LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

Dès l'examen de la loi de finances pour 2020, proroger jusqu'au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes actuellement incluses dans le zonage. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d'améliorer le ciblage et l'efficience des dispositifs associés au classement en ZRR.

Proposition n° 1 : maintenir l'ensemble des communes sortantes au 1 er juillet 2020 pour une période transitoire allant jusqu'au 31 décembre 2021 et réévaluer, au plus vite et au cas par cas, la situation de ces communes au regard des modifications des périmètres intercommunaux intervenues depuis le 1 er juillet 2017.

Proposition n° 2 : maintenir à droit constant l'ensemble des dispositifs en vigueur dans les ZRR, en particulier les exonérations fiscales, jusqu'au 31 décembre 2021.

D'ici au 31 décembre 2021, préparer une réforme des ZRR à partir des leviers identifiés par les rapporteurs. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux.

Proposition n° 3 : mieux prendre en compte les fragilités et la diversité des territoires dans les grands ensembles intercommunaux, en affinant les critères de classement par secteurs géographiques au sein des intercommunalités.

Proposition n° 4 : revoir les critères de classement en ZRR pour définir trois niveaux de zonage (ZRR1/ZRR2/ZRR3) avec un critère principal de densité démographique et cinq critères secondaires. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de définir les seuils les plus adaptés pour ces différents critères :

1. densité démographique ;

2. déclin démographique sur plusieurs années ;

3. revenu par habitant ;

4. dévitalisation constatée par l'évolution des services publics ou privés : nombre d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs et de professionnels de santé ;

5. âge moyen de la population ;

6. nombre de logements vacants et de bâtiments d'exploitation vacants ou abandonnés.

En fonction du nombre de critères remplis, un indice de fragilité permettra de classer le territoire concerné en ZRR 1, 2 ou 3 et de bénéficier des mesures associées à chaque niveau de zonage.

Proposition n° 5 : mettre en place un panel de mesures dont l'ampleur serait adaptée à chaque niveau de zonage. Des moyens renforcés devront être consacrés aux territoires les plus fragiles sur la base des différents leviers identifiés par les rapporteurs :

1. des exonérations fiscales facilitant l'installation, la reprise et le maintien de l'ensemble des secteurs d'activité ;

2. des exonérations de cotisations patronales mieux ciblées sur les niveaux de revenus appropriés et la suppression de la condition d'augmentation nette d'effectif afin d'étendre le dispositif à toute nouvelle embauche ;

3. la création d'un fonds spécifique aux ZRR accordant des aides directes aux entreprises localisées dans les territoires les plus fragiles ;

4. une bonification de la dotation globale de fonctionnement, en particulier de la dotation de solidarité rurale, et une majoration des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales proportionnées à la fragilité des territoires concernés.

Proposition n° 6 : clarifier la gouvernance de la politique de l'État en matière de ZRR, en confiant à la future ANCT un rôle d'animation territoriale, et créer une section dédiée au suivi des ZRR au sein de l'Observatoire des territoires.

I. LES ÉCHÉANCES DE 2020 POUR LES ZONES DE REVITALISATION RURALE (ZRR) : UN RISQUE DE DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT VIS-À-VIS DES TERRITOIRES RURAUX

A. LES « ZRR », UN OUTIL INDISPENSABLE À LA PRISE EN COMPTE DES FRAGILITÉS STRUCTURELLES DES TERRITOIRES RURAUX ET DESTINÉ À SOUTENIR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

1. Le classement en ZRR permet de tenir compte des fragilités structurelles des territoires ruraux en soutenant l'activité économique et les services
a) Une ambition historique : parvenir à un aménagement équilibré du territoire

Depuis sa mise en place en 1995 1 ( * ) , le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) vise à reconnaître les spécificités des territoires ruraux les plus fragiles , à commencer par les communes les plus vieillissantes démographiquement, celles où les niveaux de revenus sont les plus faibles ou encore les communes isolées géographiquement (situées en zones insulaires ou de montagne). L'objectif des ZRR est de soutenir spécifiquement des parties du territoire national progressivement vidées de leurs habitants et de leurs emplois par le phénomène de métropolisation et « qui pourraient, faute d'une politique volontariste, se transformer en désert ou réserves naturelles », comme le soulignait un rapport conjoint des inspections IGA-CGEDD-CGAAER-IGAS de juillet 2014 2 ( * ) .

Le législateur français a ainsi défini ces territoires comme des zones « caractérisées par des handicaps géographiques, économiques ou sociaux » et « confrontées à des difficultés particulières » , et permis aux entreprises s'y installant de bénéficier d'exonérations fiscales ou sociales destinées à compenser leurs handicaps de situation.

Ce principe de traitement différencié entre les territoires, consubstantiel aux ZRR, a d'ailleurs été validé par le Conseil constitutionnel qui, dans les considérants de sa décision du 26 janvier 1995 relative à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT), a estimé que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement et à l'aménagement de certaines parties du territoire national dans un but d'intérêt général .

L'objectif d'une prise en compte des besoins spécifiques des zones rurales se retrouve par ailleurs à l'échelle européenne : une résolution du Parlement européen du 3 octobre 2018 3 ( * ) insiste sur la nécessité de renforcer les zones rurales, les zones de montagne et les zones isolées dans le cadre des politiques de l'Union européenne, et rappelle l'importance de ces espaces pour un développement territorial équilibré en Europe. L'ensemble de ces zones représente en effet pas moins de 80 % du territoire de l'Union , abritant 57 % de sa population et apportant 46 % de sa valeur ajoutée brute 4 ( * ) .

b) Un objectif qui demeure plus que jamais d'actualité face à des dynamiques profondes de métropolisation et de concentration de l'activité

La pertinence d'une approche différenciée des zones rurales s'est accentuée au cours de ces dernières années, qui ont vu se creuser les fractures françaises, en particulier sur le plan territorial . Contrairement à leurs voisines urbaines ou péri-urbaines, de nombreuses zones rurales souffrent de freins structurels à leur développement : faible accès au haut débit et à la téléphonie mobile, enclavement routier et faible accès aux transports en commun, réduction de la présence de services publics et privés, difficultés d'accès aux soins, crise des centre-bourgs, etc.

Dans une étude parue en 2016 5 ( * ) , France Stratégie constatait ainsi une forte accentuation des inégalités entre territoires , notamment des inégalités d'ascension sociale, comme conséquences de la désindustrialisation et du phénomène de métropolisation de l'économie.

Les différents dispositifs en faveur de la ruralité ont, à l'évidence, permis d'atténuer le creusement des écarts entre les territoires mais ils n'ont pas toujours été suffisants pour permettre aux territoires ruraux de s'engager pleinement dans la croissance et de créer des emplois.

Selon l'étude précitée de France Stratégie, les écarts sur le plan de l'égalité des chances et de l'accès aux services auraient du mal à se résorber. Il en va de même concernant les écarts de chômage entre territoires , qui demeurent importants, comme le montre la carte ci-dessous.

Source : France Stratégie.

Ce constat est particulièrement vrai s'agissant de l' écart croissant de développement économique entre les métropoles et le reste du territoire national . Le dispositif ZRR apparaît donc plus justifié que jamais, pour pallier les dynamiques profondes de la redistribution des activités entre les territoires.

Les grandes métropoles représentent, en effet, plus de 50 % de l'activité économique et le PIB par habitant y est en moyenne 50 % plus élevé que dans le reste du pays 6 ( * ) . Dans une étude parue en 2015 7 ( * ) , l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) a également constaté une hyper-concentration (58 %) de l'emploi cadre sur 17 métropoles , Paris représentant à elle seule 26 % de l'emploi cadre du secteur privé. Par ailleurs, ces mêmes métropoles concentrent également les activités d'enseignement supérieur et de recherche : environ 1,4 million d'étudiants y vivent, soit près des deux tiers de la population estudiantine nationale.

À l'inverse, les territoires éloignés des grandes aires urbaines , généralement positionnés sur des secteurs d'activité en perte de vitesse 8 ( * ) , pourraient voir leur décrochage économique s'accélérer dans les prochaines années si rien n'était fait et si les dispositifs actuels n'étaient pas renforcés.

Les rapporteurs soulignent que, dans les dix ans à venir, la baisse de la population dans les zones rurales risque d'accroître certaines difficultés d'accessibilité , notamment l'accès aux services publics courants et aux services de santé, qui dépend directement de la densité locale 9 ( * ) . Les territoires ruraux se retrouvent dès lors, plus que jamais, confrontés au défi de leur avenir .

À l'heure actuelle, le classement en ZRR recoupe d'ailleurs partiellement deux des quatre groupes de population identifiés par l'Institut Montaigne dans son baromètre des territoires de février 2019 La France en morceaux 10 ( * ) : les Français dits « sur le fil » , regroupant 32 % de la population et subissant particulièrement des difficultés en matière de mobilité et les Français dits « assignés » , qui regroupent le quart de la population métropolitaine et connaissent de grandes difficultés économiques et sociales 11 ( * ) .

2. Confrontés aux défis de leur avenir, les territoires ruraux doivent disposer des leviers appropriés pour valoriser leurs atouts et saisir les opportunités des mutations économiques actuelles
a) Les territoires ruraux face aux défis de leur avenir

Bien que de plus en plus marginalisés, les territoires ruraux n'en sont pas moins au coeur des grandes mutations économiques et sociales qui traversent la France (transition écologique, énergétique, agricole, numérique ou encore problématiques de cohésion sociale) et recèlent des atouts qui leur permettront de saisir les opportunités induites par ces mutations.

Les territoires ruraux sont d'abord particulièrement concernés par le grand défi que représente la transition écologique et, ce faisant, les transitions énergétique et agricole . Parce qu'elles disposent de ressources naturelles exceptionnelles, les campagnes constituent en effet un levier fondamental pour développer les énergies renouvelables (méthanisation, énergie solaire, géothermie, etc.) et bâtir les piliers de l'économie verte de demain. Par leur environnement et les écosystèmes qu'elles renferment, les campagnes contribuent à la préservation de la biodiversité et de la géodiversité, au bénéfice de la société tout entière. Dans le même temps, la montée en puissance de l'économie circulaire et la mutation progressive de l'agriculture vers les circuits courts et l'agro-écologie ont des conséquences directes pour la ruralité et participent à l'émergence de nouveaux modèles de développement durable.

Parallèlement, la transition numérique affecte durablement les territoires ruraux et transforme aussi bien la vie quotidienne de ses habitants que celle des entreprises qui y sont installées, par exemple dans les secteurs de l'éducation, du commerce ou de la santé. Fin 2018, 45 % des Français n'avaient toujours pas accès au très haut débit 12 ( * ) . Garantir l'accès de tous au numérique et à la téléphonie mobile et réduire la fracture numérique constitue ainsi l'un des autres grands défis auxquels sont confrontés les territoires ruraux, en particulier les plus reculés (territoires dits « hyper-ruraux »).

b) La nécessité de disposer de leviers spécifiques pour valoriser les atouts de la ruralité et saisir les opportunités économiques des mutations contemporaines

Toutes ces mutations conduisent au développement de nouvelles formes d'activités économiques et d'emplois (services à la personne, télétravail, éco-tourisme) susceptibles de soutenir le développement des territoires ruraux . À l'heure où vivre à la campagne représente un idéal de vie pour 81 % des Français 13 ( * ) , ces nouvelles formes de travail poussent de plus en plus d'entreprises et de professions libérales à s'installer dans des zones rurales.

Les acteurs de la ruralité ont d'ores et déjà su exploiter ces nouvelles opportunités : les associations, les entreprises, les artisans, les acteurs du champ médico-social que les rapporteurs ont rencontrés, sans oublier les collectivités elles-mêmes, sont à l'origine de nombreuses initiatives.

Pour aider ces acteurs à saisir toutes les opportunités des mutations actuelles, l'État doit cependant accompagner le dynamisme local afin de renforcer l'attractivité de ces territoires pour les entreprises, les artisans et les professions libérales.

Au-delà des dotations financières spécifiquement accordées par l'État aux collectivités territoriales les plus fragiles, la nécessité d'un soutien spécifique à l'activité économique et de services dans ces territoires, notamment via des avantages fiscaux, est difficilement contestable . En permettant une exonération spécifique aux ZRR ( cf. partie II ), le dispositif favorise le maintien et le développement d'un maillage de TPE et de PME ainsi que la préservation de l'emploi en milieu rural.

Les aides fiscales et sociales du dispositif ZRR doivent ainsi être considérées comme des mesures spécifiques d'accompagnement de ces zones, tout en s'inscrivant dans une logique plus globale de développement territorial, favorable aux entreprises comme aux habitants. Au même titre qu'il existe une politique de la ville spécifiquement dédiée aux territoires urbains sensibles, à laquelle ont été consacrés 513 millions d'euros en 2019, les rapporteurs plaident ainsi pour le déploiement d'une véritable politique de la ruralité à destination des territoires ruraux les plus fragiles.


* 1 Article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 2 Évaluation du dispositif de revitalisation rurale, rapport conjoint de l'Inspection générale de l'administration, du Conseil général de l'environnement et du développement durable, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et de l'Inspection générale des affaires sociales, juillet 2014.

* 3 Résolution du Parlement européen du 3 octobre 2018 sur la prise en compte des besoins spécifiques des zones rurales, montagneuses et isolées (2018/2720(RSP)).

* 4 Ibid .

* 5 France Stratégie, Dynamiques territoriales et inégalités territoriales, juillet 2016.

* 6 Ibid.

* 7 APEC, L'emploi cadre : une répartition très inégale sur le territoire, mars 2015.

* 8 ESPON ET2050 (2014), « Vision and scenarios for the European territory towards 2050 ».

* 9 France Stratégie, op. cit. Juillet 2016. À titre d'exemple, les endroits où l'accès aux services de soins de proximité est supérieur à vingt minutes sont systématiquement des zones rurales peu denses, notamment à l'est de la région parisienne.

* 10 Institut Montaigne, Baromètre des territoires, février 2019.

* 11 Les deux autres groupes identifiés dans cette étude sont : les Français dits « enracinés » et satisfaits de leur situation, regroupant 22 % de la population principalement en Bretagne et dans le Sud-Ouest du pays ; les Français dits « affranchis », surreprésentés en Île-de-France, dans les Pays de la Loire et en Auvergne Rhône Alpes, qui regroupent plus de 20 % de la population et disposent d'un niveau de vie supérieur à la moyenne nationale.

* 12 Selon une étude de l'UFC Que-choisir sur la qualité d'accès à l'internet fixe publiée en mars 2019. D'après cette même étude, plus de 10 % des consommateurs (6,8 millions) ne disposent toujours pas d'un Internet de qualité minimale, près de 12,8 millions sont privés d'un Internet à « bon haut débit » et 400 000 personnes n'ont tout simplement pas accès à l'Internet.

* 13 Voir l'étude « Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie », IFOP, 2019.

Page mise à jour le

Partager cette page