B. UNE RÉFORME EN PROFONDEUR DES EMPLOIS

1. La fusion des quatre services d'inspection du travail

Adopté dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP), le décret n° 2008-1503 du 30 décembre 2008 prévoit la fusion des quatre services d'inspection existants. Coordonnées depuis 1975 au sein du corps interministériel de l'inspection du travail, quatre services d'inspection coexistaient jusqu'alors :

- l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles (ITEPSA) ;

- l'inspection du travail des transports (ITT) ;

- l'inspection du travail maritime (ITM) ;

- l'inspection du travail proprement dite.

Cette fusion s'inscrit dans la continuité du PMDIT. Elle est accompagnée d'un renforcement des effectifs de l'inspection du travail avec la création de plus de 700 emplois d'inspecteurs du travail (120), de contrôleurs du travail (280), d'ingénieurs et de médecins inspecteurs du travail au cours de la période 2006-2010.

2. La réforme dite « Ministère fort »

S'agissant des personnels, la réforme « Ministère fort » s'est principalement traduite par la suppression progressive du corps des contrôleurs du travail et leur fusion avec celle des inspecteurs du travail.

Les contrôleurs du travail sont, en principe, placés sous l'autorité des inspecteurs du travail. La Cour des comptes relevait en 2016 que la pratique laissait apparaître que contrôleurs et inspecteurs exerçaient les mêmes tâches mais à une échelle différente : les inspecteurs contrôlant les entreprises de plus de 50 salariés, les contrôleurs intervenant en dessous de ce seuil. Les régimes d'autorisation visés plus haut nécessitent cependant la signature d'un inspecteur du travail. Les années 2000 ont cependant vu les tâches des contrôleurs et des assistants se diversifier pour acquérir plus de responsabilités, les contrôleurs pouvant, par exemple, être amenés à contrôler des entreprises de plus de 50 salariés.

La fusion des corps de contrôleurs et d'inspecteurs est opérée par le biais d'une requalification des contrôleurs. Les contrôleurs disposant d'au moins cinq ans d'ancienneté doivent, à cet effet, préparer un premier examen professionnel. À l'issue de celui-ci, ils sont amenés à suivre une formation de six mois au sein de l'institut national du travail et de la formation professionnelle (INTEFP), qui se conclut par un nouvel examen professionnel (Examen professionnel d'inspecteur du travail - EPIT).

La fusion des deux catégories respecte, par ailleurs, la convention n° 81, l'OIT n'ayant émis aucune réserve de principe. Il convient de rappeler, à ce stade, qu'il n'existe pas de dualité équivalente au sein d'autres organisations de l'inspection du travail en Europe.

3. L'institution d'un Conseil national de l'inspection du travail

Le Conseil national de l'inspection du Travail (CNIT), créé par décret en 2007, a pour rôle de veiller à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées dans les conditions définies par les conventions de l'Organisation internationale du travail. Il émet, dans ce cadre, des avis. Instance consultative indépendante, il peut, à la demande d'un agent de contrôle, établir si une influence extérieure a pu affecter une inspection. Il peut, en outre, être saisi par le ministre en charge du travail ou la direction générale du travail pour toute question à caractère général concernant le respect des missions et des garanties de l'inspection. Le CNIT établit un rapport annuel d'activité qui est rendu public.

Le Conseil considère comme irrecevables les saisines effectuées par :

- des représentants de sections syndicales, ès qualité 15 ( * ) ;

- le président d'une organisation syndicale 16 ( * ) ;

- un particulier 17 ( * ) ;

Ses membres (6 titulaires et 6 suppléants) sont désignés par arrêté du ministre chargé du travail pour une durée de 3 ans, renouvelable une fois. Ils siègent à titre gracieux. Le CNIT est ainsi composé d'un conseiller d'État, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un inspecteur général des affaires sociales, d'un membre du corps de l'inspection du travail exerçant les fonctions de directeur régional ou de chef de service régional, d'un inspecteur du travail et d'un contrôleur du travail.

Activités du CNIT depuis sa création

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Saisines ministère

1

-

-

-

-

2

1

-

1

-

-

Saisines particulier

recevable

-

-

-

-

-

-

1

-

-

-

-

Recours

recevables

2

1

4

4

-

2

2

2

1

3

2

3

3

3

3

1

-

6

5

3

3

Avis

3

4

-

2

2

5

5

3

2

5

3

Le CNIT a émis un avis sur la plupart des réformes concernant l'inspection du travail. Il a ainsi jugé que la fusion des services de l'inspection de travail et le regroupement de l'ensemble des missions d'inspection du travail sous l'égide de la direction générale du travail ne comportaient pas, par eux-mêmes, de mesures contraires aux dispositions des conventions n° 81 et 129 de l'Organisation internationale du travail 18 ( * ) .

S'agissant de la réforme « Ministère fort », le CNIT a rappelé que les conventions de l'Organisation internationale du travail n'induisent pas, par elles-mêmes, un modèle d'organisation et des règles spécifiques de fonctionnement 19 ( * ) . Il a jugé que la réforme réaffirmait le caractère généraliste du système français d'inspection du travail. Il a également approuvé le nombre limité des priorités nationales et locales, en préconisant de formaliser davantage le processus d'association des agents de contrôle dans leur définition . Enfin, en ce qui concerne la ligne hiérarchique, il préconise de rappeler aux responsables la distinction entre l'action de conseil aux inspecteurs qu'ils sont en droit de donner en matière de contrôle, et l'action de supervision, qui doit être circonscrite aux fondements juridiques des actes 20 ( * ) . Le Conseil a, par ailleurs, souligné la nécessité d'établir « une relation de confiance entre les agents de contrôle et les responsables des services de l'inspection du travail » 21 ( * ) .

Dans une observation publiée en 2008, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT a pris note avec « intérêt » de la création du CNIT, en relevant qu'il est notamment chargé de l'application des conventions internationales relatives à l'inspection du travail 22 ( * ) .

Le CNIT demeure, cependant, de l'avis des représentants du personnel, relativement méconnu. Son apport est jugé parfois peu satisfaisant. Il n'a enregistré, en dix ans d'activité, qu'une seule saisine de la part d'un particulier. Celle-ci était, par ailleurs, irrecevable.

4. La mise en place d'un code de déontologie

La publication, le 12 avril 2017, d'un décret en Conseil d'État sur le code de déontologie du service public de l'inspection du travail est venue, pour partie, répondre aux objections de la Cour sur l'absence de déontologie.

La commission d'experts de l'OIT n'a pas encore examiné ledit décret. Le BIT a cependant noté avec intérêt l'adoption de ce code de déontologie considérant que ce type de dispositif pouvait renforcer la cohérence de l'action des agents de contrôle et limiter les risques d'arbitraire. Dans une observation publiée en 2010, la même commission d'experts avait noté avec « satisfaction » la publication, après validation par le Conseil national de l'inspection du travail, de l'ouvrage collectif « Principes de déontologie pour l'inspection du travail» quelques mois plus tôt 23 ( * ) . Elle avait noté avec « intérêt » la déclaration dans la préface de cet ouvrage que la déontologie renforce la cohérence de l'action des agents à tous les niveaux de la hiérarchie « comme elle protège les administrés eux-mêmes des risques d'arbitrage ». Cela étant, l'examen de cet ouvrage de 2010 par la Commission d'experts ne doit pas préjuger d'un examen futur par la Commission d'experts du code de déontologie du service public de l'inspection du travail de 2017.

Le CNIT émettra, dans les prochaines semaines, un avis sur le contenu même de ce code de déontologie.


* 15 Avis n°11-0001

* 16 Avis n°13-0001

* 17 Avis n°14-0003

* 18 Avis n° 10-0001

* 19 Avis n° 13-0002

* 20 Avis n°13-0003

* 21 Avis n°14-0005

* 22 Observation (CEACR) - adopted 2008, published 98th ILC session (2009).

* 23 Observation (CEACR) - adopted 2010, published 100th ILC session (2011).

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