G. LOI N° 2019-1428 DU 24 DÉCEMBRE 2019 D'ORIENTATION DES MOBILITÉS

Promulguée un peu plus d'un an après sa présentation en conseil des ministres le 26 novembre 2018, à l'issue d'un important débat parlementaire qui a permis d'enrichir le texte sur de nombreux volets, la loi d'orientation des mobilités (LOM) réforme le cadre général des politiques de mobilités .

Elle comporte plusieurs volets relatifs à la programmation financière des infrastructures de transports, à la gouvernance des mobilités, au numérique et l'encadrement des nouvelles mobilités, au développement des mobilités propres et partagées, ainsi que diverses dispositions relatives à la sécurité dans les transports, à l'ouverture à la concurrence des transports en Ile-de-France ou encore au transport maritime et fluvial.

La LOM comporte 189 articles dont un grand nombre nécessite la publication de mesures réglementaires pour pouvoir être pleinement applicables. 127 mesures d'application sont ainsi attendues, dont 18 habilitations à légiférer par voie d'ordonnance , et 16 rapports doivent être remis par le Gouvernement au Parlement.

1. Une loi encore partiellement applicable
a) Quelques rares mesures d'application ont déjà été publiées

À date de publication du présent rapport, seules trois mesures d'application, dont une ordonnance , ont été publiées :

- le décret 271 ( * ) pris en application de l'article 98, qui définit le contrat type d'enseignement de la conduite devant être respecté par les établissements d'enseignement ;

- le décret 272 ( * ) pris en application de l'article 134, qui adapte l'organisation et le fonctionnement de la Société du Canal Seine--Nord Europe à son nouveau statut d'établissement public local. Il modifie notamment la composition du conseil de surveillance, en augmentant le nombre de représentants des collectivités, et revoit les règles de fonctionnement du directoire, du comité de stratégique ou encore la gestion financière et comptable de l'établissement ;

- l'ordonnance 273 ( * ) , prise en application de l'article 135, qui modifie le champ d'application du permis d'armement, en soumettant à ce permis tous les navires utilisés pour un usage professionnel quelles que soient leurs conditions d'armement (avec ou sans marins professionnels), ainsi que le régime des fouilles de sûreté des navires pour prévoir que celles-ci se font également aux fins de la recherche des armes de catégories A et B, en plus des armes de catégories C et D.

Par ailleurs des décrets non prévus expressément ont été pris pour adapter le cadre réglementaire existant à la suite de la publication de la loi d'orientation des mobilités, ou pour répondre à des préoccupations exprimées à l'occasion de l'examen de la loi :

- un décret 274 ( * ) adaptant les dispositions règlementaires relatives au Grand Paris afin de tirer les conséquences de l'article 156 qui confie à la RATP la mission de gestion technique de certains éléments des gares, y compris d'interconnexion , du réseau de transport du Grand Paris et d'autres réseaux de transport public urbain de voyageurs en Ile-de-France jusque-là confiés à la Société du Grand Paris ;

- un arrêté 275 ( * ) qui encadre les conditions de transformation des véhicules thermiques en véhicules à motorisation électrique (« retrofit ») , et précise les dispositions techniques et administratives nécessaires à l'homologation des transformations et à la réception des véhicules transformés. Peuvent faire l'objet d'une conversion à l'électrique, sans accord préalable du constructeur, les véhicules dont la première immatriculation date de cinq ans au moins ainsi que les deux ou trois roues motorisés dont la première immatriculation date de plus de trois ans. La transformation devra être effectuée par un installateur habilité. Lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités en première lecture au Sénat, un amendement avait été adopté, à l'initiative de M. Patrick Chaize, afin de favoriser le retrofit électrique en permettant de dispenser cette opération de l'accord des constructeurs. L'arrêté permet donc de répondre à cette préoccupation.

b) Plusieurs projets de décrets sont en cours de finalisation

D'après le Gouvernement, une quarantaine de mesures d'application sont actuellement soumises à consultation, en cours d'examen par le Conseil d'État ou en cours de signature. Ainsi, plusieurs projets de décrets ont été finalisés et devraient être publiés prochainement, à l'instar :

- du projet de décret relatif au « forfait mobilités durables », pris en application de l'article 82, qui prévoit la prise en charge facultative par les employeurs de tout ou partie des frais domicile-travail engagés par leurs salariés avec leur vélo, en covoiturage, en transports en commun (hors abonnement) ou en services de mobilité partagée non thermiques. Cette prise en charge serait versée sous la forme d'une allocation forfaitaire et serait conditionnée au recueil, par l'employeur, d'un justificatif ou d'une attestation de l'utilisation effective de l'un de ces moyens de déplacement par le salarié au moins une fois par an ;

- du projet de décret sur la mise en oeuvre des zones à faibles émissions mobilité 276 ( * ) , pris en application de l'article 86, qui rend obligatoire l'instauration de telles zones avant le 31 décembre 2020 dans les communes et les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre dont tout ou partie du territoire ne respecte pas de manière régulière les normes de qualité de l'air 277 ( * ) . Il prévoit que le non-respect régulier des normes est caractérisé lorsque les valeurs limites relatives aux dioxydes d'azote, aux particules fines PM 10 ou PM 2,5 sont dépassées pendant au moins trois années sur les cinq dernières années ;

- du projet de décret sur l'identification des vélos , pris en application de l'article 53, qui crée un fichier national unique des vélos identifiés afin de lutter contre le vol, et prévoit une obligation d'identification des vélos neufs à compter du 1 er janvier 2021 et des vélos d'occasion à compter du 1 er juillet 2021. Il précise les obligations faites aux commerçants et aux opérateurs agréés chargés de mettre en oeuvre les dispositifs d'identification des cycles et de collecter les données sur les vélos identifiés et leurs propriétaires venant alimenter le fichier unique. Il précise également les personnes pouvant être destinataires des données du fichier unique (organismes agréés, forces de police, services des douanes, fourrières, etc.). Conformément aux souhaits du Sénat, qui avait renvoyé au décret le soin de déterminer les catégories de vélos dispensées de l'obligation de marquage, le projet de décret exclut de cette obligation les vélos pour enfant 278 ( * ) ;

- du projet de décret relatif au transfert de gestion des lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic , dites petites lignes ferroviaires, et de la gestion des missions de gestion de l'infrastructure de ces lignes, pris en application de l'article 172. Il définit les lignes concernées et précise les modalités de ce transfert : les régions doivent transmettre un dossier de demande au ministère chargé des transports, à l'Autorité de régulation des transports et à SNCF Réseau. Le ministre émet un avis préalable puis notifie à la région sa position motivée après l'avis de SNCF Réseau (son silence vaut refus de la demande). La réalisation du transfert est subordonnée à la conclusion d'une convention entre la région, SNCF Réseau et toute personne à qui elle délèguerait une partie de ses missions de gestion de l'infrastructure qui définit au cas par cas les modalités, notamment financières, de transfert.

c) De nombreuses mesures d'application sont encore en attente, dont le calendrier de publication est incertain compte tenu de la crise sanitaire

Alors que le Gouvernement ambitionnait initialement de publier un nombre important de mesures d'application de la LOM avant l'été 2020, la crise engendrée par le Covid-19, qui a perturbé l'organisation du ministère et réorienté une partie de ses moyens sur la gestion de l'urgence, engendre un retard dans la préparation de ces mesures d'au moins un à deux mois , d'autant plus que les acteurs des transports qui sont consultés sur leur rédaction sont eux aussi pleinement accaparés par la crise.

De nombreux décrets couvrant des pans importants de la loi sont encore en attente , qu'il s'agisse de ceux relatifs au Conseil d'orientation des infrastructures, à l'ouverture des données de mobilité, à l'encadrement des relations entre les plateformes de mobilité et leurs travailleurs, au développement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables, au verdissement des flottes de véhicules des entreprises, au forfait mobilités durables, au cadre de l'ouverture à la concurrence des réseaux de transport en Ile-de-France ou encore au transfert des petites lignes ferroviaires.

Il est important que, malgré les circonstances, le travail de préparation de ces mesures puisse être poursuivi , afin que ces dispositions attendues par les acteurs du secteur et par les collectivités puissent entrer en vigueur.

2. La crise sanitaire pourrait mettre à mal l'ambition de la loi d'orientation des mobilités de développer les services de mobilité sur l'ensemble du territoire
a) Vers un nouveau report de l'échéance de délibération sur le transfert de la compétence « mobilité » ?

La loi d'orientation des mobilités prévoit la couverture intégrale du territoire national par des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) d'ici le 1 er juillet 2021.

À cette fin, l'article 8 de la loi dispose que les communautés de communes doivent délibérer sur le transfert de la compétence « mobilité » avant le 31 décembre 2020 et notifier cette délibération aux maires 279 ( * ) . Les conseils municipaux disposent ensuite d'un délai de trois mois pour délibérer sur ce transfert, à défaut de quoi leurs décisions sont réputées favorables. Pour que le transfert soit approuvé, il doit recueillir l'accord du conseil communautaire et des deux tiers au moins des conseils municipaux représentant plus de la moitié de la population, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. Dans ce cas, le transfert doit s'effectuer au plus tard le 1 er juillet 2021 .

Si elle n'est pas transférée, la compétence revient à la région qui l'exerce sur le territoire de la communauté de communes concerné - dans ce cas, les communes qui organisaient déjà des services avant la prise de compétence par la région peuvent continuer à les organiser sans avoir le statut d'AOM, et peuvent continuer à prélever le versement mobilité.

La suspension du deuxième tour des élections municipales du fait de la crise sanitaire et son report à une date encore indéterminée a conduit le Gouvernement à reporter, par ordonnance, l'échéance de la délibération des communautés de communes sur la prise de la compétence « mobilité » du 31 décembre 2020 au 31 mars 2021 280 ( * ) , tout en maintenant un transfert effectif avant le 1 er juillet 2021. Ce report concerne la majorité des communautés de communes puisque, d'après l'Assemblée des communautés de France (Adcf), seules 147 communautés de communes sur 997 ont vu les conseils municipaux de leurs communes intégralement renouvelés lors du scrutin du 15 mars 2020.

Le report de la l'échéance de la délibération sur le transfert de compétences pourrait toutefois s'avérer insuffisant en fonction de la date qui sera retenue pour l'organisation du second tour des élections municipales . Quand bien même celui-ci aurait lieu à l'automne 2020, il est à craindre que de nombreuses communautés de communes ne disposent pas du temps nécessaire pour délibérer, avant le 31 mars 2021, de manière pleinement éclairée sur la prise de la compétence « mobilité », et que la région devienne AOM par défaut dans un grand nombre de territoires. Un nouveau report de cette échéance pourrait donc s'avérer nécessaire.

b) Une baisse de ressources des AOM qui pourrait entraîner une dégradation de l'offre de transports

La crise sanitaire impacte également fortement les ressources des autorités organisatrices de la mobilit é, qui enregistrent, entre autres, des pertes de versement mobilité (VM) du fait de la réduction de la masse salariale. La commission des finances du Sénat estime que la baisse du VM pourrait s'établir entre un et deux milliards d'euros 281 ( * ) , montant auquel s'ajoutent les pertes de recettes commerciales des opérateurs de transport qui s'élèveraient à 400 millions d'euros par mois de confinement, et qui remettent en cause l'équilibre économique des contrats de transport.

Combinée aux incertitudes sur le calendrier de prise de la compétence « mobilité » par les intercommunalités, cette baisse de ressources pourrait entrainer une dégradation de l'offre de transports et mettre à mal l'ambition de la LOM de développer des services de mobilité sur l'ensemble du territoire , et en particulier dans les territoires qui en sont aujourd'hui dépourvus.

Dans un courrier adressé au Premier ministre le 10 avril 2020, plusieurs associations de collectivités 282 ( * ) ont alerté sur cette perte de ressources et demandent que soit mis à l'étude un système de neutralisation de celle-ci .

Il est en effet essentiel que le prochain projet de loi de finances rectificatives ou que le projet de loi de finances pour 2021 comportent des dispositions permettant de sécuriser les ressources des AOM.


* 271 Décret n° 2020-142 du 20 février 2020 définissant le contrat type d'enseignement de la conduite prévu à l'article L. 213-2 du code de la route.

* 272 Décret n°2020-228 du 10 mars 2020 modifiant le décret n° 2017-427 du 29 mars 2017 relatif à la Société du Canal Seine-Nord Europe.

* 273 Ordonnance n° 2020-234 du 11 mars 2020 modifiant le champ d'application du permis d'armement et du régime des fouilles de sûreté des navires.

* 274 Décret n° 2020-431 du 14 avril 2020 modifiant le décret n° 2019-87 du 8 février 2019 relatif à la gestion technique des lignes, ouvrages et installations du réseau de transport public du Grand Paris et des réseaux mentionnés à l'article 20-2 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

* 275 Arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible.

* 276 Ce projet de décret a été soumis à consultation publique du 23 mars au 13 avril 2020.

* 277 À l'exception des communes et des EPCI qui démontrent, par de la modélisation ou par des mesures de la qualité de l'air, que les valeurs limites sont respectées pour au moins 95 % de leur population.

* 278 Les cycles pour enfants dont les roues sont de diamètre inférieur ou égal à 16 pouces.

* 279 D'après l'Assemblée des communautés de France, plus de 900 communautés de communes sur les 997 existantes ne sont pas AOM et devront donc délibérer pour se saisir ou non de la compétence.

* 280 Article 9 de l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de Covid-19.

* 281 Commission des finances du Sénat, note n° 3 de conjoncture et de suivi du plan d'urgence face à la crise sanitaire du Covid-19 relevant du champ de compétences de la commission des finances
- situation au 13 avril 2020.

* 282 L'Assemblée des communautés de France, l'Association des maires de France, France urbaine, le Groupement des autorités responsables de transport et Régions de France.

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