III. DES DÉBATS IMPORTANTS SUR DIVERS SUJETS D'ACTUALITÉ

A. L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE ET LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX PERSONNES VULNÉRABLES

1. La lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion de l'égalité de genre

Le mardi 25 juin 2019, était organisé un débat conjoint ayant pour thèmes « La convention d'Istanbul sur la violence à l'égard des femmes : réalisations et défis » et « Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l'Europe pour l'égalité de genre ». Suite à la présentation des rapports sur chacun de ces thèmes, deux résolutions et une recommandation ont été adoptées.

Au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, Mme Zita Gurmai (Hongrie - SOC) a fait valoir, sur le premier thème, que la violence à l'égard des femmes est une violation des droits humains et une manifestation de l'inégalité profondément ancrée entre les femmes et les hommes. Afin de lutter contre ce fléau, des mesures législatives et politiques fortes sont nécessaires. La convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (dite « convention d'Istanbul »), entrée en vigueur en 2014, est l'instrument juridique le plus complet et avancé dans ce domaine à ce jour.

Cette convention a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l'Europe, signée par 11 autres ainsi que par l'Union européenne. Elle a déjà eu un impact positif en sensibilisant à la nécessité urgente de combattre la violence à l'égard des femmes et en demandant aux États Parties d'introduire des normes élevées dans leurs législations et dans leurs politiques. Cependant, plusieurs difficultés retardent de nouvelles adhésions à ce texte ou entravent son application.

Il est donc essentiel de sensibiliser à la valeur ajoutée de la convention d'Istanbul et à son impact positif, mais aussi de la soutenir aux niveaux nationaux et international. Les parlementaires ont un rôle important à jouer à cette fin, en participant activement à sa promotion et en dissipant les idées fausses. Les Parlements devraient également contribuer activement au suivi de sa mise en oeuvre.

Au nom de la commission de l'égalité et de la non-discrimination , Mme Elvira Kovacs (Serbie - PPE/DC) a, quant à elle, plaidé pour un agenda politique ambitieux du Conseil de l'Europe pour l'égalité de genre.

Elle a notamment estimé que le Conseil de l'Europe joue un rôle majeur dans la promotion de l'égalité et la lutte contre les discriminations, y compris celles fondées sur le sexe, depuis soixante-dix ans maintenant. En particulier, au cours des trente dernières années, l'Organisation a renforcé son action en faveur de l'égalité de genre et a obtenu des résultats considérables.

L'acquis du Conseil de l'Europe dans ce domaine comprend des conventions innovantes telles que la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (la « convention d'Istanbul »), la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi qu'un grand nombre de textes non contraignants du Comité des Ministres et de l'Assemblée parlementaire. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme confirme également que l'égalité de genre est l'un des principes majeurs du Conseil de l'Europe. En outre, la Stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023 du Conseil de l'Europe définit les priorités à travers six objectifs stratégiques et précise que l'objectif général de l'Organisation dans ce domaine est de parvenir à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Toutefois, l'Europe connaît ces dernières années un retour en arrière en matière de droits des femmes, qui vient s'ajouter à une discrimination persistante.

Les pouvoirs publics des États membres du Conseil de l'Europe devraient donc redoubler d'efforts pour défendre les droits des femmes et promouvoir l'égalité de genres. L'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui s'ajoute aux politiques sectorielles, est un outil efficace à cette fin. Un large éventail de politiques recommandées par le Conseil de l'Europe devrait être mis en oeuvre de façon cohérente.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a estimé que si le combat pour l'égalité n'est pas gagné, celui contre les violences à l'encontre des femmes ne le sera pas non plus. La convention d'Istanbul a été une étape essentielle dans la prise de conscience de l'importance du phénomène. Selon lui, même si c'est un outil juridique capital, il n'est pas suffisant. L'essentiel du combat doit se faire dans les esprits. Il s'est félicité que la France, qui préside actuellement le Comité des Ministres, ait inscrit cette question comme l'une de ses priorités. Par ailleurs, il a indiqué qu'en août prochain, le G7, sous présidence française, débattra de questions liées aux droits des femmes et à leur protection.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a souligné l'excellente qualité des rapports réalisés et a remercié la Présidente de l'Assemblée parlementaire pour son investissement contre les violences faites aux femmes. Elle a fait valoir que le Conseil de l'Europe s'est illustré depuis sa création par sa volonté de lutter contre les discriminations basées sur le genre. Les discriminations polymorphes reposent sur la construction d'un régime de société qui a favorisé la supériorité du genre masculin sur le genre féminin. Face à cela, la convention sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la convention d'Istanbul ont permis de disposer d'un arsenal juridique efficace, à condition qu'elles soient ratifiées et mises en oeuvre. Néanmoins, la place et le rôle des femmes dans la société sont de plus en plus contestés aujourd'hui. Cela oblige à rester vigilant et à être toujours plus intraitable face aux discriminations et aux violences envers les femmes.

Dans son intervention, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, s'est félicitée que la convention d'Istanbul serve de référence même à des pays qui n'appartiennent pas au Conseil de l'Europe, tout en regrettant que certains États membres ne l'aient pas encore ratifiée. Elle s'est inquiétée que la convention d'Istanbul demeure un acquis fragile et a déploré certains discours insinuant qu'elle conduirait au dévoiement des valeurs traditionnelles ou familiales. Dépeignant la triste et froide réalité qui s'impose à tous, elle a indiqué que, chaque année, 3 500 décès de femmes, liés à la violence domestique, sont recensés en Europe. Pour elle, ces chiffres alarmants rappellent que la lutte contre les violences faites aux femmes demeure un combat actuel.

M. André Vallini (Isère - Socialiste et républicain) a expliqué que la violence à l'égard des femmes est un véritable fléau qui continue de gangrener les sociétés européennes. Il a cependant considéré que fort heureusement les choses évoluent. Le caractère inacceptable de ces violences trouve aujourd'hui une traduction dans la plupart des législations des États membres du Conseil de l'Europe, grâce notamment à la convention d'Istanbul. Il a noté qu'un groupe de travail, le GREVIO, a été mis en place pour contrôler l'application de cette convention au sein des États membres et s'est félicité que la France fasse partie des États concernés par le prochain cycle d'évaluation. Il a également souligné que pour que les lois soient appliquées, policiers et magistrats devaient être sensibilisés à cette question. Enfin, il s'est inquiété des attaques récentes dont fait l'objet la convention d'Istanbul dans certains États membres et a appelé ses collègues à préserver les droits des femmes.

M. Dimitri Houbron (Nord - La République en Marche) a estimé que l'intérêt de la convention d'Istanbul pourrait se justifier par un chiffre : une femme sur trois, dans l'Union européenne, déclare avoir été victime de violences fondées sur le genre, à une ou plusieurs reprises depuis l'âge de 15 ans. Il a dénoncé les attaques dont fait l'objet la convention et qui manifestent une volonté claire de remettre en cause l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a déclaré militer pour sa part pour que le code pénal français intègre scrupuleusement l'article 18 de la convention d'Istanbul qui permet, par exemple, à une femme victime de violences physiques de recevoir une protection judiciaire spécifique. Il a conclu sur la nécessité de favoriser l'application concrète de la convention.

Enfin, Marie-Christine Verdier-Jouclas (Tarn - La République en Marche) a salué un rapport criant de vérité. Elle a précisé que la France encourage, sans relâche, l'ensemble des États, membres ou non du Conseil de l'Europe, à ratifier la convention d'Istanbul. Elle a rappelé ensuite qu'en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. C'est pourquoi la France met actuellement en oeuvre le cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes. Enfin, elle a souhaité que des fonds soient débloqués pour permettre de sensibiliser chacun à cette question.

2. La lutte contre les violences à l'égard des enfants

Jeudi 27 juin 2019, un débat conjoint a été organisé, ayant pour thèmes « Mettre fin à la violence à l'égard des enfants : une contribution du Conseil de l'Europe aux Objectifs de développement durable » et « Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation ». Une résolution et une recommandation ont été adoptées sur chacun de ces sujets.

Au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, la Baroness Doreen Massey (Royaume-Uni - SOC) a précisé, sur le premier thème en débat, que chaque année, la moitié des enfants dans le monde sont victimes de violences dont les coûts économiques sont estimés à 8 % du PIB mondial. La cible 16.2 des Objectifs de développement durable (ODD) visant à mettre un terme à la maltraitance, à l'exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants devrait donc être une priorité politique.

Le Conseil de l'Europe, y compris l'Assemblée parlementaire elle-même, fait de la lutte pour mettre fin à la violence à l'égard des enfants une priorité depuis plus de dix ans. Il est donc bien placé pour soutenir les États à traiter les difficultés dans ce domaine.

Pour mettre fin à la violence à l'encontre des enfants, les structures du pouvoir, les attitudes et la loi devront changer. L'APCE devrait ainsi recommander aux États membres du Conseil de l'Europe de garantir la mise en place de structures permettant de lutter efficacement contre la violence à l'égard des enfants, d'augmenter à cette fin le financement et les ressources accordés aux pays plus pauvres, et d'intensifier leur action ainsi que leur soutien dans le système des Nations Unies.

L'Assemblée parlementaire devrait aussi appeler les Parlements nationaux à s'impliquer davantage dans la mise en oeuvre et le suivi de l'objectif 16.2 des ODD, inciter le Comité des Ministres à concentrer les efforts sur l'atteinte rapide de cette cible dans les États membres, et encourager la collaboration avec les Nations Unies pour accélérer les progrès dans le monde.

Sur le second thème du débat conjoint, Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir (Islande - GUE) a, au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, attiré l'attention sur les graves menaces qui pèsent sur les enfants migrants au cours de leur périple vers l'Europe ainsi que sur les lacunes des politiques et procédures qui limitent les voies légales de migration en Europe et exposent ces enfants aux passeurs et aux trafiquants.

Son rapport condamne les pratiques violentes telles que le placement d'enfants migrants en rétention et le recours à des méthodes invasives durant la procédure de détermination de l'âge, qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur le développement physique, affectif et psychologique de l'enfant.

Il met également en évidence la nécessité, pour les Gouvernements des États membres du Conseil de l'Europe, d'adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits fondamentaux.

Les États membres sont exhortés à prendre une série de mesures législatives et à mettre en oeuvre les politiques nécessaires afin de prévenir la violence à l'égard des enfants migrants.

Au cours du débat qui s'en est suivi, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a déploré que malgré l'engagement du Conseil de l'Europe pour mettre les enfants au coeur du système des droits, la violence à leur égard persiste même dans les plus vieilles démocraties. Pour elle, les collectivités locales doivent jouer en France le rôle principal dans la protection de l'enfance car ce sujet nécessite une vraie connaissance du terrain. Il est regrettable de voir que la baisse des budgets alloués aux collectivités locales se traduise par une diminution des dépenses consacrées à la prévention, et ce au moment où les services de protection de l'enfance doivent gérer de plus en plus de cas. En outre, Mme Marie-Christine Dalloz s'est inquiétée du nombre d'enfants déscolarisés dans certains pays et des nombreux défis à venir liés à l'augmentation du nombre de familles monoparentales précaires.

Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a rappelé qu'en 2018, plus de 110 000 réfugiés étaient des enfants seuls et sans famille. Si les conditions de vie dans les centres de rétention administrative doivent être améliorées, on peut néanmoins se féliciter qu'en France et dans d'autres pays d'Europe, les mineurs soient pris en charge dans le cadre des dispositifs de la protection de l'enfance, quelle que soit leur situation ou leur nationalité, et ce malgré une pression migratoire exceptionnelle. Une coopération plus poussée avec les pays de départ et une plus grande implication de la communauté internationale pour prévenir les conflits doivent permettre une meilleure maîtrise des flux migratoires.

Pour Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain), la lutte contre les violences faites aux enfants doit être une priorité absolue, tant le bien-être de l'enfant conditionne son équilibre futur et plus largement l'avenir des démocraties. Racontant le témoignage d'une jeune fille mineure confiée à une famille française au sein de laquelle elle avait été réduite en esclavage, Mme Maryvonne Blondin a rappelé que ces faits inacceptables, amplifiés par la crise migratoire, doivent être dénoncés. Elle a insisté sur la nécessité d'augmenter les financements destinés à la protection de l'enfance pour se préparer aux crises migratoires à venir.

Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - La République en Marche) a réaffirmé l'urgence d'agir pour protéger les mineurs migrants. Le nombre de voies légales de migration vers l'Europe étant limité, les enfants migrants se retrouvent exposés à de nombreuses menaces lors de leur périple. Ils sont à jamais marqués par les troubles que génèrent la violence et l'exploitation subies pendant leur migration. Il est nécessaire d'établir une stratégie commune aux États membres du Conseil de l'Europe pour garantir une protection complète et étendue des droits fondamentaux des enfants. Les enfants migrants sont avant tout des enfants, pour lesquels le droit d'asile et une protection effective doivent être garantis.

3. La nécessité de mettre fin à la contrainte en santé mentale

Au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, Mme Reina de Bruijn-Wezeman (Pays-Bas - ADLE) a présenté, lors de la première séance du mercredi 26 juin, un rapport intitulé « Mettre fin à la contrainte en santé mentale : nécessité d'une approche fondée sur les droits humains ». Sur la base de ce rapport, l'APCE a adopté une résolution et une recommandation.

Lors des échanges, la rapporteure a démontré que l'Europe, connaît une augmentation générale du recours aux mesures involontaires dans le domaine de la santé mentale. Cela résulte principalement d'une culture de l'enfermement qui se focalise et s'appuie sur la contrainte, plutôt que de pratiques qui respectent les droits humains des personnes concernées, en particulier leur droit à des soins fondés sur un consentement libre et éclairé.

Les systèmes de santé mentale en Europe devraient être réformés pour se conformer à une approche basée sur les droits humains qui soit compatible avec la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Cela exige que les services de santé mentale axés sur la contrainte soient abandonnés et que les pratiques fondées sur le consentement soient placées au coeur des systèmes de santé mentale.

La rapporteure a appelé l'Assemblée parlementaire à exhorter les États membres à amorcer la transition vers l'abolition des pratiques coercitives et proposé un certain nombre de mesures à cette fin. Saluant les projets du comité de la bioéthique du Conseil de l'Europe (DH-BIO) d'engager une étude sur la promotion des mesures volontaires, les textes adoptés par l'Assemblée parlementaire invitent le Comité des Ministres à encourager le DH-BIO à mener une telle étude, tout en proposant de préparer des lignes directrices visant à mettre fin à la contrainte dans le domaine de la santé mentale.

À l'occasion de la discussion générale, Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - La République en Marche) a évoqué sa propre expérience sur cette question en France, où pour la première fois un délégué ministériel en charge de la santé mentale a été nommé. Elle a ensuite regretté l'existence de disparités territoriales extrêmement préoccupantes entre les États, mais également au sein même des États, ainsi que la culture de l'enfermement. Elle a donc plaidé pour un développement des traitements ambulatoires en santé mentale, ce qui implique de favoriser la réhabilitation psychosociale et l'accès au logement et à l'emploi des malades. Enfin, elle a dénoncé les soins sous contrainte qui répondent bien plus à un besoin administratif qu'à une véritable réponse clinique et qui de surcroît désorganisent les hôpitaux et les urgences psychiatriques.

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