E. L'ACTEUR MANQUANT : LA PLATEFORME TERRITORIALE DU HANDICAP

La pluralité des formes d'accompagnement précédemment évoquées par votre rapporteur ne doit pas faire oublier que la même personne handicapée peut être, à différents stades de sa vie, concernée par le travail protégé, l'insertion en milieu ordinaire et l'accompagnement médico-social. Pourtant, ces formes d'accompagnement font jusqu'à présent l'objet d'approches sectorielles et segmentées, comme le montre le tableau ci-après.

La diversité des accompagnements

Accompagnement

Acteurs

Accompagnement médico-social

Gestionnaires d'établissements et de services (financés par l'assurance maladie ou le conseil départemental)

Travail protégé

Gestionnaires d'établissements et de services (financés par l'assurance maladie)

État (pour la GRTH)

Accompagnement en milieu ordinaire de travail

Cap emploi/Pôle emploi/mission locale (pour l'insertion dans l'emploi)

Sameth/Cap emploi (pour le maintien dans l'emploi)

État (pour les aides au poste en entreprise adaptée)

Agefiph et FIPHFP (pour les aménagements de poste en milieu ordinaire)

Source : Commission des affaires sociales

Ce tableau ne rend pas compte d'une partie importante d'acteurs qui n'interviennent pas au titre de l'accompagnement direct de la personne : à côté des acteurs du monde de la santé, les travailleurs sociaux, les personnels de l'Éducation nationale et des établissements spécialisés, se trouvent également les acteurs de l'accessibilité du bâti, du logement, des transports, de la culture et du sport.

Pour l'heure, les seules occurrences de réunion d'une partie de ces acteurs sont les groupes opérationnels de synthèse (GOS) convoqués par les CDAPH à l'occasion de l'examen des cas complexes. Ces réunions ont donc un caractère strictement opérationnel et individuel ; elles ne sont jamais convoquées de façon plénière pour évoquer des évolutions stratégiques .

C'est pourquoi il apparaît judicieux que, pour les départements présentant des réalités géographiques peu homogènes, la collecte du besoin soit animée par une structure territoriale dédiée , que l'on pourrait nommer « plateforme territoriale du handicap » (PTH) . L'échelon territorial pertinent doit être suffisamment réduit pour que la réunion de l'ensemble de ces acteurs ne présente pas de frein à leur dialogue. Selon les cas, il pourra s'agir d'un bassin de vie interne au département, ou du département lui-même en cas d'homogénéité géographique ou de sous-densité de population.

Votre rapporteur tient à ce que la PTH ne soit pas strictement rattachée à un échelon territorial déterminé , afin d'éviter que sa compétence soit dissoute dans celle de la collectivité territoriale qui en exercerait de facto la tutelle. L'intérêt de cette instance réside dans la pluridisciplinarité de ses acteurs et aucune dimension de l'accompagnement des personnes handicapées n'est appelée à avoir le primat sur les autres.

La PTH rassemblerait ainsi l'ensemble des collectivités territoriales dont la compétence peut être liée au sujet du handicap (la commune et l'intercommunalité y auraient notamment toute leur place aux côtés du département et de la région), les travailleurs sociaux, les services de l'État compétents en matière d'emploi, de santé, d'éducation, de sport et de culture, ainsi que les antennes locales des associations représentatives des personnes handicapées et les associations gestionnaires. Sa présidence pourrait ainsi être conjointement assurée par représentant du conseil départemental et par un membre de la délégation départementale de l'ARS.

Cette structure serait investie de trois missions déterminées.

1. Une mission de recensement des besoins qualitatifs

La PTH serait d'abord chargée d'une mission d'écoute de terrain, qui se traduirait par le recensement qualitatif des besoins relevant de son échelon. Ces derniers seraient rassemblés au sein d'un document unique transmis au conseil départemental qui s'en servirait pour base de construction des schémas de l'offre médico-sociale.

La collecte des besoins réels est, aux yeux de votre rapporteur, un sujet dont la loi et les décrets se sont jusqu'alors insuffisamment emparés. Il est tout à fait vrai que la loi ASV prévoie explicitement que les MDPH soient chargées de la remontée statistique des besoins constatés à la CNSA. Outre le silence du décret d'application précédemment évoqué, cet objectif paraît peu réalisable pour deux raisons :

- la saturation des MDPH, par ailleurs investie de nombreuses autres missions, en menace l'effectivité ;

- faire de la MDPH, dont la compétence s'exerce de façon globale au niveau du département, l'instance de recueil des besoins revient à occulter la spécificité de certains territoires infra-départementaux. Supposer que la somme des besoins observés à l'échelle d'un département suffit résume les besoins du département escamote les éventuels « gains de productivité » qu'une approche territorialisée des besoins peut engendrer.

2. Une mission prospective d'aide à l'évolution de l'offre

En fonction du diagnostic posé par les besoins qualitatifs dressés, la PTH serait chargée de faire des propositions d'évolutions de l'offre, qui seraient également transmises au conseil départemental. Il est important de signaler que le cadre d'élaboration de ces propositions, qui intègrerait l'ensemble des acteurs intervenants, permettrait d'atteindre une véritable transversalité .

Ces schémas participatifs de l'élaboration de l'offre ne manqueraient pas de combler les carences des schémas départementaux existants, qui reposent principalement sur l'information compilée par les MDPH.

En raison des différents échelons de compétences auxquelles les acteurs de la PTH se rapportent (État, région, département), les propositions d'évolutions auront surtout pour mission d'aiguillonner les acteurs décisionnaires existants, qui seront contraints de tenir compte de ces remontées qualitatives.

Cette nouvelle plateforme territoriale du handicap, intégrée aux structures existantes chargées de la planification de l'offre, dessinerait le schéma de planification suivant.

Proposition de schéma de la planification de l'offre

Source : Commission des affaires sociales

3. Une mission de contrôle sur les réalisations effectuées

Il serait enfin opportun de doter les PTH d'une prérogative de contrôle sur les grandes orientations de l'offre réalisée dans l'échelle de leur territoire. Là aussi, il s'agit de s'assurer que le mécanisme descendant de la planification est atténué par une prise en compte précise des besoins du territoire.

La PTH pourrait être la garante d'une conformité de l'évolution de l'offre aux besoins exprimés. Elle pourrait se poser à ce titre comme la garante d'une évolution du territoire inclusif en faveur des personnes handicapées . Elle serait en tout cas une interlocutrice tout indiquée pour les personnes en situation de handicap désireuses d'un appui dans la coordination de leur parcours et joueraient alors le rôle que les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) assurent auprès des personnes âgées.

Cette mission de contrôle explique par ailleurs que la présidence de la PTH soit de préférence assurée par les autorités de financement.

Proposition n° 21 : expérimenter la mise en oeuvre de plateformes territoriales du handicap, qui réuniraient l'ensemble des acteurs mobilisés autour de l'accompagnement, et qui animeraient l'évolution inclusive d'un territoire.

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