C. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 7 MARS 2019, SUITE AU DÉPLACEMENT DANS LES VOSGES LES 14 ET 15 FÉVRIER 2019

M. Jackie Pierre . - Madame la Présidente, mes chers collègues,

Je suis très heureux que la Délégation aux entreprises ait accepté mon invitation à venir dans le département des Vosges pour découvrir la variété des entreprises de ce département. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, ainsi que nos collègues qui nous ont accompagnés : Guillaume Arnell, Martine Berthet, Michel Canevet et Sébastien Meurant.

Nous avions un programme ambitieux pour ce déplacement : quatre visites d'entreprises - la société Imagerie d'Épinal, le laboratoire Innothera, l'EPSAT Vosges et la société Thiriet -, une visite d'école d'ingénieur (l'ENSTIB) et une table ronde à Épinal.

Nous avons d'abord été accueillis le jeudi soir, à La maison Imagerie D'Épinal , par Mme Christine Lorimy, directrice, qui nous a servi de guide pour la visite de cette entreprise labellisée « entreprise du patrimoine vivant », qui est également un musée. Les bâtiments classés de l'imagerie contiennent un fonds exceptionnel composé de presses anciennes, de bois gravés et de pierres lithographiques, ainsi qu'une quantité importante d'archives imprimées de l'ancienne imagerie, créée en 1796. C'était ce qu'on appelait l'imagerie Pellerin.

L'imagerie d'Épinal est un phénix qui a entamé une nouvelle transformation en 2014, entre les mains de sa dirigeante actuelle. Après avoir été reprise une fois en 1984 par un collectif de 52 entrepreneurs locaux, qui l'avaient transformée en écomusée, l'entreprise a connu de nouvelles difficultés, témoignant de la nécessité d'inventer un nouveau modèle économique pour une activité dont la nature même est imbriquée dans l'évolution fulgurante des technologies liées à l'image. La reprise n'a pas été simple, les investisseurs privés étant réticents à s'engager aux côtés d'une société d'économie mixte.

C'est finalement dans la décoration d'intérieur de luxe que l'imagerie tâche d'acquérir de nouvelles lettres de noblesse, en utilisant et réinventant un patrimoine d'images unique et précieux. Cette marque, forte, n'était pourtant pas protégée au regard du droit de la propriété intellectuelle, et elle l'a été in extremis .

Outre son site historique, la maison Imagerie d'Épinal dispose également d'un showroom sur Paris, grâce à la formation d'un collectif avec cinq autres manufactures de la région. Cette alliance montre l'importance des synergies locales afin de favoriser l'implantation des petites entreprises françaises sur le marché de l'exportation.

Cette visite nous a donc montré comment le patrimoine peut être utilisé et valorisé dans des activités nouvelles, contribuant également à sa préservation.

Le lendemain, notre première visite s'est déroulée au laboratoire Innothera , situé à Nomexy. Le laboratoire Innothera est l'une des branches du groupe éponyme, dont l'objectif est de mettre l'innovation technologique au service de la lutte médicale contre la pathologie quotidienne.

Le groupe a une production 100 % française et largement tournée vers l'export (presque 70 %), en particulier de ses médicaments, qui sont vendus dans 120 pays, jusque dans des dispensaires très isolés en Afrique.

L'usine de Nomexy, que nous avons visitée après avoir été accueillis par le directeur du site, M. Jean-Paul Hernandez, fabrique des produits textiles de contention veineuse, grâce au savoir-faire textile traditionnel de la région. L'usine emploie 370 salariés sur le site, avec une croissance d'environ 10 salariés par an, même s'il nous a été indiqué qu'il devient de plus en plus difficile de recruter des salariés aux compétences adaptées. Nous avons pu observer le fonctionnement de différentes machines de production, ainsi que les finitions manuelles des 3 000 références de produits, adaptées à 98 % des morphologies du marché. L'entreprise a mis en pratique le « lean manufacturing », qui permet de produire seulement ce que le client a commandé et d'éliminer quasiment le stock.

Enfin, la méthode de distribution des 2 800 000 produits de contention annuels nous a été expliquée, avec un système de commande informatisé (l'échange de données informatisées, ou EDI), via les officines de pharmacie, et un attachement à une livraison rapide, sous 24 heures, et dans le respect des délais annoncés.

Cette visite nous a montré un bel exemple de réussite d'une entreprise familiale, implantée localement, qui a su trouver sa place sur le marché international et parvenir à la conserver en maîtrisant sa transition numérique, en dépit de la concurrence qui nous a été décrite comme agressive, sur un marché en faible croissance.

Nous avons ensuite été accueillis au sein de l'EPSAT, le service de santé au travail des Vosges , par son Président, Monsieur Yves Crouvezier et sa directrice, Mme Martine Lenglin. Ce service de santé au travail, sans dimension commerciale, a pour objet d'offrir aux entreprises des services mutualisés permettant la mise en oeuvre de leurs obligations en matière de prévention et de suivi des pathologies liées au travail.

Les principaux axes de travail de ce service sont la mutualisation, la structuration et la modernisation des services accessibles sur le territoire, ainsi que la formation des professionnels.

Mme Lenglin a fait état de l'inquiétude du service depuis la publication du rapport de Mme Charlotte Lecocq, députée du Nord, sur la santé du travail, remis le 28 août 2018 au Premier ministre : il préconise de transférer le pilotage des plans de prévention aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), avec un système de cotisation unique pour les entreprises, recouvrées par l'URSSAF, au détriment du principe de proximité du service. Chaque filière est en effet confrontée à un environnement sanitaire particulier : ainsi, pour les Vosges, il s'agira principalement des conséquences sanitaires de la poussière du bois.

Nous avons transmis ces critiques, très documentées, au président de la commission des Affaires sociales du Sénat. Préoccupé par cette problématique, j'ai d'ailleurs moi-même déposé une question écrite à ce sujet, le 14 février dernier, actuellement en attente de réponse.

Après ces visites de terrain, nous avons pu échanger avec une vingtaine d'entrepreneurs vosgiens lors d'une table ronde à Épinal .

Parmi les sujets évoqués, je peux citer l'avenir des chambres consulaires, qui subissent une baisse drastique de leurs moyens alors que leurs missions restent identiques, mais également les complexités administratives et l'instabilité normative, la mise en oeuvre du prélèvement de l'impôt à la source, la taxation des contrats courts, la question des seuils sociaux, les sur-transpositions, notamment dans le domaine de l'environnement, et la transmission d'entreprises ; vous l'aurez noté, tous ces sujets ont été abordés par notre délégation au cours de ses travaux. En outre, la difficulté à recruter un personnel formé ou à former, et motivé, notamment dans le BTP ou le transport en car, est déplorée de façon unanime.

Nous avons eu à coeur de faire valoir les efforts du Sénat, particulièrement de la délégation aux entreprises et de sa présidente, pour relayer ces préoccupations au cours du processus législatif. Nous avons rappelé notre position sur certains sujets, comme la taxation des contrats courts ou la suppression du stage préalable à l'installation pour les artisans, auxquels le Sénat s'est opposé.

Après ces riches échanges, nous sommes partis vers Éloyes pour découvrir l'entreprise Thiriet , spécialisée dans la production et la livraison de produits surgelés alimentaires. Claude Thiriet, Président, nous a présenté cette entreprise fondée par son grand-père, qui était pâtissier. C'est ensuite au cours du temps que l'entreprise familiale est devenue glacier, puis spécialiste en produits surgelés. M. Thiriet a fait valoir l'importance accordée par l'entreprise à la qualité nutritionnelle des produits vendus, tout en expliquant sa stratégie de vente, basée d'abord sur la livraison à domicile, puis sur l'implantation de plus de 160 magasins en France métropolitaine et dans les Outre-mer. L'entreprise Thiriet a eu à coeur de développer la filière française, en proposant une large gamme de références produites en France, et pour partie transformées dans l'usine des Vosges.

Il s'agit donc d'un exemple réjouissant de réussite d'une entreprise familiale vosgienne, désormais une ETI (entreprise de taille intermédiaire, avec 400 millions de chiffres d'affaires), dont le nom est connu partout en France, et au-delà.

Enfin, notre journée s'est terminée par la visite de l'École Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois ( ENSTIB), qui forme étudiants, ingénieurs, élèves, aux défis et aux opportunités qu'offre la filière bois. C'est dans la manufacture du bois, la construction, l'architecture - via un partenariat avec l'école d'architecture de Nancy - mais aussi dans le domaine moins attendu de la chimie, que les élèves de l'ENSTIB déploient leurs talents, très recherchés par les employeurs.

Laurent Bleron, Directeur, nous a accompagnés pour la visite les locaux de l'école, qui accueillent également des laboratoires de recherche à la pointe du développement de la filière. Grâce aux centres de transfert de technologies présents sur le campus, l'interface industrielle est assurée afin de répondre à une forte demande locale et nationale d'accompagnement et de transfert des compétences. En effet, le bois est actuellement considéré comme un matériau d'avenir pour ses multiples possibilités industrielles, en matière de construction, d'isolation, mais aussi comme source de carbone alternative aux produits fossiles pour la chimie industrielle.

Cette école d'excellence montre comment une filière traditionnelle peut se redéployer à la faveur des évolutions sociétales et technologiques, qui font actuellement des potentialités du bois un domaine de recherche de pointe.

J'ai été très heureux de présenter ces belles réussites à mes collègues. J'espère qu'ils auront découvert avec intérêt toutes les richesses de mon département, mises en valeur par des entrepreneurs qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées.

Je vous remercie.

Mme Élisabeth Lamure , Présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises .. - Merci beaucoup Jackie Pierre à la fois pour ce compte rendu très fidèle et pour ce déplacement. Nous avons pu découvrir les richesses de ce département à travers de très belles entreprises, notamment familiales, aux parcours assez exceptionnels. À travers aussi, la découverte de ce service de santé (EPSAT) très dynamique, dont nous recevrons la directrice à l'occasion de la prochaine Journée des entreprises organisée au Sénat par notre délégation, puisqu'elle interviendra dans l'une des tables rondes ; et enfin bien sûr, à travers les témoignages des entrepreneurs. Il a été question des mêmes problématiques de complexité administrative et de poids des normes mais, peut-être d'une manière encore plus marquée, de difficultés de recrutement. On le voit au fil de nos déplacements, partout, et dans un grand nombre de métiers, c'est une préoccupation qui revient sans cesse.

Et puis, je ne veux pas dire la cerise sur le gâteau mais presque, nous avons pu visiter l'Imagerie d'Épinal, qui représente un très beau patrimoine, encore fragile.

Mme Martine Berthet . - C'est effectivement un déplacement très intéressant, avec des visites variées et qui nous ont permis d'avoir une idée du monde de l'entreprenariat de ce département, notamment avec une table ronde très riche. Deux choses m'ont frappée : tout d'abord les entreprises familiales visitées ont su se développer, transmettre leur savoir, évoluer et surtout aller à chaque fois vers les nouvelles technologies pour évoluer.
Je pense particulièrement à Innothera, que professionnellement je connais. Ensuite, lors de la table ronde, le Président de la CCI nous a fait savoir qu'avec le mouvement des gilets jaunes, ils comptabilisent en deux mois, la moitié du nombre d'entreprises en difficulté qu'ils comptabilisaient habituellement sur toute une année, l'an passé. C'était quand même frappant.

M. Sébastien Meurant . - Je voudrais souligner l'implication de tous les acteurs de terrain : à notre table ronde il y avait aussi le Préfet, représentant de l'État, les représentants des entreprises, les représentants de l'école ; mais je retiens aussi la fragilité des entreprises vosgiennes.
Quand on pense que l'Imagerie d'Épinal, qui est née au XVIII e siècle, aurait pu disparaître plusieurs fois, alors qu'elle possède une richesse inouïe ! L'imagerie a été reprise par une passionnée et va normalement pouvoir se développer à l'international, et faire connaître ce savoir-faire français et cette magnifique histoire.

Nous avons aussi pu visiter l'ENSTIB, l'école du bois. Il existe uniquement deux écoles du bois en France, avec des perspectives de développement très fortes et de haute technologie. Ces deux écoles ont de la place pour accueillir des jeunes qui trouveront du travail à la sortie, et cela à n'importe quel niveau, dès le bac pro affûteur : s'il n'y a pas d'affûteur, il n'y a pas de scierie ! Or, avec cette place pour accueillir des jeunes, avec des métiers à la clé, qui sont à la fois rémunérateurs et valorisants, puisqu'on peut commencer en CAP et continuer jusqu'à l'école d'ingénieur, on constate encore des difficultés à recruter pour les entreprises. C'est qu'il y a une aberration quelque part.

Je voudrais également souligner l'implication des chefs d'entreprise que nous avons rencontrés : ainsi le patron de Thiriet est aussi un élu local, il a été maire d'Éloyes, et cet amour du local explique pourquoi ces entreprises familiales n'ont pas tout délocalisé, elles n'ont pas envie de tout voir partir en Chine, en Roumanie, ou ailleurs. Enfin à l'EPSAT, la médecine du travail, nous avons pu constater qu'ils ont pris les devants, sur les aspects législatifs, pour se regrouper, et pour offrir des services nouveaux, ce que j'ai trouvé passionnant. Merci, vraiment, pour ce déplacement.

M. Claude Nougein . - Je n'étais pas présent au déplacement mais il a été fait mention tout à l'heure du rôle de la chambre de commerce et d'industrie (CCI), qui se plaignait de la baisse de ses moyens. Le département des Vosges est comme beaucoup de départements ruraux, un peu isolé des grandes métropoles, et l'on peut se poser la question du rôle des CCI dans ces territoires isolés, où elles ont un rôle beaucoup plus important que dans la région parisienne ou autour de Lyon par exemple. Dans tous nos territoires, on entend une première version de la part des élus, chefs d'entreprise responsables des CCI qui disent : on n'a plus de moyens, c'est la catastrophe ; et puis de l'autre côté, des chefs d'entreprise qui disent : tant mieux parce que les CCI ça ne sert à rien, on a payé des impôts qui ne servent à rien, qui sont gaspillés ; on a parfois vu des salaires phénoménaux dans ces chambres de commerce, des Présidents qui gagnent plus que beaucoup de chefs d'entreprise du même territoire. Je pose la question, parce que j'ai du mal à savoir où est le vrai ou le faux, est-ce que ces CCI ont encore une utilité ? Ne pourrions-nous pas faire un audit au niveau de notre délégation ?

M. Jackie Pierre . - C'est quand même l'éloignement des entreprises par rapport à leurs organisations professionnelles qui est le plus craint. Les moyens c'est une chose, les CCI essaient d'y faire face, ils ont aménagé le nombre de postes de travail en fonction des moyens, mais ce que les entreprises réclament, dans mon département en tout cas, c'est la proximité de leurs services.

M. Daniel Laurent . - Cette question des CCI m'interpelle un peu. Moi je suis convaincu de leur nécessité. Nous prônons sans cesse les services publics de proximité, les services d'accessibilité face à des milieux ruraux qui disparaissent, et d'un autre côté on s'interroge sur la suppression des services existants. Si ces services existants ne sont pas suffisamment opérationnels, on en connaît la raison : à partir du moment où on serre le noeud, on respire moins fort ! Ils ont moins de moyens, moins de possibilités, moins de personnel et ne peuvent donc pas agir comme ils le devraient.
On en a la démonstration avec Jacques Genest et la mission ruralité que nous avons mise en place, avec ce que nous avons vécu dans ces dernières années, le fait que les métropoles grossissent, que les jeunes y partent pour chercher du travail, je suis convaincu que l'on trouvera un système inverse à mettre en place rapidement. Toutes ces nouvelles technologies qui arrivent dans nos territoires, vont permettre de nouvelles possibilités de développement de l'entreprise, de télétravail, et bien d'autres expansions. Je pense donc, au contraire, que la Délégation aux entreprises doit prôner un soutien continu au développement des milieux ruraux, et notamment à travers les CCI.

M. Michel Forissier . - Je crois, chers collègues, que vous ouvrez un débat de société. Faut-il, dans le développement de notre société, supprimer les corps intermédiaires ou les conserver ? Je suis élu de la métropole lyonnaise et du département du Rhône, sur un territoire charnière qui est Saint-Exupéry : le développement de la zone de Saint-Exupéry n'a pas eu besoin d'une chambre de commerce, il s'est fait tout seul. Au contraire, notre souci serait d'avantage de freiner ce développement, car on craint une désertification sur trois départements limitrophes. J'ai proposé à notre présidente d'organiser un déplacement sur site pour vous faire voir cette particularité. Il s'agit d'un territoire charnière entre l'Isère, l'Ain, le Rhône, et la métropole, et parce qu'il est hors métropole, il est géré par le pôle métropolitain. C'est-à-dire qu'en voulant simplifier, on a mis deux couches supplémentaires ! Pourtant on y arrive. Quand j'étais élu au département du Rhône, nous avons réussi à ne faire qu'un seul syndicat de transports en commun, des accords interdépartementaux, cela a pris quatre ans.
Nous avons par ailleurs une liaison ferroviaire avec l'aéroport ; elle coûte un peu cher, mais elle est nécessaire pour faire un lien entre les territoires.
Dans l'idéal, il faudrait que cette liaison ferroviaire aille jusqu'à Bourgouin, voire Grenoble dans un sens, et Bourg dans l'autre, pour pallier les problèmes de mobilité.

Mme Élisabeth Lamure . - Et jusqu'à Turin...

M. Michel Forissier . - Oui bien sûr mais ça c'est l'international, je pense qu'il faut dissocier les deux problématiques. Pour revenir aux chambres de commerce : je ne sais pas si l'échelon régional est aujourd'hui le plus pertinent. La question que je me pose n'est pas celle de la suppression, comme certains le veulent, mais plutôt celle de la proximité, qui risque d'être perdue, et qui est défendue par notre délégation. J'ai représenté la délégation, à la demande de notre présidente, au grand débat organisé par les entrepreneurs lyonnais, au niveau du BTP, avec le MEDEF et la CPME, et on se rend compte que depuis 25 ans, les mêmes revendications des entreprises reviennent, parce qu'elles n'ont jamais été complètement satisfaites.

M. Philippe Adnot . - Pour continuer sur les CCI, il est vrai qu'elles avaient des contrats mirobolants pour leurs collaborateurs. Nous avons d'ailleurs essayé, dans le cadre de la loi PACTE, de modifier certaines choses. À ma connaissance, les taxes que payaient les entrepreneurs n'ont pas été supprimées. Moralité, aujourd'hui, les entrepreneurs continuent de payer mais il n'y a plus autant d'argent qui arrive dans les CCI, et l'État leur dit de faire payer leurs services pour se financer.

M. Martial Bourquin . - C'est un débat qui revient un peu partout dans les territoires. Selon moi, nous avons absolument besoin de garder les CCI. Pourquoi ? Pour deux raisons.

Certes, il faut clarifier les compétences : le problème c'est que tout le monde touche à tout. Et quand on est allés à Munich en Allemagne, c'était très clair : les CCI ont la compétence de l'apprentissage ; les chambres ont des compétences extrêmement claires, elles sont extrêmement puissantes, mais surtout, elles sont aux côtés des entreprises, des petites comme des grandes. Le Mittelstand allemand, ça fonctionne comme ça. Je vois mal ce que l'on va gagner en asséchant les CCI et je pense que le tissu industriel, notamment rural, risque d'en souffrir.

Deuxième point important, c'est le seul élément de péréquation dans l'accompagnement des entreprises : les grands groupes n'ont pas besoin des CCI et ont parfois un regard un petit peu condescendant vis-à-vis d'elles ; en revanche, la péréquation qui s'effectue avec les PME et TPE est essentielle. Quand on regarde des endroits comme Épinal, ou comme chez moi dans le Haut-Doubs, on constate bien que c'est l'industrie qui structure encore les territoires ruraux et notamment les PME, TPE. S'il n'y a pas l'accompagnement des CCI à leurs côtés, cela sera de plus en plus difficile avec, à la clef, des entreprises qui se déplaceront dans les métropoles, parce qu'elles y trouveront un accompagnement. Il s'agit en réalité d'une question d'aménagement du territoire. Sans ces CCI, nous assisterions à un « désaménagement » du territoire, alors qu'on sait qu'avec le départ des services publics, ce sont souvent l'industrie et les petites et moyennes entreprises qui structurent encore ces territoires ruraux.

Mme Élisabeth Lamure . - Il y a des années que la question des CCI fait débat. Je me souviens que lors d'un des premiers déplacements de la Délégation, en Seine-et-Marne à l'invitation de Nicole Bricq, nous avions été accueillis par le Président de la CCI du département avec ces mots : bienvenue dans une CCI qui va mourir. Et c'était vrai, c'était un peu le début de cette dégringolade avec l'absence de moyens. Il faut quand même savoir que de très nombreux emplois ont été supprimés ; il y a eu des licenciements en vagues, et il y a en aura encore avec le projet de loi PACTE. Cela dit, il y a également des phénomènes de doublons qu'il convient de traiter, notamment pour les missions à l'export où étaient mobilisées à la fois la région et les CCI. Je pense qu'il faut retenir le critère de proximité, particulièrement dans les départements les plus éloignés, où les CCI apportent beaucoup aux petites ou moyennes entreprises. Et puis il ne faut pas oublier la formation, qui est un axe extrêmement important des chambres, avec non seulement les centres d'apprentissage, mais également les grandes écoles : c'est le cas pour la CCI de Paris-Ile-de-France, c'est le cas aussi de la CCI de Lyon. Le financement de ces écoles va se poser, et elles risquent de sortir du giron des CCI qui n'auront plus les moyens de les financer et d'aller dans le domaine privé : ce n'est peut-être pas plus mal, mais il faut souligner que les conséquences de cette baisse de moyens des CCI ne sont pas neutres.

M. Jackie Pierre . - Ce sont les entreprises qui doivent être consultées à ce sujet car il s'agit des taxes qu'elles payent et des services qu'elles reçoivent.

M. Claude Nougein . - Elles ne sont pas d'accord entre elles.

Mme Élisabeth Lamure . - J'ai assez peu entendu d'entreprises se plaindre de leurs CCI, en tout cas pas lors de nos déplacements.

Pour revenir sur les Vosges, ce fut un déplacement extrêmement riche, dans un département où on ne s'attendait pas forcément à trouver de si belles entreprises. J'ai été très marquée par ce parcours de M. Thiriet, puisque c'est Claude Thiriet qui a fondé cette entreprise ; quelqu'un qui n'a jamais quitté son village, où il a été élu pendant de longues années, qui a voulu monter son entreprise dans son village où il continue à assurer toute la fabrication.

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