B. UN CHAMP D'INTERVENTION RELATIVEMENT LARGE

1. La plupart des entreprises sont couvertes

Depuis sa fusion fin 2009 avec les inspections spécialisées chargées de l'agriculture et des transports dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), sa compétence s'étend à l'ensemble des entreprises du secteur privé. Elle inspecte également les anciens établissements publics, régies ou sociétés nationales (Pôle emploi, La Poste, SNCF, RFF, RATP).

Seuls les secteurs des mines, des carrières et des centrales nucléaires sont couverts par une inspection spécialisée : celle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour les deux premières et celle de l'Autorité de sécurité nucléaire (ASN) pour la dernière. Au total, 1,765 million d'établissements relèvent du contrôle de l'inspection du travail 1 ( * ) . 83 % emploient moins de 10 salariés et 14 % entre 10 et 49 salariés.

L'inspection du travail couvre, dans ces conditions, l'activité de 18,65 millions de salariés :

- 73 % d'entre eux relèvent du secteur tertiaire ;

- 7 % d'entre eux travaillent au sein du secteur industriel ;

- 10 % d'entre eux opèrent au sein du secteur agricole ;

- 10 % d'entre eux sont issus du secteur de la construction.

En ce qui concerne les fonctionnaires et les contractuels de droit public, la compétence de l'inspection du travail est limitée aux conditions de travail dans les hôpitaux, les ateliers des lycées et les établissements professionnels ainsi que ceux installés dans les centres de détention. Il convient de relever qu'au sein des anciennes entreprises publiques, à l'image de La Poste, les agents ayant conservé leur statut public ne sont pas couverts par l'inspection du travail.

2. Un panel étendu de sanctions

Les pouvoirs de l'inspection ont été renforcés ces dernières années, avec l'introduction de sanctions administratives financières dans certains domaines et l'extension des arrêts de travaux sur certains risques graves. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite Loi Macron, renvoyait à une ordonnance le renforcement des moyens nécessaires à une application pleine et entière de cette réforme 2 ( * ) . L'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016 sur le contrôle de l'application du droit du travail prévoit ainsi un renforcement des prérogatives du système d'inspection du travail, afin de garantir une meilleure effectivité du droit du travail et une plus grande efficacité des contrôles. Cette ordonnance reprend substantiellement les dispositions de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée en mars 2014 à l'Assemblée nationale 3 ( * ) .

Il revient, en premier lieu, à l'agent de contrôle de déterminer la suite qu'il entend donner à un constat. Il dispose, en effet, d'un pouvoir d'appréciation qui ne saurait être, cependant, confondu avec un droit à l'abstention ou à l'inertie. En présence d'infractions dûment constatées, l'agent est, en effet, tenu d'agir. Il a le choix des modalités d'action, qui doivent être adaptées aux circonstances et graduées dans le temps. Plusieurs instruments sont à sa disposition.

Le premier consiste en la notification d'observations ou d'informations. L'agent de contrôle fait connaître, au travers d'une lettre d'observation , un manquement afin de le faire cesser.

L'inspecteur du travail dispose, ensuite de moyens de contrainte :

- la mise en demeure préalable au procès-verbal qui impose au contrevenant de régulariser sa situation dans un délai compris entre 8 jours et 3 mois ;

- la demande relative aux vérifications périodiques : les agents de contrôle peuvent prescrire aux employeurs de faire vérifier, à leurs frais, par des organismes de contrôle technique, la conformité des installations ou des équipements aux règles techniques applicables ;

- la mise en demeure du directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) : elle s'appuie sur le constat d'un agent de contrôle qui relève une situation dangereuse mais ne dispose pas de texte précis pour pouvoir y remédier.

Le non-respect de ces mises en demeure peut donner lieu à l'engagement de poursuites pénales après établissement d'un procès-verbal ou de pénalités administratives. Il est, par ailleurs établi un procès-verbal sans démarche préalable dès lors qu'une infraction aux règles du code du travail pénalement sanctionnée non soumise à mise en demeure a été constatée.

Face à une irrégularité flagrante ou à un risque imminent, l'agent de contrôle dispose d'autres moyens de coercition :

- la saisine du juge judiciaire par voie de référé , qui peut s'imposer face un employeur dûment informé mais récalcitrant ;

- l'arrêt temporaire de travaux , qui peut être mis en oeuvre lorsqu'il existe une cause de danger grave et imminent ;

- l'arrêt temporaire de l'activité , lorsque le salarié est exposé à une situation dangereuse résultant d'une exposition à une substance cancérigène, mutagène ou toxique ;

- la procédure de retrait d'urgence ou la suspension du contrat de travail ou de la convention de stage pour les salariés ou les stagiaires de moins de 18 ans exposés à un danger grave ou imminent ou exerçant des travaux interdits.

A ces moyens de coercition, s'ajoutent des moyens répressifs . L'inspection du travail peut réprimer certaines infractions par des sanctions à portée financière : amende administrative (le montant total des amendes dressées hors secteur du BTP s'élève à 4,6 millions d'euros en 2018 contre 1,3 million d'euros en 2017, le taux de recouvrement restant cependant moyen : 53 % en 2018 contre 57 % en 2017) ou fermeture administrative et suspension d'activité . L'agent de contrôle peut également procéder à la verbalisation des infractions constatées . Le procès-verbal est transmis ensuite au procureur de la République qui décide de l'engagement d'une procédure pénale.

Il peut également être proposé à l'auteur d'une infraction constituant une contravention ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement de moins d'un an une transaction consistant en un paiement d'une amende et à la prise de mesures de conformité . Cette procédure transactionnelle évite le passage devant le tribunal et favorise l'effectivité du paiement comme la régularisation de la situation. La transaction doit être homologuée par le procureur de la République. Elle relève de l'initiative du DIRECCTE. Ainsi en cas d'infraction à la législation en matière de chutes de hauteurs, l'amende transactionnelle peut être comprise entre 4 500 et 15 000 euros.

Enfin, la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) prévoit la possibilité, pour les DIRRECTE, de notifier un avertissement en lieu et place d'une amende administrative , afin de prendre en compte la bonne foi de l'employeur 4 ( * ) . Au 30 juin 2019, 8 avertissements ont ainsi été notifiés. La loi introduit également une procédure de rescrit qui peut concerner les normes relatives au règlement intérieur, à la carte délivrée aux travailleurs du secteur des bâtiments et travaux publics (carte BTP) et aux stagiaires. Les premières demandes sont en cours d'instruction 5 ( * ) . Elles concernent la carte BTP.

Il convient de relever que les contrôles de l'inspection du travail ne sont pas concernés par la limitation des contrôles administratifs prévus par la loi ESSOC et menés, à titre expérimental, dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France 6 ( * ) . Les entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros sont visés par cette expérimentation.

Activité de l'inspection du travail 2015-2018

2015

2016

2017

2018

Interventions

dont enquêtes

dont examen de documents

203 000

48 900

38 000

254 000

53 800

64 000

262 500

53 600

71 500

279 600

54 700

80 700

Contrôle (en % des interventions)

51

48

47

46

Suites à intervention

- Lettres d'observations

- Mises en demeure

- Procédures pénales engagées

- Sanctions administratives

- Arrêts et reprises de travaux ou d'activité

168 060

119 490

2 460

3 060

20

3 980

216 420

154 990

3 915

4 570

950

5 170

227 595

161 330

3 980

4 380

1 555

6 070

216 420

170 470

4 840

5 000

1 770

5 810

Nombre moyen d'intervention par agent de contrôle

90,6

114,5

123,4

131,4

Source : direction générale du travail


* 1 2,3 % d'entre eux sont situés outre-mer.

* 2 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 3 Proposition de loi n° 1848 relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée par MM. Bruno Le Roux et Denys Robillard et plusieurs de leurs collègues, 27 mars 2014.

* 4 Article 18 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pur un État au service d'une société de confiance (ESSOC).

* 5 Articles 21 et 22.

* 6 Article 32.

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