N° 207

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises ( PACTE ),

Par M. Jean-François RAPIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, Mme Véronique Guillotin, M. Pierre Ouzoulias , vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert .

AVANT-PROPOS

Élaboré avec les acteurs concernés, selon une méthode dite de co-construction, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit « Pacte », vise, selon l'exposé des motifs, à « relever un défi majeur, celui de la croissance des entreprises, à toute phase de leur développement, pour renouer avec l'esprit de conquête économique ».

Le domaine économique et financier étant particulièrement influencé par le droit européen, dans le cadre largement harmonisé du Marché intérieur, nombre des dispositions du projet de loi sont en relation directe avec celui-ci , qu'il s'agisse de la transposition de directives en droit français ou de la modification du droit interne pour tenir compte de l'entrée en vigueur de règlements européens, ou encore de la conformité au droit européen de mesures nationales en matière de protection des intérêts économiques nationaux ou de promotion de l'activité économique en France.

Le format du projet de loi 1 ( * ) et la grande diversité des mesures proposées 2 ( * ) exigent un examen particulièrement attentif pour identifier celles d'entre elles qui sont susceptibles de constituer des sur-transpositions du droit européen en droit interne. Cette identification est toutefois d'autant plus malaisée que le projet de loi renvoie très largement à des ordonnances le soin de transposer plusieurs directives récemment adoptées et de procéder à la révision du droit français pour le mettre en conformité avec les évolutions récentes du droit européen, sans fournir, le plus souvent, des indications précises sur les options qu'il entend retenir ou écarter.

Or toute sur-transposition, quelle qu'en soit la forme, devrait être dûment justifiée au regard d'impératifs d'intérêt général et limitée autant que possible afin qu'il ne soit pas porté atteinte à la compétitivité de notre économie .

Tel est le motif pour lequel, au début de l'année 2018, la Conférence des présidents a confié à la commission des affaires européennes , à titre expérimental, une mission d'alerte sur les sur-transpositions . Depuis lors, la commission formule des observations sur les dispositions des projets et propositions de loi qui transposent des directives européennes ou prévoient des modalités d'application de textes européens. Elle évalue en particulier la qualité de la transposition proposée et identifie les dispositions constituant des sur-transpositions.

Les principaux objectifs du projet de loi

- faciliter la création d'entreprises , notamment en mettant en place un guichet unique électronique et un registre des entreprises ainsi qu'en modernisant le dispositif d'habilitation des journaux autorisés à publier des annonces judiciaires et légales ;

- favoriser la croissance des entreprises , en particulier en simplifiant les modalités de calcul des seuils d'effectifs, en relevant les seuils de certification légale des comptes, en réduisant la durée des soldes, en revoyant la gouvernance de BusinessFrance ainsi que l'organisation et le rôle des chambres de commerce et d'industrie ;

- permettre le rebond des entrepreneurs et des entreprises en cas de procédures collectives ;

- améliorer le financement des entreprises , notamment en revoyant le régime de l'épargne retraite, en simplifiant l'accès des entreprises aux marchés financiers, en créant un régime français des offres de jetons, en abaissant le seuil du retrait obligatoire, en facilitant l'émission d'actions de préférence, en élargissant les instruments éligibles aux structures de gestion collective, au PEA et aux supports d'assurance-vie, en développant les actions de préférence et en renforçant l'attractivité de la place de Paris ;

- repenser la place des entreprises dans la société , notamment en affinant la définition de l'intérêt social, en renforçant la représentation des salariés dans les conseils d'administration, en simplifiant la mise en place d'accords de participation et d'intéressement et en favorisant le développement des plans d'épargne salariale et de l'actionnariat salarié ;

- renforcer le contrôle des investissements étrangers en France ;

- moderniser le régime des brevets et transposer le « Paquet marques » ;

- habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances plusieurs directives en lien avec les entreprises et la sécurité financière ;

- privatiser Aéroport de Paris et la Française des jeux , revoir la composition du capital d' Engie et de GRT gaz et réformer le régime de l'action spécifique .

Sans se prononcer sur les objectifs du projet de loi ni sur la pertinence des mesures proposées, la commission des affaires européennes s'est attachée une nouvelle fois 3 ( * ) à examiner les transpositions proposées et à identifier les sur-transpositions, afin que la commission spéciale puis le Sénat puissent les apprécier en connaissance de cause.

Or, si l'étude d'impact, qui accompagne le projet de loi, procède à une analyse des effets des dispositions proposées et fait généralement référence au droit européen applicable, elle omet trop souvent de mentionner les options ouvertes par le texte européen qui ne sont pas retenues ou qui pourraient ne pas l'être, ou encore d'évaluer la pertinence du maintien en droit interne de dispositions compatibles avec la directive mais qui s'ajoutent au droit européen 4 ( * ) .

Dès lors, et dans la mesure où l'essentiel des transpositions de directives et des mesures d'application de règlements résultent d'ordonnances , généralement déjà entrées en vigueur, le contrôle effectif du Parlement sur les choix de transposition opérés par le Gouvernement est fortement limité .

Par ailleurs, dans le cadre de la démarche annoncée par le Premier ministre fin 2017, le projet de loi procède à des suppressions bienvenues de sur-transpositions, parfois récentes, du droit européen en droit français, et à quelques mises en conformité tardives avec le droit européen.

Il comporte également des mesures purement nationales de soutien aux entreprises et à l'activité économique, dans le respect du cadre européen en matière d'aides d'État, de libre circulation des capitaux, de liberté d'établissement ou encore de droit de la concurrence.

Enfin, il met en place des dispositifs de modernisation qui s'inscrivent dans la logique européenne et pourraient inspirer des évolutions futures.

UNE PRATIQUE ÉTENDUE DE TRANSPOSITION DU DROIT EUROPÉEN PAR VOIE D'ORDONNANCES QUI NE PERMET PAS UN CONTRÔLE EFFECTIF DU PARLEMENT SUR LES OPTIONS RETENUES PAR LE GOUVERNEMENT

Le projet de loi procède à une transposition partielle de la seule directive du 17 mai 2017 tendant à favoriser l'engagement à long terme des actionnaires, dont l'objet s'inscrit sans conteste dans les objectifs que le Gouvernement souhaite promouvoir.

Les autres textes européens intervenus au cours des trois dernières années dans le domaine économique et financier, ont été ou seront transposés en droit français par voie d'ordonnances, à l'exception de la directive concernant le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité et de l'exploitation d'une option ouverte par le règlement « Prospectus 3 ».

Au motif de la technicité des dispositions à transposer et des coordinations à mettre en oeuvre, le projet de loi propose en effet d'habiliter le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnances à la transposition de plusieurs directives récentes ainsi que de directives en fin de négociation au niveau européen qui devraient être adoptées début 2019, avant les élections européennes, concernant les entreprises, les marchés financiers et certaines activités économiques.

Or, même si le Conseil d'État considère que les termes des habilitations sont suffisamment précis 5 ( * ) , la plupart d'entre elles ne mentionnent pas les options proposées par la directive qui seront retenues par le Gouvernement, pas plus qu'elles n'indiquent pourquoi d'autres options, de nature à renforcer la compétitivité des entreprises françaises, seront écartées.

Pourtant, c'est précisément la mise en oeuvre ou non, selon le cas, de ces facultés qui conduit trop souvent le droit français à alourdir les obligations pesant sur les entreprises françaises et, partant, à entraver leur compétitivité au regard de leurs concurrentes européennes, comme l'a notamment montré le rapport d'information présenté par notre collègue René Danesi, au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation sénatoriale aux entreprises, sur la sur-transposition du droit européen en droit français 6 ( * ) .

La circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017, relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact, indique à cet égard que le Gouvernement entend cantonner strictement les mesures qui nuisent à la compétitivité des entreprises 7 ( * ) . Or l'examen du projet de loi peut laisser augurer que la mise en oeuvre de cette approche risque d'être encore trop limitée, qu'il s'agisse de la non exploitation de facultés ouvertes par le texte européen, du maintien de mesures antérieures à la transposition en dépit de l'harmonisation européenne, ou de l'introduction d'obligations s'ajoutant à ce qu'exige la stricte transposition du texte européen.

QUELQUES RARES MESURES DE TRANSPOSITION PAR LA LOI  ASSORTIES DE RENVOIS À DES ORDONNANCES

LA TRANSPOSITION PARTIELLE DE LA DIRECTIVE 2017/828/UE MODIFIANT LA DIRECTIVE 2007/36/CE EN VUE DE PROMOUVOIR L'ENGAGEMENT À LONG TERME DES ACTIONNAIRES

La directive 2017/828/UE du 17 mai 2017, qui a modifié la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires, part du constat que « l'engagement concret et durable des actionnaires est l'une des pierres angulaires du modèle de gouvernance des sociétés cotées qui repose sur l'équilibre des pouvoirs entre les différents organes et les différentes parties prenantes » 8 ( * ) .

Afin de favoriser l'engagement à long terme des actionnaires, elle prévoit un ensemble de mesures destinées à assurer la transparence des politiques d'actionnariat, de rémunération des dirigeants, de conseil de vote, ou encore des conflits d'intérêts en cas de transactions avec des parties liées.

Elle met en place des mécanismes incitatifs pour promouvoir les investissements à long terme des gestionnaires d'actifs et assurer une surveillance de la gestion de ces investissements et de l'implication actionnariale des investisseurs institutionnels, notamment en vérifiant :

- la compatibilité de la stratégie d'investissement en actions des investisseurs institutionnels avec le profil et la durée de leurs engagements, en particulier à long terme, et les accords qu'ils concluent avec les gestionnaires d'actifs qui investissent pour leur compte (art.  3 nonies ) ;

- le respect de ces accords par la stratégie d'investissement des gestionnaires d'actifs et sa contribution aux performances à moyen et long terme des actifs de l'investisseur institutionnel ou du fonds (art.   3 decies ).

L'article 66 du projet de loi complète sur ce point certaines dispositions du droit français pour le mettre en harmonie avec la directive. Il introduit en outre le service de conseil de vote et élargit le champ d'application de certaines des obligations de transparence existantes. Pour le reste, il renvoie très largement à des ordonnances le soin de transposer la directive.

La politique d'engagement actionnarial des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs

Conformément à l'article 3 decies de la directive, l'article 66 du projet de loi modifie le livre V du code monétaire et financier pour faire obligation aux « gestionnaires d'actifs », en particulier les sociétés de gestion d'OPCVM ou de fonds d'investissement alternatifs (FIA), régis par la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011, d'élaborer et de publier une politique d'engagement actionnarial décrivant la manière dont elles intègrent leur rôle d'actionnaire dans leur stratégie d'investissement et de publier chaque année un compte rendu de la mise en oeuvre de cette politique. Il complète à cet effet l'article L. 533-22, qui prévoit déjà des obligations de transparence en matière de politique de vote pour les seules sociétés de gestion, selon des modalités détaillées par le règlement général de l'AMF et qui vont au-delà de ce qu'impose la directive 9 ( * ) .

Le projet de loi identifie par ailleurs les « investisseurs institutionnels » , catégorie prévue par la directive mais qui n'est pas directement définie en droit français, et leur rend applicables les mêmes obligations d'information sur leur politique d'engagement actionnarial, en conformité avec les articles 3 octies et 3 nonies de la directive.

La transparence du service de conseil de vote

La directive encadre pour la première fois l'activité des conseillers en vote pour en assurer la transparence (art. 3 undecies ), en précisant les obligations qui s'imposent à eux :

- rendre public le code de conduite qu'ils appliquent et faire un rapport sur son application (§1) 10 ( * ) ;

- publier chaque année sur leur site internet des informations sur la préparation de leurs recherches, de leurs conseils et de leurs recommandations de vote (§2) ;

- communiquer sans retard à leurs clients tout conflit d'intérêt réel ou potentiel susceptible d'influencer la préparation de leurs recherches, de leurs conseils et de leurs recommandations de vote (§3).

Le §I de l'article 66 du projet de loi reprend ces dispositions de la directive dans une sous-section nouvelle du code monétaire et financier consacrée au service de conseil de vote relatif aux actions des sociétés cotées dans un État membre. Il en précise le champ d'application, incluant, comme le prévoit la directive 11 ( * ) , les conseillers dont le siège social est situé hors de France mais qui opèrent au moyen d'une entité en France.

Ainsi que l'indique l'étude d'impact : « aucune option n'est offerte par la directive sur cette partie. La transposition proposée ne prévoit (...) que ce qui est nécessaire pour la mise en oeuvre de la directive ».

L'approbation de la politique de rémunération des dirigeants par les actionnaires

La directive prévoit l'approbation de la politique de rémunération des dirigeants par les actionnaires (art. 9 bis ) et l'établissement d'un rapport annuel sur la rémunération dont elle précise le contenu (art. 9 ter ). Les États membres peuvent toutefois (§3) décider que ce vote est consultatif.

L'article L. 225-37-2 du code de commerce français , modifié par l'o rdonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés, prévoit d'ores et déjà l'approbation par l'assemblée générale des éléments de rémunération des dirigeants .

Afin, précise l'étude d'impact, de mettre en place un dispositif unifié et contraignant d'encadrement de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, le §V de l'article 66 du projet de loi habilite le Gouvernement à adapter le code de commerce aux articles 9 bis et 9 ter de la directive.

L'Assemblée nationale , sur proposition de plusieurs de ses membres, a introduit dans le projet de loi un article 62 ter, qui vise à compléter le contenu du rapport sur le gouvernement d'entreprise des sociétés cotées par des informations portant sur le niveau de la rémunération de chaque dirigeant au regard de la rémunération moyenne et de la rémunération médiane des salariés 12 ( * ) . Cette exigence de publication d'un « ratio d'équité » faisant apparaître l'écart entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane dans chaque société contrôlée va au-delà de ce qu'impose la directive qui prévoit une information sur « l'évolution annuelle de la rémunération des dirigeants (...) et de la rémunération moyenne »  des autres salariés « présentée d'une manière qui permette la comparaison » (art. 9 ter , 1 b).

Le vote sur les transactions avec les parties liées

La directive renforce l'information sur les transactions avec les parties liées (art. 9 quater ) et prévoit que l'assemblée générale vote sur les transactions importantes qui ont été approuvées par l'organe d'administration ou de surveillance de la société (§4). Elle prévoit en outre la possibilité pour les États membres d'exiger une attestation d'équité en la matière (§3).

Le §III de l'article 66 du projet de loi apporte les modifications nécessaires au code de commerce pour assurer la transposition de la directive, étant observé que le droit français comporte d'ores et déjà des dispositions excluant la participation au vote à l'assemblée générale comme au conseil, de toute personne intéressée. L'étude d'impact détaille les conséquences juridiques des modifications proposées dans un tableau récapitulatif.

Il est à noter que le projet de loi ne prévoit pas l'établissement d'une attestation d'équité dont la directive fait une simple faculté.

L'identification des actionnaires dans les sociétés cotées

Les articles 3 bis et 3 quater de la directive comporte un ensemble de dispositions destinées à permettre aux émetteurs qui le souhaitent d'identifier leurs actionnaires 13 ( * ) afin de « mieux appréhender leurs attentes » et de « mieux communiquer avec eux ». Le dispositif d'identification fait peser des obligations de communication sur les intermédiaires, y compris lorsque leur siège n'est pas établi au sein de l'Union européenne.

La directive prévoit en outre une transparence sur les coûts associés à l'exercice de leurs droits de participation aux assemblées générales par les actionnaires.

Le règlement d'exécution 2018/1212/UE de la Commission du 3  septembre 2018 a fixé des exigences minimales pour la mise en oeuvre des dispositions de la directive 2007/36/CE en ce qui concerne l'identification des actionnaires. Il est applicable à compter de septembre 2020.

De manière générale, le dispositif prévu par la directive est proche du droit français en vigueur qui est complété par le §III de l'article 66 du projet de loi. Ainsi, en l'état, l'identification des actionnaires s'applique d'ores et déjà à toute participation excédant 0,25 % du capital, soit un seuil inférieur au plafond fixé à 0,5 % par la directive .

Il est toutefois à noter que le projet de loi ne prévoit pas que l'émetteur peut demander à un intermédiaire ou à un PSI de recueillir les informations concernant l'identité des actionnaires, à moins que le Gouvernement se réserve la faculté de l'introduire par voie d'ordonnance.

Le rétablissement par l'Assemblée nationale du droit des actionnaires à la communication des opérations courantes intra-groupes conclues à des conditions normales

L'Assemblée nationale a ajouté un nouvel alinéa à l'article 66 pour rétablir le droit des actionnaires à la communication des opérations courantes intra-groupes conclues à des conditions normales.

Supprimée par le Sénat en 2011 en raison de sa lourdeur administrative et de son absence d'utilité, cette obligation n'est pas prévue par le droit européen .

La transposition de la directive 2017/828/UE ne revient pas sur les modalités actuelles d'information très détaillées en matière de politique de vote aujourd'hui imposées aux sociétés de gestion, au-delà de ce que prévoit la directive . Il n'est toutefois pas exclu que la mise en conformité prévue par voie d'ordonnance allège certaines d'entre elles.

L'Assemblée nationale a introduit l'obligation de faire figurer un ratio d'équité dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise faisant apparaître l'écart entre la rémunération de chaque dirigeant et la rémunération médiane dans chaque pays où l'entreprise est implantée, là où la directive prévoit simplement une information sur l'évolution annuelle de la rémunération des dirigeants et de la rémunération moyenne des autres salariés, présentée d'une manière qui en permette la comparaison .

Elle a également rétabli le droit des actionnaires à la communication des opérations courantes intra-groupes conclues à des conditions normales, qui n'est pas prévu par le droit européen, charge que le Sénat avait estimé lourde et inutile.

L'INTRODUCTION DU NOUVEAU RANG DE PRIORITÉ DES CRÉANCIERS DES ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT ET DES COMPAGNIES FINANCIÈRES HOLDING PRÉVU PAR LA DIRECTIVE 2017/2399/UE DU 12 DÉCEMBRE 2017 MODIFIANT LA DIRECTIVE 2014/59/UE EN CE QUI CONCERNE LE RANG DES INSTRUMENTS DE DETTE NON GARANTIE DANS LA HIÉRARCHIE EN CAS D'INSOLVABILITÉ

La directive 2017/2399/UE a modifié la hiérarchie des créances des instruments de dette non garantie en cas d'insolvabilité en créant un nouveau rang de priorité au profit des créanciers des entreprises d'investissement et des compagnies financières holding , rang qui les place devant les créanciers ordinaires et après les titulaires de créances subordonnées ou chirographaires.

Le dispositif français a été récemment réformé, dans un sens très proche de celui de la directive, par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 ». Toutefois l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier réserve, en l'état, le privilège de ce rang de priorité, aux seuls créanciers d'établissements de crédit.

L'article 68 du projet de loi en étend donc le bénéfice de ce rang de priorité aux créanciers des entreprises d'investissement et des compagnies financières holding et fixe les modalités d'application aux procédures en cours du rang de ces dettes communément dites « senior non préférées ».

Il est à noter que le droit européen en matière d'insolvabilité des entreprises est encore en cours de modification. Une proposition de directive relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration, d'insolvabilité et d'apurement et modifiant la directive 2012/30/UE a en effet été présentée en novembre 2016 par la Commission européenne et devrait être adoptée avant les élections européennes 14 ( * ) . L'article 64 du projet de loi propose d'ores et déjà d'habiliter le Gouvernement à en assurer la transposition par voie d'ordonnances.

Conformément à la directive 2017/2399/UE, le bénéfice du nouveau rang de priorité de certains instruments de dette non garantie en cas d'insolvabilité est étendu aux créanciers des entreprises d'investissement et des compagnies financières holding.

L'EXPLOITATION SOUS CONDITION DE L'OPTION DE DISPENSE DE PUBLICATION D'UN PROSPECTUS POUR LES OFFRES D'UN MONTANT INFÉRIEUR À 8   MILLIONS D'EUROS PRÉVUE PAR LE RÈGLEMENT 2017/1129 « PROSPECTUS 3 »

L'article 22 du projet de loi aménage partiellement le droit français des offres publiques de titres financiers 15 ( * ) pour supprimer des dispositions du droit national contraires au règlement Prospectus 3 du 14 juin 2017 16 ( * ) , qui sera directement applicable en droit interne à compter du 21 juillet 2019, et intégrer dans les offres au public de titres financiers des offres qui ne sont pas aujourd'hui considérées comme telles.

Il tire en outre les conséquences du fait qu'une récente modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF), homologuée par arrêté du 11 juillet 2018, a d'ores et déjà fait usage d'une option prévue par l'article 4 de ce règlement en retenant le seuil maximal de 8 millions d'euros (contre 5 millions auparavant), en deçà duquel l'offre au public de titres n'est pas soumise à l'obligation de publier un prospectus .

Cette mesure, présentée comme s'inscrivant dans l'objectif de compétitivité du droit financier français, ne prive toutefois pas les souscripteurs d'informations : le projet de loi prévoit en effet qu'en pareil cas un document, qui n'est pas prévu par le règlement européen, doit être publié à leur intention. Ce document devra être déposé auprès de l'AMF ; son régime et son contenu seront précisés par le règlement général ce celle-ci.

On signalera par ailleurs que certaines dispositions existantes, issues de la transposition de la directive Prospectus, devraient être maintenues pour les offres au public non couvertes par le règlement Prospectus . Il en est ainsi, par exemple, des dispositions relatives au caractère complet, cohérent et compréhensible du document d'information destiné au public, prévu à l'article L. 621-8-1 du code monétaire et financier, qui pourraient conserver une utilité pour les offres au public de titres non financiers que sont par exemple les parts sociales de banques mutualistes mentionnées à l'article L. 512-1 du code monétaire et financier. Il convient toutefois d'observer que l'habilitation prévue au § II, 3 ° ne fournit pas de précisions à cet égard.

La France a retenu le seuil maximal de dispense de prospectus autorisé par le règlement Prospectus 3 mais le projet de loi fait obligation à l'émetteur d'établir , à l'intention du souscripteur, un document d'information qui n'est pas prévu par le règlement .


* 1 Présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018, il comportait initialement 73 articles. Adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, le 15 septembre 2018, il a été complété par quelques 131 articles additionnels, introduits sur proposition de la commission spéciale constituée pour son examen, du Gouvernement ou de députés.

* 2 Voir résumé synthétique à la page suivante.

* 3 Voir par exemple ces observations sur le projet de loi devenu la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, qui prévoit les mesures d'application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) ( rapport d'information n° 344 (2017-2018) de M.°Simon Sutour ), sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur ( rapport d'information n° 345 (2017-2018) de M. Jean-François Rapin ), ou encore sur la proposition de loi devenue la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires qui porte transposition de la directive (UE) 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicite ( rapport d'information n° 406 (2017-2018) de M. Philippe Bonnecarrère ).

* 4 L'avis du Conseil d'État, dont ce n'est pas l'objet, n'en fait pas non plus mention, sauf lorsqu'une option est exploitée par le projet de loi ; il s'assure alors qu'elle est en conformité avec le texte européen.

* 5 L'avis de l'assemblée générale du Conseil d'État du 14 juin 2018, joint au projet de loi, précise au point 5 de ses observations liminaires que : « Le Conseil d'État veille à définir avec une précision suffisante les finalités et le domaine d'intervention de ces ordonnances, sans cependant les détailler de manière excessivement contraignante au regard des finalités poursuivies. ».

* 6 Rapport d'information n° 614 (2017-2018) La sur-transposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises.

* 7 Le Gouvernement se positionne ainsi dans la continuité de ses prédécesseurs, qui avaient déjà, par des circulaires des 17 février 2011 et 27 juillet 2013, appelé à écarter toute mesure de transposition allant au-delà de la règle européenne .

* 8 Considérant 14.

* 9 Art. 319-21 et ss.

* 10 Selon le principe « comply or explain ».

* 11 Art. 3 undecies §4.

* 12 Les auteurs de l'amendement font valoir qu'il « vise à traduire dans la loi l'engagement de campagne du Président Emmanuel Macron, qui souhaitait faire « publier par les grandes entreprises un ratio d'équité mesurant l'écart de rémunération entre le dirigeant et les salariés » et signalent qu'une « mesure similaire a été introduite aux États-Unis par la loi Dodd-Frank pour les entreprises cotées, qui ont publié pour la première fois en 2018, et au Royaume-Uni, qui rentrera en vigueur en 2019 » .

* 13 Pour les actions cotées revêtant la forme de titres au porteur.

* 14 COM/2016/0723 final.

* 15 Le régime français actuel des offres publiques de titres financiers trouve ses origines dans la notion proprement française d'appel public à l'épargne supprimée par l'ordonnance n° 2009-80 du 22  janvier 2009 relative à l'appel public à l'épargne et portant diverses dispositions en matière financière en raison de sa non-conformité au droit européen. Le dernier état du droit résulte de la transposition de la directive 2010/73/UE du 24 novembre 2010 par l'ordonnance n° 2012-1240 du 8  novembre 2012 portant transposition de la directive Prospectus.

* 16 Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE.

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