (CACEM) ;

- à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où des observations ponctuelles sont menées par le BRGM ;

- à Saint-Pierre-et-Miquelon, avec la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer (DTAM), dans une zone particulière qu'est la zone subarctique, où les activités d'observation doivent se développer ;

- à La Réunion, avec l'observatoire, en partenariat avec la DEAL et le conseil régional autour du projet d'observation et de gestion de l'érosion côtière (OBSCOT) ;

- à Mayotte, avec la signature d'une convention récente avec la DEAL

- de l'observatoire du littoral de Nouvelle-Calédonie (OBLIC) avec la direction des mines et de l'environnement (DIMENC).

En Polynésie française, la direction régionale de la recherche (DRRT) souhaite conduire des observations du littoral avec le BRGM.

Wallis-et-Futuna présente une problématique avérée d'érosion et le BRGM souhaite constituer un partenariat pour l'observation locale, alors que les îles mènent le projet « INTEGRE » d'adaptation au changement climatique.

Source : Déplacement au BRGM, le 29 janvier 2018

Alors que le risque d'érosion du trait de côte a fait l'objet de propositions de loi tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, le périmètre visé par celles-ci est essentiellement l'hexagone. Les spécificités des outre-mer sont au mieux évoquées, souvent absentes des considérations. Les territoires ultramarins sont pourtant hautement concernés par ce risque et ne doivent pas être exclus des réflexions ou dispositifs envisagés.

3. Risques sanitaires liés aux maladies vectorielles

Aux risques naturels liés à la géologie ou au climat s'ajoutent dans les territoires ultramarins des risques sanitaires liés aux maladies vectorielles. Chikungunya , dengue et paludisme , transmis par les moustiques, sont ainsi présents dans les territoires tropicaux et équatoriaux ; le virus Zika a également menacé les Antilles.


* 7 Rapport conjoint du ministère des outre-mer (inspection générale de l'administration, du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer -, du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt - conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux -, « Le phénomène d'échouage des sargasses dans les Antilles et en Guyan e  », juillet 2016.

* 8 Les auteurs estiment ainsi qu'« on ne peut qu'admettre que les échouages de sargasses, qu'ils soient massifs ou non, relèvent d'un «agent naturel» et que «les mesures habituelles à prendre pour prévenir (les) dommages ou empêcher leur survenance» ne peuvent pas toujours être prises en cas d'échouages massifs. En revanche il est trop tôt pour affirmer que cet «agent naturel» est d'une «intensité anormale». En l'état actuel, les échouages de sargasses ne peuvent donc aujourd'hui relever du régime des catastrophes naturelles tel qu'il est défini à l'article précité du code des assurances. Mais ceci ne préjuge en rien d'un changement éventuel d'appréciation, dans l'avenir, de la commission interministérielle », page 160.

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