B. UN FINANCEMENT PUBLIC DES CAMPAGNES ÉLECTORALES GLOBALEMENT PEU COÛTEUX, MARQUÉ PAR LA FAIBLE INCIDENCE DES DÉCISIONS DE LA CNCCFP ET QUI TEND À REPRODUIRE LA DISPERSION DES DÉPENSES DES CANDIDATS

Le financement public des campagnes électorales passe par différents canaux.

Alors que les possibilités de financement privé ont été restreintes, les concours publics, appréciés à partir des taux de prise en charge forfaitaire unitaire ont été également réduits.

Si les dépenses correspondantes n'ont pas été ajustées à due proportion c'est que le nombre des candidats éligibles au remboursement forfaitaire a augmenté, dans un contexte marqué par des conditions d'éligibilité inspirées par l'objectif d'assurer une très grande diversité des expressions politiques lors des campagnes électorales.

La CNCCFP assure un rôle de « quasi-ordonnateur » des deniers publics dans le domaine de la prise en charge forfaitaire des frais de campagne électorale par l'État. Elle arrête son quantum.

Cependant, à l'expérience, l'incidence financière des décisions de la commission apparaît globalement limitée d'autant que les candidats aux élections sont généralement à même d'optimiser leurs droits à remboursement forfaitaire.

Par-là, la répartition du financement public des campagnes électorales tend à reproduire la dispersion des dépenses de campagne électorales.

1. Des concours publics qui ont décru et ont été gelés mais sont largement ouverts
a) Une série de mesures aux effets plus ou moins concrets

Diverses dispositions ont été adoptées ces dernières années allant dans le sens d'une limitation des dépenses électorales mais aussi d'une réduction du taux de soutien public accessible aux candidats.

Si certaines limitations sont assez virtuelles (le gel des plafonds des dépenses électorales), d'autres (le durcissement des conditions du remboursement forfaitaire par l'État) sont plus directement effectives.

Les articles 8 et 14 de la loi n o 2011-412 du 14 avril 2011 disposaient que les montants prévus aux articles L 52-8 et L 52-11 du code électoral « sont actualisés tous les ans par décret. Ils évoluent comme l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac ».

Ces dispositions concernaient notamment :

- le plafond des dons consentis par une personne physique dûment identifiée lors des mêmes élections (4 600 euros : article L 52-8) ;

- le plafond maximal des dons consentis en espèces (150 euros : article L 52-8) ;

- le plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande prises en charge directement par l'État (article L 52-11).

La loi n° 2011- 1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (article 112) a resserré les conditions du financement public accordé par l'État aux candidats aux élections.

À compter de 2012 et jusqu'à l'année au titre de laquelle le déficit des administrations publiques est nul, l'actualisation des plafonds des dépenses électorales n'est plus mise en oeuvre. Il en résulte mécaniquement un gel du plafond des prises en charge publiques des dépenses électorales, mais, compte tenu de l'excédent structurel des plafonds de dépenses par rapport aux dépenses effectives des candidats, le gel appliqué aux plafonds ne se traduit pas ipso facto par un gel des remboursements forfaitaires unitaires des frais de campagne financés sur crédits publics.

Le gel, implicite, des plafonds des remboursements ne concernait 14 ( * ) d'ailleurs pas les dons, qui peuvent donner lieu à des réductions d'impôt.

Ainsi, la stabilisation éventuelle du soutien public aux candidats effectué sur crédits budgétaires ne s'est pas accompagnée à due proportion d'une réduction du soutien indirect lié aux avantages fiscaux prévus.

Toutefois, l'article 19 de la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 a modifié l'article 200 du code général des impôts : les dons et cotisations versés aux partis politiques et susceptibles d'ouvrir droit à réduction d'impôts sont désormais retenus dans la limite de 15 000 euros par foyer fiscal, ce qui permet un avantage fiscal maximum de 9 900 euros.

b) Un resserrement des conditions de remboursement forfaitaire des candidats éligibles

La loi de finances pour 2012 a diminué de 5 % le montant maximal du remboursement forfaitaire des dépenses électorales par l'État , prévu à l'article L. 52-11-1 du code électoral, le taux de 50 % du plafond des dépenses étant ramené à 47,5 %.

Ces mesures ont été étendues à l'élection présidentielle par la loi organique n° 2012-272 du 28 février 2012 qui a, en outre, ramené à 4,75 % (et non plus au vingtième) du montant du plafond des dépenses de campagne le montant maximal du remboursement forfaitaire de l'État à chaque candidat à l'élection présidentielle, et à 47,5 %, contre la moitié dudit plafond auparavant, le montant maximal du remboursement pour chaque candidat ayant obtenu plus de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour de l'élection présidentielle.

c) Des conditions d'éligibilité plutôt « facilitantes » mais...

Si les taux unitaire de soutien public ont ainsi été globalement réduits, ce qui, il faut en convenir, ne va pas dans le sens d'un renforcement des capacités d'expression des candidats, les conditions d'éligibilité au remboursement public peuvent être considérées comme plutôt souples. Il reste qu'elles suscitent certains débats.

Pour être éligible au remboursement forfaitaire de ses frais de campagne, il suffit d'obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés pour les élections législatives comme pour les élections sénatoriales ou municipales.

Cette condition est relâchée pour l'élection européenne et pour l'élection présidentielle. Pour la première citée il ne faut obtenir que 3 % des suffrages exprimés. Pour l'élection présidentielle il n'y a pas de condition de suffrages. Toutefois, les candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés ne bénéficient que d'un taux réduit de prise en charge (4,75 % du plafond des dépenses électorales contre 47,5 % pour les autres candidats).

Quelques observations peuvent être formulées.

Il existe d'abord un problème non négligeable du fait du statut réservé aux candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 9 001 habitants puisque le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne ne leur est pas ouvert 15 ( * ) .

En second lieu, la non éligibilité au remboursement forfaitaire ne dispense pas les candidats ayant obtenu plus de 1 % des suffrages ou des dons d'établir et de communiquer des comptes de campagne. Il existe différents motifs pour qu'il en soit ainsi.

Si l'assouplissement de la condition de suffrages pour l'élection européenne peut se comprendre dans le cadre d'un scrutin de liste nationale, elle favorise sans aucun doute la diversité des candidatures, diversité qui n'est pas nécessairement synonyme de pluralisme.

Enfin, l'écart entre le taux de remboursement des candidats à l'élection présidentielle selon qu'ils ont atteint ou non le plancher des 5 % des suffrages peut être considéré comme constitutif d'effets de seuil très forts, qu'un système plus progressif pourrait modérer.

2. Globalement, une faible incidence financière des décisions de la commission sur les charges publiques liées au financement des campagnes électorales, mais un potentiel élevé de sanctions individuelles

En pratique, si les décisions de la CNCCFP relatives à l'arrêt des comptes de campagne font apparaître quelques spécificités en fonction des élections, le constat d'ensemble d'une faible incidence des décisions de la commission s'impose.

Si la proportion des approbations « sèches » est de l'ordre de la moitié des décisions de la commission, les autres décisions se bornent généralement à réformer les comptes, le rejet étant rarement prononcé 16 ( * ) . Quant aux mesures de modulation du remboursement forfaitaire, correction intermédiaire entre l'approbation des comptes avec réformations et le rejet des comptes de campagne, elles sont assez rares.

Il faut encore tenir compte que l'impact des réformations des comptes de campagne est nécessairement limité puisqu'en tout état de cause le remboursement forfaitaire ne peut excéder l'apport personnel du candidat.

Ce dernier représentant le plus souvent une fraction des dépenses de campagne des candidats, dès lors que les décisions de réformation n'impliquent pas le passage à une situation de surfinancement des dépenses admises au remboursement par l'apport personnel du candidat, elles n'ont aucun impact sur le remboursement forfaitaire.

Seules alors peuvent jouer les décisions avec modulations ou les décisions prises par les autorités judiciaires.

Dans ces conditions, les décisions entraînant la modification du remboursement forfaitaire de l'État sont très peu nombreuses et elles n'ont globalement pas d'impact réellement appréciable sur les finances publiques. .

Ce n'est pas à dire que les décisions de réformation des comptes sont sans valeur ni effet.

Elles présentent le mérite de déboucher sur des comptes de campagne plus exacts et peuvent être accompagnées d'autres initiatives de la commission (voir infra ).

Par ailleurs, elles peuvent modifier un certain nombre de situations, qu'il s'agisse des opérations de dévolution des excédents ou de mise en jeu des réductions fiscales associées au financement des campagnes électorales 17 ( * ) .

Mais, du point de vue de la charge budgétaire associée au financement forfaitaire des frais de campagne électorale, l'exercice de ses missions sur les comptes de campagne par la CNCCFP n'a, globalement, que peu d'impact.

Synthèse des décisions de la CNCCFP relatives aux comptes de campagne
pour les élections entre 2011 et 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

a) L'élection présidentielle

En ce qui concerne les scrutins nationaux, l'élection présidentielle se distingue par des réformations systématiques des comptes de campagne des candidats, mais qui n'entrainent généralement pas de modulation du remboursement des frais de campagne .

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections présidentielles
de 2012 et de 2017

2012

2017

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2012

Candidats astreints au dépôt

10

NS

11

NS

10 %

Non-respect des obligations de dépôt

0

0

0

0

0

Approbations

0

0

0

0

0

dont:

approbations avec modulation du remboursement

0

0

0

0

0

Réformations

9

90 %

11

100 %

22 %

dont:

réformations avec modulation du remboursement

0

0 %

2

18,20 %

18,2

Rejets

1

10 %

0

0 %

- 10

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

1

10 %

0

0 %

- 10

Total des décisions

10

100 %

11

100 %

0

Source : commission des finances du Sénat

La prise en charge par l'État des frais de campagne des candidats à l'élection présidentielle de 2017 a atteint 41,1 millions d'euros , soit 55,5 % des dépenses déclarées par les candidats.

C'est davantage que le plafond maximal de prise en charge des dépenses des candidats (47,5 % au mieux pour les candidats ayant dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés au premier tour) du fait de la non saturation des plafonds de dépenses par ces derniers.

Tous les comptes de campagne ont subi des décisions de réformations en 2017 mais à l'inverse de la campagne de 2012 aucun compte n'a été rejeté.

Deux comptes de campagne ont été réformés et modulés, situation intermédiaire entre la simple réformation et le rejet du compte, dont celui du candidat élu.

Le montant total des réformations a atteint 1,98 million d'euros , mais l'incidence financière des arrêts de compte prononcés par la CNCCFP a été limitée à moins de 700 000 euros.

La diminution du remboursement résultant des mesures de modulation adoptées par la commission, en lien avec l'omission d'inscription au compte de campagne de l'un des candidats pour un montant de 88 349 euros (sur 13,7 millions d'euros de dépenses) et avec le dépassement du plafond des dons au bénéfice de l'autre candidat concerné pour un montant de 18 300 euros (pour un montant de recettes de 16,8 millions d'euros) a, ainsi, présenté une ampleur fort limitée.

b) Les élections législatives

De leur côté, les élections législatives donnent à la commission l'occasion de prononcer à peu près autant d'approbations que de réformations des comptes de campagne, les réformations accompagnées d'une modulation étant proportionnellement peu nombreuses.

Ces deux types de décision n'ont que peu d'effets sur le remboursement forfaitaire.

En revanche, ces élections donnent assez fréquemment lieu à des constats de non-respect de l'obligation de dépôt des comptes (4,35 % en 2017).

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections législatives
de 2012 et de 2017 18 ( * )

2012

2017

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2012

Candidats astreints au dépôt

4 382

NS

5 612

NS

28,1 %

Non-respect des obligations de dépôt

140

3,19 %

244

4,35 %

1,16

Approbations

2 072

48,74 %

2 618

48,77 %

0,03

dont :

approbations avec modulation du remboursement

5

0,12 %

2

0,04 %

- 0,08

Réformations

2 084

49,02 %

2 643

49,24 %

0,22

dont :

réformations avec modulation du remboursement

17

0,40 %

35

0,65 %

0,25

Rejets

95

2,23 %

107

1,99 %

- 0,24

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

235

5,36 %

351

6,25 %

0,89

Total des décisions

4 251

97,01 %

5 368

95,65 %

- 1,36

Source : commission des finances du Sénat

Pour les élections législatives, les dépenses électorales des candidats font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut, toutefois, excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. Il est réservé aux candidats qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

Le nombre des candidats aux élections législatives de 2017 s'est élevé à 7 877, en forte progression (près de 20 %) par rapport à l'élection précédente (6 603).

Le nombre des candidats astreints à déposer un compte de campagne est passé, de son côté, de 4 234 en 2012 à 5 387 en 2017 (+ 27 %), marquant une progression plus forte que celle des candidats. La proportion des candidats ayant dépassé le seuil critique de 1 % des suffrages exprimés a augmenté.

En 2017, la proportion des candidats ayant atteint le seuil de 5 % des suffrages exprimés (2 878) a été 36,5 % de l'ensemble des candidats tandis que celle des candidats ayant été crédités d'un pourcentage de voix compris entre 1 % et 4,99 % a été à peu près équivalente (2 509 candidats, soit 31,8 % des candidats).

D'emblée, les dépenses électorales susceptibles de faire l'objet d'un remboursement forfaitaire ont été réduites de 8,7 millions d'euros sur un total de dépenses électorales de 74,8 millions d'euros (soit 11,6 % du total).

Incidemment, il faut relever que le montant des dépenses électorales des candidats aux élections législatives de 2017 s'est inscrit en baisse par rapport à celui observé en 2012 (78,8 millions d'euros).

Cette évolution semble tenir largement à une modification du périmètre des dépenses électorales, la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 ayant raccourci de six mois la période de comptabilisation des dépenses des candidats au titre de leurs dépenses électorales 19 ( * ) .

Il serait intéressant de disposer d'une évaluation de l'impact de cette abréviation sur les dépenses électorales mais également sur les possibilités de prise en charge publique des dépenses des candidats.

Il faut encore tenir compte du fait que, parmi les 2 878 candidats ayant atteint le seuil de représentativité électorale, un certain nombre (118) n'ayant pas effectué d'apport personnel, se sont trouvés ipso facto exclus du remboursement forfaitaire.

Ainsi, sur les 66,1 millions d'euros de dépenses électorales rattachables à des candidats ayant satisfait au critère de voix, seules 63,5 millions d'euros ont pu être rattachés aux dépenses de candidats réunissant la condition de suffrages et d'apport personnel, conduisant à l'exclusion de 2,6 millions d'euros de la base de calcul du remboursement forfaitaire.

Compte tenu du dépôt de leurs comptes de campagne par 225 candidats non astreints à ce dépôt du fait de leurs scores électoraux, la CNCCFP a examiné 5 612 comptes de campagne (71,2 % du nombre de candidats).

Elle a rendu 5 612 décisions dont 2 616 d'approbation simple (47 % des décisions comme en 2012).

2 608 comptes ont été approuvés moyennant des réformations.

Seuls 37 comptes de campagne ont été réformés et modulés, la modulation consistant pour la commission à faire usage des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi n° 2011-412 lui permettant de réduire le montant du remboursement forfaitaire selon le nombre et la gravité des irrégularités qui, sans lui paraître devoir entraîner le rejet du compte de campagne, lui paraissent la fonder à prononcer une sanction financière.

Le nombre des comptes rejetés à, quant à lui, atteint 107 unités.

Au total le taux des interventions correctrices de la CNCCFP a atteint près de 50 % des comptes dont elle a été saisie (244 comptes n'ont pas été déposés ou l'ont été hors délai).

Le taux des interventions de la CNCCFP est ainsi à peu près stable par rapport à 2012, les approbations simples étant toutefois en très net recul par rapport aux élections de 2007 (le taux des approbations simples avait alors été de 73,6 %).

Cette évolution appelle une analyse précise permettant d'en identifier les facteurs.

À ce stade, on ne dispose guère de plus d'informations que celles fournies sur les grands éléments des comptes, en recettes et en dépenses. Ainsi, les recettes déclarées par les candidats dont les comptes ont été réformés ont été réduites de 1,4 million d'euros, ce qui représente une proportion modeste des recettes des candidats (3,3 %) tandis que les dépenses ont été minorées de 2,5 % (1,7 million d'euros).

Ces informations, complétées par une analyse des postes de dépenses les plus « réformés », ne permettent pas d'identifier finement les points de vulnérabilité des comptes présentés non plus que l'impact respectif des resserrements de la réglementation ou du contrôle exercé par la CNCCFP sur les corrections mises en oeuvre par cette dernière.

On remarque que le taux des approbations simples est nettement plus élevé pour les candidats non éligibles au remboursement de leurs frais de campagne (73 % contre 21 % pour les candidats ayant atteint le seuil de voix nécessaire).

Toutefois, l'ampleur des réformations prononcées est nettement supérieure à celle des comptes réformés pour les candidats ayant atteint le seuil de remboursement forfaitaire : 1 790 euros en moyenne contre 444 euros.

Ces données présentent un certain intérêt dans la mesure où le nombre des comptes présentés à la commission par les uns et par les autres est à peu près semblable.

On incline à en dégager une corrélation entre la qualité des comptes des candidats et l'engagement dans les campagnes électorales 20 ( * ) .

La question des enjeux de ces réformations mérite d'être posée dans la mesure où elles sont sans effet sur le remboursement public des frais de campagne. Il est vrai que le débat ne saurait être limité à cette seule considération, ne serait-ce que parce que les candidats concernés peuvent recevoir des contributions défiscalisées 21 ( * ) .

En toute hypothèse, les enjeux financiers globaux des réformations sont modestes pour les finances publiques.

Pour les candidats éligibles au remboursement public, mais dont les comptes ont été réformés, les dépenses exclues s'élèvent à moins de 1 million d'euros 22 ( * ) . Quant aux ajustements des apports personnels décidés par la commission, ils sont inférieurs à 1 million d'euros 23 ( * ) .

Dans ces conditions, compte tenu de la structure globale de financement des dépenses électorales des candidats qui voit leurs apports personnels représenter 75,6 % de leurs dépenses, l'impact total des décisions de la commission concernant les seuls candidats dont les comptes ont été réformés peut être estimé à 2,5 millions d'euros, à comparer avec un remboursement forfaitaire public attribué à ces candidats de 45,6 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable mais cela représente autour de 5 % des enjeux concrets.

En pratique, c'est plutôt l'écart entre les dépenses des candidats et les plafonds autorisés, combiné aux niveaux des apports personnels des candidats, qui détermine les économies de dépenses publiques constatées par rapport à un référentiel dans lequel les candidats maximiseraient leurs investissements électoraux.

Dans ce contexte, les modulations prononcées par la commission n'ont que peu d'influence globale.

Les modulations prononcées (au nombre de 37) ont réduit les dépenses publiques de 66 364 euros. En revanche, leur impact individuel est nettement plus significatif que celui des simples réformations (1 793 euros en moyenne contre 444 euros).

c) Les élections sénatoriales

S'agissant des élections sénatoriales , cette dernière observation vaut également, avec une certaine amplification d'ailleurs du fait des élections de 2017 (7,16 % des comptes astreints au dépôt sont été soustraits à cette obligation).

La proportion des comptes de campagne approuvés est la plus forte de toutes les élections. Si les réformations ne sont pas rares, elles sont comparativement aux autres élections moins fréquentes.

En revanche, une part non négligeable des comptes des candidats fait l'objet d'un rejet (4,4 %) de leurs comptes 24 ( * ) .

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections sénatoriales
de 2014 et de 2017 25 ( * )

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2017/ 2014

Candidats astreints au dépôt

499

NS

391

NS

- 21,60 %

Non-respect des obligations de dépôt

11

2,20 %

28

7,16 %

4,96

Approbations

283

57,99 %

210

57,85 %

- 0,14

dont:

approbations avec modulation du remboursement

11

2,25 %

1

0,28 %

- 1,98

Réformations

188

38,52 %

137

37,74 %

- 0,78

dont:

réformations avec modulation du remboursement

6

1,23 %

6

1,65 %

0,42

Rejets

17

3,48 %

16

4,41 %

0,92

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

28

5,74 %

44

12,12 %

6,38

Total des décisions

488

97,80 %

363

92,84 %

- 4,96

Source : commission des finances du Sénat

d) Les élections locales et l'élection européenne

En ce qui concerne les élections locales , les taux d'approbation des comptes opposent les élections municipales et départementales aux élections régionales.

Ces dernières occasionnent des réformations nettement plus systématiques (72,4 % contre 50,7 % pour les élections départementales de 2015 et 53,4 % pour les élections municipales de 2014).

Si les modulations du remboursement public des frais de campagne touchent un assez petit nombre de comptes des candidats aux élections départementales, la proportion des réformations entraînant une réduction des remboursements est plus élevée pour les élections municipales et régionales.

Bilan des décisions de la CNCCFP pour les élections cantonales de 2011
et les élections départementales de 2015

2011

2015

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Évolution 2015/ 2011

Candidats astreints au dépôt

7 047

NS

9 074

NS

28,8 %

Non-respect des obligations de dépôt

144

2,04 %

168

1,85 %

- 0,19

Approbations

3 848

55,74 %

4 508

50,61 %

- 5,13

dont:

approbations avec modulation du remboursement

23

0,33 %

19

0,21 %

- 0,12

Réformations

2 899

42,00 %

4 263

47,86 %

5,86

dont:

réformations avec modulation du remboursement

45

0,65 %

53

0,60 %

- 0,05

Rejets

156

2,26 %

136

1,53 %

- 0,73

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

300

4,26 %

304

3,35 %

- 0,91

Total des décisions

6 903

97,96 %

8 907

98,16 %

0,2

Source : commission des finances du Sénat

Bilan des décisions de la commission pour les dernières élections municipales européennes et régionales

Municipales 2014

Européennes 2014

Régionales 2015

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Nombre

% des comptes

Candidats astreints au dépôt

4 748

NS

105

NS

158

NS

Non-respect des obligations de dépôt

104

2,19 %

0

0,00 %

2

1,27 %

Approbations

1 982

42,68 %

31

29,52 %

38

24,36 %

dont:

approbations avec modulation du remboursement

12

0,26 %

0

0,00 %

0

0,00 %

Réformations

2 482

53,45 %

69

65,71 %

113

72,44 %

dont:

réformations avec modulation du remboursement

46

0,99 %

18

17,14%

8

5,13%

Rejets

180

3,88 %

5

4,76 %

5

3,21 %

Rejets +non-respect des obligations de dépôt

284

5,98 %

5

4,76 %

7

4,43 %

Total des décisions

4 644

97,81 %

105

100,00 %

156

98,73 %

Source : commission des finances du Sénat

Néanmoins, les élections municipales de 2014 ont vu les candidats fréquemment remboursés de 100 % de leurs apports personnels.

Ces élections sont caractérisées par la part largement prépondérante, à défaut d'être exclusive, prise par les apports personnels des candidats dans le financement des campagnes électorales.

Taux de remboursement de l'apport personnel des candidats
aux élections municipales de 2014

Source : rapport de la CNCCFP pour 2014

Enfin, les élections européennes se caractérisent par un nombre relativement important des décisions de réformation des comptes de campagne .

En outre, ces réformations entraînent plus souvent que pour les autres élections, excepté l'élection présidentielle, des réductions du remboursement des dépenses de campagne

3. Une structure de financement des campagnes électorales globalement adéquate à un objectif de maximisation du remboursement public forfaitaire

On rappelle que la prise en charge des frais de campagne ne peut dépasser le niveau des apports personnels des candidats.

On constate que la structure de financement des campagnes électorales fait généralement ressortir la place prépondérante des financements qualifiés « d'apports personnels des candidats », au sein desquels prédominent leurs emprunts, éventuellement ceux contractés auprès des partis politiques qui les soutiennent.

Globalement, la proportion prise par les apports personnels tend à maximiser les remboursements forfaitaires, et le permet.

a) La structure de financement de le campagne pour l'élection présidentielle comporte des particularités par rapport à celle des élections législatives

Les investissements des candidats aux élections présidentielle et législatives de 2017 ont atteint 148,9 millions d'euros, avec une répartition moitié-moitié : 74,1 millions d'euros pour l'élection présidentielle ; 74,8 millions d'euros pour les élections législatives.

Les profils de financement des dépenses électorales correspondantes sont différents

Globalement, les apports personnels des candidats 26 ( * ) ont couvert respectivement 59,1 % et 73,4 % des dépenses électorales, écart qui peut se comprendre au vu d'un niveau de dépense unitaire incommensurable (6,7 millions d'euros pour l'élection présidentielle ; 16 296 euros par candidat aux élections législatives).

Le versement personnel moyen d'un candidat aux élections législatives (5 195 euros) est évidemment nettement plus accessible que celui d'un candidat à l'élection présidentielle (153 000 euros).

Quelques agrégats relatifs au financement des campagnes électorales de 2017

Élection présidentielle

Élections législatives

Total

Apports personnels (a)

43 811 159

54 913 813

98 724 972

Dépenses (b)

74 116 183

74 782 104

148 898 287

a - b (x)

-30 305 024

-19 868 291

-50 173 315

Apports des partis (y)

24 196 651

8 000 493

32 197 144

y / x

79,8%

40,3%

64,2%

Dons des personnes physiques (g)

4 700 983

13 445 969

18 146 952

g / x (z)

15,51%

67,68%

36,17%

y+g (w)

28 897 634

21 446 462

50 344 096

w/ x

95,36%

107,94%

100,34%

Source : commission des finances du Sénat

L'impasse de financement globale rencontrée par les candidats a été couverte très différemment.

L'engagement financier des partis politiques dans la campagne électorale est nettement plus déterminé pour l'élection présidentielle (24,2 millions d'euros) que pour les élections législatives (8 millions d'euros).

Pour ces dernières, les partis ont apporté trois fois moins d'aide aux 4 589 candidats ayant déclaré avoir engagé des dépenses de campagne que pour les 11 candidats à l'élection présidentielle. Les partis ont ainsi couvert près de 80 % du besoin de financement des candidats à l'élection présidentielle né du déficit entre l'apport personnel des candidats et leurs dépenses. Pour les élections législatives, ils n'ont couvert que 40 % de ce déficit.

Les dons des personnes physiques, du moins les dons directs aux candidats (excepté donc les dons indirects transitant par les partis politiques) ont été beaucoup moins importants pour l'élection présidentielle (4,7 millions d'euros) que pour les élections législatives (13,4 millions d'euros) 27 ( * ) . Ils ont couvert 15,5 % du besoin de financement des candidats à l'élection présidentielle, laissant, cumulés avec les apports des partis un besoin de financement résiduel de près de 5 % des dépenses.

Cependant, compte tenu de l'ampleur des dons aux partis politiques, dont le tableau ci-dessous donne une image pour quelques grandes formations politiques, les dons des personnes physiques ont davantage financé les campagnes électorales que ce que révèle la seule comptabilisation des dons directs aux candidats.

Montants des dons à quelques partis politiques en 2017

en euros

FRONT NATIONAL

960 007

PARTI RADICAL DE GAUCHE

80 678

PARTI COMMUNISTE FRANCAIS

6 053 159

LES RÉPUBLICAINS

8 239 292

LA FRANCE EN MARCHE

10 014 588

PARTI SOCIALISTE

582 011

EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

250 434

DEBOUT LA FRANCE

610 510

LA FRANCE INSOUMISE

1 540 005

Total

28 330 684

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, par les concours en nature et des recettes diverses, les dépenses électorales des candidats à l'élection présidentielle ont été intégralement financées, le solde positif entre les recettes et les dépenses atteignant près de 800 000 euros.

Pour les élections législatives, il s'est élevé à près de 4 millions d'euros (environ 5 % des dépenses des candidats).

b) L'élection présidentielle de 2017

Les recettes portées aux comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle de 2017 ont atteint 74,9 millions d'euros.

L'analyse de ces ressources révèle plusieurs types de singularités, qu'ils concernent les candidats ou les structures de financement de leurs engagements dans la campagne électorale.

La structure de financement des campagnes des candidats à l'élection présidentielle de 2017 dévoile la prépondérance des ressources qualifiées d'apports personnels des candidats.

Source : rapport 2017 de la CNCCFP

Avec 42,8 millions d'euros, les apports personnels des candidats totalisent 58,5 % des recettes des comptes de campagne .

En deuxième position, viennent les apports des partis avec un peu moins d'un tiers des ressources portées aux comptes de campagne (24,2 millions d'euros).

Le rôle des dons (4,7 millions d'euros) est comparativement faible (6,3 % des ressources).

Le poids des apports personnels est comparativement élevé pour les candidats qui n'ont pas réuni 5 % des suffrages.

Pour ceux-ci, il est de l'ordre de 70,8 % contre 57,5 % pour ceux ayant atteint ce seuil.

Les apports personnels des candidats sont eux-mêmes issus de trois principales sources de financement qui présentent des profils très contrastés selon les candidats.

- les versements personnels des candidats au sens strict représentent une part très modeste de ces apports (3,8 % pour 2,25 % des recettes totales portées aux comptes). Cependant, il existe un fort contraste entre les candidats selon leurs résultats électoraux.

Pour les candidats n'ayant pas atteint le seuil de 5 % des suffrages exprimés, ces versements apportent une part des recettes des comptes de campagne relativement élevée et nettement plus significative que pour leurs adversaires. Elle s'élève à 16,7 % des recettes totales (23,6 % de la catégorie « apports personnels »). Ceci résulte à la fois d'un montant moyen supérieur (183 600 euros contre 127 500 euros) et de recettes alternatives nettement inférieures.

Cette dernière situation se vérifie, en premier lieu, pour les autres recettes composant la catégorie des apports personnels, c'est-à-dire pour les emprunts bancaires et auprès des partis. Pour les candidats ayant atteint le seuil de 5 % des suffrages, les premiers s'élèvent à 25,1 millions d'euros (4,18 millions d'euros par candidat en moyenne) et les seconds à 14,1 millions d'euros (2,35 millions d'euros par candidat en moyenne), contre, respectivement 1,3 million d'euros et 1,7 million d'euros pour les autres candidats (260 000 euros et 340 000 euros par candidat en moyenne).

Elle se vérifie également lorsqu'on compare les versements personnels stricto sensu des candidats avec d'autres catégories de recettes que les apports personnels. Ainsi les versements personnels des « petits candidats » sont à peu près équivalents aux contributions des partis (hors prêts consentis par ces derniers) tandis que pour les candidats au seuil de 5 % au moins des suffrages, celles-ci représentent près de 30 fois les versements personnels des candidats.

- Les emprunts contractés auprès des banques par les candidats représentent la première source de financement des campagnes : 26,4 millions d'euros pour un total de recettes de 74,9 millions d'euros (35,2 % des recettes des comptes de campagne). Les candidats en-deçà du seuil ne mobilisent que peu cette ressource. Avec 1,3 million d'euros, ils ne réunissent que moins de 5 % des emprunts bancaires.

- Les emprunts effectués auprès des partis sont, avec 15,7 millions d'euros, la deuxième source de financement des campagnes électorales des candidats à l'élection présidentielle (21 % du total). Là aussi, ils sont concentrés par les candidats au-delà du seuil, qui totalisent 89,9 % de ces ressources. Cependant, rapportés aux ressources mobilisées par les candidats, selon leur résultat électoral, ces emprunts apportent une contribution au financement des petits candidats (30,2 %) supérieure à celle des candidats au seuil (20,3 %).

L'équation du financement des dépenses électorales et des dépenses de campagne a été globalement bien gérée par les candidats, leur permettant d'obtenir une prise en charge jouxtant les 100 % de leurs droits.

Le remboursement public a atteint un pourcentage généralement proche ou supérieur à 95 %

On relève toutefois deux exceptions, dont l'une susceptible d'impliquer un niveau de reste à charge significatif compte tenu de l'ampleur des dépenses du candidat.

c) Les élections législatives de 2017

Si les ratios entre les prises en charge des frais de campagne par les crédits publics et les apports personnels ont été un peu moins favorables pour les élections législatives de 2017 qu'ils ne l'ont été pour l'élection présidentielle, leur niveau est globalement élevé.

Proportion de l'apport personnel déclaré effectivement remboursée
aux candidats aux élections législatives éligibles au remboursement public

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Plus des trois-quarts des candidats éligibles au remboursement public de leurs frais de campagne ont vu leur apport personnel remboursé à au moins 90 %.

Près de 87 % des candidats ont bénéficié d'un remboursement d'au moins 80 % de leur apport personnel.

Les apports personnels des candidats représentent une part très importante des ressources investies dans les campagnes électorales.

Structure des financements des candidats aux élections législatives de 2017

Une évolution de la structure des apports personnels des candidats invite à remarquer que les contributions des partis politiques ont connu un fort repli. Ce dernier a été moins fort pour l'emprunt bancaire mais le déclin de ces deux postes a dû être compensé par une augmentation de la part relative des versements strictement personnels des candidats.

Structure de l'apport personnel des candidats
aux deux dernières élections législatives

Source : CNCCFP, rapport de l'année 2017

Ces évolutions doivent toutefois être considérées avec précaution. L'abréviation de la période de décompte des ressources investies dans les campagnes électorales et l'augmentation du nombre des candidats, dont un nombre relatif en progression ne réalisent que peu d'investissements de campagne, biaisent les comparaisons, et, dans un certaine mesure, les constats portant sur les taux de prise en charge publique eux-mêmes.


* 14 C'est d'ailleurs toujours le cas, du moins théoriquement.

* 15 Dans les communes de moins de 1 000 habitants les dépenses de propagande électorale des candidats ne sont même pas pris en charge par l'État.

* 16 Dans le tableau ci-après les lettres A, AM, AR, ARM et R signifient respectivement : approbation, approbation avec modulations, approbation avec réformations, approbation avec réformation et modulation et rejet.

* 17 Mais dans ce cas essentiellement pour l'avenir.

* 18 Le tableau rapporte les décisions de la commission soit au total des comptes astreints au dépôt (pour la dernière ligne du tableau), soit au nombre effectif des décisions effectivement adoptées par la commission (pour les autres lignes).

* 19 Modification qui a également porté sur les recettes mobilisées par les candidats devant être retracées dans les comptes de campagne.

* 20 Il semble qu'une erreur commune consiste pour les « petits » candidats à inclure les frais de propagande officielle dans leurs dépenses alors que ces frais sont directement pris en charge par l'État.

* 21 De ce point de vue, le contrôle des comptes de campagne n'a qu'une portée pour l'avenir dans l'hypothèse où des suites judiciaires sont données à des comptes simplement réformés.

* 22 Sur un total de réformations de 1,7 million d'euros.

* 23 Sur un total de réformations de 1,4 million d'euros.

* 24 Ces rejets ont pu parfois être contestés avec un plein succès auprès du juge de l'élection.

* 25 Le tableau rapporte les décisions de la commission soit au total des comptes astreints au dépôt (pour la dernière ligne du tableau), soit au nombre effectif des décisions effectivement adoptées par la commission (pour les autres lignes).

* 26 Parmi lesquels figurent pour une part importante, mais inégale, des concours apportés directement par les partis politiques aux candidats.

* 27 Cette situation s'explique principalement par le nombre des candidats susceptibles de bénéficier de dons dans un contexte où les dons unitaires sont plafonnés.

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