III. UNE RÉSURGENCE DE LA CRISE MIGRATOIRE ?

A. LA GRÈCE, EN PREMIÈRE LIGNE FACE À LA CRISE MIGRATOIRE DEPUIS UNE DIZAINE D'ANNÉES

Parallèlement à ses lourdes difficultés économiques, la Grèce a été durement touchée par la crise des migrations et des réfugiés dans l'Est du bassin méditerranéen . Depuis plus de dix ans, les îles grecques constituent le point d'entrée principal des migrants dans l'Union européenne . Certains d'entre eux traversent la frontière terrestre gréco-turque, mais la plupart des migrants arrivent par bateau en provenance des côtes proches de la Turquie.

Ainsi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 850 000 réfugiés et migrants en provenance, principalement, de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak - dont près de la moitié sont des femmes et des enfants - ont atteint les côtes grecques en 2015 , avec un pic en octobre, lorsque plus de 210 000 personnes sont arrivées par la mer 11 ( * ) . À ces chiffres, il convient d'ajouter 34 000 autres personnes entrées par la frontière terrestre gréco-turque. Les migrants qui arrivent par bateau risquent leur vie en mer et payent des passeurs. La grande majorité a transité par la Grèce et poursuivi son périple vers d'autres pays européens.

À la suite des mesures unilatérales et de la fermeture des frontières le long de la route migratoire des Balkans occidentaux début 2016, plus de 60 000 réfugiés et migrants se sont retrouvés acculés sur le territoire continental grec et sur les îles de la mer Égée. La Grèce a dû faire face seule à des dizaines de milliers de réfugiés et de migrants vivant dans des conditions indécentes dans des camps ouverts à la hâte 12 ( * ) . Le pays s'est retrouvé devoir supporter une charge disproportionnée du simple fait de sa position géographique.

Dans ce contexte, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) apporte un soutien à la Grèce depuis 2006. Aujourd'hui, ses opérations concernent l'ensemble des frontières terrestres du pays - elles ont été étendues aux frontières avec l'Albanie l'année dernière - et ses frontières maritimes, y compris en Crète. Frontex, compétente en matière de coordination des opérations, mais sans pouvoir décisionnaire, celui-ci continuant de relever des États, s'appuie très largement sur des experts des États membres, y compris français 13 ( * ) , mais il est prévu que l'Agence recrute progressivement 10 000 personnels propres jusqu'en 2024. Cette montée en puissance n'empêchera cependant pas la poursuite des interventions nationales dans les opérations de Frontex. Celle-ci assure une mission de surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, mais apporte aussi une aide aux États membres en mettant ses moyens humains et matériels à leur disposition, par exemple pour des actions en mer, de loin les plus complexes, ou pour des patrouilles terrestres. Frontex participe aussi, dans les hotspots , à l'enregistrement des migrants dans Eurodac, désormais systématique depuis la crise de 2015, qui requiert la prise des empreintes digitales et la vérification de l'authenticité des documents d'identité. Elle forme les agents qui effectuent les entretiens avec les migrants. Elle contribue au démantèlement des réseaux de passeurs, en lien avec Europol. Dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie de mars 2016, Frontex apporte une assistance aux autorités grecques pour les retours vers la Turquie.

Au total, Frontex a acquis, au fil des années, des compétences et défini des procédures normalisées en matière de gestion des frontières et de sensibilisation au respect des droits de l'Homme, qui bénéficient à l'ensemble des États membres. Ainsi Frontex concrétise-t-elle la solidarité européenne et la convergence européenne de pratiques nationales, au niveau des services de police par exemple, qui apprennent à travailler ensemble dans un esprit coopératif.


* 11 Rien qu'en 2015, la Grèce a secouru plus de 100 000 personnes en mer ; 800 personnes sont mortes ou ont disparu pendant les traversées.

* 12 Voir sur ce point le rapport ( document 14837 ) du 4 mars 2019 sur la situation des migrants et des réfugiés dans les îles grecques, établi, au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, par Mme Petra De Sutter (Belgique - SOC).

* 13 La France participe aux opérations de Frontex en Grèce avec 200 experts. Par ailleurs, elle a déployé 24 experts, 12 de l'OFII et autant de l'OFPRA, sur des missions de trois mois, institué une mission de la police de l'air et des frontières pour l'organisation de vols conjoints de retour et nommé un troisième officier de liaison au sein du service de l'attaché de sécurité intérieure en Grèce.

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