N° 271

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2019 ,

Par MM. Jean BIZET et Simon SUTOUR,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, Mme Véronique Guillotin, M. Pierre Ouzoulias , vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert .

AVANT-PROPOS

La Commission européenne a présenté, le 25 octobre dernier, son programme de travail pour 2019, intitulé « Tenir nos engagements et préparer l'avenir » .

L'année 2019 sera marquée par l'élection d'un nouveau Parlement européen et le renouvellement concomitant de la Commission européenne. Le programme de travail présenté par l'exécutif actuel est, dans ces conditions, limité à 15 initiatives qui viennent compléter les annonces formulées par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union prononcé le 12 septembre 2018. Elles visent principalement cinq domaines :

- les migrations ;

- l'Union économique et monétaire ;

- les échanges commerciaux ;

- les atteintes à l'État de droit au sein de l'Union européenne ;

- la recherche d'un accord avec le Royaume-Uni en vue de sa sortie de l'Union européenne.

Le programme de travail pour 2019 est également l'occasion de dresser un bilan des propositions présentées depuis l'entrée en fonction de la Commission européenne en novembre 2014. D'après l'exécutif, près de la moitié des textes ont été adoptés par le Parlement européen et le Conseil, le processus législatif étant bien avancé pour 20 % des propositions restant en examen. La Commission européenne entend aujourd'hui faire aboutir en priorité les textes dont l'adoption peut apparaître aujourd'hui lointaine. 45 propositions sont, en effet, encore en instance d'examen. La dernière session plénière du Parlement européen est prévue à la mi-avril 2019. La Commission européenne entend également poursuivre son travail d'évaluation de la législation existante dans le cadre du programme REFIT. Elle entend également retirer ou abroger 17 propositions en attente ou actes législatifs existants.

Le programme de travail vise enfin la préparation du Conseil européen de Sibiu (Roumanie) qui se tiendra le 9 mai 2019. Ce Sommet sera principalement consacré à l'avenir de l'Union européenne. Comme à l'occasion du programme de travail pour 2018, la Commission européenne entend présenter plusieurs « contributions prospectives » destinées à « renouveler la confiance en l'avenir de notre Union à 27 ».

Comme lors des précédents exercices, la commission des affaires européennes a souhaité analyser le programme de travail annuel de la Commission européenne et rappeler, à cette occasion, ses positions sur la plupart des grands sujets européens .

I. LA POURSUITE DE L'ACTION LÉGISLATIVE

A. LES MESURES EN FAVEUR DE L'EMPLOI ET DE LA COMPÉTITIVITÉ

Les annonces de la Commission européenne couvrent essentiellement l'approfondissement du marché unique, via des approches sectorielles (énergie, santé, numérique) ou plus générales (harmonisation, investissement, transposition).

1. Le marché unique connecté

30 initiatives législatives ont été présentées dans ce domaine depuis novembre 2014. 18 ont d'ores et déjà été adoptées. La Commission espère que les textes relatifs au droit d'auteur, au droit des contrats et au respect de la vie privée dans les communications électroniques seront bientôt votés. Les textes concernant la cybersécurité (réseau des centres nationaux, centre européen de recherche) font également figure de priorité.

Trois initiatives non-législatives sont prévues par la Commission européenne dans le cadre du programme de travail pour 2019.

La première, présentée en décembre 2018, consiste en un plan coordonné sur le développement de l'intelligence artificielle en Europe 1 ( * ) . Le document définit plusieurs priorités :

- maximiser les investissements par l'intermédiaire de partenariats. La Commission européenne souhaite qu'au moins 20 milliards d'euros d'investissements publics et privés soient consacrés à la recherche et l'innovation dans le domaine de l'intelligence artificielle d'ici à la fin de 2020, et plus de 20 milliards d'euros par an d'investissements publics et privés au cours de la décennie suivante. En complément des investissements nationaux, la Commission va investir 1,5 milliard d'euros d'ici à 2020, soit une augmentation de 70 % par rapport à la période 2014-2017. La Commission européenne envisage, en outre, au sein du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, une enveloppe dédiée de 7 milliards d'euros au titre du programme Horizon Europe et du Programme pour une Europe numérique ;

- créer des espaces européens des données communs afin de permettre un partage des données transfrontières fluide, tout en veillant à ce que le règlement général sur la protection des données soit pleinement respecté ;

- favoriser le talent, les compétences et l'apprentissage tout au long de la vie en accordant un soutien aux diplômes avancés dans le domaine de l'intelligence artificielle au moyen, par exemple, de bourses d'études spécifiques ;

- développer une intelligence artificielle éthique et digne de confiance. Un groupe européen d'experts, composé de représentants des milieux universitaires, des entreprises et de la société civile, devrait présenter des lignes directrices à la Commission en mars 2019. L'ambition est, ensuite, de porter l'approche éthique de l'Europe sur la scène mondiale.

Votre commission des affaires européennes présentera dans les prochaines semaines un rapport complet sur cette question. Il apparaît, en tout état de cause, indispensable de progresser dans deux directions : promouvoir une approche éthique et investir massivement dans ce domaine en vue de créer de véritables champions européens. Votre commission des affaires européennes a ainsi récemment soutenu la volonté de la Commission européenne d'augmenter l'effort financier en faveur de la recherche et de l'innovation 2 ( * ) . Elle a jugé que le budget proposé par la Commission européenne ne devait pas être diminué lors des négociations à venir sur l'ensemble du cadre financier pluriannuel. Il s'agit de permettre à l'Union européenne de rester en pointe dans la compétition mondiale.

Vos rapporteurs rappellent que toute ambition dans ce domaine, comme dans les autres secteurs industriels, doit être associée à une réflexion sur la mise en oeuvre de la politique de la concurrence à l'échelle européenne en adaptant la notion de marché pertinent aux enjeux de la mondialisation. Cette réflexion doit aller de pair avec la mise en oeuvre de dispositifs permettant de neutraliser l'effet des sanctions extraterritoriales américaines sur les opérateurs économiques et financiers européens. Là encore, le sujet dépasse le seul secteur du numérique. Vos rapporteurs insistent pour que soient appliquées les solutions préconisées par le Sénat, à l'initiative de votre commission des affaires européennes 3 ( * ) .

Un deuxième plan, visant cette fois-ci la désinformation, a également été rendu public le 5 décembre dernier 4 ( * ) . Il s'inscrit dans le prolongement de la communication de la Commission publiée en avril dernier 5 ( * ) . L'ambition affichée est de lutter contre la propagation de fausses nouvelles, susceptibles de biaiser le débat démocratique. Le document préconise quatre types de mesures :

- un renforcement de la détection : les task forces sur la communication stratégique et la cellule contre les menaces hybrides au sein du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), ainsi que les délégations de l'Union dans les pays voisins devraient obtenir le renfort de nombreux personnels spécialisés et d'outils d'analyse de données. Le budget de la communication stratégique du SEAE, destiné à la lutte contre la désinformation et à la sensibilisation aux effets néfastes de celle-ci, devrait dans le même temps passer de 1,9 million d'euros en 2018 à 5 millions d'euros en 2019 ;

- la coordination de la riposte, via la mise en place d'un système spécifique d'alerte rapide entre l'Union européenne et les États membre. Le dispositif devrait ainsi faciliter le partage des données et des analyses des campagnes de désinformation et signaler les menaces de désinformation en temps réel ;

- la mise en oeuvre rapide, par les plateformes en ligne signataires, du code de bonnes pratiques européen publié le 26 septembre dernier, en donnant la priorité aux mesures urgentes en vue des élections européennes de 2019. Il s'agit notamment de garantir la transparence de la publicité à caractère politique, d'intensifier les efforts pour fermer les faux comptes toujours actifs, de signaler les interactions non humaines - messages diffusés automatiquement par des robots informatiques, appelés «bots» - et de coopérer avec des vérificateurs de faits et des chercheurs universitaires pour détecter les campagnes de désinformation et améliorer la visibilité et la diffusion de contenus vérifiés ;

- l'organisation de campagnes de sensibilisation ciblées et la promotion de l'éducation aux médias au moyen de programmes spécifiques.

La Commission européenne entend également publier, au premier trimestre 2019, une recommandation visant à établir un format européen d'échanges de dossiers de santé informatisés .

2. Économie circulaire et Union de l'énergie

L'intervention de la Commission européenne en matière énergétique devrait se limiter à trois initiatives non-législatives.

La première vise la mise en oeuvre de l'accord de Paris. La stratégie en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne publiée le 28 novembre 2018 prévoit ainsi une diminution de ces émissions d'environ 45 % à l'horizon 2030, ce qui permettrait à l'Union européenne de dépasser l'objectif assigné dans le cadre de l'accord de Paris, fixé à 40 %.

Les deux autres devraient prendre la forme de rapports d'étape sur l'Union de l'énergie et sur le plan stratégique sur les batteries.

La priorité dans le domaine énergétique consiste avant tout, pour la Commission européenne, en l'adoption des 25 textes encore en discussion.

Il en va ainsi de la législation sur les marchés de l'électricité, des propositions en matière de mobilité ou des règles communes applicables aux gazoducs. S'agissant de celles-ci, il convient de rappeler les observations formulées par le Sénat à l'initiative de votre commission des affaires européennes en 2018 6 ( * ) . Selon elle, le dispositif ne respectait pas le principe de subsidiarité. Les mesures proposées par la Commission européenne interviennent, en effet, dans un domaine régi jusqu'à présent par des accords internationaux qui peuvent être intergouvernementaux ou commerciaux, à l'image du gazoduc Nord Stream 2 , et ne sont pas de nature à renforcer la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union. Elles aboutissent donc à interférer dans les compétences des États membres au titre de la négociation des accords internationaux et d'accords commerciaux portant sur la réalisation d'infrastructures. Elles conduisent ainsi à étendre le domaine d'application du droit de l'Union en dehors de ses frontières, sans que cette extension ne trouve une base juridique dans les traités européens. Or, si l'application de ces dispositions empêchait la réalisation d'un gazoduc, il en résulterait une atteinte à la souveraineté de l'État membre concerné pour déterminer les conditions générales de son approvisionnement énergétique. De surcroît, les gazoducs sous-marins sont actuellement régis par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, qui n'autorise pas les parties à contrôler l'utilisation commerciale de ces infrastructures.

Une évaluation de la législation existante sera également mise en oeuvre. Elle concernera :

- la directive « inondations » et celle relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ;

- les directives concernant la qualité de l'air ambiant ;

- le règlement concernant le transfert des déchets.

3. L'approfondissement du marché intérieur

La question du marché intérieur n'est abordée dans le programme de travail qu'au travers de trois communications.

a) La question de l'investissement

La première, présentée le 22 novembre 2018, consiste en un premier bilan du plan d'investissement pour l'Europe. Le document cible deux objectifs :

- supprimer les obstacles réglementaires en mettant en oeuvre des stratégies adaptées en faveur du marché unique, du marché unique numérique, de l'union des marchés des capitaux et de l'union de l'énergie. La priorité allant à la mise en place des derniers éléments constitutifs de l'union des marchés des capitaux ;

- soutenir les États membres afin qu'ils poursuivent la mise en oeuvre de réformes structurelles favorables aux entreprises, en particulier en ce qui concerne l'efficacité des systèmes judiciaires.

De manière générale, vos rapporteurs dressent un bilan positif du plan d'investissement pour l'Europe. Comme l'a relevé récemment votre commission des affaires européennes dans une proposition de résolution européenne, les résultats obtenus par le fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) en termes de mobilisation de financements publics et privés et de création d'emplois dans les secteurs des infrastructures, de l'innovation et des PME, depuis sa mise en place en 2015, sont patents 7 ( * ) . Le FEIS a contribué à remédier au déficit global persistant de l'investissement public et privé au sein de l'Union européenne. La mise en oeuvre de son successeur, le plan InvestEU à compter de 2021, doit désormais être appuyée, d'autant que son champ d'intervention est élargi à de nouveaux secteurs. Reste à préciser le règlement qui en détermine les contours en précisant notamment le rôle de la Banque européenne d'investissement (BEI) dans la gouvernance du programme, en ouvrant plus facilement sa mise en oeuvre à des banques et institutions nationales de développement et en réduisant le délai de démarrage des projets.

b) L'harmonisation des normes

Une deuxième communication, publiée en novembre 2018, vise l'amélioration du marché intérieur via un renforcement de l'harmonisation des normes 8 ( * ) . Présenté sous la forme d'un plan d'action, le document fixe comme objectif une amélioration de l'efficacité, de la transparence et de la sécurité juridique dans l'élaboration de normes harmonisées. La Commission européenne souhaite que le système européen de normalisation soit à la hauteur des défis que posent l'évolution rapide des technologies, les nouvelles tendances économiques et les modèles de croissance émergents, tout en encourageant des synergies avec les normes internationales et mondiales. Il s'agit, notamment, d'accompagner l'apparition des objets connectés, des mégadonnées, des techniques de fabrication avancées, de la robotique, de l'impression 3D, des blockchains et de l'intelligence artificielle. Les normes harmonisées doivent, dans le même temps, garantir un niveau élevé de protection en matière de sécurité, de santé, de protection des consommateurs et de l'environnement.

La communication présente quatre actions-clés en vue de concilier ces objectifs :

- réduire aussi rapidement que possible l'arriéré de normes harmonisées dont la référence n'a pas encore été publiée au Journal officiel de l'Union européenne ;

- rationaliser les processus décisionnels internes, notamment les décisions de publier les références aux normes harmonisées au Journal officiel de l'Union européenne ;

- élaborer un document d'orientation sur les aspects pratiques de la mise en oeuvre du règlement sur la normalisation ;

- renforcer le système de consultants de manière continue afin de faciliter une évaluation rapide et rigoureuse des normes harmonisées et une publication dans de brefs délais au Journal officiel.

Vos rapporteurs estiment que ce travail de normalisation et d'harmonisation est indispensable si on entend assigner à l'Europe une véritable ambition industrielle, en particulier dans le domaine du numérique. Seules des normes harmonisées à l'échelle de l'Union européenne permettront de rivaliser avec les États-Unis et les pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Tous les moyens doivent être mis en oeuvre afin de progresser rapidement vers cet objectif, tant la concurrence est extrême et le risque de se voir imposer des normes de pays tiers est grand.

Votre commission des affaires européennes a, par ailleurs, récemment insisté, dans un rapport publié avec la délégation aux entreprises du Sénat, sur la nécessité, pour les autorités françaises, de s'investir dans le travail de normalisation à l'échelle européenne 9 ( * ) . Si la présence de la France est forte au sein du Comité européen de normalisation (CEN) - elle détient 21 % des secrétariats des comités et sous-comités et 19 % des responsabilités des groupes de travail -, elle demeure inférieure à celle de l'Allemagne, pour laquelle les chiffres atteignent respectivement 30 % et 35 %. Au Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec), la France dispose de 18 % des secrétariats des comités et task forces , se plaçant en troisième position, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni 10 ( * ) . Il convient de rappeler qu'à la mi-2016, plus de 4 400 normes issues du CEN et du Cenelec venaient en appui de plus de 40 textes européens 11 ( * ) . Dans ces conditions, il semble indispensable de développer une véritable stratégie d'influence au sein des comités de normalisation européens en vue d'y faire valoir les procédés de fabrication industrielle français et d'accompagner ainsi les évolutions technologiques citées plus haut.

c) L'avenir du marché unique

Le plan d'action de la Commission européenne est accompagné d'une communication sur le marché unique 12 ( * ) .

La Commission met en avant trois priorités pour approfondir et renforcer le marché unique :

- adopter rapidement les propositions actuellement en discussion : 44 textes doivent encore faire l'objet d'un accord ;

- faire en sorte que la réglementation se traduise en résultats tangibles, ce qui suppose une transposition optimale dans les États membres ;

- poursuivre le travail d'adaptation du marché unique en favorisant une intégration économique plus poussée dans les domaines des services, des produits, de la fiscalité et des industries de réseau.

Vos rapporteurs ne peuvent qu'appuyer une telle orientation tant elle doit permettre de renforcer l'attractivité de l'économie européenne et conférer à l'Union européenne un poids supplémentaire sur la scène internationale. La promotion de champions européens passe indubitablement par l'approfondissement du marché unique.

En ce qui concerne la transposition, vos rapporteurs rappellent la nécessité d'un investissement réel des autorités françaises en amont de la prise de décision européenne. Le rapport commun de votre commission des affaires européennes et de la Délégation aux entreprises du Sénat insistait ainsi sur :

- la nécessité pour le Gouvernement de mieux associer le monde économique aux négociations sur les projets d'actes législatifs européens en amont de la transposition ;

- une meilleure prise en compte par le Gouvernement des enjeux liés à la transposition en utilisant les moyens dont il dispose : réponse aux consultations européennes, saisine du Conseil d'État sur les propositions de textes européens et mise en place précoce d'équipes ministérielles de transposition afin qu'elles dialoguent avec les équipes de négociation ;

- un renforcement de l'implication du Gouvernement dans la procédure dite de « comitologie » dédiée à l'adoption des actes délégués et d'exécution, qui passerait notamment par une association plus étroite des acteurs du monde économique aux négociations sur les actes qui sont adoptés dans ce cadre ;

- un renforcement des échanges entre le Gouvernement et le Parlement sur le suivi des résolutions européennes adoptées par celui-ci et anticiper ainsi les enjeux liés à la transposition.

d) L'évaluation de la législation existante

La Commission européenne entend enfin évaluer la législation existante dans plusieurs domaines :

- la protection juridique des dessins ou modèles ;

- les produits de construction ;

- les limites maximales applicables aux résidus de pesticides et l'autorisation des produits pharmaceutiques ;

- l'information prudentielle ;

- la publication d'informations par les entreprises ;

- l'égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de même valeur ;

- le crédit à la consommation et la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs.

Sans analyser dans le détail les propositions soumises à évaluation, vos rapporteurs rappellent que les propositions de résolution et les avis politiques adoptés par votre commission des affaires européennes mettent régulièrement l'accent sur :

- la définition du périmètre qu'il est proposé d'harmoniser,

- la pertinence de la portée de l'harmonisation proposée,

- le traitement réservé aux préoccupations françaises en matière de protection des consommateurs, de lutte contre la fraude, de protection raisonnée et raisonnable de l'environnement ou encore de santé publique.

Toute démarche de la Commission européenne en vue de simplifier le droit européen ou de mieux faire respecter le principe de subsidiarité doit donc être appuyée.

4. Les perturbateurs endocriniens

Le dernier texte présenté par la Commission dans son programme de travail en ce qui concerne le marché intérieur propose un cadre complet en matière de perturbateurs endocriniens 13 ( * ) . Rendu public en novembre dernier, le document propose de :

- réduire le plus possible l'exposition globale aux perturbateurs endocriniens, en accordant une attention particulière aux expositions subies au cours de périodes importantes du développement comme la puberté ou la grossesse ;

- développer une base de recherche approfondie pour une prise de décisions efficace et tournée vers l'avenir, en s'appuyant sur les travaux de recherche existants et en accordant une attention particulière aux domaines dans lesquels les connaissances sont encore lacunaires. Cette base de données s'inscrirait dans le cadre du programme Horizon Europe ;

- organiser un forum annuel sur les perturbateurs endocriniens et renforcer le soutien de l'Union européenne aux travaux des organisations internationales.

Vos rapporteurs rappellent que votre commission des affaires européennes s'est déjà exprimée sur cette question 14 ( * ) . La résolution européenne du Sénat, adoptée à son initiative en février 2017, insistait sur la nécessité de définir des critères d'identification des perturbateurs endocriniens pour d'autres produits que les produits phytopharmaceutiques et les biocides, en visant particulièrement les cosmétiques et les emballages plastiques 15 ( * ) . Elle préconisait de pouvoir identifier un perturbateur endocrinien sur la base d'études reconnues par la communauté scientifique sans nécessairement faire l'objet d'une reconnaissance internationale. Le Sénat jugeait indispensable d'investir davantage dans la recherche pour permettre d'identifier les substances présentant un danger et souhaitait que les perturbateurs endocriniens deviennent un thème de recherche prioritaire dans le cadre des programmes de recherche européens. La création d'un groupe international de scientifiques indépendants et de haut niveau capable de fournir une information objective était également appuyée. Le Sénat s'opposait enfin fermement à toute modification du cadre réglementaire de l'utilisation de substances reconnues comme perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques, mais aussi à la mise sur le marché de substances dont le mode d'action est précisément de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles. La stratégie présentée par la Commission européenne apparaît, dans ces conditions, plus modeste que nos préconisations.


* 1 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Plan coordonné pour l'intelligence artificielle COM(2018) 795 final, 7 décembre 2018.

* 2 Proposition de résolution européenne n° 155 (2018-2019) du 22 novembre 2018 sur le futur programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » et « Horizon Europe : la recherche et l'innovation pour un sursaut industriel en Europe », rapport d'information n° 154 (2018-2019) de MM. André Gattolin et Jean-François Rapin, fait au nom de la commission des affaires européennes, 22 novembre 2018.

* 3 Résolution européenne du Sénat n° 22 (2018-2019) sur l'extraterritorialité des sanctions américaines, 12 novembre 2018, et rapport d'information n° 17 (2018-2019) de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des affaires européennes, 4 octobre 2018.

* 4 Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions - Plan d'action contre la désinformation, JOIN(2018) 36 final.

* 5 Communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions - Lutter contre la désinformation en ligne : une approche européenne, COM(2018) 236 final, 26 avril 2018.

* 6 Résolution européenne du Sénat n° 43 (2017-2018) portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel - COM (2017) 660 final, 10 janvier 2018.

* 7 Proposition de résolution européenne n° 138 (2018-2019) sur le nouveau programme d'investissement pour l'Europe (InvestEU) de MM. Didier Marie et Cyril Pellevat, au nom de la commission des affaires européennes, 19 novembre 2018.

* 8 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Normes harmonisées : renforcer la transparence et la sécurité juridique pour un marché unique pleinement opérationnel, COM(2018) 764 final, 22 novembre 2018.

* 9 La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises, Rapport d'information n° 614 (2017-2018) de M. René Danesi, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la Délégation aux entreprises, 28 juin 2018.

* 10 Ces chiffres sont issus du rapport de la commission des affaires économiques du Sénat : Où va la normalisation ? - En quête d'une stratégie de compétitivité respectueuse de l'intérêt général, Rapport d'information n° 627 (2016-2017) de Mme Élisabeth Lamure, 12 juillet 2017.

* 11 La simplification du droit : une exigence pour l'Union européenne, Rapport d'information n° 387 (2016-2017) de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, 9 février 2017.

* 12 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Le marché unique dans un monde qui change - Un atout sans égal nécessitant une volonté politique renouvelée, COM(2018) 772 final, 22 novembre 2018.

* 13 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Vers un cadre complet de l'Union européenne en matière de perturbateurs endocriniens, COM(2018) 734 final, 7 novembre 2018.

* 14 Les perturbateurs endocriniens : un enjeu de santé publique, Rapport d'information n° 293 (2016-2017) de Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires européennes, 12 janvier 2017.

* 15 Résolution européenne du Sénat n° 97 (2016-2017) du 17 février 2017 sur les perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques et les biocides.

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