N° 723

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 septembre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif aux rencontres entre la délégation aux entreprises et les entrepreneurs , intervenues au cours de l' année parlementaire 2018-2019 ,

Par Mmes Élisabeth LAMURE, Nicole BONNEFOY, M. Martial BOURQUIN, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Daniel LAURENT,
Sébastien MEURANT et Jackie PIERRE,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain-Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Michel Forissier, M. Jean-Marc Gabouty, MM. Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

La Délégation sénatoriale aux entreprises a poursuivi, pendant l'année 2018-2019, un agenda intense d'études des politiques publiques dédiées aux entreprises et de rencontres entre sénateurs et entreprises, afin d'accomplir la mission qui lui a été confiée lors de sa création en 2014 : aller au contact direct des entreprises, là où elles sont, pour porter leur voix au Sénat et prendre des initiatives, au service de l'activité et de l'emploi dans les territoires.

• Outre ses déplacements sur le terrain, évoqués ci-après, la Délégation aux entreprises a focalisé son attention sur trois projets de lois qui ont eu un fort impact sur les entreprises .

En premier lieu, la loi PACTE du n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises , a fait l'objet d'une communication à la Délégation le 8 octobre 2018. Votre Délégation avait en effet anticipé les principaux enjeux de cette réforme dans le rapport d'information relatif à l'accompagnement du cycle de vie des entreprises n° 405 2017-2018 du 5 avril 2018, de notre collègue M. Olivier CADIC. Celui-ci recensait les obstacles au développement des entreprises et proposait des mesures visant à favoriser l'esprit d'entreprise et à simplifier les normes applicables à l'activité économique, en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires.

En deuxième lieu, la loi ELAN portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique n°2018-1021 du 23 novembre 2018 , a également été évoquée par la Délégation le 22 octobre 2018, puisque celle-ci avait, en association avec la Délégation aux collectivités territoriales et des commissions permanentes, créé un groupe de travail sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs . Au terme d'un travail de plusieurs mois, cette réflexion transpartisane avait abouti à une proposition de loi portant Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018), cosignée par MM. Rémy POINTEREAU, Martial BOURQUIN et plusieurs de nos collègues, déposé au Sénat le 20 avril 2018, examinée et adoptée par le Sénat les 13 et 14 juin 2018. La loi ELAN a intégré de nombreuses dispositions de la proposition de loi, les aspects financiers étant, pour leur part, traités dans la loi de finances pour 2019.

En troisième lieu, votre Délégation s'est penchée -avec la commission des Affaires européennes du Sénat- sur la surtransposition du droit européen en droit français , qui constitue souvent un frein pour la compétitivité des entreprises, avec un rapport d'information de M. René DANESI, (n° 614 2017-2018) du 28 juin 2018. Ce rapport a été suivi du dépôt, le 29 octobre 2018, d'une proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à revenir sur les sur-transpositions réglementaires pesant sur la compétitivité des entreprises françaises ( n° 88 2018-2019), puis le 31 octobre 2018, par un débat en séance publique sur le préjudice que représente, pour les entreprises françaises, cette sur-transposition. Un projet de loi portant suppression de 23 sur-transpositions de directives européennes en droit français a été déposé par le Gouvernement, qui a engagé la procédure accélérée, le 3 octobre 2018. Il a été examiné et adopté par le Sénat les 7 et 8 novembre 2018 mais est toujours en instance d'examen par l'Assemblée nationale. Pendant ce débat, notre collègue Olivier CADIC, Vice-président de la Délégation, a proposé que « le législateur s'interroge systématiquement sur les conséquences concrètes de nos propositions législatives et de nos amendements : pour qui créent-ils des coûts et des contraintes ? Instaurons-nous délibérément des obstacles à la compétitivité de nos entreprises et provoquons-nous une surcharge de travail pour nos administrations ? ».

• Cette interrogation a également motivé votre Délégation à lancer une étude d'impact sur le bonus/malus sur les contributions patronales à l'assurance-chômage qu'envisage le Gouvernement pour décourager l'abus du recours aux CDD. Cette forme de taxation des contrats courts est prévue par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), organisme indépendant de recherche, de prévision et d'évaluation des politiques, cette étude a été présentée à la Délégation le 10 décembre 2018.

• Enfin, la politique d'accompagnement des petites et moyennes entreprises à la transition numérique a fait l'objet d'un rapport d'information de notre collègue Mme Pascale GRUNY, n° 635 2018-2019 du 4 juillet 2019, qui a analysé l'action de l'État, constaté un mille-feuille d'acteurs intervenant, à un titre ou à un autre, dans la définition et la mise en oeuvre d'une politique publique de numérisation des entreprises, qui oublie trop souvent les petites et moyennes entreprises. Elle a également noté que, malgré les efforts mis en oeuvre pour le déploiement du très haut débit sur l'ensemble du territoire, les progrès ne seront réels qu'avec une régulation plus efficace et réactive du marché des télécoms pour garantir une concurrence effective.

• Afin de répondre, dans les débats législatifs ou de contrôle, aux préoccupations réelles et concrètes des entreprises, la Délégation organise chaque année une Journée des entreprises au Sénat , dont la quatrième édition s'est tenue le 28 mars 2019. Elle permet aux dirigeants d'entreprise une discussion directe avec des sénateurs.

• Par ailleurs, votre Délégation propose aux sénateurs, avec le concours des Chambres de commerce et d'industrie, une immersion de deux ou trois jours en entreprise .

• De telles rencontres ont également lieu lors des salons professionnels que votre Délégation a pu visiter : l'Olympiade des Métiers, à Caen, en novembre 2018 ; VivaTech en mai 2019, où notre Délégation était représentée par M. Olivier CADIC ; la 32 ème édition de l' Electric Vehicule Symposium à Lyon en mai également ; ou encore le salon de l'aéronautique et de l'espace, au Bourget, en juin 2019, auquel de nombreux sénateurs ont pu participer. De nombreux salons se tiennent dans les régions et les sénateurs membres de la Délégation ont été incités à la représenter afin d'amplifier ce dialogue avec les entreprises.

• Surtout, la Délégation aux entreprises du Sénat effectue des déplacements de terrain durant l'année parlementaire, dont les compte rendus font l'objet du présent rapport.

Elle s'est ainsi rendue en 2018-2019 dans six départements, contre quatre en 2017-2018 : le Doubs en octobre 2018, les Vosges en mars 2019, le Val d'Oise en avril, la Charente-Maritime et la Charente en juin, les Alpes-Maritimes en juillet 2019.

De ces rencontres, la Délégation tire des conclusions contrastées de la politique publique d'accompagnement des entreprises, tant les réussites et les succès apparaissent une exception au regard des contraintes et obstacles administratifs qui obèrent leur développement.

Trois thèmes récurrents ont été évoqués par les chefs d'entreprise à l'occasion de ces déplacements : le poids des normes , la fiscalité , la question des seuils sociaux . Un nouveau thème est aussi apparu : les difficultés de recrutement que rencontrent un nombre croissant de secteurs, et ceci quel que soit le département et le métier.

Comme les précédentes années, la complexité, l'instabilité et la lourdeur normatives restent déplorées par l'ensemble des entreprises qui ont dû, en 2018, faire face à deux modifications profondes de leur méthodes de travail avec d'une part, la mise en oeuvre du prélèvement de l'impôt à la source qui fait, depuis le 1 er janvier 2018, reposer la collecte de l'impôt sur le revenu des salariés sur les entreprises ; d'autre part, l'entrée en vigueur, au 25 mai 2018, du règlement général de la protection des données (RGPD) qui emporte de nouvelles obligations pour les entreprises envers les données personnelles de leurs clients.

D'autres problématiques plus spécifiques ont été développées devant votre Délégation par certaines entreprises ou filières.

Ainsi, en Charente-Maritime , les difficultés posées par la loi Littoral pour le développement du tourisme (hôtellerie de plein air), de l'ostréiculture et de l'habitat dans le département ont été regrettés. A été notamment visée l'obligation d'extension de l'urbanisation en continuité des zones urbanisées ; elle vient d'être assouplie par l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », qui autorise l'urbanisation des dents creuses.

En Charente , une jeune entreprise innovante, qui a pu bénéficier d'aides publiques -comme le crédit impôt recherche (CIR)- pour développer son produit, a déploré la complexité et les coûts supplémentaires induits par la nécessité d'une aide extérieure pour le montage des dossiers.

La complexité normative a également été évoquée lors de chaque table ronde organisée à l'occasion de ces déplacements, comme dans les Vosges ou les Alpes-Maritimes.

Se plaignant de l'instabilité normative, l'un des entrepreneurs de ce département, qui dirige plusieurs agences de travail temporaire, un cabinet de recrutement et un centre de formation, a précisé que, depuis 2008, il avait dû modifier chaque année son logiciel de paye... En écho aux travaux de votre Délégation concernant la sur-transposition en droit français de textes européens, un autre exemple a été donné dans ce département, pour les produits à base de plantes : si le renouvellement des AMM (autorisations de mise sur le marché) est effectué au niveau européen, la France est le seul pays à demander la génotoxicité de toutes les plantes. Une entreprise de la filière du parfum emploie ainsi aujourd'hui 40 personnes chargées des affaires juridiques, quand il n'y en avait que deux voici quelques années. Le même constat est revenu très régulièrement au cours de ce déplacement dans les Alpes-Maritimes, avec la lecture « franco-française » des directives SEVESO et REACH et l'interdiction française du dioxyde de titane.

A l'inverse, le manque d'harmonisation européenne sur le marché du médicament, chaque pays ayant sa propre réglementation pour un même produit avec une même formule, freine le développement des entreprises européennes au sein de l'Union, tandis que les entreprises américaines peuvent, elles, se développer en commercialisant le même produit sur tout le territoire américain. Par ailleurs, depuis 2012, l'Europe ne reconnaît plus les probiotiques. Le marché européen est effondré alors qu'il est en plein essor dans d'autres pays. Il semble cependant que l'Italie ait développé une réglementation propre lui permettant de s'emparer de ce marché européen.

La question de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, évoquée de façon récurrente à chaque déplacement de votre Délégation, et notamment de la fiscalité de la production 1 ( * ) , sujet abordé à la Maison de l'Industrie à l'occasion de la présentation d'un catalogue de 12 propositions par les industriels de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie, a récemment rencontré un écho médiatique avec une note de juin 2019 du Conseil d'analyse économique, rattaché aux services du Premier ministre.

Après avoir rappelé que leur poids était nettement supérieur à celui de l'impôt sur les sociétés (79 contre 30 milliards en 2016), la note les considère comme : « Les plus nocifs en raison des distorsions qu'ils engendrent tout au long de la chaîne de production. Les impôts sur la production affectent directement les décisions des entreprises en termes de choix des modes de production et de prix et peuvent donc pénaliser leur productivité et leur compétitivité », propos que plusieurs chefs d'entreprises avaient déjà tenus devant votre Délégation, que ce soit en Charente-Maritime , dans les Vosges ou dans les Alpes-Maritimes .

Dans ce dernier département, un représentant de l'Union pour l'entreprise (union du MEDEF et de la CPME) a ainsi rappelé que 120 charges, taxes et impôts pesaient sur les entreprises. Il a déploré l'ampleur des impôts de production qui « frappent les entreprises avant même qu'elles ne gagnent de l'argent, contrairement à d'autres pays -comme l'Allemagne- qui imposent sur le résultat ».

Par ailleurs, un autre chef d'entreprise en Charente a fait part de « l'incongruité de la taxation des contrats courts quand de nombreux intérimaires et employés en contrat à durée déterminée (CDD) refusent un contrat à durée indéterminée (CDI) ».

Enfin, évoqué avec une force croissante, voire avec désespoir par certains dirigeants d'entreprise, la question de la pénurie de recrutements freine l'activité dans de nombreuses filières.

En Charente , l'inadéquation entre offre et demande d'emplois a été citée comme principal problème au développement des entreprises, notamment industrielles, qui n'arrivent pas à recruter dans un contexte de croissance de leur activité. L'inadéquation entre offre d'emplois et formation a été également déplorée, ce qui n'est bien sûr pas sans lien. Une solution a été trouvée dans le secteur nautique, qui demande des profils très spécifiques, en Charente-Maritime : si Pôle emploi et les agences d'intérim sont sollicités, les profils les plus singuliers sont formés en interne. C'est également le cas pour les filières du cuir ou du bois dans les Vosges , et du parfum dans les Alpes-Maritimes .

Dans le Doubs , la filière automobile doit en revanche recruter une main d'oeuvre moins spécialisée mais venant de toute l'Europe et au-delà, en dépit d'un fort taux de chômage local.

Plusieurs entreprises ont par ailleurs évoqué la modification du rapport au travail des nouvelles générations , plus exigeantes en termes de :

- contenu de l'emploi, en cherchant des « expériences » qui donnent du « sens » au travail ;

- et la nature du contrat de travail, en préférant parfois les CDD, voire les contrats précaires, refusant ainsi parfois les CDI qui leur sont proposés, au grand désarroi des entreprises qui peinent ainsi à établir une relation stable, dans la durée, avec eux. Cette forme de précarisation de l'emploi s'accompagne d'un rejet des formes actuelles d'organisation du travail, que les jeunes générations veulent réinventer 2 ( * ) .

Dans les Alpes-Maritimes , la filière de la parfumerie se heurte à une double difficulté : trouver des salariés à l'issue d'un parcours de formation spécialisée, mais également, recruter dans des filières en tension, en concurrence avec d'autres secteurs de l'économie, comme la chaudronnerie ou l'informatique.

Certaines filières souffrent de leur image -souvent en décalage avec la réalité- du caractère pénible des emplois qu'elles proposent, et peinent à attirer des salariés, notamment des jeunes . Ainsi, dans le Val d'Oise , une entreprise spécialisée dans les travaux publics d'assainissement fait face à des difficultés de recrutement pour des postes de technicien qualifié, correspondant à des qualifications à bac+2, mais aussi plus globalement pour les métiers manuels, dont l'image reste encore à améliorer alors même que les plus bas salaires proposés par l'entreprise sont au moins 10 % supérieurs au SMIC.

Un entrepreneur de Charente-Maritime a cependant estimé que les problèmes de recrutement dans les secteurs industriels pourraient trouver une solution, au moins partielle, avec « l'usine 4.0 », les évolutions technologiques permettant de rendre moins pénibles un certain nombre de métiers.

A l'inverse, certaines difficultés de recrutement sont liées à l'innovation elle-même : des entreprises opèrent sur des nouveaux métiers, dont les formations n'existent pas . En général, comme nous l'avons vu dans le Val d'Oise , l'entreprise mise davantage pour ses recrutements sur les compétences personnelles et comportementales (les softskills ) et la motivation des candidats que sur leurs seules qualifications.

Même dans ce département de la région parisienne, la question de la mobilité des salariés reste un problème à traiter d'urgence, les difficultés de transport y sont majeures, à seulement une dizaine de kilomètres de Paris.

Les déplacements effectués cette année par la Délégation ont aussi été l'occasion pour elle de découvrir de très belles réussites et ainsi d'identifier les facteurs de leur succès, qu'il convient de valoriser autant que possible. Ces réussites se traduisent par des performances à l'exportation.

Ainsi, dans le secteur de la plaisance nautique , la Charente-Maritime abrite le deuxième constructeur mondial de catamarans de tourisme, en réalisant un chiffre d'affaires en croissance depuis huit ans.

De même, la réussite de la filière du cognac , marque mondialement connue, dans ce département et celui de la Charente , apporte-t-elle de substantielles devises à notre balance commerciale. Cette filière, particulièrement dynamique depuis quelques années, est poussée par la forte demande étrangère, venant en particulier des États-Unis. Elle exporte 200 millions de bouteilles chaque année, représentant 98 % de la production et contribuant à hauteur de 3,7 milliards d'euros à notre balance commerciale, chiffre qui a doublé en dix ans (1,9 milliard en 2009).

La filière du parfum dans les Alpes-Maritimes représente un chiffre d'affaires annuel de 13 milliards d'euros, majoritairement exporté dans le parfum bien sûr, mais aussi les arômes, la chimie, la cosmétologie, la pharmacie, le vétérinaire, et, en réalité, dans la plupart des sciences du vivant. Il est remarquable que les savoir-faire liés au parfum en pays grassois aient été reconnus au titre du patrimoine immatériel de l'Humanité par l'UNESCO.

Ce département héberge aussi un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans le domaine de la phytothérapie, leader européen des médicaments et des compléments alimentaires naturels à base de plantes qui réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires à l'export -majoritairement en Europe- et la société a l'ambition de conquérir le marché chinois, très réceptif à la médecine naturelle et friand de qualité française.

Peu de nos concitoyens connaissent en revanche une « pépite financière » de la SNCF, dont la Délégation a visité une implantation dans le Doubs , qui est la quatrième entreprise européenne de logistique, de messagerie et de transport routier . Elle emploie 30 000 salariés dans 120 pays.

Le rôle majeur de l'innovation dans la croissance économique de notre pays s'illustre partout dans les territoires.

Ainsi, en Charente , une technologie inédite -et sans équivalent dans le monde- de diffusion en 3D interactive a été développée alors que les ingénieurs de grands studios d'animation comme Disney estimaient le concept infaisable. Ceci aurait été impossible néanmoins sans le crédit impôt recherche, qu'il nous faut préserver en particulier pour les PME et TPE.

Dans le Val d'Oise , votre Délégation a visité le leader de l'impression 3D en France. Cette technologie est une invention française, née en 1984, mais cette innovation n'avait pas reçu le soutien nécessaire et n'avait donc pas été brevetée. Elle a donc été développée aux États-Unis, ce qui explique une certaine dépendance vis-à-vis des fabricants d'imprimantes 3D, qui sont américains ou allemands, et qui louent leurs matériels. Cette avance technologique a été également observée en visitant dans ce même département une start-up spécialisée dans la fabrication de robots dotés d'intelligence artificielle et chargés de purifier l'air dans les espaces intérieurs.

Dans le Doubs , un Pôle de compétitivité « Véhicule du Futur » est en train de se constituer autour de l'innovation et des nouvelles mobilités pour fédérer des entreprises, des unités de recherche et des centres de formation, tous engagés dans une synergie autour de projets collaboratifs innovants et d'une taille critique permettant une visibilité internationale.

L'innovation se concilie souvent avec la tradition en donnant une nouvelle vigueur à des savoir-faire anciens.

Ainsi, l'industrie textile des Vosges se reconvertit-elle dans le domaine de la fabrication de produits textiles de contention veineuse, qui s'exporte à hauteur de 70 % de la production, dans 120 pays, jusque dans des dispensaires très isolés en Afrique.

De même, face à l'augmentation de la demande de cuir , grâce à la vitalité de la maroquinerie de luxe française, appréciée internationalement, une meilleure exploitation, dans le Doubs , des peaux de vaches françaises, telles que la Montbéliarde, permettrait d'exploiter davantage que les 10 % qui le sont actuellement.

L'industrie du futur se déploie également dans le Doubs et la filière automobile , avec des chaînes de production entièrement robotisées, ce qui entraîne un changement radical et unique d'un site industriel, peu adapté et moins compétitif que les autres, avec un projet de transformation d'une ampleur sans équivalent dans l'industrie automobile, libérant ainsi des dizaines d'hectares et offrant de nouvelles perspectives d'aménagement urbain.

La robotisation concerne aussi la filière du parfum , dans les Alpes-Maritimes , pour le stockage, le référencement et la pesée des 700 matières premières, et la traçabilité des produits de la cuve à l'emballage, grâce à l'informatisation de la chaîne de production.

Enfin, développer un nouveau modèle économique permet à des entreprises d'exploiter un patrimoine historique.

Ainsi dans les Vosges , l'imagerie d'Épinal , entreprise labellisée « entreprise du patrimoine vivant », a été sauvée et se développe grâce à la décoration d'intérieur de luxe en utilisant et réinventant un patrimoine d'images unique et précieux. Cette marque, forte, n'était pourtant pas protégée au regard du droit de la propriété intellectuelle, et elle l'a été in extremis. Dans ce même département, le bois est actuellement considéré comme un matériau d'avenir pour ses multiples possibilités industrielles, en matière de construction, d'isolation, mais aussi comme source de carbone alternative aux produits fossiles pour la chimie industrielle.

De même, produire dans les Vosges 2,8 millions d'unités par an de bas de contention avec 3 000 références de produits, adaptées à 98 % des morphologies du marché, nécessite un recours au « lean manufacturing », qui permet de produire seulement ce que le client a commandé et d'éliminer quasiment le stockage. Cela suppose une utilisation intense du numérique et en particulier du système de commande informatisé (l'échange de données informatisées, ou EDI), via les officines de pharmacie, qui permet une livraison rapide, sous 24 heures, et dans le respect des délais annoncés.

Les rencontres effectuées cette année dans plusieurs départements de la France métropolitaine par notre Délégation ont donc été éminemment fructueuses. Elles valident le concept de l'enracinement de l'économie dans les territoires, de valorisation des savoir-faire et de relation de proximité entre sénateurs et entrepreneurs, qui sont dans l'ADN de votre Délégation.

En donnant la parole à des dizaines de chefs d'entreprise, représentant la diversité des secteurs et les spécificités des territoires, ces déplacements permettent de confirmer le bien-fondé de nos pistes de travail, d'en ouvrir de nouvelles. Ils permettent aussi de mobiliser le Sénat -et, au-delà, l'ensemble des pouvoirs et services publics- en vue de favoriser les facteurs identifiés du succès du tissu économique de notre pays.

Afin de porter leurs préoccupations, votre Délégation compte travailler , lors de la session parlementaire 2019-2020 sur les trois thèmes suivants :

1/ comment répondre aux difficultés croissantes de recrutement par les entreprises et aux défis posés par l'évolution des métiers ? Ce sujet recouvre également les enjeux de sauvegarde et de transmission des savoir-faire, d'attractivité des métiers, d'adaptation des personnes et des structures à des métiers en évolution ;

2/ les obligations des entreprises liées à des seuils , certes débattue lors de l'examen de la loi PACTE, qui a permis certaines avancées, mais 199 obligations liées à des seuils demeurent. Une expertise extérieure pourrait aider la Délégation dans sa réflexion ;

3/ les entreprises responsables et engagées . Lors de nos déplacements dans les départements, nous avons maintes fois rencontré des entreprises ayant engagé une forte politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Il sujet pourrait prolonger celui traité lors de la dernière Journée des entreprises, consacré au bien-être en entreprise, tant pour les salariés que pour le chef d'entreprise.

Par ailleurs, constatant la multiplicité des acteurs tant privés que publics dans l'accompagnement des PME-TPE dans la transition numérique et afin d'améliorer l'information des entreprises concernées, votre Délégation a proposé de créer des synergies et de développer une approche transversale de cette transformation numérique, d'organiser un forum des acteurs publics comme privés qui agissent en faveur de la numérisation des entreprises. Ce forum pourrait être organisé chaque année, au niveau national et régional, sous la forme de Rencontres du Numérique . La première édition de ces Rencontres pourrait se dérouler au Sénat à l'occasion de l'édition 2020 de la « Journée des entreprises », évènement que votre Délégation sénatoriale aux entreprises organise chaque année.

Élisabeth LAMURE,

Présidente de la Délégation aux entreprises


* 1 Cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), assis respectivement sur la consommation de foncier des entreprises, leur valeur ajoutée et leur chiffre d'affaires.

* 2 « Malaise sur le marché du travail », Marius Amiel, Le Débat, n°205, mai-août 2019.

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