B. L'OPINION PUBLIQUE GRECQUE ET L'UNION EUROPÉENNE : SORTIE DE L'EURO-AMERTUME ET ASPIRATION PERSISTANTE À UNE EUROPE FORTE ET UNIE

En 1981, lorsque leur pays adhéra à la CEE, les citoyens grecs paraissaient plus réservés que la moyenne européenne sur leur appréciation de leur appartenance à l'Europe : 42 % y voyaient une bonne chose, alors que la moyenne était de 50 %, et 22 % une mauvaise chose, pour une moyenne de 17 % 6 ( * ) . Il faut attendre 1988 pour que l'appréciation grecque rattrape la moyenne européenne de 66 %, puis la dépasse en 1991 , atteignant un pic de 76 % d'opinions favorables , la moyenne européenne s'établissant alors à 71 %. Jusqu'en 2007, les Grecs se sont régulièrement montrés plus euro-enthousiastes que la moyenne européenne , qui avait, quant à elle, reculé.

La crise financière de 2008 marque une césure. Si le taux moyen européen de bonnes opinions diminue, il s'effondre en Grèce entre 2013 et le début de 2017 , au point que les opinions favorables (31 % à l'automne 2016) ont pu être quasiment égalées par les opinions négatives (29 %). La grave crise économique à laquelle les Grecs ont dû faire face a entraîné un profond scepticisme. L'Union est apparue comme insuffisamment solidaire, lors de la crise migratoire en particulier, voire comme la source de difficultés, au moment de la crise financière. Les plans d'assistance financière se sont accompagnés de conditions drastiques aux conséquences sociales très difficiles. L'Union a alors paru froide, insensible et bureaucratique.

Au cours des deux dernières années, la courbe des opinions positives s'est redressée, mais reste en-deçà de la moyenne européenne.

L'évolution générale a été globalement la même pour ce qui concerne l'opinion grecque sur le bénéfice retiré par le pays de son appartenance à l'Union européenne. Des avis positifs inférieurs à 50 % ont été mesurés à partir de 2011. Ici aussi, un redressement notable est observé depuis 2017 : au printemps 2019, 60 % des Grecs jugeaient que leur pays tirait bénéfice de son appartenance à l'Union, soit un niveau encore inférieur à la moyenne européenne de 68 %.

Sur le plan qualitatif , il ressort des enquêtes conduites que l'apport des fonds européens , qui avaient beaucoup augmenté lorsque Jacques Delors présidait la Commission européenne, explique en grande partie l'attachement des Grecs à l'appartenance de leur pays à l'Union européenne . Sur une période longue, leurs attentes sont en effet très grandes, liées à la fois à l'identité historique et culturelle européenne - la Grèce antique, berceau de la démocratie - et aux perspectives de développement induites par la construction du marché unique, même si des inquiétudes ont pu persister sur leur capacité d'adaptation à la concurrence européenne. Ainsi les Grecs sont-ils traditionnellement favorables à l'approfondissement des politiques européennes intégrées. Ce sentiment général d'approbation mêlé d'appréhensions était bien visible lors de l'adoption puis de l'introduction de l'euro.

Du reste, il convient de garder à l'esprit que les Grecs sont traditionnellement peu confiants dans leurs propres institutions pour régler les problèmes du pays, ce qui peut contribuer aussi à expliquer leur euro-optimisme, voire à relever son niveau.

Les Grecs continuent d'être pessimistes sur la situation de leur pays. À l'automne 2019, seuls 17 % d'entre eux la jugeaient bonne, et ce pourcentage baissait même à 8 % pour l'appréciation de la situation économique, et à 7 % pour celle de l'emploi. Il s'agit des scores les plus faibles de l'Union européenne sur ces aspects. Les Grecs sont également les citoyens européens les moins nombreux à considérer que les choses vont actuellement dans la bonne direction dans leur pays, soit 26 %, en dépit d'une amélioration depuis fin 2016 (4 %).

Dans ce contexte, 34 % des Grecs ont confiance dans l'Union européenne, contre 62 %, soit un taux minoritaire et inférieur à la moyenne européenne (46 %), mais néanmoins supérieur au taux de confiance dans le gouvernement (26 %), pourtant très récemment arrivé aux affaires. 27 % des Grecs estiment que les intérêts de leur pays sont bien pris en compte dans l'Union européenne, pour une moyenne européenne de 52 %, et autant que leur voix compte dans l'Union (la moyenne européenne est de 45 %). Néanmoins, seuls 33 % d'entre eux, contre 63 %, jugent que la Grèce serait mieux en mesure de faire face à l'avenir en dehors de l'Union européenne.

Ces chiffres illustrent l' ambivalence de l'opinion publique grecque, amère vis-à-vis de l'Union européenne, mais pas eurosceptique. En effet, les Grecs estiment que plus de décisions devraient être prises au niveau européen (52 %) et que la construction européenne devrait être plus rapide (59 %). Ils se disent également majoritairement favorables aux grandes politiques européennes, et davantage que la moyenne européenne : l'Union monétaire et l'euro (70 %, contre 62 % de moyenne européenne), la politique commerciale commune (75 %, contre 71 %), la politique étrangère commune (76 %, contre 68 %), la politique commune en matière de migration (78 %, contre 72 %), la politique de sécurité et de défense commune (81 %, contre 75 %) ou la liberté de circulation (87 %, contre 82 %).


* 6 Sur ce point, on se reportera à l'article « L'opinion publique grecque et l'UE - Entre amertume et permanence d'une aspiration à l'Union » , de Daniel Debomy, en collaboration avec Xenia Kourtoglou et Anna Karadimitriou, Notre Europe - Institut Jacques Delors, janvier 2020.

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