II. DANS LA MESURE OÙ LEUR INTERVENTION FINANCIÈRE SE CARACTÉRISE PAR UNE GRANDE COMPLÉMENTARITÉ AVEC CELLE DE L'ÉTAT, LES RÉGIONS POURRAIENT ÊTRE DAVANTAGE ASSOCIÉES À LA POLITIQUE DE RECHERCHE À L'ÉCHELON NATIONAL ET EUROPÉEN

A. DES FINANCEMENTS RÉGIONAUX S'ARTICULANT DE MANIÈRE COMPLÉMENTAIRE AVEC CEUX DE L'ÉTAT, DÉMONTRANT LA PERTINENCE DE L'ÉCHELON RÉGIONAL

1. Les financements concertés entre État et régions : la déclinaison de la politique nationale sur le territoire régional

L'État et la région interviennent conjointement sur plusieurs actions en matière de soutien à la recherche et à l'innovation . De manière schématique, il est possible de distinguer trois types de financements concertés : les contrats de plan État-région (CPER), les appels à projets régionalisés, et les fonds alloués aux pôles de compétitivité.

Dans ce cadre, les co-financements État-régions portent une ambition régionale dans un cadre national, en cohérence avec les objectifs fixés à l'échelon central . Selon le Mesri, les financements régionaux et nationaux « se complètent alors sans perte de lisibilité pour les structures qui se reconnaissent comme étant actrices d'un écosystème local tout en incarnant une vision nationale » 24 ( * ) .

L'articulation des financements entre l'État et les régions témoigne dès lors de la cohérence de ces interventions financières. Selon le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes : « ces démarches communes et dispositifs partagés permettent d'avoir une approche intégrée, une vision partagée des enjeux et intérêts du territoire et un discours unique auprès des acteurs ». 25 ( * )

a) Les CPER : une vision stratégique partagée entre l'État et chacune des régions dans le secteur de la recherche

Créés par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, les contrats de plan État-région (CPER) définissent les actions que l'État et chacune des régions s'engagent à mener et à financer conjointement, sur une période de six à sept années , afin de mettre en oeuvre des priorités partagées en faveur du développement des territoires .

Les CPER constituent ainsi le principal cadre formel de négociation entre l'État et la région sur la construction de politiques communes, permettant de mettre en cohérence les différentes politiques sectorielles, tant au niveau national qu'au niveau régional. Le contrat de plan propose de ce fait une vision territorialisée des politiques publiques , les priorités identifiées à l'échelon national devant composer avec les spécificités de chacun des territoires et les formes de mobilisation des acteurs locaux.

Afin de renforcer l'efficacité du dispositif, les interventions financières relevant des CPER 2015-2020 ont été recentrées sur cinq volets thématiques :

- l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation ;

- l'innovation, les filières d'avenir et l'usine du futur ;

- la mobilité multimodale ;

- la couverture du territoire par le très haut débit et le développement des usages du numériques ;

- la transition écologique et énergétique.

Destiné à renforcer l'insertion des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche dans les écosystèmes territoriaux , le volet « recherche et innovation » des CPER s'articule autour de deux priorités thématiques et une priorité transversale, définies par l'État :

- soutenir la compétitivité et l'attractivité des territoires ;

- offrir aux acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche des campus attractifs et fonctionnels ;

- soutenir une politique de site dynamique et cohérente.

(1) Un support financier déterminant de la politique de recherche en région

D'un point de vue financier, les CPER sont progressivement devenus un support déterminant des politiques de l'État en direction des territoires. Ainsi, au total, les 27 CPER 2015-2020 mobilisent 13,8 milliards d'euros de l'État, 15,4 milliards d'euros des régions et 874 millions d'euros des autres collectivités territoriales.

L'architecture financière des CPER

Les contrats de plan État-Région sont composés d'une partie décrivant les actions financées et les opérations sur lesquelles portent les engagements - partie qui constitue le contrat proprement dit -, ainsi qu'une annexe financière correspondant aux montants contractualisés.

Ces crédits contractualisés désignent des objectifs de financements pluriannuels qui sont des montants plafonds sur lesquels s'engagent les signataires du contrat. Ces montants ont été établis par les ministères, sur la base d'arbitrages budgétaires pris sur une période triennale, en fonction de priorités nationales et d'objectifs identifiés dans chacune des régions.

Si les objectifs de programmation sont bien définis sur une période comprise entre cinq et sept ans (avec révision éventuelle à mi-parcours), la logique financière des CPER repose sur une base annuelle.

Du côté des conseils régionaux , les crédits sont votés annuellement par les assemblées délibérantes . Pour l'État, les crédits relatifs à chacun des programmes contractualisés sont votés chaque année en loi de finances, les crédits CPER faisant l'objet d'une identification spécifique dans les annexes du projet de loi et bénéficiant ainsi d'une sécurisation sur le plan budgétaire.

Les crédits mobilisés par les opérateurs font, quant à eux, l'objet d'une validation par leurs conseils d'administration.

La plupart des crédits mobilisés par l'État sont gérés par les directions régionales des ministères, à qui les crédits sont délégués chaque année. Celles-ci sont chargées, dans le cadre de la gouvernance spécifique des CPER, d'instruire les dossiers et d'attribuer les financements.

Source : site internet du CGET

En pratique, le volet « recherche et innovation » des 27 CPER 2015-2020 comporte 372 projets pour le financement desquels l'État s'est engagé à consacrer une enveloppe de 205,8 millions d'euros sur la période , à partir des crédits portés par le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». En complément, les régions ont prévu d'investir près de 615,6 millions d'euros , preuve s'il en est de la priorité donnée à l'effort de recherche.

Enveloppes régionales « recherche et innovation » du CPER 2015-2020*

(en euros)

État

Conseil régional

Grand-Est

21 734 000

43 608 000

Nouvelle-Aquitaine

17 270 000

166 615 000

Normandie

10 684 200

55 620 000

Bourgogne-Franche-Comté

11 560 000

12 530 000

Bretagne

21 700 000

30 234 000

Centre

8 910 000

21 194 000

Corse

3 400 000

4 000 000

Ile-de-France

20 000 000

Occitanie

22 616 000

64 761 052

Hauts-de-France

23 580 000

55 450 000

Paca

9 070 000

48 800 000

Pays de la Loire

12 139 000

15 591 000

Auvergne- Rhône-Alpes

17 450 000

69 150 000

Total métropole

200 113 200

587 553 052

Guadeloupe

400 000

400 000

Guyane

400 000

La Réunion

1 300 000

20 268 000

Martinique

400 000

4 069 600

Mayotte

200 000

Total outre-mer

2 700 000

24 737 600

Vallée de la Seine 26 ( * )

3 000 0000

3 310 000

Total général

205 813 200

615 600 652

* Cette enveloppe comprend uniquement les crédits portés par le programme 172.

Source : commission des finances, à partir des données du Mesri

En 2017, les conseils régionaux ont ainsi consacré 114 millions d'euros aux dépenses de recherche dans le cadre du CPER , dont 62 %, soit 70 millions d'euros, ont été dévolus à des opérations immobilières.

Budget de recherche et transfert de technologie réalisé
dans le cadre du CPER de 2015 à 2017

(en millions d'euros et en pourcentage)

2015

(budget réalisé)

2016

(budget réalisé)

2017 (budget prévisionnel)

Ensemble des collectivités territoriales

250 (100 %)

180 (100 %)

187 (100 %)

Dont conseils régionaux

177 (71 %)

118 (66 %)

114 (61 %)

Dont opérations immobilières des conseils régionaux

130 (74 %)

57 (48 %)

70 (62 %)

Source : commission des finances, à partir de l'Enquête auprès des collectivités territoriales 2017 - MESRI -SIES

Les différents interlocuteurs rencontrés par le rapporteur spécial lors de ses déplacements se sont émus de la diminution de ces montants contractualisés. En effet, l'enveloppe allouée par l'État au volet « recherche et innovation » a été presque divisée par deux , chutant de 365 millions d'euros pour les CPER 2007-2014 à 205,8 millions d'euros pour la période 2015-2020.

En parallèle, les engagements financiers des régions au titre des CPER ont également reculé ; alors que les montants contractualisés constituaient une part conséquente de leur budget de recherche, de l'ordre de 29 % pour les CPER 2007-2014, le poids relatif de ces contrats semble avoir sensiblement diminué au cours des dernières années, jusqu'à ne représenter que 11 % de l'effort de recherche des régions en 2017 .

Évolution de la valeur et de la part des CPER
dans l'effort de recherche des régions

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la DGRI

Si cette évolution est à analyser avec prudence, étant donné que les montants versés au titre des CPER peuvent être soumis à des variations importantes d'une année sur l'autre, elle laisse augurer d'une prise d'autonomie de la politique de recherche des régions, investissant davantage en dehors du cadre formel de ces contrats .

Le rapporteur spécial tient à souligner qu'en tout état de cause, la tendance est au maintien de l'effort de recherche des régions, dans un contexte global de baisse des montants contractualisés avec l'État .

Au demeurant, les CPER restent un puissant outil en faveur de l'investissement local , aidant à mobiliser des financements importants en vue du montage de projets complexes, notamment dans le domaine des infrastructures.

Lors de ses déplacements, il a été indiqué au rapporteur spécial que les CPER permettaient également d'organiser des contreparties nationales aux financements européens , le calendrier des CPER ayant été aligné sur celui des fonds structurels européens et leur contenu articulé avec celui des politiques européennes de cohésion.

Dès lors, la plupart des interlocuteurs rencontrés ont souligné l'effet de levier significatif de ces contrats , en particulier dans le domaine de la recherche, les financements de l'État accompagnant ceux des collectivités locales et de l'Union européenne sur des projets communs.

Comme l'a résumé le conseil régional des Hauts-de-France : « Il est à noter que les CPER sont vecteur d'un réel effet levier : les projets avancent au fur et à mesure en maturité et sont ensuite capables d'aller chercher d'autres soutiens financiers à l'échelle nationale, européenne et internationale. En ce sens, les CPER offrent la possibilité d'obtenir une vitrine via les activités/projets de recherche, avec des retombées économiques et de valorisation pour le territoire » 27 ( * ) .

Cet effet de levier se constate également auprès des organismes de recherche implantés en région ; parties prenantes des contrats de plan, ils sont incités à investir sur des projets ciblés, en collaboration avec le conseil régional.

Engagements des organismes de recherche par région de France métropolitaine au titre du volet « recherche et innovation » du CPER 2015-2020

(en euros)

Régions

Montants contractualisés

Grand Est

6 420 000

Nouvelle-Aquitaine

17 535 000

Auvergne-Rhône-Alpes

19 080 000

Bourgogne Franche Comté

1 470 000

Bretagne

9 445 000

Centre

7 760 000

Île-de-France

34 570 000

Occitanie

21 566 000

Normandie

3 820 000

Hauts-de-France

7 440 000

PACA

36 224 000

Pays de la Loire

4 700 000

Total

170 030 000

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du Mesri

(2) Un outil performant de structuration de la recherche sur les territoires, garantissant la cohérence des interventions étatiques et régionales

Il ressort de l'étude menée par le rapporteur spécial que, pour les conseils régionaux, l'élaboration des CPER est devenue un moment clé de la vie régionale , permettant de discuter et de fixer les grandes orientations de l'action publique.

En matière de recherche, cet outil est particulièrement apprécié dans la mesure où il constitue le seul réel lieu de concertation entre l'État et la région sur les investissements à venir . Comme l'a explicité le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes dans le questionnaire qui lui a été adressé : « L a construction et la mise en oeuvre [des CPER] permettent un dialogue État, région, collectivités et acteurs de la recherche autour du soutien à des investissements importants difficilement réalisables avec l'aide d'un seul financeur » 28 ( * ) .

La méthode d'élaboration des CPER permettrait ainsi « d'imposer au niveau des financeurs que sont l'État, la région, et les autres collectivités territoriales, une concertation, une priorisation et une planification pluriannuelle des investissements et au niveau des acteurs du territoire une concertation par site universitaire et une priorisation des projets » 29 ( * ) , selon le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Dans le domaine de la recherche, cette programmation pluriannuelle serait d'autant plus performante que « le volet recherche est l'un des volets où le taux de programmation est satisfaisant (60 % à fin 2018) et relativement équilibré entre État et région » 30 ( * ) . Les CPER présenteraient également l'avantage de s'étendre sur le temps long et donc de s'articuler de manière harmonieuse avec les exercices de prospective réalisés par les régions. Selon le conseil régional de Guadeloupe : « L'exercice de planification et de projection à plus ou moins long terme répond à la logique des schémas régionaux. Il s'agit de s'inscrire dans une vision prospective. En cela, la démarche est pertinente » 31 ( * ) .

Si certaines régions soulignent que, dans un contexte budgétaire contraint et incertain, les engagements financiers de l'État sur une période aussi longue peuvent être sujets à caution, la plupart estiment qu'il s'agit là d'un moindre mal, l'essentiel étant de garantir des actions coordonnées de l'État et de la région sur le territoire .

De ce point de vue, force est de constater que les contrats de plan permettent de concentrer des moyens financiers sur certains investissements emblématiques . À titre d'exemple, dans la région Pays de la Loire, les CPER ont permis l'équipement d'un centre de calcul d'envergure nationale, l'Institut de calcul intensif (ICI), avec une équipe de recherche en analyse numérique et en mathématiques qui développe des méthodes de calcul intensif.

Pour le conseil régional de La Réunion : « La concentration des moyens de l'État et de la région permettent d'avoir une vision partagée de ces deux acteurs publics, et donner ainsi de la cohérence à la politique de recherche soutenue sur le territoire . » Une étude de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) portant sur la valeur ajoutée du volet « recherche et innovation » des CPER corrobore cette appréciation.

Démontrant que les objectifs affichés à la signature des contrats pour les programmes relevant de la DGRI avaient été atteints, elle avance notamment que « les contrats ont contribué à la cohérence des différentes politiques publiques et stratégies d'acteurs et ont aidé les acteurs à se mobiliser sur des stratégies futures [et] à assurer une répartition territoriale et thématique équilibrée de l'offre d'équipements et leur mutualisation , ce qui a permis de soutenir des opérations dans des secteurs émergents ou interdisciplinaires qui n'auraient pas été satisfaits dans des logiques d'appels à projets nationaux. »

Plus encore, les CPER assurent la déclinaison opérationnelle de la stratégie nationale sur le territoire tout en soutenant des initiatives locales. Ainsi, l'étude de la DATAR démontre que les CPER ont eu un effet accélérateur sur les opérations, en complément des stratégies nationales : « Ils ont eu un effet important sur la déclinaison opérationnelle de ces stratégies. Ils ont favorisé l'émergence et la mise en oeuvre d'autres projets et les dispositifs d'innovation ».

In fine , comme l'a résumé la région Hauts-de-France : « Les CPER représentent un outil incontournable de structuration de la recherche sur un territoire » 32 ( * ) .

Il convient de rappeler, enfin, que les CPER demeurent un des derniers leviers d'intervention de l'État en région . En effet, sous la généralisation des appels à projets nationaux, les modes d'intervention de l'État en direction des territoires ont profondément évolué. Conçus et pilotés à l'échelon national, les appels à projets répondent en effet à une logique d'excellence et profitent souvent aux territoires les mieux organisés. Par conséquent, ils diffèrent de la logique contractuelle, qui repose sur le principe de la négociation et du partage des objectifs entre les différents acteurs.

Les CPER demeurent dès lors un outil permettant à l'État de prendre en compte les priorités régionales , et donc d'intervenir en faveur de projets ou d'établissements non soutenus dans le cadre des appels à projets nationaux, et de financer des opérations complémentaires aux actions relevant des programmes d'investissement d'avenir (PIA). Comme l'a relevé le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine : « Dans une perspective régionale, le CPER constitue le seul levier de l'État pour accompagner les opérations structurantes » 33 ( * ) .

(3) Un instrument caractérisé malgré tout par son manque de souplesse

La plupart des régions interrogées ont fait remarquer qu'en raison des spécificités de l'architecture financière des CPER, les interventions de l'État demeuraient très limitées dans leur nature .

En effet, comme l'a souligné le conseil régional des Pays de la Loire : « La participation de l'État est restreinte aux seuls projets immobiliers ou équipements scientifiques. Cette faible typologie d'intervention limite la capacité d'adaptation des financements aux besoins des acteurs, qui ne se résument pas aux bâtiments et équipements » 34 ( * ) . De fait, si les contrats de plans paraissent particulièrement adaptés pour le financement d'investissements lourds, correspondant à des infrastructures ferroviaires, routières et portuaires, à de l'immobilier universitaire et des équipements de recherche, ils permettent difficilement de soutenir des projets ciblés ou de financer des frais de fonctionnement.

Par ailleurs, plusieurs conseils régionaux ont souligné le manque de souplesse de cet outil. Selon la région Nouvelle-Aquitaine : « Il faut souligner les limites du fonctionnement de l'État, qui délivre 1/7 par an de ses enveloppes inscrites et demande la consommation de cette enveloppe dans l'année de délivrance dans certains cas. Paradoxalement, cet engagement de l'État sur sept années ne permet pas la souplesse qu'apporte une gestion pluriannuelle [...] Cette absence de souplesse complexifie la réalisation des projets » 35 ( * ) .

De la même manière, le conseil régional de Guadeloupe a regretté que l'enveloppe soit annualisée : « Chaque année, il convient d'amender les plans de financement afin d'y inscrire les crédits correspondants de l'État. Il eut été plus fonctionnel de raisonner en autorisations de programmation, plutôt qu'en crédits de paiement. Ceci ajoute une lourdeur administrative supplémentaire à la gestion des dossiers » 36 ( * ) .

Les limites bien identifiées de ces contrats de plan ont progressivement conduit à conforter le rôle des régions, dont les interventions sont plus souples et modulables : Comme l'a résumé le conseil régional d'Occitanie : « les CPER sont un outil adapté pour les grands projets d'infrastructures, nécessitant la mobilisation de financements importants, associant l'État, la région et les autres collectivités [...] c'est un outil complémentaire aux dispositifs régionaux , plus souples et réactifs, et qui sont orientés vers le soutien à la recherche appliquée, en lien avec les besoins des entreprises ou des filières » 37 ( * ) .

Une répartition fonctionnelle des dépenses s'est donc instaurée entre l'État et la région , comme développé par le conseil régional des Hauts-de-France : « Les soutiens financiers contractualisés par l'État sont dédiés exclusivement à des équipements scientifiques, alors que les apports de la Région sont à la fois destinés au soutien d'équipements, mais également aux frais de fonctionnement que ce soit en personnel ou fonctionnement courant » 38 ( * ) .

b) Les appels à projets régionalisés : un dispositif partagé entre l'État et les régions, permettant de soutenir les priorités régionales dans le cadre d'une stratégie nationale

Les appels à projet régionalisés constituent également un mode d'intervention financière concertée entre l'État et les régions .

Les programmes d'investissements d'avenir (PIA) 3 - régionalisés ont ainsi permis aux conseils régionaux de s'associer à l'État pour favoriser l'accompagnement d'entreprises innovantes, l'État et les régions finançant à parité des projets sélectionnés conjointement .

Le PIA 3 - régionalisé

Le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), doté de 10 milliards d'euros sur trois ans (2018-2020) a réservé 500 millions d'euros pour conduire des actions territorialisées dans la recherche et l'innovation en étroite collaboration entre l'État et les régions, dans le cadre d'une gouvernance commune et selon un principe de parité de financement. Il se décompose en deux enveloppes, déployées via les opérateurs Bpifrance et Caisse des dépôts et consignations :

- une première enveloppe de 250 millions d'euros de subventions et d'avances remboursables . Dans ce cadre, un appel à candidature a été publié, permettant aux régions de définir leurs priorités parmi les actions du programme d'investissements d'avenir éligibles.

- une seconde enveloppe de 250 millions composée de fonds propres . Celle-ci fera l'objet d'une consultation pour déterminer les meilleures conditions d'intervention dans les premiers stades de développement des entreprises (pré-amorçage, amorçage et capital croissance).

In fine , l'État et les régions vont donc investir conjointement jusqu'à un milliard d'euros dans des actions en faveur du développement des PME innovantes régionales.

Source : commission des finances du Sénat

De la même manière, le Fonds unique interministériel (FUI) - régions, remplacé à compter de 2019 par les projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC) - régions , finance des projets de recherche dans le cadre de la politique des pôles de compétitivité.

L'appel à projets PSCP - Régions

Dans le cadre du lancement de la phase IV de la politique des pôles de compétitivité (2019-2022), les appels à projets FUI-régions ont été remplacés par les projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC) - régions

L'appel à projets « PSPC-Régions » est un dispositif de soutien financé par le programme d'investissements d'avenir, ayant vocation à « sélectionner des projets de recherche et développement particulièrement structurants pour la compétitivité, c'est-à-dire visant des retombées économiques et technologiques directes, sous forme de nouveaux produits, services et technologies, et des retombées indirectes en termes de structuration durable de filières » 39 ( * ) .

Le dispositif est doté d'une enveloppe globale de 100 millions d'euros (50 millions d'euros dans le cadre du PIA et 50 millions d'euros en provenance des régions).

Le soutien apporté par l'État aux bénéficiaires se fait sous forme d'aides d'État constituées de subventions et/ou d'avances récupérables. Les collectivités territoriales financent les projets selon des modalités qui leur sont propres.

Source : commission des finances, à partir du site de Bpifrance

Les PIA 3 - régionalisés et le PSPC - régions présentent la spécificité d'associer les conseils régionaux à l'élaboration des appels à projets et au processus de sélection des projets . Dans le cadre du PSPC-régions, seuls les projets bénéficiant d'un cofinancement par les régions peuvent faire l'objet d'un financement par l'État, faisant des conseils régionaux l'élément central du dispositif.

In fine , ces appels à projets régionalisés ont la particularité de s'appuyer sur les forces des régions , au premier rang desquels figurent une grande proximité avec les acteurs locaux et une connaissance fine des besoins de financement sur le territoire. Les projets sélectionnés ont ainsi vocation à s'inscrire en cohérence avec les priorités stratégiques présentées dans le cadre des SRDEII et SRESRI.

Pour l'association Régions de France, ces appels à projets régionalisés constituent donc un exemple de collaboration financière réussie entre l'État et les conseils régionaux, permettant de soutenir les priorités régionales tout en déclinant la stratégie nationale de recherche .

Le rapporteur spécial relève néanmoins que ces actions conjointes ne sont pas toujours exemptes de critique . Elles présentent en effet des coûts de coordination conséquents , associés à une charge administrative non négligeable ; en parallèle, si les régions sont associées à la gestion de ces dispositifs, leur pilotage est toujours assuré par l'échelon central, imposant souvent des cahiers des charges uniques pour les régions, sans tenir compte des spécificités de leur territoire.

c) La politique des pôles de compétitivité

Si le financement des pôles de compétitivité est en grande partie assuré par le secteur privé (à hauteur de 46 % de leurs ressources entre 2005 et 2018), l'État et les collectivités territoriales y contribuent également, dans des proportions non négligeables.

Ainsi, sur la même période, les projets de R&D passés par les pôles ont été financés à hauteur de 1,8 milliard d'euros par l'État via le FUI et 1,3 milliard d'euros par les régions . À titre d'exemple, les 43 projets sélectionnés au titre du dernier appel à projets du FUI ont bénéficié d'une aide de l'État de 27 millions d'euros, complétée par une aide de 29 millions d'euros en provenance des collectivités territoriales dont 18 millions d'euros des régions, ainsi que de 9 millions d'euros de fonds communautaires.

L'implication budgétaire des régions dans le financement des pôles de compétitivité est conséquente. En 2017, les conseils régionaux de France métropolitaine ont consacré 63,2 millions d'euros, soit près de 10 % de leur budget de recherche, aux pôles de compétitivité .

En 2017, cinq régions ont dédié plus de 10 % de leurs financements en faveur de la recherche aux actions des pôles et à leur fonctionnement : Bretagne (22 %), Auvergne-Rhône-Alpes (17 %), Bourgogne-Franche-Comté (14 %), Île-de-France (14%) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (11 %).

Budget réalisé en direction des pôles de compétitivité et part de ce budget dans le budget recherche des conseils régionaux en 2017

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, à partir des données du Mesri

En pratique, les régions cofinancent les projets collaboratifs des pôles, ainsi que l'animation de leurs structures de gouvernance.

Le niveau élevé des financements en provenance des conseils régionaux s'explique notamment par leur degré d'implication croissant dans le pilotage des pôles. En effet, le lancement de la phase 3 des pôles de compétitivité en 2013 s'est caractérisé par un renforcement du partenariat entre l'État et les régions dans le co-pilotage de la politique des pôles , l'État et les conseils régionaux ayant co-signé le contrat de performance de chaque pôle, comprenant la feuille de route stratégique pour la phase 3 (2013-2018).

Associés de plus en plus étroitement au pilotage et à la gouvernance des pôles de compétitivité, les régions ont naturellement été conduites à contribuer de manière significative à leur financement, ce d'autant que les enveloppes accordées par l'État à ces structures n'ont cessé de diminuer, le FUI passant de 200 millions d'euros en 2015 à 50 millions d'euros en 2019, tandis qu'en parallèle, les 18 millions d'euros dévolus au fonctionnement des pôles devraient être divisés par deux d'ici à 2022.

Ce désengagement progressif de l'État ne saurait cependant se fonder sur l'illusion que les régions seront en mesure de compenser la baisse des financements accordés . En effet, alors que les conseils régionaux participent d'ores et déjà dans des proportions importantes au financement des pôles, le transfert intégral aux régions de la gestion et du financement de ces structures aurait des conséquences délétères pour le financement régional de la recherche. Les marges de manoeuvre budgétaire des régions en seraient considérablement restreintes, mettant en péril leur capacité à financier de manière souple et rapide une multitude de projets et d'acteurs.

2. Les financements d'initiative régionale : la mise en oeuvre d'une stratégie locale, conduisant les régions à développer des leviers d'intervention en propre

Lors de ses déplacements, le rapporteur spécial a pu constater que les régions avaient développé toute une palette d'outils financiers pour intervenir en faveur de la recherche en dehors des cadres d'intervention conjointe avec l'État.

En pratique, si les régions proposent rarement le financement intégral d'un projet ou d'une infrastructure, elles offrent en règle générale un complément absolument indispensable pour les chercheurs , puisqu'il se révèle souvent déterminant dans la décision de poursuivre ou non un projet.

Dès lors, le rapporteur spécial s'est attaché à étudier les différents types d'intervention financière des régions, en étudiant plus spécifiquement les outils utilisés et les finalités recherchées.

Il en ressort que les régions ont pu mettre à profit leur proximité avec les acteurs régionaux pour développer des modalités d'intervention qui leur sont propres, caractérisées par une grande souplesse et une réactivité accrue. Les conseils régionaux réussissent, par ce biais, à s'affranchir du cadre rigide des interventions conjointes avec l'État, pour étendre le spectre des financements envisageables (tant du point de vue de la typologie des versements réalisés - frais de fonctionnement, d'investissement, de personnel - que des acteurs soutenus) afin de répondre aux besoins identifiés à l'échelle du territoire. Ainsi, comme l'a affirmé Régions de France : « Les chercheurs trouvent dans les régions un financeur plus direct, plus rapide ».

Par ailleurs, certaines régions ont utilisé le levier du financement pour s'impliquer directement dans le pilotage et la gouvernance des projets soutenus , afin de garantir l'efficacité des investissements consentis tout en structurant l'écosystème local. Ainsi, comme l'a résumé M. G. Blanchard, vice-président en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche de Nouvelle-Aquitaine : « la mise en oeuvre de [nos] ambitions implique de positionner la région dans un rôle central qui dépasse le strict cadre du financement des politiques de soutien à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, dans une vision à long terme, en se donnant, par une gouvernance et une pilotage spécifiques, les moyens d'une amélioration continue et l'agilité nécessaire pour s'adapter aux évolutions » 40 ( * ) .

Sans prétendre exposer de manière exhaustive les initiatives régionales en matière de financement de la recherche, le rapporteur spécial s'est donc attaché à dresser une typologie de ces interventions, afin de mettre en exergue leur complémentarité avec celles de l'État.

a) Les financements sur appels à projets : un mode d'intervention souple, favorisant la subsidiarité
(1) Les appels à projets destinés à augmenter le nombre de chercheurs

L'étude réalisée par le rapporteur spécial a démontré qu'un grand nombre de régions cherchaient à augmenter le nombre de chercheurs sur leur territoire, que ce soit en finançant des allocations d'études doctorales ou post-doctorales ou en organisant des appels à projets spécifiques.

Parmi les exemples portés à la connaissance du rapporteur spécial figurent ainsi les 120 thèses financées, sur fonds régionaux et sur fonds structurel FEDER, par le conseil régional des Hauts-de-France, les 100 contrats doctoraux sur la thématique du numérique financés par le conseil régional d'Île-de-France, en partenariat avec des entreprises, ou encore les 7 millions d'euros d'engagements annuels du conseil régional de Normandie, destinés à soutenir une cinquantaine d'allocations doctorales, dont la moitié à hauteur de 100 % (dispositif « Réseau d'intérêt normand Doctorants »), pour combler un manque identifié de doctorants.

En parallèle, certains conseils régionaux organisent des appels à projets destinés à attirer de nouveaux chercheurs ; c'est le cas du conseil régional des Pays de la Loire qui, compte tenu d'un retard historique du nombre de chercheurs de grands organismes, a mis en oeuvre trois appels à projets spécifiques : « Connect Talent », « Etoiles montantes », « Pulsar ». Ces appels à projets se combinent avec l'octroi direct d'une subvention de 1 500 euros pour les entreprises prenant part au dispositif « Expérience Recherche » et accueillant dans ce cadre des étudiants de second cycle universitaire, afin de travailler sur un problématique cibler et réaliser un état de l'art, étape préalable à des travaux de recherche et développement plus pérennes.

(2) Les appels à projets thématiques : une intervention subsidiaire par rapport à celle de l'État

De nombreuses régions organisent également des appels à projets thématiques pour répondre à certains besoins identifiés sur leur territoire . Souples et évolutifs, ces appels à projets régionaux se sont inscrits de manière durable dans les écosystèmes locaux.

Les appels à projets régionaux permettent aux régions d'apporter un complément financier aux appels à projets nationaux ou européens , d'intervenir de manière subsidiaire par rapport à l'État, limitant ainsi le nombre d'angles morts dans le financement de la recherche en France, de mobiliser des financements privés et enfin de favoriser le rapprochement entre les différents acteurs locaux (entreprises et chercheurs).

En premier lieu, responsables de l'attribution de fonds européens, les conseils régionaux proposent dans certains cas de coupler l'aide régionale à un financement européen (voir supra ). Selon les réponses obtenues au questionnaire, certaines régions iraient jusqu'à proposer aux porteurs de projet de financer l'ensemble grâce aux fonds FEDER et à leur budget propre .

D'autres régions ont par ailleurs fait savoir qu'elles cherchaient à intervenir de manière subsidiaire par rapport à l'ANR , en ciblant les projets non éligibles auprès de cette agence , portant par exemple sur des données préliminaires associées à une prise de risque importante. Les régions contribuent dès lors à élargir le spectre des appels à projets disponibles, en proposant des offres variées, n'existant pas à l'échelle nationale.

Dès lors, ces appels à projets prennent des formes variées :

- le conseil régional de la Guadeloupe a ainsi initié un concours annuel de projets innovants (I-NOVA), tout en créant un programme accélérateurs (I-DDEACTE) à destination des lauréats de ce concours ;

- le dispositif « Réseau d'intérêt normand Recherche » permet au conseil régional de Normandie de dédier une enveloppe de plus de 37 millions d'euros de fonds régionaux et 10 millions d'euros de fonds FEDER au soutien de projets de recherche sur une période relativement courte (36 mois maximum) ;

- le conseil régional des Pays de la Loire organise un appel à projets annuel intitulé « Paris scientifiques » afin de soutenir l'émergence de nouveaux champs de recherche sur son territoire ;

Au demeurant, plusieurs conseils régionaux ont fait remarquer que ces appels à projets permettaient de mobiliser des fonds privés en faveur de la recherche en région . En Occitanie, à titre d'exemple, le dispositif « Groupement pour la recherche appliquée innovante avec les entreprises » (Graine), qui fédère des laboratoires de recherche et des entreprises autour d'une problématique industrielle, a pour objectif de faire émerger des partenariats d'innovation stratégique pérennes dans les domaines identifiés de la SRI-3, financés en partie par les entreprises, en sus de leurs investissements internes (matériels, ingénieurs) : les grands groupes cofinancent un projet à hauteur de 50 % et les PME à hauteur de 25 %. Pour le conseil régional d'Occitanie : « Ce dispositif permettra d'augmenter le financement privé de la recherche et développement en région et de former les étudiants à travers des projets d'entreprises » 41 ( * ) .

Enfin, fréquemment, dans les réponses au questionnaire, les conseils régionaux ont déclaré utiliser le levier des appels à projets pour renforcer les liens existant entre entreprises et chercheurs , dans l'optique de favoriser la valorisation et le transfert de technologie.

Ainsi le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a-t-il instauré un appel à projets « Installations de Recherche et d'Innovation Centrées Entreprises », ayant permis, depuis février 2017, de soutenir 22 plateformes collaboratives de recherche-développement portées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances ainsi que des entreprises, pour un budget de 23,4 millions d'euros.

De la même manière, le conseil régional d'Île-de-France a indiqué au rapporteur avoir déposé un projet au programme « territoire d'innovation de grande ambition » sur le thème « Construire le futur, habiter le futur ». Pour le conseil régional : « Cette initiative ambitieuse illustre une fois encore cette même priorité, la vocation de la région étant de jouer le rôle d'interface en rapprochant entreprises et chercheurs autour d'un projet de territoire » 42 ( * ) .

b) Les subventions et investissements ponctuels : un outil permettant de structurer des filières sur le territoire régional

Le rapporteur spécial a pu observer que les régions choisissaient, dans de nombreux cas, de subventionner directement des projets structurants - construction et équipement de Très grandes infrastructures de recherche (TGIR), projets menés en partenariat avec des organismes de recherche, etc., de manière à apporter une aide directe, rapide et ciblée.

Dans ce cadre, les organismes et établissements de recherche font souvent directement appel aux conseils régionaux pour obtenir un soutien qui apparait réellement décisif, dans la mesure où il aide à convaincre les autres acteurs publics (départements, agglomérations, etc.) de s'engager . La région joue ainsi un rôle de prescripteur, ce qui permet de faire émerger des dynamiques à l'échelle locale.

Certaines régions s'attachent, par ce biais, à structurer des filières sur leur territoire, en s'impliquant directement dans le financement d'infrastructures ou de projets innovants . Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, la politique régionale en faveur de la recherche « est fondée sur une logique de filières et de projets, avec la volonté que chaque grand secteur économique bénéficie en amont d'une recherche d'excellence » 43 ( * ) . Concrètement, le conseil régional a indiqué avoir soutenu de sa propre initiative certains projets emblématiques, tels que l'Institut scientifique de la vigne et du vin (ISVV), à hauteur de 18 millions d'euros, le Neurocampus, à hauteur de 60 millions d'euros, ou encore l'Institut européen de chimie biologique (IECB), pour 13,8 millions d'euros.

Lors de son déplacement en Nouvelle-Aquitaine, M. Blanchard, vice-président en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche de la région, a pu exposer au rapporteur spécial les efforts du conseil régional pour structurer la communauté scientifique locale, en prenant notamment l'exemple de la création et du développement d'une filière industrielle photonique.

En pratique, la région a bénéficié dans un premier temps d'une dynamique académique, technologique et industrielle, initiée par la construction du Laser Mégajoule (LMJ) sur le site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Afin de garantir la pérennité de l'implantation des entreprises sous-traitantes de ce chantier, et de déployer un écosystème générateur d'emplois sur le territoire, le conseil régional a par la suite entrepris de compléter la chaîne de valeur, en subventionnant à hauteur de 46,6 millions d'euros (dont 10 millions d'euros du FEDER) la construction de l'Institut d'Optique d'Aquitaine (IOA), centre unique en France, entièrement tourné vers les technologies optiques, laser et numérique. L'installation de ce centre a eu pour conséquence, dans un second temps, d'attirer sur le territoire aquitain l'Institut d'Optique Graduate School (IOGS) et ses étudiants.

In fine , ce projet a donc permis de rassembler sur un même site l'IOGS (volet formation, recherche), un centre de ressources ALPhANOV (volet transfert de technologies) et l'Université de Bordeaux - PYLA (volet formation continue en optique), donc de structurer une filière dans son ensemble.

Enfin, ces investissements peuvent également être destinés à faciliter l'implantation, sur le territoire régional, d'équipements emblématiques, comme des Très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Ainsi, les conseils régionaux d'Île-de-France et du Centre-Val-de-Loire, ainsi que le conseil départemental de l'Essonne ont financé à hauteur de 183 millions d'euros (soit près de 60 % du coût total) la construction du Synchrotron « Source Optimisée de Lumière d'Énergie Intermédiaire du Lure » (SOLEIL), sur le plateau de Saclay.

c) La contractualisation avec des organismes de recherche pour accroître l'attractivité du territoire

Le soutien financier apporté par les régions peut également s'appuyer sur une démarche de contractualisation (ou de conventionnement) avec des organismes de recherche ou des IR / TGIR, visant à renforcer la présence et l'implication de ces derniers sur le territoire régional et donc à renforcer leur attractivité.

En effet, la plupart des grands organismes nationaux de recherche sont présents en régions, qu'ils disposent de délégués régionaux (comme le CNRS ou l'INSERM) ou soient organisés en centres locaux ou régionaux (INRA, INRIA, IRSTEA, IFSTTAR, IFPEN, CEA).

Dès lors, plusieurs conseils régionaux se sont engagés dans une démarche de contractualisation avec ces organismes. Ces partenariats consistent dans la plupart des cas à soutenir de manière spécifique des laboratoires de recherche pour lesquels l'organisme de recherche et la région estiment opportun de renforcer les moyens humains ou de faire émerger un domaine scientifique dont le potentiel justifie un ancrage territorial fort. Les conventions conclues avec les organismes de recherche sont ainsi principalement destinées au financement d'opérations immobilières et d'équipements scientifiques.

Ainsi, lors de son déplacement en Auvergne-Rhône-Alpes, le rapporteur spécial a pu s'entretenir avec M. Y. Neuder, vice-président délégué à la recherche, des moyens déployés par la région pour structurer la filière micro et nanoélectronique, qui constitue un axe prioritaire de la politique régionale , tant du point de vue de la recherche, avec la présence sur le territoire régional de nombreux organismes et instituts spécialisés, que du point de vue de la valorisation industrielle.

Dans cette optique, le conseil régional a conclu un partenariat stratégique majeur avec le CEA Tech sur la période 2018-2022, s'engageant à intervenir à hauteur de 100 millions d'euros sur la durée de cette convention (par l'intermédiaire de crédits régionaux et de fonds structurels FEDER), dont 50 millions d'euros dédiés à la microélectronique .

En pratique, le conseil régional s'est engagé dans le plan Nano 2022 à hauteur de 35 millions d'euros, après avoir investi 25 millions d'euros dans le plan Nano 17 - en finançant notamment, pour 15 millions d'euros l'acquisition d'un appareil de lithogravure au CEA-Leti, institut de recherche technologique de CEA Tech.

Le rapporteur spécial a eu l'opportunité de se rendre au CEA-Leti dans le cadre d'un déplacement. Constituant l'un des plus importants centres européens de recherche appliquée en électronique, le CEA-Leti dispose de moyens technologiques lourds, avec plus de 10 000 m² de salles blanches et de nombreux équipements. De l'avis des chercheurs rencontrés, le soutien financier de la région s'est révélé déterminant dans l'acquisition de ces équipements , permettant d'y développer une recherche de pointe.

d) Le financement récurrent des écosystèmes d'innovations via les structures labellisées : l'instauration d'une relation tripartite avec l'État

L'intervention financière des régions en faveur de la recherche passe également par le biais d'un soutien marqué aux écosystèmes d'innovation , via les structures bénéficiant d'un label du Mesri - centres de ressources technologiques (CRT), cellules de diffusion technologique (CDT), les plateformes technologiques (PFT), instituts de recherche technologique (IRT).

Ces structures labellisées s'inscrivent ainsi désormais dans une relation tripartite avec l'État et la région , cette dernière constituant un partenaire financier majeur pour leur développement. Selon la Direction générale de la recherche et de l'innovation, les 62 CRT perçoivent annuellement 32,4 millions d'euros de subventions, dont 21 % proviennent de l'État et 42 % des régions. En parallèle, les CDT perçoivent 10,8 millions d'euros de subventions, dont 62 % en provenance des régions et 10 % de l'État.

Enfin, à titre indicatif, les incubateurs sont soutenus à hauteur de 4,3 millions d'euros par l'État, et 5,7 millions d'euros par les collectivités territoriales (principalement les régions).

Sans aller jusqu'à répertorier l'intégralité de ces dispositifs, l'encadré ci-après recense les structures les plus fréquemment citées par les régions dans l'enquête adressée par le rapporteur spécial .

Le rapporteur relève le nombre élevé de ces structures, qui laisse craindre une dispersion des financements et des acteurs, nuisibles à l'efficacité des efforts entrepris.

Structures cofinancées par les régions

Les centres de ressources technologiques (CRT) : structures d'interface entre les laboratoires académiques et les entreprises, ils ont vocation à assister directement ces dernières, et plus particulièrement les PME, dans la définition de leurs besoin. Ils participent au développement de leurs activités par le biais d'innovations technologiques et s'appuient sur des réseaux de compétences. Ils disposent de moyens technologiques et analytiques propres et proposent une gamme de prestations sur catalogue et sur mesure.

Les plateformes technologiques (PFT) : résultant de la réunion de certains établissements d'enseignement et de structures publiques ou privées disposant de plateaux techniques identifiés autour d'une thématique commune, elles proposent des prestations techniques et technologiques aux entreprises. Elles ont ainsi pour mission d'organiser sur un territoire le soutien apporté à la modernisation des entreprises par les établissements d'enseignement.

Les cellules de diffusion technologique (CDT) : jouant un rôle d'interface entre les PME et les centres de compétences (laboratoires de recherche, centres de techniques, instituts universitaires de technologie), elles assistent les entreprises dans la définition de leurs besoins par une approche globale. Ne disposant pas de moyens analytiques et technologiques, elles ont essentielles des activités de diagnostic et de conseil.

Les sociétés d'accélération de transfert de technologie (SATT) : créées par plusieurs établissements de recherche publics dans le cadre des Programmes des Investissements d'Avenir (PIA), elles ont vocation à regrouper l'ensemble des équipes de valorisation des sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures. Les SATT ont accès aux compétences et inventions des chercheurs publics sur leur territoire et s'appuient sur des équipes professionnelles dédiées pour détecter, évaluer et accompagner ces inventions jusqu'au transfert vers une entreprise. Depuis la loi NOTRe, les régions peuvent entrer au capital des SATT et soutenir des budgets de pré-maturation.

Les pôles étudiants pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat (PEPITEs) : ancrés sur un territoire, ils associent établissements d'enseignement supérieur, acteurs économiques et réseaux associatifs pour former les étudiants et jeunes diplômes à l'entrepreneuriat et à l'innovation.

Les incubateurs de recherche publique type Allègre : créés par les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, ils font de l'accompagnement à la création de startups.

Les instituts de recherche technologique (IRT) : instituts de recherche thématique interdisciplinaire, ils associent des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, des grands groupes et des PME autour d'un programme commun de recherche technologique. Ils regroupent ainsi des moyens humains et des équipements sur un périmètre géographique restreint et mènent des activités couvrant l'ensemble du processus d'innovation (R&D, formation et valorisation économique des résultats).

Les instituts pour la transition énergétique (ITE) : plateformes interdisciplinaires dans le domaine des énergies décarbonées, ils rassemblent les compétences de l'industrie et de la recherche publique dans une logique de co-investissement public-privé et de collaboration étroite entre tous les acteurs, qui doivent permettre de renforcer les écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité. Ils concernent les filières énergétiques porteuses d'avenir ayant un impact positif sur le climat.

a) La création de réseaux dédiés à la recherche et à l'innovation afin de fédérer les acteurs régionaux

De manière parallèle aux financements classiques, certains conseils régionaux se sont employés à développer et financer leurs propres structures , souvent dans l'objectif de fédérer les acteurs de la politique de recherche sur le territoire au sein de réseaux de recherche dédiés .

Le soutien du conseil régional se traduit alors par la prise en charge des frais de fonctionnement, ainsi que des coûts résultant de l'animation des réseaux ainsi créés (organisation de colloques et de journées de travail, mise en place d'un annuaire, soutien apporté à des stages, etc.)

À titre d'exemple, le conseil régional de Centre-Val-de-Loire finance un Réseau Thématique de Recherche (RTR) sur l'image, permettant aux chercheurs d'échanger sur leurs travaux et de confronter leurs expériences réciproques. Selon le conseil régional : « Le RTR « Image » est un point d'entrée direct pour tout organisme (industriel ou laboratoire) qui souhaiterait améliorer un procédé de formation, optimiser une technique de traitement ou de caractérisation ou développer une technique de visualisation ou de modélisation, en rapport avec l'image » 44 ( * ) .

Les régions peuvent également faire le choix de labelliser et financer des structures existantes, comme l'a fait le conseil régional des Hauts-de-France avec la labellisation de « Parcs d'innovation », un réseau de sites emblématiques au service de la création, du développement et de l'implantation d'activités innovantes sur le territoire.

Selon le conseil régional des Hauts-de-France : « Cette démarche doit permettre de conforter davantage le maillage entre les collectivités territoriales, les acteurs de l'accompagnement des entreprises et les porteurs de projets, les entreprises, les grands groupes, les startups et les plateformes de recherche publiques et privées favorisant la commercialisation des innovations » 45 ( * ) .

Les régions ont donc développé des outils de financement variés pour soutenir la recherche, cherchant à intervenir de manière complémentaire à l'État, pour répondre aux besoins de leurs territoires. Or, malgré leur implication, les régions ont bien souvent le sentiment de ne pas être pleinement associées à la politique de recherche menée par l'État.


* 24 Réponse écrite du Mesri au questionnaire envoyé

* 25 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 26 Un contrat de plan interrégional État-région (CPIER) Vallée de la Seine a également été contractualisé. Ce CPIER concerne, entre autres, des opérations de recherche interrégionales impliquant les régions Haute et Basse Normandie et l'Île-de-France.

* 27 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 28 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 29 Ibid.

* 30 Ibid.

* 31 Ibid.

* 32 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 33 Ibid.

* 34 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 35 Ibid.

* 36 Ibid.

* 37 Ibid.

* 38 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 39 Site de Bpifrance.

* 40 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 41 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 42 Ibid.

* 43 Ibid.

* 44 Réponse écrite au questionnaire envoyé par le rapporteur spécial.

* 45 Ibid.

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