B. LES CONSEILS RÉGIONAUX SONT DEVENUS DES ACTEURS À PART ENTIÈRE DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN FRANCE

1. Une progression tendancielle des crédits alloués par les régions à la recherche
a) Un effort financier croissant, ciblé vers certaines actions emblématiques
(1) Une progression incontestable de l'intervention financière des régions malgré une stagnation ces dernières années

L'évolution du cadre législatif s'est accompagnée d'une forte progression de l'intervention financière des régions en faveur de la recherche.

Ainsi, entre 2004 et 2017, les financements émanant des régions et ayant contribué à développer les activités de recherche des universités et des organismes publics, à soutenir l'innovation et la recherche dans les entreprises, à favoriser les transferts de technologie, à promouvoir les résultats de la recherche et à développer la culture scientifique ont augmenté de plus de 75 %, passant de 385 millions d'euros en 2004 à 674 millions d'euros en 2017 .

Cette progression est particulièrement significative sur la période 2004-2009 , les dépenses des conseils régionaux en faveur de la recherche ayant été multipliées par deux, pour atteindre 858 millions d'euros. Cette augmentation du budget de recherche s'explique également par la forte croissance du budget régional moyen en France métropolitaine (+ 11 % sur la période), le niveau régional recevant entre 2004 et 2008 la majorité des compensations financières de l'État au titre du transfert des compétences liées à l'acte II de la décentralisation.

Entre 2009 et 2015, les dépenses de recherche se sont stabilisées, autour de 830 millions d'euros par an , dans un contexte fortement marqué par la crise économique. En effet, les régions s'engagent au côté de l'État dans la mise en place du plan de relance économique décidé par le Gouvernement, ce qui entraîne une diminution de leur budget de recherche en 2010.

Si, en 2014, le budget de recherche des collectivités territoriales a retrouvé son niveau de 2009 , les dépenses de recherche des conseils régionaux ont à nouveau reculé en 2016, pour se situer autour de 630 millions d'euros par an.

Évolution des dépenses de recherche des conseils régionaux

(en millions d'euros)

Source : historique des résultats de l'enquête sur le financement de la recherche et le transfert de technologie par les collectivités territoriales (mise à jour par l'enquête 2016 du SIES)

Ainsi, en 2017, les conseils régionaux ont consacré 674 millions d'euros aux dépenses de recherche et transfert de technologie (R&T) , ce qui correspond à 2,5 % de leurs dépenses totales, soit une diminution par rapport au pic de 3 % atteint entre 2009 et 2014.

Loin de traduire un désengagement des régions dans le domaine de la recherche, ce léger recul correspond, selon le Mesri, à l'impact des réorganisations institutionnelles et politiques au lendemain de la loi NOTRe . Par conséquent, si, en 2017, la forte progression en volume de ces dépenses (+ 9,5 %) s'est traduite par un moindre rebond du budget dévolu à la recherche (+ 2,3 %) , cette évolution contrastée est en grande partie imputable à la forte pression budgétaire qui s'est alors exercée sur les régions, dont les compétences ont été considérablement étendues.

Il convient ainsi de relever que dans ce contexte budgétaire contraint, les régions ont entrepris de maintenir un niveau élevé de dépenses en faveur de la recherche.

Évolution en volume des budgets de recherche et des dépenses totales
des collectivités territoriales de 2008 à 2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du Mesri

Cette évolution d'ensemble des dépenses régionales de recherche ne saurait cependant rendre un aperçu exact des efforts consentis par les régions en faveur de cette politique publique . En effet, pour être correctement appréhendé, l'effort de recherche des régions doit se mesurer à l'aune des dépenses nationales et européennes qui s'y rapportent.

Cependant, les démarches du rapporteur en ce sens se sont heurtées à plusieurs difficultés d'ordre méthodologique . En effet, le principal indicateur utilisé pour mesurer les dépenses nationales de recherche est la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD), c'est-à-dire la dépense effectuée pour des travaux de R&D exécutés sur le territoire national, par des opérateurs publics ou privés.

Or, s'il est en partie destiné à développer les activités de R&D des organismes et services publics, le budget de recherche des collectivités territoriales vise également à soutenir l'innovation et la recherche dans les entreprises, à favoriser les transferts de technologie, à promouvoir les résultats de la recherche, à développer la culture scientifique et technique.

Par conséquent, le budget des collectivités territoriales, tel que déclaré à la faveur de l'enquête annuelle auprès des collectivités territoriales, ne saurait être directement rapporté à la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) .

Pour le Service statistique du Mesri 16 ( * ) , le seul rapprochement possible entre les ressources contractuelles des exécutants de la R&D et les dépenses des collectivités vers ces opérateurs ne peut s'établir qu'à partir des financements que les régions affectent à deux objectifs plus directement liés aux travaux de recherche, soit « Projets de recherche des organismes publics » et « Transferts de technologie et aides aux entreprises », pour lesquels les exécutifs régionaux déclarent consacrer environ 300 millions d'euros en moyenne .

Les estimations suivantes sont donc nécessairement imparfaites, dans la mesure où elles ne tiennent compte que de 50 % des dépenses de recherche des régions .

En 2017 17 ( * ) , selon les données provisoires, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) s'est élevée à 50,6 milliards d'euros, soit 2,2 % de la richesse nationale (PIB) . Les entreprises ont représenté près de 65 % de ces dépenses (soit 33 milliards d'euros) contre moins de 35 % pour les administrations (soit 17,6 milliards d'euros).

La DIRDA est principalement constituée de dotations budgétaires de l'État ; ainsi, en 2017, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) a mobilisé 12,5 milliards d'euros de crédits budgétaires pour la recherche , regroupant les subventions pour charge de service public et les crédits destinés à financer la recherche universitaire, les organismes publics de recherche, les agences de financement de projets de recherche, les différents dispositifs d'aide et d'incitation à la R&D (hors crédits impôt recherche) des entreprises et la recherche partenariale associant secteurs public et privé et les mesures destinées à la diffusion de la culture scientifique et technique.

Ces dotations budgétaires sont complétées par des financements contractuels émanant du secteur public (Agence nationale de la recherche, Institut de lutte contre le cancer, Bpifrance, collectivités territoriales), à hauteur de 3,0 milliards d'euros et de l'étranger (Union européenne et organisations internationales) pour 1,0 milliard d'euros.

Dépense intérieure de recherche et développement
des administrations (DIRDA) en 2017

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du Mesri

In fine , en 2017, avec les précautions méthodologiques qui s'imposent, les dépenses des régions en faveur de la recherche représentent près de 2 % de la DIRDA.

Selon le Service statistique du Mesri, il est finalement possible de conclure que les financements régionaux destinés à la R&T correspondent, en 2017, un peu plus de 4 % de l'effort public en faveur de la recherche 18 ( * ) .

Le rapporteur spécial relève par ailleurs que, toutes dépenses confondues, les régions participent au financement de la recherche en France dans des proportions comparables à l'Union européenne, les équipes françaises ayant obtenu 3, 523 milliards d'euros de financements au titre des appels à projets du programme-cadre « Horizon 2020 » sur la période 2014-2017, soit une moyenne annuelle de 880 millions d'euros.

(2) Des dépenses ciblées vers l'immobilier et le transfert de technologie, afin de renforcer la compétitivité et l'attractivité du territoire

L'analyse de l'évolution globale des dépenses de recherche ne saurait rendre compte de la dynamique qui sous-tend cet effort financier, à savoir un soutien croissant aux activités de transfert de technologie et aux opérations immobilières .

En effet, la part des financements alloués par les régions au transfert de technologie n'a cessé de croître entre 2007 et 2017, passant de 27,6 % à 35,8 % du budget de recherche des collectivités territoriales 19 ( * ) , qui consacrent annuellement près de 250 millions d'euros à ces activités.

En pratique, ces dépenses financent majoritairement des projets de recherche partenariale et collaborative (plus de 50 %) et soutiennent les structures d'interface avec les PME - cellules de valorisation des universités, plateformes de transfert technologique, etc. Elles peuvent également prendre la forme d'un soutien direct aux entreprises porteuses de projets innovants et d'aides à la création d'entreprises innovantes (incubateurs, fonds d'amorçage régionaux).

Cette évolution reflète la priorité donnée par les régions au développement économique, la valorisation des résultats issus de la recherche ayant vocation à renforcer la compétitivité du territoire régional.

De la même manière, la forte proportion des crédits alloués aux opérations immobilières (25,2 % du budget de recherche des collectivités territoriales en 2017) traduit l'impératif de rendre attractif le territoire , en construisant, entretenant ou restaurant des laboratoires universitaires, des organismes publics de recherche, des incubateurs d'entreprises innovantes.

Ainsi, le transfert de technologie et les opérations immobilières représentent plus de 60 % des dépenses de recherche des collectivités territoriales.

En parallèle, le soutien direct à la recherche, constitué des aides aux chercheurs (allocations doctorales ou post-doctorales), aux projets de recherche, et à l'équipement des laboratoires ne correspond qu'à un tiers de ces dépenses, une proportion relativement stable dans le temps.

Répartition du budget des collectivités territoriales par grand objectif entre 2007 et 2017 en pourcentage du budget de recherche et transfert de technologie

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du MESRI

Les dépenses de recherche des régions se distinguent donc de celles de l'État de par leur destination ; tandis qu'en proportion, l'État soutient plus particulièrement la recherche fondamentale, en amont, les régions sont davantage tournées vers la recherche appliquée, le transfert de technologie et la valorisation des résultats de la recherche dans la mesure où ces secteurs sont les plus à même d'accompagner le développement économique du territoire à court et moyen terme. Dans le continuum emploi supérieur - recherche fondamentale - recherche appliquée - valorisation de la recherche - transfert de technologie - innovation - développement économique, les régions interviennent donc bien plus en aval que l'État.

b) ...malgré des dépenses de recherche encore très inégalement réparties sur l'échelle du territoire

Si l'analyse globale de l'évolution des dépenses de recherche traduit une montée en puissance des régions dans ce secteur, force est de constater qu'elle s'accompagne d'une grande disparité sur le territoire national.

Ainsi, en France métropolitaine, au cours des années 2004 à 2014, les enquêtes relatives à la recherche et au développement montrent que : « trois régions, Île-de-France, Rhône-Alpes, et Provence-Alpes-Côte d'Azur, concentrent 60 % des dépenses d'exécution de la R&D nationale » 20 ( * ) .

Sur la période 2014-2017, le poids respectif de chaque région dans les dépenses totales de recherche des conseils régionaux de France métropolitaine varie de 0,9 % pour la Corse, à plus de 16,2 % pour l'Île-de-France, dont le budget moyen annuel avoisine les 118 millions d'euros.

Poids de chaque région dans le budget total de recherche et transfert de technologie des conseils régionaux sur la période 2014-2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du MESRI

L'effort budgétaire des conseils régionaux en faveur de la recherche ne saurait cependant se mesurer in abstracto , sans tenir compte des inégalités territoriales en termes de ressources et de population . Afin de mesurer plus finement le budget réel affecté au soutien de la recherche, les dépenses de recherche doivent être rapportées aux dépenses totales des conseils régionaux ainsi qu'au nombre d'habitants de chaque région.

Ainsi les dépenses de recherche des conseils régionaux des Pays de la Loire, de Nouvelle-Aquitaine, de Bretagne, de Normandie et du
Centre-Val-de-Loire représentent plus de 3 % de leurs dépenses totales
, contre moins de 2 % pour les Hauts-de-France, la Corse et les collectivités ultramarines.

Cet indicateur permet également de caractériser l'investissement financier des conseils régionaux d'Île-de-France et d'Auvergne-Rhône-Alpes qui, malgré des dépenses de recherche particulièrement élevées, consacrent à cette politique publique 2,7 % de leur budget soit presque autant que la moyenne en France métropolitaine (2,8 %).

Enfin, si en France métropolitaine les dépenses de recherche des régions s'élèvent en moyenne à 11,3 euros par habitant, les Pays de la Loire (21,3 euros par habitant) et la Corse (19,7 euros par habitant) se distinguent par un effort budgétaire particulièrement conséquent au regard de leur population .

Part du budget de recherche et technologie dans les dépenses totales
des conseils régionaux sur la période 2014-2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du MESRI

Budget de recherche et transfert de technologie par habitant et par an
sur la période 2014-2017

(en euros)

Source : commission des finances, à partir des données du MESRI

Ainsi, l'implication croissante des conseils régionaux dans le financement de la recherche ne saurait occulter des écarts persistants entre les régions . Les réponses à l'enquête menée par le rapporteur spécial corroborent pleinement ces résultats, les conseils régionaux déclarant consacrer des montants très variables à la politique de recherche sur leur territoire.

Néanmoins, le rapporteur spécial relève que l'entrée en vigueur du nouveau découpage régional au 1 er janvier 2016 a mécaniquement atténué les différences entre les régions , dans la mesure où des régions très engagées dans la R&D ont fusionné avec d'autres moins actives dans ce domaine. Dès lors, les disparités régionales pourraient avoir tendance à se résorber.

2. Un acteur clé en termes de pilotage, avec l'élaboration de stratégies scientifiques et technologiques locales

Considérées comme l'échelon le plus à même de coordonner les efforts sur le terrain tout en se faisant le relais de la politique nationale, les régions sont progressivement devenues un acteur clé du pilotage de la politique de recherche.

Il ressort ainsi de l'étude menée par le rapporteur spécial que, dans la grande majorité des cas , les régions ont su se saisir pleinement des outils à leur disposition, pour coordonner les initiatives locales (approche « top down ») et faire émerger les priorités du territoire auprès des instances nationales et européennes (approche « bottom up ») .

a) Les régions, responsables de la coordination des initiatives locales

Comme l'a rappelé le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine dans sa réponse au questionnaire adressé par le rapporteur spécial : « La région apparait comme l'interlocuteur nécessaire de l'État car celui-ci lui a assigné de créer les espaces de dialogue avec les collectivités, en tant que chef de file » 21 ( * ) .

Pour ce faire, les conseils régionaux ont été dotés de nombreuses compétences en termes de programmation et d'encadrement (voir supra ).

En premier lieu, les régions, en tant que chef de file dans le domaine de la recherche, sont chargées de coordonner les initiatives locales, en particulier l'adoption par les agglomérations de taille moyenne de schémas locaux d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation (SLESRI) .

Il s'agit, par ce biais, de structurer la politique de recherche à une échelle pertinente ; le SLESRI doit ainsi s'inscrire en cohérence avec le schéma régional d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation (SRESRI), garantissant que toutes les acteurs publics locaux s'accordent sur l'identification des besoins du territoire, ainsi que la stratégie à adopter et les secteurs à privilégier pour favoriser son développement économique.

Les régions se situent donc à l'interface entre l'État et les collectivités locales, puisqu'elles ont été, en 2013, associées par le biais de l'association Régions de France à l'élaboration de la Stratégie nationale de recherche (SNR), dont les SRESRI et SLESRI doivent respecter les principes directeurs. Les conseils régionaux sont donc in fine garants de la cohérence des initiatives locales avec les grandes orientations nationales .

Ces différents schémas permettent également aux régions de faire le lien avec les acteurs locaux de la politique de recherche , puisqu'ils sont, dans la pratique , issus d'une concertation avec les opérateurs de l'enseignement supérieur et de la recherche présents localement.

Certaines régions sont allées encore plus loin dans l'effort de coordination , en déclinant des outils généraux de coordination au profit de la politique de recherche et d'enseignement supérieur . Ainsi, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine s'est doté dans le cadre des conférences territoriales de l'action publique, instituées par la loi MAPTAM comme « espace privilégié de concertation entre les collectivités pour favoriser un exercice concerté de leurs compétences », d'un groupe de travail « Enseignement supérieur et Recherche ». L'association des acteurs a été formellement définie dans le cadre d'une convention territoriale d'exercice concerté (CTEC) avec une vingtaine de collectivités et d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Selon le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine : « cette CTEC sur le champ enseignement supérieur et recherche semble être pionnière à l'échelle nationale » 22 ( * ) .

In fine , la coordination des actions de recherche par les régions renforce la position de ces dernières, en les plaçant au coeur même du dispositif. Le niveau régional tend également à harmoniser les politiques de recherche mises en oeuvre localement, en orientant les initiatives et en mutualisation certains moyens dans le cadre de schémas plus globaux , avec notamment une spécialisation territoriale des activités.

b) Les régions, pivots opérationnels de la politique européenne de recherche

Depuis 2007, dans le cadre des programmes opérationnels européens 2007-2013 et à la demande de la commission européenne, chaque région doit élaborer une Stratégie régionale d'innovation (SRI), fondée sur une analyse fine de son écosystème , la commission souhaitant placer l'innovation au coeur des schémas régionaux de développement.

En 2014 a été introduite la notion de « spécialisation intelligente », qui consiste à focaliser une partie des fonds structurels sur des domaines précis, à fort potentiel ou en émergence . L'Union européenne a en effet souhaité que la programmation 2014-2020 du FEDER fasse l'objet d'un ciblage particulier des opérations de recherche et d'innovation sur des secteurs de spécialisation intelligente, afin de favoriser l'effet de levier des fonds sur des thématiques pour lesquelles le territoire régional dispose d'une valeur ajoutée démontrée.

Chaque région doit donc se doter d'une Stratégie de spécialisation intelligente ( Smart Specialisation Strategy, S3 ou Stratégie Régionale de l'Innovation pour une Spécialisation Intelligente , SRI-S3 ), élaborée pour répondre à la politique européenne de cohésion 2014-2020. La définition de ces stratégies est une condition essentielle pour bénéficier du FEDER.

Ces schémas de politique publique s'additionnent aux SRESRI et SRDEII . Ils définissent les périmètres d'intervention thématiques prioritaires que les régions entendent défendre pour flécher des financements structurels et certains financements du programme-cadre de recherche « Horizon 2020 ».

Les objectifs européens de recherche sont ainsi déclinés à l'échelle régionale, tout en tenant compte des atouts et des contraintes locales. La région s'impose dès lors comme le pivot opérationnel de la politique européenne de recherche, permettant de garantir la cohérence des interventions financières de l'Union européenne à l'échelon local et d'en maximiser l'impact.

3. Un relais local efficace vers et auprès de l'Union européenne

Le rôle des régions est double : il consiste d'une part à aider les chercheurs à obtenir des fonds européens et d'autre part, à influencer les orientations stratégiques des programmes européens pour qu'ils correspondent davantage aux besoins locaux.

a) Un accompagnement apprécié des candidats aux appels à projets européens

Les conseils régionaux ont progressivement occupé une place croissante dans l'accompagnement financier et humain des porteurs de projets européens, à la suite de plusieurs évolutions concomitantes.

En premier lieu, l e développement du financement de la recherche sur appels à projet , à l'échelle nationale avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) et sur le plan européen avec les programmes-cadres de recherche (Horizon 2020, Horizon Europe), s'est traduit, pour les porteurs de projets, par la nécessité de trouver des co-financements .

En parallèle, le transfert de la gestion des fonds européens aux exécutifs régionaux a fait de ces derniers un interlocuteur central, capable de mobiliser plusieurs types de financements (fonds régionaux ou fonds européens) dans l'optique de favoriser un effet de levier vers des financements en provenance des appels à projets de l'Union européenne .

Pour les régions, l'augmentation de la participation aux programmes européens répond à des enjeux de visibilité, d'attractivité et de rayonnement du territoire, en contribuant à l'amélioration du positionnement de l'écosystème régional en Europe et à l'international. Interrogées sur leur stratégie de recherche, plusieurs conseils régionaux ont ainsi affirmé que le renforcement de la participation régionale aux projets européens via l'ingénierie de projet et d'accompagnement constituait une priorité ; pour certaines régions, cet objectif est même inscrit dans le SRESRI.

Dès lors, de nombreux conseils régionaux ont entrepris d'aider les chercheurs à obtenir des financements en provenance de l'Union européenne . Dans la pratique, alors que nombre de petits opérateurs ne sont pas prêts à concourir directement à l'Europe, le rôle des régions se révèle souvent crucial pour orienter et conseiller les porteurs de projets .

Lors de ses auditions et déplacements, le rapporteur spécial a pu constater que cet accompagnement pouvait prendre plusieurs formes : création de structures ou de plateformes ad hoc centrées sur l'aide aux porteurs de projets, mise en place de réseaux dédiés à l'échelon régional, soutien financier ponctuel aux équipes porteuses de projets avec une prise en charge des dépenses de fonctionnement liées à l'élaboration des propositions, etc.

Ainsi, le conseil régional des Hauts-de-France a mis en place le Réseau Europe Recherche Innovation (RERI) , composé de différents accompagnateurs au montage de projets européens présents en région. Piloté par la région, ce réseau permet un partage de l'information sur les programmes, une mutualisation de la veille générale et spécialisée et des partages d'expérience des différents membres. Le conseil régional apporte également un appui spécifique ponctuel au montage de projet, grâce à la mobilisation du Fonds régional d'aide aux porteurs de projets européens (FRAPPE), dispositif destiné à financer l'ingénierie de projets par la mise à disposition d'un consultant spécialisé dans le type de projets collaboratifs européens visés.

De la même manière, le conseil régional de Normandie a créé un réseau intitulé TENOR (Team Europe Normandie) , regroupant l'ensemble des acteurs normands de la recherche et de l'innovation autour de thématiques européennes. Composé d'une soixantaine de structures et animé par le conseil régional, ce réseau permet un partage de documents, d'informations ou de bonnes pratiques par le biais d'une plateforme en ligne. Il propose également des ateliers d'aide à la rédaction de candidatures à des appels à projets européens, et recense les projets impliquant des acteurs normands et sélectionnés par la commission européenne, de manière à identifier les acteurs les plus actifs et à constituer un annuaire de structures ressources.

Certains conseils régionaux ont opté pour un soutien financier direct auprès de structures chargées d'accompagner les porteurs de projets. Ainsi, le conseil régional d'Occitanie finance le service « Europe » de la Communauté d'universités (COMUE) de Toulouse, pour accompagner les coordinateurs de projets du site qui répondent aux programmes thématiques H2020. De manière analogue, le conseil régional des Pays de la Loire soutient le dispositif « Cap Europe Pays de la Loire », porté par la COMUE Université Bretagne Loire et proposant une offre de service sur le territoire.

Lors de ses déplacements en région, le rapporteur spécial a pu constater à quel point les acteurs locaux étaient sensibles au rôle de relais joué par les conseils régionaux en direction des financements sur appels à projets européens . Si tous les conseils régionaux n'ont pas investi ce champ, force est de constater qu'une grande majorité des régions a fait de l'accompagnement aux porteurs de projets une priorité.

b) Un relais des priorités régionales auprès de l'Union européenne

Si les conseils régionaux ont entrepris de relayer les objectifs de l'Union européenne à l'échelon local, afin d'encourager la participation régionale aux appels à projets, ils ont également développé des stratégies d'influence auprès de l'Union européenne, pour faire émerger leurs priorités parmi les thématiques de recherche retenues lors de l'élaboration des programmes-cadres.

Ainsi, plusieurs conseils régionaux ont indiqué, dans leur réponse au questionnaire, prendre une part active dans les consultations et évaluations organisées par la commission européenne. Mobilisant les acteurs du territoire au sein de réseaux d'influence spécifique, les régions aident également certaines structures dans leurs démarches de lobbying européen . Le conseil régional des Hauts-de-France a par exemple indiqué qu'une « stratégie régionale d'influence partagée avec les acteurs régionaux [était] en construction, pour influencer la politique européenne de recherche et d'innovation et plus particulièrement le futur programme Horizon Europe ».

La plupart des régions s'appuient, pour ce faire, sur leur bureau de représentation à Bruxelles . Pour le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, ce bureau « composé d'une équipe spécialisée dans le suivi des politiques de l'Union européenne [est un] outil à la disposition de tous les acteurs du territoire pour les accompagner dans leurs démarches européennes » 23 ( * ) .

Enfin, certains conseils régionaux sont devenus membres de réseaux de régions européennes spécialisés dans les thématiques de la recherche et de l'innovation, comme Vanguard Initiative .

Les régions sont ainsi devenues un acteur à part entière du pilotage de la politique de recherche en France, jouant un rôle crucial dans l'articulation et la déclinaison des politiques locales, nationales et européennes. Cette montée en puissance s'est accompagnée d'une progression tendancielle des financements régionaux en faveur de la recherche.


* 16 Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES) du Mesri.

* 17 Dernières données disponibles.

* 18 Note d'information du SIES, « Le financement de la R&T par les collectivités territoriales », juillet 2019.

* 19 Les données n'étant pas disponibles uniquement pour les régions, cette division considère le budget de l'ensemble des collectivités territoriales.

* 20 Note d'information du SIES, « Le financement territorial de la R&T au cours de l'acte II de la décentralisation (2004-2014) », septembre 2016.

* 21 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 22 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 23 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

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