D. LA CRISE DE COVID-19 RÉVÉLATRICE DU RÔLE ESSENTIEL ET MULTI-TÂCHE DES DIRECTEURS D'ÉCOLE

La crise sanitaire de Covid-19 a démontré le rôle essentiel joué par les directeurs d'école à chacune des étapes de la crise sanitaire. Ils ont été amenés à avoir un rôle d'organisation, de coordination tant administrative que pédagogique - à agir comme de véritables chefs d'établissement.

• Au début de l'épidémie

Les directeurs d'école étaient en première ligne pour informer les familles des consignes gouvernementales (quatorzaine pour les élèves et leurs familles revenant de certaines zones ou pays) et répondre à leurs inquiétudes. Or, ils étaient eux-mêmes confrontés à des difficultés pour recueillir des informations, ou celles obtenues étaient contradictoires comme le montre le témoignage ci-après.

Par ailleurs, ils ont été sollicités dans certains départements pour mettre à jour en urgence le plan de continuité d'activité, dont le but était de garantir une continuité du service dans chaque école en cas de fermeture des établissements.

Témoignage de directeur d'école - extraits de la table ronde du 26 février

Patrick Contard, directeur d'école à Paris : « L'information [sur la quatorzaine imposée aux personnes- adultes et élèves - revenant de certaines zones géographiques] par la direction des affaires scolaires a été transmise le dimanche soir, et donc vue par les directeurs d'école qui se sont rendus à leur bureau en cette fin de week-end. Par ailleurs, les informations divergeaient avec celles de l'inspectrice d'académie. Ainsi, le courrier de la mairie mentionnait simplement la Chine et Singapour, alors que celui de l'inspectrice d'académie mentionnait également le Nord de l'Italie. Nous avons passé la matinée de lundi à essayer de savoir quelles informations nous devions donner aux parents et afficher. Il nous a fallu rassembler les consignes du rectorat et celles de la ville. Je vous laisse également imaginer la situation où certains parents nous indiquaient que tel autre enfant revenait de Chine ou d'Italie, certains enfants prétendaient être allés en Italie alors que ce n'était pas vrai... Bref, nous avons passé la matinée à vérifier ces informations. Cela s'est ajouté à la charge de travail habituelle. À cette occasion, le rectorat a utilisé une liste d'urgence qui avait été mise au point pour Vigipirate. Nous nous sommes rendu compte qu'un certain nombre d'entre nous n'étaient pas sur cette liste. »

• À la suite de l'annonce de la fermeture des écoles

Cette annonce a été accueillie avec surprise, dans la mesure où le matin même le ministre de l'éducation nationale avait indiqué que la fermeture des établissements scolaires n'était pas à l'ordre du jour.

En l'espace d'une soirée, les directeurs d'école ont dû préparer la communication à l'intention des familles, faire le point avec leurs collègues pour organiser la fermeture de l'école (possibilité ou non de prendre du matériel de l'école, demander aux parents de récupérer les affaires des élèves). Là encore, les informations contradictoires données par les IEN et les DASEN ont été sources de complexité pour les directeurs d'école.

• Pendant le confinement

Le directeur d'école est devenu le point de contact de tous les acteurs de la communauté éducative. La foire aux questions du ministère de l'éducation nationale en témoigne : « les directeurs d'école doivent pouvoir être joints, soit par messagerie électronique, soit par téléphone, au moins durant les horaires habituels d'ouverture de l'école, fixés par le règlement intérieur, par les enseignants et autres personnels de l'école, par les autorités académiques, les services municipaux et les parents afin de répondre rapidement à toutes les questions liées à l'organisation du travail des élèves » . À ce titre, ils avaient notamment la charge d'actualiser les espaces numériques de travail et les sites internet de l'école en fonction de l'évolution de la situation. Si l'école ne possédait pas de site internet, le directeur devait informer « régulièrement » les parents « via tous les canaux usuels : courriels, SMS, téléphone, affichages extérieurs à l'entrée de l'école ainsi qu'en mairie » 7 ( * ) .

En parallèle, les directeurs d'école ont épaulé leurs collègues. Le vadémécum sur la continuité pédagogique dans sa version du 20 mars 2020 précise ainsi que le directeur d'école « assure la liaison avec les professeurs et aide, éventuellement à distance, à la mise en cohérence de l'action de l'équipe pédagogique. Il doit pouvoir répondre aux questions liées à l'organisation du travail des élèves ». Les directeurs d'école ont ainsi aidé leurs collègues à contacter l'ensemble des familles, notamment celles qui étaient difficilement joignables. Surtout, les rapporteurs notent que les directeurs d'école se sont vus attribuer un début de droit de regard sur le travail pédagogique de leurs collègues : ils ont dû notamment mettre un place un « dispositif de suivi régulier afin de recenser l'état d'avancement de la continuité pédagogique. Il doit permettre de veiller à la régularité du travail effectué par les élèves. Ce suivi doit permettre de vérifier que tous les élèves sont accompagnés.

Par ailleurs, les directeurs d'école ont été fortement sollicités par leurs IEN : réunions régulières, demandes de remontées d'informations, ...

Plusieurs écoles ont été utilisées pour accueillir des enfants du personnel indispensable pour lutter contre la Covid-19. Comme l'indique la foire aux questions du ministère de l'éducation nationale, « cet accueil est organisé par les directeurs d'école ». Il a donc fallu rouvrir les écoles, réfléchir à l'organisation pratique pour éviter les transmissions, informer les parents concernés, travailler avec les équipes pédagogiques volontaires. Le directeur d'école s'est vu également confier l'isolement d'une personne présentant des symptômes : « Sous la responsabilité du directeur d'école ou chef d'établissement, en lien le cas échéant avec le médecin scolaire ou l'infirmière, la personne qui présente des symptômes de Coronavirus Covid-19 définis par le ministère des Solidarités et de la Santé doit être isolée ». Il était chargé de prévenir les responsables légaux si un enfant développe un cas confirmé de Covid-19.

Enfin, neuf directeurs d'école sur dix sont également chargés de classe et devaient donc assurer la continuité pédagogique pour leurs propres élèves.

• La préparation de la réouverture des écoles

De manière laconique, le protocole sanitaire relatif à la réouverture et au fonctionnement des classes de maternelle et élémentaire indiquait qu' « avant la réouverture, et comme détaillé dans le présent guide, il revient aux collectivités territoriales et aux directeurs d'organiser la reprise dans le respect de la doctrine sanitaire et de vérifier son applicabilité avant l'accueil des élèves ». Les directeurs avaient donc la charge, avec les collectivités locales, de prévoir les modalités pratiques de réouverture de l'école : affichage, sens de circulation des élèves, organisation des locaux, mise en place d'horaires décalés d'arrivées et de sorties des élèves afin de limiter les attroupements, réflexion sur les jeux proposés (plus de tricycles en maternelle, condamnation des structures de jeux). Dans certains cas, le directeur d'école a dû faire l'arbitrage entre plusieurs recommandations gouvernementales : tel a été le cas de ce directeur d'école qui avait la possibilité de faire entrer les élèves par plusieurs accès pour limiter les attroupements, mais cela allait à l'encontre des consignes Vigipirate. Enfin, il a informé le conseil d'école des modalités d'organisation retenues.

À cela s'est ajoutée la préparation de la réouverture des écoles d'un point de vue pédagogique, avec l'ensemble des acteurs concernés (enseignants, ATSEM, AESH dans certains cas). À ce titre, comme l'a précisé la circulaire du 4 mai 2020 sur la réouverture des écoles et établissements scolaires et les conditions de poursuite des apprentissages, ils ont été chargés, à partir de la semaine du 4 mai de « préparer la réouverture à distance avec les équipes éducatives. Cette phase permettra notamment de former les personnels : aux règles et consignes sanitaires, avec l'aide des personnels de santé ; aux aspects psychologiques de l'accueil des personnels et des élèves, avec notamment l'aide des personnels sociaux et des psychologues de l'éducation nationale ».

• Le retour progressif des élèves en classe

Comme l'indique cette circulaire du 4 mai 2020, le directeur a été chargé de contacter les familles pour savoir si elles souhaitaient scolariser leur enfant. Il a dû dans ce cadre délivrer une « information individuelle », afin que chaque famille « puisse être pleinement rassurée et exprimer son choix en connaissance de cause » .

En outre, le directeur d'école a dû rappeler la procédure sanitaire à suivre par les parents en cas de symptômes de Covid-19 chez leur enfant (éviter les contacts, contacter un médecin généraliste).

Conscient du travail important que représentait la réouverture des établissements scolaires, tant sur le plan organisationnel que dans les relations avec l'ensemble des partenaires dont les familles, la circulaire du 4 mai 2020 a déchargé provisoirement les directeurs d'école - s'ils le souhaitaient - de leur tâche d'enseignement : « les directeurs d'école sont prioritairement mobilisés sur la mise en place des modalités concrètes de la réouverture et la relation aux familles, et peuvent, à ce titre, ne prendre en charge leurs enseignements qu'au cours de la deuxième ou troisième semaine après la reprise » .


* 7 Vadémécum sur la continuité pédagogique, version du 20 mars 2020.

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