B. LES CONFLITS INTERNATIONAUX ET LA SITUATION DES MIGRANTS

1. Obligations internationales concernant le rapatriement des enfants des zones de guerre et de conflits

Jeudi 30 janvier 2020, un débat d'urgence portant sur les obligations internationales concernant le rapatriement des enfants des zones de guerre et de conflits s'est tenu. Une résolution et une recommandation ont été adoptées à l'issue de ce débat.

Au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, M. Stefan Schennach (Autriche - SOC) a présenté un rapport sur le sujet.

La situation des enfants en Syrie et en Irak dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance à l'organisation « État islamique d'Irak et de Syrie/Daech », est préoccupante : abandonnés dans des camps et des centres de détention sordides, exposés à de graves violations de leurs droits ainsi qu'à un risque de radicalisation, en proie à la maladie et à un taux élevé de mortalité. Au fil des jours, ces enfants seront de plus en plus nombreux à perdre la vie ou à voir leur existence brisée, à moins qu'une action ne soit prise immédiatement.

La commission rappelle que ces enfants ne sont pas responsables des actes de leurs parents ni des situations dans lesquelles ils se trouvent. À la lumière des obligations et engagements des États membres à l'égard de ces enfants, qui découlent du droit international et européen des droits humains et du droit humanitaire, elle considère que procéder activement au rapatriement, à la réadaptation et à la (ré)intégration de ces enfants sans plus tarder est une obligation née des droits humains et un devoir humanitaire.

Par ailleurs, l'intégration de la prise en considération des droits de l'enfant dans les mesures de lutte contre le terrorisme est non seulement un impératif sur le plan des droits humains, mais également une contribution essentielle à la sécurité nationale des pays concernés. L'APCE devrait appeler le Comité des Ministres à veiller à ce que l'action menée par le Conseil de l'Europe contre le terrorisme, lorsqu'elle porte sur des questions relatives à l'enfance, privilégie l'intérêt supérieur de l'enfant et assure une protection adéquate de ses droits.

2. Développements récents en Libye et au Moyen-Orient : quelles conséquences pour l'Europe ?

Jeudi 30 janvier 2020, un débat d'actualité s'est tenu sur les conséquences pour l'Europe des développements récents en Libye et au Moyen-Orient.

S'exprimant au nom du groupe ADLE, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a rappelé que les événements se déroulant au Moyen-Orient ou au Maghreb ont un impact sur l'Europe. La situation en Libye est alarmante tant ce pays est déchiré par la guerre civile, sans aucune perspective de stabilisation. Elle a déploré le soutien de certains États européens aux belligérants, sans chercher à les inciter au dialogue et à la réconciliation nationale. Elle a préconisé un retour aux fondamentaux de l'accord politique libyen de 2015 et du plan d'action du représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU de 2017, ainsi qu'un soutien du Conseil de l'Europe pour reconstruire un État viable. Pour terminer, elle a rappelé la nécessité d'associer les Palestiniens à toute initiative pour la paix au Proche-Orient et de recueillir leur consentement pour la mise en oeuvre d'une solution à deux États.

3. La lutte contre le trafic d'êtres humains

Jeudi 30 janvier 2020, un débat conjoint s'est tenu avec pour thèmes l'action concertée contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants, d'une part, et les disparitions d'enfants réfugiés ou migrants en Europe, d'autre part. À l'issue de ce débat, deux résolutions et deux recommandations ont été adoptées.

Sur le premier thème, M. Vernon Coaker (Royaume-Uni - SOC) a présenté un rapport, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dans lequel il rappelle que l'article 4 de la convention européenne des droits de l'Homme interdit la traite des êtres humains. Par conséquent, les États membres sont tenus de protéger toute personne relevant de leur juridiction contre la traite, et les victimes sont en droit de saisir en dernier recours la Cour européenne des droits de l'Homme de toute violation de cette protection. Néanmoins, les victimes de la traite sont de plus en plus nombreuses dans toute l'Europe, en particulier parmi les migrants. Leur exploitation s'accompagne souvent de violences et de menaces physiques et psychologiques, principalement contre les femmes.

Le fait d'être un migrant en situation irrégulière ou un enfant migrant non accompagné est une situation de particulière vulnérabilité. La prévention de la traite et la protection des victimes doivent être une priorité de premier ordre. Il est nécessaire de revoir les perceptions ancrées dans la culture qui rendent la traite possible.

Le Conseil de l'Europe devrait en faire davantage pour combattre la traite des êtres humains et faire en sorte que ses normes juridiques soient adéquates et mises en oeuvre par tous les États membres. Les parlementaires nationaux devraient soutenir la mise en oeuvre nationale des recommandations figurant dans les rapports du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).

Sur ce même thème, Mme Isabelle Rauch (Moselle - La République en Marche) a présenté un rapport pour avis au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination.

Si la commission soutient les projets de résolution et de recommandation, elle souhaite attirer l'attention sur le fait que la traite des êtres humains affecte les femmes de façon disproportionnée. Pour cela, elle a déposé trois amendements qui ont été adoptés : le premier rappelle la vulnérabilité des femmes dans les cas de traite des êtres humains, le deuxième incite les États membres à signer et à ratifier la convention d'Istanbul, et le troisième met l'accent sur les mariages forcés.

Sur le second thème, dans son rapport fait au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Mme Serap Yasar (Turquie - NI) a rappelé que les enfants migrants et demandeurs d'asile sont particulièrement vulnérables et ont besoin d'une protection privilégiée contre les multiples dangers qui pèsent sur eux tout au long de leur voyage : violences, abus sexuels, traite d'êtres humains et exploitation. De nombreuses formes de violence à l'encontre des enfants migrants et réfugiés attendent les enfants dont on perd la trace, car ils «?se volatilisent?» dans des réseaux clandestins qui les excluent toujours plus de la protection et des soins auxquels ils ont droit, d'abord et avant tout en raison de leur âge, mais aussi en leur qualité de migrants ou de réfugiés.

Ce rapport rend compte de la situation concernant les disparitions d'enfants réfugiés ou migrants, soulignant la difficulté d'en cerner les dimensions réelles. Il examine les dispositions juridiques qui s'appliquent dans le domaine et propose des recommandations pour mieux protéger les enfants et lutter contre les disparitions. La commission considère que les États membres devraient veiller à ce que chaque enfant migrant sans papier soit enregistré et identifié par les autorités et qu'un tuteur individuel soit nommé dès l'accueil d'un enfant réfugié ou migrant non accompagné. Tout enfant réfugié ou migrant a le droit au regroupement familial et devrait être accueilli dans la mesure du possible avec sa famille, en vertu du droit de chaque enfant de vivre avec ses parents, tel qu'il est consacré à l'article 22 de la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

M. André Reichardt (Bas-Rhin - Les Républicains) a rappelé l'importance du problème, en indiquant que 10 000 mineurs migrants ou réfugiés auraient disparu en Europe. Il faut une volonté sans faille pour faire évoluer la situation. À ce sujet, il a salué la décision des Ministres de l'Intérieur du G7, prise à Paris en avril 2019, de renforcer la coopération opérationnelle et l'échange d'informations. De même, il s'est félicité que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe ait décidé, en mai 2019 à Helsinki, d'examiner les moyens de renforcer la lutte contre la traite des êtres humains. Pour aller plus loin, il a appelé ses collègues parlementaires à inciter leurs gouvernements à une vigilance accrue sur cette question.

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes maritimes - Les Républicains) a insisté sur les dangers du voyage des enfants migrants vers l'Europe, voyage durant lequel ils se retrouvent à la merci de dangereux criminels contre lesquels il faut lutter. Pour cela, le Conseil de l'Europe doit inviter les États membres à définir un nouveau cadre juridique multilatéral pour travailler avec les États de la rive sud de la Méditerranée et mettre en place une force d'intervention commune dans les ports de départ pour empêcher les passeurs d'exercer leurs activités. Pour mettre un terme à ces activités, les demandes d'asile devraient être faites dans les pays d'origine des migrants.


Enfin, un durcissement des politiques migratoires européennes devrait permettre de décourager les jeunes à prendre des risques démesurés pour traverser la Méditerranée.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a commencé par se féliciter de ce débat rappelant qu'en 2017, l'Organisation internationale du travail évaluait à 25 millions le nombre de victimes de travail forcé et à 15 millions celles de mariages forcés dont les femmes et les enfants, migrants ou réfugiés pour la plupart, sont les premières victimes. Leur exploitation, par des filières mafieuses ou des réseaux criminels à des fins lucratives prend différentes formes comme la prostitution, la mendicité forcée ou le prélèvement d'organes. Elle s'est félicitée que la France ait arrêté, le 18 octobre dernier, son deuxième plan d'action national contre la traite des êtres humains et que, sous la présidence française du G7 en avril 2019, les Ministres de l'Intérieur des pays les plus industrialisés aient décidé de renforcer la coopération opérationnelle et les échanges d'informations en la matière.

Mme Martine Wonner (Bas- Rhin - La République en Marche) a indiqué que chaque jour, un enfant migrant a été déclaré mort ou disparu entre 2014 et 2018 dans le monde, selon l'ONU. Ce sujet mérite donc une attention et une vigilance particulières. Pour agir, il est tout d'abord nécessaire de disposer de données chiffrées ce qui nécessite une approche coordonnée et une coopération renforcée entre les États européens. En outre, il est nécessaire de mieux prendre en compte la souffrance psychologique de ces enfants, dont il ne fait aucun doute qu'elle est importante du fait de leurs parcours.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page