PREMIÈRE PARTIE : L'IMMÉDIATE APRÈS-CRISE
- LE TEMPS DE L'ÉVALUATION

Contrairement aux grandes crises sanitaires ou accidents industriels passés pour lesquels le Parlement a pu se mobiliser afin d'en analyser les causes et d'en évaluer les conséquences, l'origine de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen n'est pas définitivement établie à ce jour . Des éléments de l'enquête judiciaire en cours ont été évoqués dans la presse mais la commission d'enquête a souhaité dépasser le seul cas de l'incendie de l'usine Lubrizol, quelles qu'aient été la stupeur et l'inquiétude qu'il a suscitées.

En outre, l'évaluation des conséquences de l'accident est rendue délicate par la manière dont il est perçu car l'incendie s'est produit quelques années seulement après un autre incident : en 2013, du mercaptan, composé chimique très malodorant, fut accidentellement rejeté à l'atmosphère et ressenti de Londres à Paris 2 ( * ) . En présentation du film consacré à cet accident, le ministère de la transition écologique et solidaire écrit : « Lors de certains accidents, il arrive qu'à la crise technique proprement dite vienne se superposer une crise médiatique. Et parfois, cette seconde crise prend une ampleur disproportionnée par rapport à la gravité réelle des conséquences de l'événement » 3 ( * ) . Appréciation qui souligne combien l'analyse de l'incendie de 2019 s'inscrit dans un contexte particulier.

I. UN ACCIDENT INDUSTRIEL MAJEUR, SURMONTÉ GRÂCE À UNE GRANDE MAÎTRISE OPÉRATIONNELLE ET UNE FORTE RÉSILIENCE DES ACTEURS ENGAGÉS

A. CONFORTER LE DISPOSITIF DE GESTION OPÉRATIONNELLE DES ACCIDENTS INDUSTRIELS ET TECHNOLOGIQUES

1. Un engagement sans faille des intervenants opérationnels pour traiter l'incendie et ses conséquences immédiates

L'exercice consistant à analyser la gestion d'une crise, quelle qu'en soit la nature, est par essence délicat. Le caractère intrinsèquement imprévisible et soudain des crises industrielles, la rapidité nécessaire à leur traitement, qui conduit les autorités compétentes à faire des choix sans disposer de l'ensemble des éléments utiles à la prise de décision, et les asymétries d'information existant entre les exploitants impliqués et les acteurs publics (État, collectivités territoriales) compliquent la gestion de crise.

Lors de son déplacement sur le site de l'usine Lubrizol à Rouen le jeudi 24 octobre dernier, la commission d'enquête a pu échanger avec l'ensemble des acteurs concernés par cet accident industriel (salariés, intervenants du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS 76), services de l'État, élus locaux). Si la gestion des conséquences de l'incendie apparaît perfectible sur de nombreux aspects, la commission d'enquête tient à saluer le travail remarquable effectué pour le traitement opérationnel de la crise et l'engagement sans faille de tous les intervenants : salariés de l'usine Lubrizol, sapeurs-pompiers et personnels des services de l'État et des collectivités territoriales.

La gestion de crise opérationnelle stricto sensu s'est déroulée dans une configuration classique, prévue par le code de la sécurité intérieure, et a permis d'éviter une catastrophe : l'action des forces de sécurité civile a permis de circonscrire le feu à 10 h 30, d'en être le maître, c'est-à-dire d'assurer sa non-propagation et sa non-reprise, à 13 heures et de l'éteindre à 15 heures.

Néanmoins, l'appui aux services déconcentrés, l'articulation entre différents documents de gestion opérationnelle et les moyens des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) peuvent être améliorés.

a) Un incendie de grande ampleur maîtrisé dans des conditions difficiles

La gestion opérationnelle d'une crise industrielle recouvre la prise d'informations sur la réalité de l'accident, l'organisation de la gestion de l'événement, le suivi des mesures mises en oeuvre et la communication en temps réel auprès des publics concernés 4 ( * ) .

Les décisions et mesures prises par le préfet lors de la survenance de l'incendie apparaissent rétrospectivement pertinentes, justifiées et proportionnées à la réalité des risques encourus par la population 5 ( * ) . Ce résultat confirme que l'organisation française en matière de sécurité civile permet de faire face à un accident industriel majeur ; la multitude des intervenants et des procédures révèle cependant un système complexe, dont l'articulation n'est pas exempte de critiques.

La prise en compte des risques industriels repose sur les exploitants , les maires des communes où des établissements industriels sont implantés et les représentants de l'État dans les départements, selon un principe de gradation des risques , notamment dans leur dimension géographique.

Les exploitants de sites Seveso seuil haut, comme l'usine Lubrizol de Rouen, sont soumis à des obligations renforcées en matière de gestion des risques 6 ( * ) . Dans ce cadre, ils sont tenus d'élaborer un plan d'opération interne (POI) , prévu par l'article L 541-41 du code de l'environnement 7 ( * ) . Ce document, qui correspond au plan d'urgence interne défini par l'article 12 de la directive Seveso, définit les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires pour contenir et maîtriser les incidents et accidents en vue d'en minimiser les effets et dommages sur la santé publique, l'environnement et les biens. Le POI de Lubrizol a fait l'objet d'une mise à jour en décembre 2018 , transmis à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et au SDIS le même mois.

En parallèle, les services de l'État élaborent un plan particulier d'intervention (PPI ), prévu à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure et correspondant au plan d'urgence externe défini par la directive Seveso, pour faire face à des risques particuliers et en l'occurrence à un risque de nature chimique. Selon les chiffres indiqués à la commission d'enquête par le ministère de l'intérieur, sur 678 établissements Seveso seuil haut, 92 % des PPI sont élaborés à ce jour, 59 plans seraient en cours de rédaction et 37 établissements font l'objet d'une dispense d'élaboration, comme le prévoit la réglementation lorsque le danger présenté par l'établissement ne menace aucun enjeu extérieur 8 ( * ) .

Plan d'opération interne

(POI - L. 515-41 code de l'environnement)

Dispositif « ORSEC » et Plan particulier d'intervention

(PPI - L. 741-6 du code de la sécurité intérieure)

Plan communal de sauvegarde

(PCS - L. 731-3 du code de la sécurité intérieure)

Articulation entre POI et PPI prévue par une circulaire du 12 janvier 2011 dès lors que l'incident en cause ne peut être traité par l'exploitant seul compte tenu de son ampleur

L'articulation entre POI et PPI est prévue par une circulaire du 12 janvier 2011 9 ( * ) . Interrogé par la commission, le groupe d'étude de sécurité des industries pétrolières (Gesip), association loi 1901, a indiqué que les interfaces entre le POI et le PPI sont précisées dans des guides méthodologiques dédiés, suivant le type d'établissement et les produits stockés 10 ( * ) . Ces guides indiquent notamment qu'il « peut y avoir une continuité à assurer entre POI, même de courte durée, et PPI . C'est pourquoi il peut être utile de faire figurer des scénarios PPI dans le document POI, par exemple dans la montée en puissance POI/PPI, et d'y écrire les actions de l'exploitant avant l'arrivée des secours publics, et ensuite en appui de ceux-ci ».

En vertu de son pouvoir de police générale défini à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il revient au maire de « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires [...] les incendies, [...] de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ». C'est la raison pour laquelle les communes comprises dans le périmètre d'un PPI doivent se doter d'un plan communal de sauvegarde (PCS) , depuis la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 11 ( * ) , dont l'élaboration, l'actualisation, la révision (au moins tous les cinq ans) et la mise en oeuvre sont de la responsabilité du maire. A l'heure actuelle, 12 381 communes sont tenues d'élaborer un tel plan, dont 1 200 communes concernées par un site Seveso seuil haut : à ce jour, 77 % des communes concernées par un PCS l'ont élaboré (9 569) dont 85 % des communes de la Seine-Maritime. Par ailleurs, 2 000 communes ont réalisé un PCS sans pour autant y être soumises 12 ( * ) .

Sur ce point, l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (AMARIS) a fait part à la commission d'enquête de sa préoccupation concernant l'articulation entre le PCS et le PPI . Elle indique notamment que « les PCS ne sont pas réellement pris en compte , que ce soit lors de l'élaboration du PPI ou lors de son déclenchement en cas d'accident. Les moyens de gestion de crise ne sont pas coordonnés ou trop peu entre le SIDPC, le SDIS, les sites Seveso et les communes ».

L'article L. 132-1 du code de la sécurité intérieure confirme la compétence du maire dans l'exercice des missions de sécurité publique et sa capacité à assurer la direction des opérations de secours sous réserve que l'accident ou le sinistre en cours ne dépasse pas les limites ou les capacités de sa commune. Dans ce cas, l'article L. 742-2 du même code et le décret du 29 avril 2004 13 ( * ) confient la direction des opérations de secours au préfet , qui dispose d'une grande latitude pour mobiliser les moyens de secours de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et acteurs privés 14 ( * ) .

Compte tenu de l'ampleur de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen, le préfet a assumé ce rôle et a déclenché le plan ORSEC (« organisation de la réponse de sécurité civile ») 15 ( * ) ainsi que le PPI de Rouen 16 ( * ) .

Selon les chiffres communiqués par la DGSCGC pour le département de la Seine-Maritime, 44 POI ont été activés depuis 2012, et 2 PPI ont été activés par le préfet 17 ( * ) .

Lubrizol : un accident industriel de grande ampleur, qui rappelle que le « risque 0 » n'existe pas

4 janvier 1966 : explosion de la raffinerie de Feyzin. 18 personnes dont 11 pompiers sont tuées et 84 blessées ;

12 octobre 1982 : incendie de la tour de contrôle d'un ensemble de silos à Metz. 12 personnes trouvent la mort ;

29 octobre 1987 : 38 000 habitants de Nantes sont évacués à la suite du dégagement d'un nuage toxique provenant d'un dépôt d'engrais ;

9 novembre 1992 : six personnes sont tuées à cause d'une fuite dans la raffinerie de la Mède, près de Marseille, et 37 blessées ;

21 septembre 2001 : 31 personnes sont tuées et des milliers d'autres blessées dans l'explosion de l'usine AZF à Toulouse ;

15 juillet 2009 : une explosion cause la mort de deux personnes au moment du redémarrage d'une plateforme pétrochimique de Total à Carling, six blessés sont également à déplorer.

L'organisation en matière de sécurité civile déploie classiquement un poste de commandement opérationnel (PCO) , au plus près de la zone du sinistre, un centre opérationnel départemental (COD) , qui permet de regrouper les représentants des personnes publiques et privées concernées 18 ( * ) , un centre opérationnel de zone (COZ) et le centre opérationnel de gestion interministériel des crises (COGIC) du ministère de l'intérieur. Lors de son audition devant la commission d'enquête, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise a d'ailleurs indiqué que « l'échelon zonal (devait) encore monter en puissance » 19 ( * ) .

LA GESTION DE CRISE : LES NIVEAUX ET LES STRUCTURES DE DÉCISION

Source : schéma préfecture du Rhône

Pendant l'incendie de Rouen, le préfet a ainsi pu rassembler autour de lui la police nationale, la gendarmerie, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Seine-Maritime, l'agence régionale de santé (ARS), la Dreal territorialement compétentes, la ville et la métropole de Rouen, Météo France, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ainsi que des représentants de Lubrizol.

Une visioconférence ininterrompue s'est tenue entre le COGIC et le COZ à partir de 7 heures le jeudi 26 septembre et plusieurs vidéoconférences ont été organisées par le COGIC, notamment avec le centre ministériel de veille opérationnelle et d'alerte (CMVOA) du ministère de la transition écologique et solidaire. Par ailleurs, le préfet a vu son équipe renforcée par l'affectation temporaire d'un sous-préfet supplémentaire et d'une attachée. Interrogé par la commission, le préfet de la Seine-Maritime, a expliqué que l'affectation d'un sous-préfet visait à décharger le directeur de cabinet de tâches administratives (gestion des contentieux et demandes d'expertises notamment). Issue de la Direction de la communication du ministère de l'intérieur, l'attachée a renforcé les effectifs du service de la communication de la préfecture pendant deux semaines, afin, notamment, de répondre aux fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux. En complément de sa réponse, le préfet a précisé à la commission que « ces renforts ont été accompagnés par la présence successive de deux attachés entre la mi-octobre et la mi-décembre, pour un renfort portant sur les sujets administratifs, soulageant d'autant le cabinet du préfet et le siracedpc 20 ( * ) , surchargés ».

En revanche, il n'a pas été fait usage de la mission d'appui en situation de crise ( MASC ), pourtant composée d'experts dont le profil aurait pu sembler utile à un préfet qui a publiquement fait part de sa solitude face à l'événement 21 ( * ) : communiquant, logisticien, ingénieur, sous-préfet... Selon lui, « la nature du sinistre, le déroulé de l'événement (feu éteint en 12 heures), la rapidité de sa maîtrise, et la disponibilité des mesures, en un mot le bilan connu le jour même, ne conduisaient pas à envisager la mise en place d'une MASC, dont la mobilisation répond réglementairement au triple objectif de renforcer le dispositif d'aide à la décision, de conseiller sur l'emploi de moyens extra-départementaux et de renforcer les capacités de synthèse et de remontées d'informations » 22 ( * ) .

La DGSCGC ajoute que le préfet a été en communication régulière avec M. Pierre-Henry Brandet , délégué à l'information et à la communication du ministère de l'intérieur. Enfin, le service d'information du Gouvernement a été sollicité pour préparer la page internet consacrée à l'accident de Rouen, mettre en place un numéro vert centralisé et assurer la mise en place de cellule « réplique », chargée de répondre aux fausses informations.

À la suite d'un premier accident survenu sur le site de Lubrizol à Rouen en janvier 2013 (fuite de mercaptan), le Gouvernement avait d'ailleurs transmis une instruction aux services déconcentrés de l'État 23 ( * ) pour les encourager à recourir à l'appui technique des pôles inter-régionaux consacrés aux risques accidentels des Dreal, des experts de sécurité civile des SDIS et de la cellule d'appui aux situations d'urgence de l'Ineris.

À Rouen le 26 septembre dernier, le préfet a fixé deux objectifs principaux dans la lutte contre l'incendie : en premier lieu, assurer la protection de la population et la sécurité des personnels d'intervention ; en second lieu, éteindre le feu le plus rapidement possible sans générer de pollution importante. L'action des sapeurs-pompiers a donc visé en priorité à protéger les installations à risques sur le site et dans son environnement, pour éviter tout « effet domino » . Il a ainsi fallu réunir des capacités hydrauliques permettant de déverser 28 000 litres d'eau et de solution moussante par minute pour venir à bout de l'incendie.

Un dispositif très important a été mis en place pour traiter un incendie hors norme , avec le soutien de la zone de défense et de sécurité (ZDS) Ouest et du COGIC :

- 276 sapeurs-pompiers, dont 188 du SDIS 76 ;

- 46 engins lourds ;

- près d'une centaine de policiers et une cinquantaine de gendarmes présents pour sécuriser le périmètre d'exclusion autour du site (300 mètres puis 500  mètres) ;

- une cellule mobile d'intervention chimique (CMIC) venue de l'Eure (27) ;

- un véhicule de détection, d'identification et de prélèvement (VDIP) des unités militaires de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou ;

- un binôme du laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP) avec un spectromètre de masse ;

- 2 hélicoptères de la sécurité civile, projetés par l'administration centrale (un Dragon de Seine-Maritime et un Dragon de la sécurité civile de Paris) ;

- des réserves d'émulseurs ;

Au total, l'incendie de Lubrizol aura mobilisé près de 970 sapeurs-pompiers en cumulé, du fait des roulements, dont 900 de la Seine-Maritime et 70 en renforts extra-départementaux provenant de six départements différents : l'Eure (ZDS Ouest), des brigades des Yvelines et du Val d'Oise (ZDS Paris), des SDIS de l'Oise, du Nord et de la Somme (ZDS Nord) 24 ( * ) .

Les SDIS suivants ont été indemnisés par la DGSCGC en fin de gestion budgétaire 2019 sur la ligne des colonnes de renfort :

SDIS 80 (département de La Somme) à hauteur de 10 499 euros

SDIS 27 (département de l'Eure) : 5 303 euros

SDIS 78 (département des Yvelines) : 44 191 euros

SDIS 95 (département du Val d'Oise) : 24 442 euros

SDIS 60 (département de l'Oise) : 20 805 euros

Ce dispositif était d'autant plus nécessaire que le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR) 25 ( * ) de la Seine-Maritime préparait le SDIS 76 à un incendie d'hydrocarbures sur une surface d'environ 1 500 mètres carrés . Pour y faire face le SDIS 76 dispose de cinq citernes d'émulseurs de 6 000 litres, qui n'étaient pas suffisantes dans le cas d'espèce. La nécessité de recourir à des moyens zonaux et nationaux était donc clairement établie pour un incendie dépassant 5 000 mètres carrés.

Sous les réserves déjà formulées quant à l'absence de pertes humaines , le bilan de l'accident est lourd : environ 10 000 tonnes de produits ont été brulées, deux des trois entrepôts de Normandie Logistique ont été en grande partie détruits, le troisième totalement, et le site de l'usine Lubrizol est détruit à 10 % environ. Le plafond des fumées a atteint 400 mètres d'altitude pendant la nuit de l'incendie et le panache de fumée a atteint 20 kilomètres de long pour 6 kilomètres de large au plus fort de sa propagation.

En outre, pour faire face à un risque imminent de pollution de la Seine par le ruissellement de quantités importantes de polluants provenant de l'arrosage nécessaire à la maîtrise de l'incendie, le préfet a activé le plan de pollution maritime (Polmar) . Un barrage a été mis en place pour fermer le bassin dans lequel ces eaux de ruissellement se déversaient et les moyens du port du Havre et du port de Rouen ont pu être déployés. Les opérations de pompage se sont poursuivies jusqu'au début du mois d'octobre.

Sur ce point, le colonel Jean-Yves Lagalle, directeur du SDIS 76, a indiqué lors de son audition devant la commission d'enquête : « actuellement, nous avons des conventions avec le port du Havre mais pas avec celui de Rouen, car la convention a été dénoncée en 2013 par le port autonome. Une nouvelle convention devrait être établie à compter de janvier 2020 » 26 ( * ) . Les autorités portuaires de Rouen doivent reprendre le dialogue pour la formalisation d'une nouvelle convention le plus rapidement possible .

L 'action du conseil départemental a permis d'assurer la continuité du service public, la sécurité sur les routes départementales, de même que la surveillance et le contrôle de l'ensemble des sites départementaux concernés par l'événement (collèges, centres médico-sociaux, bâtiments administratifs).

En lien avec les services académiques, les opérations de nettoyage ont été effectuées par des prestataires agréés dans tous les collèges et conformément aux préconisations des services de l'État. Dans les communes dont le maire a pris un arrêté de fermeture des écoles , des opérations similaires ont été réalisées. Au total, l'ensemble des établissements ont pu être traités en moins de 48 heures . Le département a également mobilisé son laboratoire agrovétérinaire pour apporter son concours aux services de l'État pour l'analyse des polluants.

Il est en revanche, important de tirer les enseignements de deux points de préoccupation majeurs .

En premier lieu, la protection des personnels n'a pas été assurée dans les meilleures conditions possibles , notamment s'agissant des agents des services de transport collectif de personnes et de l'Éducation nationale.

Le cas des chauffeurs de bus est révélateur des difficultés rencontrées dans la communication : la filiale de Transdev, TCAR, a relayé les informations transmises par la préfecture sur la non-dangerosité des fumées et maintenu ses services de transport. Selon Le Canard Enchaîné 27 ( * ) , 446 salariés de la TCAR sur 1 150 ont ensuite fait état de symptômes d'intoxication à l'infirmerie de l'entreprise. Un grand nombre d'entre eux ayant exercé leur droit de retrait, les services de transports urbains, qui fonctionnaient le matin du 27 septembre, n'étaient plus assurés l'après-midi.

De même, les directeurs d'établissements scolaires n'ont pas été avertis avant 9 heures le matin de l'incendie, via l'envoi d'un SMS du rectorat, des mesures à mettre en oeuvre, tandis que des écoliers arrivaient tout de même au compte-goutte.

S'agissant des équipements de protection des forces de l'ordre , la DGSCGC indique que le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) a autorisé les effectifs en relève avant 8 heures à s'équiper de masques NRBC avec cartouches neuves : « 25 masques de ce type se trouvaient à disposition localement à l'hôtel de police et ont pu, pour certains, être distribués aux fonctionnaires sur des points de barrage à la limite de la rive droite en particulier vers le pont Flaubert. Vers 8h30, il a ensuite demandé aux sapeurs-pompiers via le COD de mettre à disposition des masques "papier" de type FFP2 pour les policiers se trouvant sur les 17 points de barrage. Les pompiers ont donné leur accord et ont fait parvenir 100 masques de type FFP2 peu après 11h00. Un deuxième lot de 500 masques type FFP2 a été fourni à la demande du DDSP par les pompiers, ce qui a permis d'équiper les effectifs sur les points de bouclage statiques du périmètre LUBRIZOL durant le week-end et les jours suivants. L'escadron de gendarmerie mobile (EGM) de St Quentin était équipé de moyens de protection individuels, en l'occurrence de masques NRBC, récupérés le matin même dans les unités de gendarmerie, dès leur prise de service vers midi puis avec un complément en provenance du Groupement Blindé de Gendarmerie Mobile dans l'après-midi. Toutefois, l'escadron n'a finalement pas eu besoin d'utiliser ces moyens jusqu'à sa relève, pour se préserver des odeurs ».

La commission d'enquête déplore également que l'incendie de l'usine Lubrizol ait révélé un enjeu de disponibilité et d'accessibilité aux fiches produits (fiches de données de sécurité) de l'exploitant et un problème de localisation de ces produits en temps réel .

Dès le 8 octobre, lors de son audition devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la ministre de la transition écologique et solidaire Élisabeth Borne avait d'ailleurs indiqué : « j'ai dit au PDG de Lubrizol, que j'ai rencontré, que je considérais que son entreprise n'avait pas été à la hauteur lors de la crise , en particulier parce qu'elle a mis du temps à fournir les listes des produits stockés » 28 ( * ) .

Dans ses réponses au questionnaire de la commission d'enquête, la direction générale de la prévention des risques (DGPR) indique qu'il est apparu qu'il était « complexe (et donc long) pour les deux exploitants, en particulier dans un contexte d'intervention opérationnelle urgente des équipes pour traiter l'incendie en cours de disposer d'un état suffisamment précis de l'emplacement, bâtiment par bâtiment, à l'heure précise de l'incendie, des différents produits présents sur l'ensemble du site ». Lors de son audition devant la commission d'enquête, Cédric Bourillet, directeur général a déclaré : « au moment où l'on a demandé ces informations à Lubrizol et Normandie Logistique, en pleine nuit, alors qu'ils étaient en train de gérer l'incendie, de déplacer les fûts, ces entreprises n'étaient pas forcément en capacité de nous indiquer la quantité exacte contenue dans chacun des fûts . En pratique, leur capacité à donner cette information très rapidement en situation accidentelle s'est révélée insuffisante » 29 ( * ) .

De même, lors de son audition par la commission d'enquête, M e Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l'environnement, a déclaré : « dans cette affaire, un document me paraît fondamental : c'est la mise en demeure adressée par l'administration, le 8 novembre 2019, à Lubrizol et à Normandie Logistique. Cette mise en demeure demandait à l'exploitant de fournir des informations qu'il aurait dû fournir il y a plusieurs années ! L'exploitant n'est peut-être pas en faute - je n'en sais rien -, mais comment se fait-il que l'on demande des informations aussi importantes que le plan de défense incendie, le plan d'opération interne du site, l'étude de dangers, etc., une fois que la catastrophe a eu lieu ? Cela crée de la défiance et pose la question de l'application du droit de l'environnement par l'administration elle-même » 30 ( * ) .

Ce manque de disponibilité de l'information n'est pas acceptable au regard de la réglementation en vigueur et de la nécessité de protéger les intervenants de la sécurité civile. Il est indispensable que les exploitants tiennent un inventaire régulier de la localisation de leurs produits , bâtiment par bâtiment, pour les mettre à disposition des forces de sécurité civile le plus rapidement possible en cas de sinistre. L'étude des réponses aux questionnaires adressés à l'ensemble des préfets par la commission d'enquête montrera plus loin que ce manquement grave est malheureusement trop répandu.

En outre, les informations portées à la connaissance de la commission d'enquête démontrent que certains services de l'État, notamment la police nationale et la gendarmerie, ne sont pas systématiquement intégrés à la liste de diffusion de l'alerte au moment du déclenchement du POI dans le cadre des exercices de sécurité civile . Cette transmission est pourtant capitale car elle doit permettre aux services de l'État d'envisager l'activation éventuelle d'un PPI. Aussi, la commission d'enquête appelle les exploitants à veiller d'une part, à la bonne transmission des informations sur les accidents et incidents intervenant sur leurs sites à l'ensemble des services compétents et, d'autre part, à prévenir systématiquement ces services des évolutions pratiques de leur organisation en matière de gestion de la sécurité des sites (numéros d'urgence, identité des personnels en charge de la sécurité, laissez-passer...).

Recommandation : renforcer l'articulation entre plan particulier d'intervention (PPI) et plan communal de sauvegarde (PCS) pour améliorer la coordination des actions de l'État et des collectivités territoriales dans la réponse opérationnelle et pour renforcer l'appropriation de la gestion des risques industriels et technologiques par les élus.

b) Une catastrophe évitée qui ne doit pas masquer les importants besoins de financement des SDIS

Même s'il revêt un caractère tout à fait exceptionnel par son ampleur, l'incendie de l'usine Lubrizol montre que les moyens des SDIS devront être maintenus et consolidés . La programmation locale des besoins en équipements pourrait encore mieux intégrer cette dimension industrielle et technologique (masques, protections spéciales, instruments de prélèvements, bateau-pompe) en fonction des risques recensés sur le territoire.

Dans son rapport sur les conséquences du sinistre de l'usine Lubrizol, le président du conseil départemental de la Seine-Maritime indiquait « le SDIS a subi des pertes en matériel significatives . La responsabilité de notre collectivité sera dès lors d'accompagner le SDIS afin qu'il recouvre toute son opérationnalité pour ce type de mission à l'avenir » 31 ( * ) .

La commission d'enquête rappelle que les SDIS et l'ensemble des services de protection contre le risque incendie (centres communaux d'incendie et de secours) font aujourd'hui face à des enjeux très importants , comme l'ont relevé ces dernières années M. Jean-Pierre Vogel, rapporteur spécial sur les crédits de la protection civile au nom de la commission des finances et Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis sur ces mêmes crédits au nom de la commission des lois 32 ( * ) : l'un est financier ; l'autre a trait au fondement même du modèle français de sécurité civile.

Depuis plusieurs années, les SDIS sont confrontés à un enjeu de financement des investissements.

Le budget consolidé des SDIS s'élève à près de 5 milliards d'euros actuellement. Les dépenses des SDIS ont cependant diminué de 6,25 % en dix ans, en tenant compte de l'inflation. Les dépenses d'investissement ont chuté de 20 % entre 2008 et 2017 . En outre, la dotation de l'État aux investissements structurants des services d'incendie et de secours (SIS) a continuellement diminué depuis sa création en 2017.

Au total, les investissements des SDIS ne sont quasiment plus soutenus par l'État, qui ne réattribue plus à la sécurité civile les économies qu'elle lui a pourtant fait réaliser en 2016 avec le passage à la nouvelle prime de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) à destination des sapeurs-pompiers volontaires. La sécurité civile a ainsi perdu plus de 60 millions en quatre ans , comme le montre le tableau ci-après.

Estimation du différentiel entre les économies réalisées
par l'État suite au passage à la NPFR et le montant de la dotation de soutien
aux investissements structurants des SDIS
(en millions d'euros)

Estimation du coût de la NPFR pour l'État

Économies estimées pour l'État à la suite du passage à la NPFR sur la base du coût de la PFR pour l'État en 2015
(32 millions d'euros)

Montant de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS

Delta entre l'économie réalisée et le montant de la dotation

LFI 2017

3

29

25

4

LFI 2018

3,8

28,2

10

18,2

LFI 2019

2,8

29,2

10

19,2

PLF 2020

4

28

7

21

Total

13,6

114,4

52

62,4

Source : Sénat, commission des lois.

La remise en cause du modèle français de sécurité civile , second enjeu fondamental pour l'avenir des SDIS, pourrait rendre son financement non soutenable pour les collectivités territoriales 33 ( * ) si rien n'est fait.

Ce modèle repose en effet sur une part importante de volontaires dans l'ensemble des sapeurs-pompiers (près de 80 %) 34 ( * ) . Or, la décision dite « Matzak » rendue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 21 février 2018, a reconnu la qualité de travailleur à un sapeur-pompier volontaire belge. Deux ans plus tard, aucune solution juridique n'a encore été mise en oeuvre pour contrer l'élargissement de cette jurisprudence aux sapeurs-pompiers volontaires français . Leur situation est pourtant suffisamment proche de celle de leurs homologues belges pour que les considérants de principe dégagés par la CJUE puissent, le cas échéant, leur être appliqués et le tribunal administratif de Strasbourg s'était d'ailleurs déjà prononcé en ce sens en novembre 2017.

Comme le soulignait la Cour des comptes dans un rapport de mars 2019, l'extension de cette décision à la France remettrait profondément en cause l'organisation et le fonctionnement des SDIS 35 ( * ) . Selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), elle supposerait un accroissement de moitié, soit 2,5 milliards d'euros de plus, des dépenses des SDIS , lié à la compensation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires par des professionnels. Cette perspective n'est pas soutenable, en l'état actuel, pour les collectivités territoriales et l'État doit clarifier sa position sans plus tarder.

2. Sécuriser et contrôler les moyens d'intervention des exploitants

Lubrizol avait fait l'objet en avril 2017 d'une mise en demeure pour renforcer sa protection incendie . Selon les informations dont dispose la commission d'enquête, les aménagements réalisés après cette mise en demeure ont permis d'éviter que la catastrophe du 26 septembre ne produise un « effet domino » sur les sites voisins.

Si la probabilité d'un départ de feu en l'absence d'activité avait été estimée à une fois tous les 10 000 ans par l'Ineris, la commission d'enquête constate que la réalité du risque incendie n'était pas suffisamment prise en compte par l'exploitant. Elle souhaite donc que les obligations légales et réglementaires, de même que les contrôles de l'administration, soient renforcés en ce qui concerne les liquides inflammables et que les quantités d'émulseurs à stocker sur site soient rehaussées.

a) Un accident qui rappelle l'importance de la prévention des incendies dans les exploitations industrielles

D'après son plan de prévention des risques technologiques (PPRT), le site de l'usine Lubrizol de Rouen était exposé à plusieurs risques :

- un risque thermique 36 ( * ) (incendie) lié à une explosion ou à la combustion de produit inflammable ;

- un risque mécanique résultant d'une surpression 37 ( * ) à la suite d'une onde de choc (déflagration, détonation, explosion de bacs de stockage, de mélangeurs, de réacteurs de fabrication) ;

- un risque toxique 38 ( * ) , lié à la dispersion d'un produit ou, en cas d'incendie, lié aux fumées.

En l'espèce, dans le cas de l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen, les services d'intervention ont dû maîtriser un risque thermique et un risque toxique . Dans ses réponses au questionnaire de la commission d'enquête, le professeur André Picot, chimiste spécialisé en toxicologie, a classé les composés organiques des produits chimiques stockés chez Lubrizol et Normandie Logistique en cinq catégories , malgré des incertitudes persistantes :

- les hydrocarbures classiques , qui comportent de nombreux solvants notamment le benzène, ainsi que des carburants ;

- les composés organo-halogénés , peu abondants ;

- les composés organo-azotés , classiques dans de nombreuses huiles industrielles ;

- les composés organo-soufrés , qui s'étaient déjà évaporés lors de l'incident de 2013 sur le site Lubrizol de Rouen ;

- les composés organo-phosphorés , particulièrement toxiques.

Lors de l'incendie de Rouen, les stocks de produits chimiques se sont embrasés, libérant une épaisse fumée noire très suffocante, à l'odeur âcre et persistante. Cet incendie aurait peut-être pu être évité si l'exploitant avait accordé au risque incendie une attention plus importante .

Certes, comme l'a rappelé avec insistance la direction de Lubrizol, le site disposait de capacités supérieures en eau à ce que prévoit la réglementation, en l'occurrence 2 000 mètres cubes vs les 720 mètres cubes, soit 360 mètres cubes pendant deux heures, prescrit par un arrêté préfectoral du 24 juillet 2019. De même, les salariés du site bénéficiaient de formations régulières pour faire face aux situations d'urgence. Toutefois cette organisation apparaît perfectible.

Le rapport de l'assureur FM Global du site Lubrizol de Rouen , relayé par Mediapart, démontre que l'assureur avait signalé à plusieurs reprises des défaillances du système de prévention des incendies qui, sans pouvoir être assimilées à des manquements à la réglementation des sites Seveso seuil haut, interrogent quant à l'implication réelle de l'industriel sur ce sujet. Le rapport indique notamment que « le système de sprinkler du bâtiment A 5 (l'un des principaux bâtiments touchés par l'incendie du 26 septembre 2019) devrait être renforcé et transformé en système de déluge ou en système de préaction à mousse. Le système de rétention devrait aussi être amélioré » 39 ( * ) . Lors de son audition par la commission le 26 février 2020, M. Patrick Le Dréau, directeur des opérations de Paris et représentant légal de la succursale française de FM Insurance Europe SA, a confirmé que ce point avait été soulevé dès 2008 , c'est-à-dire lorsque cette société était devenue l'assureur des biens de Lubrizol.

Le rapport envisageait plusieurs scenarii de propagation d'un incendie et pointait la faible résistance des grands récipients pour vrac (GRV) qui « fondraient rapidement libérant le liquide inflammable ou combustible, qui se répandrait alors au sol, créant un "feu de flaque" ». C'est ce qui s'est produit le 26 septembre dernier , comme l'ont expliqué les sapeurs-pompiers du SDIS 76 lors de leur audition devant la commission d'enquête.

Cette analyse est confirmée par le rapport établi par le conseil général de l'environnement et du développement durable et publié début mars 2020 : les auteurs du rapport estiment que « si le lieu exact et les causes de départ de l'incendie restent inconnus à ce stade, les raisons de son extension à l'ensemble des stockages extérieurs, aux bâtiments NL Logistique et Lubrizol A4 et A5, puis de la formation d'un "lac de feu" autour du bassin de reprise ne semblent plus faire de doute :

- le feu prend à proximité du mur de séparation entre Lubrizol et NL Logistique, au voisinage de la cour carrée. Très vite, le comportement des IBC rend son développement non maîtrisable ;

- la nappe enflammée suit par gravité le réseau de drainage et de rétention de Lubrizol, par des caniveaux à ciel ouvert qui permettent la création d'un mur de flammes ;

- le feu s'étend aux IBC au fur et à mesure de sa progression ; certains fûts baignant dans la nappe de feu ou chutant s'ouvrent et libèrent également leur contenu ;

- la progression de la nappe étend l'incendie aux autres stockages (palettes, bâtiments NL Logistique, non équipés de protections, bâtiment A4, puis A5 après arrêt du sprinklage...) ;

- la nappe enflammée, alimentée également par les eaux d'extinction, s'écoule vers un bassin de relevage où le pompage est à l'arrêt, les drains débordent, forment un lac de feu qui progresse à l'ouest du bâtiment A5 et vers le parking du siège social de Lubrizol ; la progression de lac de feu n'a pu être maîtrisée que par la construction de barrages (merlons) en terre et un arrosage intense ».

Même si, comme l'a souligné Lubrizol dans un communiqué de presse du 7 février 2020, « les recommandations de FM Global identifient les opportunités d'amélioration et ne portent pas sur les exigences réglementaires », l'entreprise n'a clairement pas suffisamment anticipé le risque incendie, considérant sans doute que celui-ci était moins stratégique en termes de sécurité et moins lourd de conséquences en matière financière.

Dans l' instruction du Gouvernement du 31 décembre 2019 relative aux actions nationales de l'inspection des installations classées pour l'année 2020, la prévention des incendies est mise en avant : « il est opportun de fixer pour l'année 2020 une thématique particulière d'inspection sur le dimensionnement et la conception des zones de rétention (cuvettes notamment) et des conduites d'écoulement des fluides collectés par les rétentions, tant à l'intérieur de bâtiments que pour les stockages en extérieur. Il s'agira notamment de confronter les éléments présentés par l'exploitant dans des documents comme les études de dangers, avec la réalité du terrain , pour apprécier l'effectivité des mesures prises pour limiter les conséquences d'un incendie de liquides inflammables ou de liquides combustibles. Une attention particulière sera apportée au cheminement suivi par les liquides potentiellement en feu , à la limitation de la surface totale en feu (essentielle à la facilité d'intervention des secours), au dimensionnement et à la localisation des volumes destinés à la rétention sur une longue durée, à leur disponibilité effective en cas d'incendie, etc. Un nombre de visites au moins égal à trois fois le nombre de départements de la région est attendu par région ».

Lors d'un déplacement dans le Rhône le 6 février dernier, la commission d'enquête a pu échanger avec les services de l'État sur la mise en oeuvre de l'instruction du Gouvernement du 2 octobre 2019 40 ( * ) . Il incombe ainsi aux préfets de département de rappeler aux exploitants leur pleine responsabilité en matière de conformité à la réglementation en vigueur, d'inviter les exploitants à prêter une attention particulière au caractère opérationnel de leurs mesures de prévention, de leur demander de prévoir des exercices la nuit et en fin de semaine et de les sensibiliser à l'importance du partage de connaissance du risque, en particulier pour les équipes d'intervention.

Trois points principaux ressortent de la consultation des exploitants des sites Seveso implantés en région Auvergne-Rhône-Alpes : en premier lieu, de nombreux sites n'ont jamais réalisé d'exercices en périodes non ouvrées même s'ils s'y sont engagés à en mener à l'avenir ; en second lieu, l'état des stocks de produits dangereux est globalement connu mais il existe bel et bien une problématique de connaissance des emplacements exacts des produits sur les sites et d'accès à ces données à toute heure ; enfin, des écarts entre sites ont été identifiés quant à la capacité de gérer un accident, notamment pour les exploitants de sites équipés de systèmes d'extinction automatique des incendies (sprinklers).

À la suite de la présentation des conclusions du rapport de la mission d'inspection CGEDD - CGE diligentée pour tirer les enseignements de l'accident de Rouen et des propositions émises par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) 41 ( * ) le 13 janvier dernier, la ministre de la transition écologique et solidaire a présenté un plan d'action en trois axes. Ce plan comporte un volet dédié à la prévention des incendies et prévoit quatre mesures principales :

- revoir les mesures de compartimentage , la disposition des stockages de produits et la conception des cuvettes de rétention ;

- systématiser l'inspection de l'ensemble des installations classées dans un rayon de 100 mètres autour des sites Seveso, en particulier des établissements soumis au régime de déclaration ou de ceux qui ont fait l'objet d'un droit d'antériorité ;

- identifier en amont des capacités suffisantes d'eau d'extinction et d' émulseurs pour que les pompiers en disposent rapidement en cas d'incendie ;

- imposer des exercices une fois par an aux sites Seveso seuil haut.

Ces mesures vont évidemment dans le bon sens mais il est indispensable que les entreprises exploitant des sites Seveso seuil haut et, d'une manière générale, toutes les ICPE en fonction du niveau de risque , disposent de personnels formés à la prévention et à la gestion du risque incendie. Le compte personnel de formation des salariés peut utilement être mobilisé à cet effet.

b) L'enjeu-clé de l'approvisionnement en eau et en émulseurs

La présence de la Seine à proximité du site a permis d'augmenter les capacités d'intervention mais l'accident de l'usine Lubrizol met en lumière un double enjeu de disponibilité (rupture d'alimentation en eau) et de qualité (émulseurs) des moyens d'intervention de l'exploitant contre les incendies.

Dans ses réponses au questionnaire de la commission d'enquête, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a en effet indiqué que « les sapeurs-pompiers ont manqué d'eau dans les premiers temps de l'intervention car le réseau interne du site Lubrizol n'a pas supporté les besoins hydrauliques des moyens opérationnels déployés par les sapeurs-pompiers ( rupture du réseau interne à 4 h 15 ). L'alimentation a été complétée en se raccordant au réseau d'eau de la ville puis par des aspirations en Seine au moyen de 2 bateaux remorqueurs (début du captage en Seine à 5 h 00) ».

Des contrôles plus substantiels doivent être développés : si les exigences en matière de capacités de stockage d'eau et d'émulseurs étaient bien respectées par Lubrizol, dans les faits, les équipements n'étaient pas au niveau (manque d'émulseurs, problème de débit d'eau). Ce point a été souligné par le colonel Jean-Yves Lagalle, lors de son audition par la commission d'enquête. Tout en estimant qu'il n'y avait eu « aucun problème », il a alors expliqué que « pour éteindre un feu d'hydrocarbures, il faut de l'eau mais il faut aussi un émulseur, pour faire de la mousse. Sur un incendie d'hydrocarbures, de l'eau pure propage l'incendie. Le SDIS possède des capacités d'émulseurs, avec 5 citernes de 6 000 litres, mais ils n'étaient pas suffisants face à ce feu hors norme. Grâce à la réactivité des moyens zonaux et nationaux, nous avons bénéficié de citernes d'émulseurs venant d'autres SDIS. Lorsque l'ensemble des moyens ont convergé, le top mousse a été donné à 11 heures du matin. Avant ce moment, nous avons effectué trois replis successifs et nous avons protégé les installations alentour » .

Dans son intervention devant le comité de transparence et de suivi mis en place par le gouvernement, le 18 novembre dernier, Isabelle Striga, directrice générale de Lubrizol France, indiquait pour sa part que de « nouvelles capacités de rétention - murs de confinement en cas de fuite étaient actuellement mises en place ». Conformément aux demandes des services de l'État, le groupe a également engagé sur son site de Rouen une mise à jour du plan d'opération interne et un renforcement du plan de défense incendie .

Recommandation : renforcer les obligations des exploitants en matière de lutte contre les incendies et les contrôler régulièrement.

Recommandation : mettre à disposition des industriels les résultats les enquêtes des Dreal et de l'inspection des installations classées pour partager les enjeux de sécurité.

Recommandation : rendre obligatoires les exercices hors heures ouvrées sur les sites Seveso seuil haut.

3. Développer les complémentarités entre les industriels et entre les industriels et les acteurs publics

L'accident de Lubrizol s'est déroulé dans une configuration géographique spécifique : un établissement Seveso seuil haut, entouré d'autres installations classées de natures diverses, soumises à des régimes distincts de prévention des risques, susceptibles de conduire à des effets de contagion d'une gravité toute particulière. En outre, cet ensemble industriel est situé au sein d'une aire urbaine densément peuplée et dotée de nombreuses activités économiques. La combinaison sur un même territoire d'aléas importants et de forts enjeux crée une problématique majeure en termes de risques, très différente de celle associée à des établissements Seveso isolés, a fortiori dans des zones peu denses.

La gestion mutualisée publique/privée des accidents industriels et technologiques et le développement de complémentarités entre l'ensemble des acteurs de la sécurité industrielle et technologique apparaît comme une nécessité pour traiter les situations de crise avec efficacité et rapidité.

Ce type d'organisation mutualisée, reposant sur une plateforme placée sous la responsabilité d'un exploitant, existe depuis plusieurs années et concerne actuellement 17 zones d'activités 42 ( * ) .

Une circulaire du 25 juin 2013 43 ( * ) de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie précise que les règles relatives à l'élaboration des PPRT peuvent être adaptées dans ces zones « en tenant compte de la vocation de ces plateformes et de la culture de sécurité des entreprises concernées ». Elle recommande la mise en place d'une gouvernance collective en matière de sécurité rapidement après l'approbation du PPRT, sur la base d'un engagement juridique 44 ( * ) de chaque opérateur à participer à une série d'opérations collectives de sécurité. Ce cadre se décline sous la forme de partage de ressources en matière d'équipements ou de services. Une attention particulière est portée aux extensions et aux nouvelles implantations.

Lors de son déplacement dans le Rhône le 6 février dernier, l'attention de la commission d'enquête a été attirée par les services de l'État sur la plateforme « Osiris », constituée sous la forme d'un groupe d'intérêt économique (GIE) qui réunit 15 entreprises représentant 1 450 salariés et 150 hectares de terrains d'exploitation. Le GIE assure différents services pour les entreprises membres, notamment en matière de suivi des équipements sous pression et des appareils réglementés (ascenseurs, réservoirs, etc.) et de sécurité. Dans ce cadre, un service dédié exerce des missions de conseil, d'animation et de contrôle et prend en charge les actions de prévention, d'intervention, de coordination et de secours en cas d'alerte et d'accident. Son extension à l'ensemble de la vallée de la chimie n'a pas abouti à ce jour.

Ce double objectif de coordination et de coopération entre exploitants industriels était également traité dans l'instruction du Gouvernement du 12 août 2014, prise à la suite d'un premier incident sur le site Lubrizol de Rouen en janvier 2013 . La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'intérieur évoquaient alors leur démarche auprès des principales fédérations d'exploitants, les invitant à mettre en place un réseau de conseil interprofessionnel pour réagir efficacement en situation de crise.

Par ailleurs, depuis la loi « PACTE » du 22 mai 2019 45 ( * ) , les plateformes industrielles bénéficient d'une définition législative . Il s'agit d'un « regroupement d'installations [classées pour la protection de l'environnement - ICPE] sur un territoire délimité et homogène conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ses installations, à la mutualisation de la gestion de certains biens et services qui leur sont nécessaires ». En outre, la mise en place d'une gouvernance unifiée de la sécurité sur les plateformes économiques identifiées par l'administration est un facteur favorable à la mise en place d'un accompagnement par les services de l'État ainsi qu'a pu le relever AMARIS dans son Livre blanc de novembre 2019.

Dès lors, tous les éléments semblent réunis pour approfondir la coopération entre industriels sur ces sujets. Le cas de l'incendie de l'usine Lubrizol illustre l'intérêt d'une telle mutualisation des moyens de lutte contre les incendies. Cette mutualisation s'envisage sous trois aspects :

- entre acteurs privés , par la mutualisation d'équipements de traitement des accidents et la mise en place d'une surveillance commune des sites à fort potentiel de risque ;

- entre acteurs privés et publics , pour garantir une économie et la proportionnalité des moyens engagés ;

- entre acteurs publics , par l'agrégation des moyens de plusieurs SDIS et la mobilisation de renforts zonaux et nationaux.

À Rouen, les moyens de plusieurs industriels ont été mobilisés : Total, Borealis, Exxon Mobil, Rubis Terminal, groupe CIM Le Havre, Care, DRPC Bolloré. Ces entreprises ont notamment fourni des émulseurs et cinq engins de lutte contre l'incendie ainsi que trois bateaux remorqueurs incendie .

Dans son intervention devant le comité de transparence le 18 novembre dernier, Mme Isabelle Striga, directrice générale de Lubrizol France, indiquait également que le groupe allait formaliser de nouvelles conventions d'aide mutuelle avec les industriels du territoire, « le support spontané des industriels ayant été particulièrement utile auprès des pompiers dans la lutte contre l'incendie ».

La définition juridique de la notion de plateforme industrielle est trop récente pour qu'il soit possible d'en évaluer les premiers effets. Il apparait cependant que le dispositif a été davantage conçu dans une logique de simplification et de clarification du suivi des activités communes à plusieurs exploitants d'installations situées dans un même espace que dans la perspective d'une réflexion globale sur la gestion des risques industriels dans un territoire en intégrant les enjeux situés à proximité et les différentes parties prenantes. La révision de la circulaire du 25 juin 2013 s'inscrirait logiquement dans cette voie vers la mutualisation entre exploitants.

Recommandation : développer les mutualisations entre exploitants industriels couverts par un même PPRT. Imposer la formalisation de conventions entre exploitants et entre les exploitants et les services départementaux d'incendie et de secours sur les sites particulièrement sensibles identifiés par l'inspection des ICPE.

En résumé , grâce à l'importante mobilisation de tous les intervenants, l'incendie a été rapidement maîtrisé. Aucun mort ni blessé n'a été à déplorer. Seuls certains bâtiments de Lubrizol et de Normandie Logistique ont été détruits ou endommagés.

Le cadre légal et réglementaire applicable à la gestion des crises industrielles est globalement satisfaisant . L'organisation française de la sécurité civile a démontré, une nouvelle fois, sa réactivité , sa capacité d'adaptation et son efficacité alors même que les services ne disposaient pas de toutes les informations permettant de sécuriser pleinement l'action des intervenants.

Il demeure toutefois des voies d'amélioration en matière de protection de certains publics (fonctionnaires de l'Éducation nationale, agents des services de transport collectif, salariés, usagers), de prévention du risque incendie et de mutualisation des moyens publics-privés .

Surtout, l'incendie de l'usine Lubrizol a révélé une difficulté, pour l'administration, d'accéder en temps réel à l'information sur la localisation et la composition des produits stockés dans un site Seveso seuil haut, ce qui complique l'intervention des forces de sécurité civile et peut même la compromettre.

Plus globalement, les risques industriels dans les zones densément peuplées doivent être appréhendés selon une approche plus intégrée . Dans le prolongement de certaines initiatives locales, la définition juridique de la notion de plateforme industrielle constitue une piste intéressante, notamment en matière de gestion du risque incendie.


* 2 Cf. l'analyse détaillée de ce « Rejet prolongé de mercaptans depuis une usine chimique » par le Bureau d'Analyse des Risques et Pollutions Industriels (Barpi). ( https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/fiche_detaillee/43616-2/ )

* 3 https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/video/films/film-de-lincident-a-la-crise-mediatique/

* 4 Ce dernier point fait l'objet du II.B de la présente première partie.

* 5 Voir la chronologie détaillée des événements en annexe au présent rapport.

* 6 La politique de prévention des risques industriels est présentée en annexe 1.

* 7 L'article R. 741-39 du code de la sécurité intérieure renvoie au code de l'environnement la définition du contenu et des modalités d'établissement du POI. La référence devrait cependant être actualisée car cet article renvoie à l'article R. 512-29 du code de l'environnement, abrogé par l'article 6 du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017. La référence au POI figure désormais à l'article R. 515-100 du code de l'environnement créé par l'article 2 du décret n° 2014-284 du 3 mars 2014.

* 8 Article R. 741-20 du code de la sécurité intérieure.

* 9 Circulaire du 12 janvier 2011, relative à l'articulation entre le plan d'opération interne, l'intervention des services de secours publics et la planification ORSEC afin de traiter les situations d'urgence dans les installations classées.

* 10 Guides 96/01, 96/02 et 2016/01.

* 11 Article 13 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

* 12 L'application SYNAPSE, logiciel de cartographie de la sécurité civile partagé avec les préfectures, permet de suivre l'avancement des PCS réalisés, obligatoires ou non.

* 13 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

* 14 Les articles L. 1424-3 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) déterminent les conditions d'emploi et de mobilisation des forces des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) par le maire et le préfet et renvoient à un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours.

* 15 Article L. 741-1 du code de la sécurité intérieure.

* 16 Les accidents industriels et technologiques représentent 20 % des crises gérées par la sécurité civile du ministère de l'intérieur, selon les réponses apportées par le ministère au questionnaire de la commission d'enquête.

* 17 Répartition annuelle de leur activation : 2013 : 6 POI et 1 PPI (Lubrizol Rouen) ; 2014 : 6 POI; 2015 : 6 POI; 2016 : 1 POI; 2017 : 5 POI; 2018 : 8 POI; 2019 : 9 POI et 1 PPI (Lubrizol Rouen); 2020 : 1 POI.

* 18 Article R. 741-9 du code de la sécurité intérieure.

* 19 Audition du 21 janvier 2020, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200120/ce_lubrizol.html

* 20 Service interministériel régional des affaires civiles et économiques de défense et de protection civiles.

* 21 Lors du déplacement de la commission à Rouen, Hervé Morin, président de la région Normandie avait pour sa part estimé que le préfet s'était retrouvé « seul au monde ».

* 22 Réponse écrite au questionnaire de la commission.

* 23 Instruction du Gouvernement du 12 août 2014 relative à la gestion des situations incidentelles ou accidentelles impliquant des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 24 La mobilisation de renforts complémentaires repose sur une procédure simple de demande directe de la préfecture de département auprès de la zone de défense et de sécurité à travers la sollicitation du centre opérationnel de zone (COZ) activé 24h/24.

* 25 Article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales.

* 26 Audition du 21 novembre 2019, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191118/ce_lubrizol.html#toc11

* 27 Article du 30 octobre 2019.

* 28 Audition du 8 octobre 2019, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191007/devdur.html#toc3

* 29 Audition du 11 décembre 2019, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191209/ce_lubrizol.html#toc3

* 30 Audition du 3 décembre 2019, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191202/ce_lubrizol.html

* 31 3 ème réunion ordinaire de 2019 - Rapport de M. le Président. Soutien du département aux populations touchées par les conséquences du sinistre de l'usine Lubrizol de Rouen.

* 32 Voir notamment le rapport spécial n° 140 (2019-2020) de M. Jean-Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019 et le rapport pour avis n° 146 (2019-2020) de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2019.

* 33 Les collectivités territoriales financent les SDIS dans les conditions prévues aux articles L. 1424-35 et suivants du CGCT. L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure prévoit par ailleurs la prise en charge par l'État de certaines dépenses lorsque les ressources propres d'un département ne lui permettent pas de faire face à une crise.

* 34 Sur les 246 800 sapeurs-pompiers français, 193 800 (79 %) sont volontaires, 40 600 sont professionnels et 12 300 sont militaires. Ce modèle assure notamment un maillage plus fin des SDIS sur le territoire, et favorise des délais d'interventions satisfaisants : en moyenne, 13 minutes et 18 secondes s'écoulent entre l'appel et l'arrivée des secours, d'après les statistiques annuelles des SIS de 2018. La proportion de sapeurs-pompiers volontaires peut aller jusqu'à 90 % dans les départements les moins peuplés.

* 35 Cour des comptes, Les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et de la sécurité civile, des défis à relever, des perspectives à redéfinir , mars 2019.

* 36 L'effet thermique est généré par le rayonnement thermique d'un incendie ou une explosion. Il est qualifié de continu pour des phénomènes de plus de deux minutes (feux de nappe, feux de solides et jets enflammés) et se traduit par un flux thermique exprimé en kW/m². Il est qualifié de transitoire quand il dure moins de deux minutes (boule de feu et feu de nuage) et se traduit par une dose thermique exprimée en [kW/m²]4/3.s. Une exposition des personnes peut conduire à des brûlures de la peau et des voies respiratoires (Source : MTES).

* 37 L'effet de surpression est généré par le souffle d'une explosion. Il est principalement caractérisé par son intensité (exprimée en mbar). Les effets de la surpression sont principalement indirects, dus à la projection de débris des vitres ou à l'effondrement d'une partie de la structure dans les zones d'intensité les plus élevées. Dans ces mêmes zones, les effets peuvent également être directs et provoquer des lésions aux tympans et aux poumons (Source : MTES).

* 38 L'effet toxique est la conséquence du rejet accidentel de produit polluant sous forme de nuage gazeux, consécutif par exemple, à une rupture de tuyauterie, à la destruction de réservoir de stockage ou à un incendie. Il ne peut être qualifié indépendamment de la substance dispersée car les produits n'ont pas tous, à concentration égale, les mêmes effets sur l'être humain. Un nuage toxique rejeté dans l'atmosphère peut s'étendre et se déplacer sous l'effet des conditions météorologiques. Il aura un effet sur l'individu s'il atteint la zone ou l'environnement où il se trouve. Le nuage pénètre dans les bâtiments sous l'effet notamment du vent et de l'action de la ventilation, par toutes les ouvertures et les défauts d'étanchéité des constructions. Ses effets sur l'être humain dépendant de la toxicité des produits émis, de leur concentration dans l'air, et de la durée pendant laquelle la personne y est exposée (Source : MTES).

* 39 Source : Mediapart - Lubrizol : depuis 2008, son assureur signalait des défaillances incendie.

* 40 Cette instruction précise les points de vigilance sur lesquels l'attention des préfets est attirée pour sensibiliser les exploitants des sites Seveso, notamment la conformité des installations au regard des engagements pris dans l'étude de dangers, l'adaptation des moyens d'intervention en cas d'accident, la sensibilisation à la nécessité de mener des exercices de préparation aux situations d'urgence en dehors des heures ouvrées et l'importance du partage de la connaissance des risques industriels. Tous les exploitants de sites Seveso implantés sur le territoire de la région ont adressé leurs réponses au préfet.

* 41 Voir les articles D. 510-1 et suivants du code de l'environnement.

* 42 Saint-Auban, plateformes autour de l'étang de Berre (Fos, Berre l'Etang et Lavéra), Salindres, Ambes, Jarrie et Pont-de-Claix, Roches-de-Condrieu, Roussillon, Montoir-de-Bretagne, Carling, le port de Dunkerque, Lacq et Mourenx, Chalampé, plateformes de la vallée de la chimie du Rhône (Feyzin, Belle-Etoile, Pierre-Bénite, St Fons), le port du Havre, Port-Jérôme, Central Spatial Guyanais, Trosly Breuil.

* 43 Circulaire du 25 juin 2013 relative au traitement des plateformes économiques dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

* 44 La circulaire précise que cet engagement peut prendre différentes formes : contrat, association syndicale libre (ASL), association d'industriels, groupe d'intérêt économique (GIE), etc.

* 45 Article 144 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

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