Rapport d'information n° 604 (2019-2020) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 juillet 2020

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N° 604

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1)
sur l'
Office national d' études et de recherches aérospatiales (ONERA) ,

Par M. Dominique de LEGGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Les principales observations

1. L'ONERA a, selon le code de la défense, pour mission « de développer et d'orienter les recherches dans le domaine aérospatial [et] d'assurer [...] la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches , d'en favoriser la valorisation par l'industrie aérospatiale [...] ». À cet effet, l'Office dispose notamment du plus grand parc de souffleries d'Europe, dont la valeur théorique est de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, qui constitue un outil industriel stratégique pour la défense et l'industrie aéronautique européenne .

2. L'ensemble des grands programmes aéronautiques civils et militaires français comprennent de nombreux apports de l'ONERA . Son rôle est également majeur dans le domaine des missiles tactiques et stratégiques, de la dissuasion nucléaire, des drones, des lanceurs ou encore des satellites.

3. L'ONERA est placé sous la tutelle du ministre des armées . En 2015, la Cour des comptes a relevé de multiples défaillances , qui concernaient tant cette tutelle que la gouvernance interne de l'Office. Ces dernières ont aujourd'hui disparu .

4. L'activité de l'ONERA repose pour moitié sur des contrats réalisés à titre onéreux pour des clients privés ou publics et pour l'autre moitié sur des recherches plus amont financées sur subvention . En 2019, ses ressources s'élevaient ainsi à 237 millions d'euros. Elles provenaient principalement de la subvention pour charges de service public (SCSP), à hauteur de 105 millions d'euros, et des ressources propres, essentiellement tirées de l'activité contractuelle (119 millions d'euros).

5. En neutralisant les dotations affectées à la modernisation des souffleries, la subvention de l'État reste à un niveau stable. Cette situation n'est soutenable que si l'ONERA réussit sa stratégie d'augmentation des ressources contractuelles, ce qui n'est aujourd'hui que partiellement le cas . L'Office a effectivement connu une hausse importante de la production contractuelle ces dernières années, mais elle reste en deçà des objectifs fixés par son contrat d'objectifs et de performance (COP).

6. Dans une logique de rationalisation, l'ONERA a décidé d' entreprendre un regroupement de ses sites franciliens d'ici 2024 . Tant les synergies permises par ce rapprochement que les économies qu'il entrainera le rendent nécessaire. Le contexte d'incertitude actuel ne doit toutefois pas entraîner son abandon ou son retardement.

7. L'ONERA compte, en 2019, 1 722 ETPT, soit un niveau en relative baisse par rapport à 2016 (1 771), mais supérieur au plafond d'emplois fixé par le COP. Ce dépassement du plafond, couplé à l'augmentation des effectifs hors plafond depuis 2015, témoigne du caractère inadapté des règles de comptabilisation des effectifs sous plafond à l'ONERA à sa vocation industrielle et commerciale .

8. La comparaison des rémunérations entre l'ONERA et les employeurs du même domaine, tant publics que privés, met en évidence un écart réel en défaveur de l'ONERA . Afin de permettre à l'ONERA de lancer la négociation salariale nécessaire, une hausse de la SCSP par rapport au COP a été décidée pour la porter à 110 millions d'euros dès 2020. Les effets de la crise économique actuelle sur le vivier d'emploi de l'ONERA et l'évolution de la concurrence avec les autres employeurs du secteur apparaissent aujourd'hui difficiles à anticiper. Il convient toutefois de maintenir les efforts de fidélisation prévus, afin de parvenir à un une consolidation des effectifs.

9. Si l'ONERA coopère très largement avec son homologue allemand, le DLR, sa montée en puissance est susceptible de constituer une menace pour l'indépendance et la pérennité des savoir-faire français . Ce dernier met en oeuvre depuis cinq ans une stratégie de développement particulièrement offensive, le budget qu'il dédie à l'aéronautique ayant augmenté de près de 30 % depuis 2015, alors que celui de l'ONERA est resté stable.

10. Contrairement à l'ONERA, et malgré les efforts budgétaires faits par les pouvoirs publics allemands, le DLR ne maîtrise pas aujourd'hui l'ensemble du spectre de compétences nécessaire à la conception du futur avion de chasse européen, le système de combat aérien du futur (SCAF). La logique du « juste retour », couplé à la puissance financière du DLR pourraient toutefois nuire à la place que l'ONERA occupera dans ce projet et au maintien des compétences françaises dans ce domaine stratégique.

11. L'ONERA constitue le « gardien » d'un ensemble de moyens et de savoir-faire stratégiques nationaux. Si sa participation au SCAF n'était pas suffisante, la perte définitive de savoir-faire pour l'ONERA constituerait un risque majeur. La durée d'aboutissement de ce projet, de plus 20 ans, conjugué à sa rareté, rendrait irréversible cette perte de compétence et d'autonomie de la France dans de nombreux domaines (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc.).

12. Les commandes de la DGA à l'ONERA ont augmenté de 30 % depuis 2018, ce qui constitue une dynamique positive. Il serait souhaitable que le contexte actuel d'augmentation des dépenses publiques, tournées notamment vers les investissements d'avenir, entraine une augmentation des commandes militaires d'innovation, se répercutant mécaniquement sur l'ONERA .

13. Après avoir traversé une crise structurelle au début des années 2010, l'ONERA a su engager une transformation profonde à partir de 2015 pour se repositionner sur les enjeux prioritaires de l'aviation civile (+107 % de commandes dans ce domaine entre 2014 et 2018). Les efforts qu'il consacre aux recherches relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du trafic aérien (5 % du montant des travaux effectués sur SCSP en 2019) apparaissent toutefois trop faibles par rapport aux enjeux économiques et industriels en cause. L'ONERA, qui maîtrise certaines technologiques comme la propulsion à l'hydrogène, au coeur de la stratégie de soutien au secteur aéronautique présentée par le Gouvernement, doit occuper une place croissante dans ce domaine dans les années à venir.

14. L'activité spatiale compte entre 10 et 15 % de l'activité de l'ONERA. Dans ce domaine, il coopère pleinement avec le CNES, mais les flux financiers entre les deux organismes restent toutefois limités (de l'ordre de 6 millions d'euros par an depuis 2015). Des incertitudes pèsent sur la participation de l'Office à de futurs projets structurants, comme Ariane 6, risquant d'endommager la place de l'ONERA dans ce secteur.

Les recommandations du rapporteur spécial

Recommandation n°1 : afin de consolider l'augmentation des ressources de l'ONERA, étudier les possibilités de recourir à une hausse ciblée des tarifs des prestations contractuelles et poursuivre la stratégie d'augmentation de la part de marché mondiale de ses souffleries.

Recommandation n° 2 : pour garantir la tenue de l'opération de regroupement des sites franciliens de l'ONERA à Palaiseau, sécuriser la cession des sites de Châtillon et Meudon avec les communes concernées et assurer le coût non couvert de l'opération par ces cessions par l'État.

Recommandation n° 3 : afin de dégager davantage de marges de manoeuvre en matière d'augmentation des effectifs dans un contexte d'augmentation de l'activité contractuelle, flexibiliser les règles de comptabilisation des effectifs hors plafond de l'ONERA.

Recommandation n° 4 : afin de garantir le maintien des compétences au sein de l'ONERA et pour lui permettre de faire face à une augmentation des commandes, poursuivre, malgré le contexte actuel de crise économique touchant le secteur, la politique de fidélisation des effectifs.

Recommandation n°  5 : donner à l'ONERA des garanties et des précisions rapides sur sa participation à la mise au point du démonstrateur du SCAF.

Recommandation n° 6 : dans le cadre du plan de relance, accélérer l'augmentation des dépenses prévues par la LPM en matière d'innovation. Cette augmentation de dépenses aura mécaniquement un effet positif sur le montant des prises de commandes de la DGA à l'ONERA.

Recommandation n° 7 : renforcer le positionnement de l'ONERA sur les questions relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien, en mobilisant les financements du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique.

PREMIÈRE PARTIE
L'ONERA : UN ORGANISME DE RECHERCHE DE RÉFÉRENCE PLACÉ SOUS LA TUTELLE DU MINISTÈRE DES ARMÉES, DONT LA GOUVERNANCE ET L'ORGANISATION ONT ÉTÉ RENOUVELÉES DEPUIS 2015

I. UN ORGANISME DE RECHERCHE FONDAMENTALE EN AÉRONAUTIQUE AUX VOCATIONS MULTIPLES

A. DES MISSIONS DE RECHERCHE ÉTENDUES FIXÉES PAR LE CODE DE LA DÉFENSE

Créé par la loi du 3 mai 1946 1 ( * ) , l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) est un établissement public, scientifique et technique, à caractère industriel et commercial (EPIC) dont les missions, l'organisation et le fonctionnement sont précisés par le décret n° 84-31 du 11 janvier 1984, codifié aux articles R3423-1 et suivants du code de la défense.

L'ONERA a pour mission « de développer et d'orienter les recherches dans le domaine aérospatial ; de concevoir, de réaliser, de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'exécution de ces recherches ; d'assurer, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches, d'en favoriser la valorisation par l'industrie aérospatiale et de faciliter éventuellement leur application en dehors du domaine aérospatial » 2 ( * ) .

A ces divers titres, il est notamment chargé :

- d'effectuer lui-même ou de faire effectuer, à son initiative ou à la demande, toutes études et recherches intéressant l'industrie aérospatiale ;

- de réaliser des moyens d'essais et de calcul au profit de la recherche et de l'industrie aérospatiale et de les mettre en oeuvre ;

- d'assurer la liaison avec les organismes français, étrangers et internationaux dont l'activité peut contribuer à l'avancement de la recherche aérospatiale ;

- d'assurer la diffusion et la valorisation des résultats obtenus, en particulier par publications, brevets, licences d'exploitation ;

- de promouvoir le lancement ou le développement d'initiatives utiles à la recherche ou à l'industrie aérospatiale ;

- d'assister, en tant qu'expert et à la demande, les organismes et services officiels ;

- d'apporter son concours, dans son domaine de compétence, à la politique de formation à la recherche et par la recherche.

Quinze ans après sa création, les missions de l'ONERA ont été élargies à la dissuasion nucléaire et au spatial, en lien avec la délégation ministérielle de l'armement, devenue direction générale de l'armement (DGA) et avec le centre national des études spatiales (CNES), créé par le général de Gaulle en 1961.

B. UN ACTEUR DE PREMIER PLAN DANS LA RECHERCHE AÉRONAUTIQUE ET SPATIALE

L'ONERA intervient principalement au profit des personnes publiques comme l'État (via la DGA ou la direction générale de l'aviation civile) ou le Centre national d'études spatiales (CNES). Il a également pour clients les industriels des secteurs aéronautique et spatial (Dassault Aviation, Airbus, Thales, Safran, MBA).

Son activité va de la recherche quasi-fondamentale et appliquée (bas niveaux de technology readiness level 3 ( * ) , ou maturité) aux prototypes et à la mise sur le marché (par transfert de technologies). L'Office est également reconnu comme plate-forme d'intégration entre la recherche fondamentale et le monde industriel (PME et grands groupes de l'aéronautique).

Comme l'a encore récemment rappelé la ministre des armées, la liste des apports de l'ONERA aux innovations militaires dans ses domaines de compétence est longue : « MBDA s'appuie sur [l'expertise de l'ONERA] pour la composante nucléaire aéroportée, Dassault avance grâce à vos travaux menés sur le Rafale et le FCAS ; Airbus Helicopters vante la réduction de bruit de 50 % des nouvelles pales imaginées et développées par l'ONERA pour le H160, le futur hélicoptère interarmées Légers de nos armées » 4 ( * ) . De manière générale, l'ensemble des grands programmes aéronautique civils et militaires passés, dans le domaine de l'aviation de chasse (Mirage 2000, Rafale...), de l'aviation de ligne (Airbus), des missiles tactiques et stratégiques, de la dissuasion nucléaire, des drones, des lanceurs ou encore des systèmes orbitaux comprennent de nombreux apports de l'ONERA.

Ses dix thématiques actuelles de recherche illustrent la dimension duale civil-militaire et spatiale de son activité.

Principaux axes d'étude de l'ONERA

1

Nouvelles générations d'aéronefs pour le transport civil et militaire

2

Réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien

3

Efficacité, sécurité et certification du système de transport aérien

4

Surveillance des environnements naturel et opérationnel

5

Robots, drones et systèmes intelligents pour la défense et la sécurité

6

Systèmes d'armes conventionnels

7

Nouvelles générations d'armes stratégiques

8

Un accès performant et sûr à l'espace

9

Un espace durable et sécurisé

10

Nouveaux moyens de simulation

Source : feuille de route scientifique et technologique de l'ONERA

II. UNE GOUVERNANCE INCHANGÉE DANS SES PRINCIPES, MAIS RENOUVELÉE DANS SON FONCTIONNEMENT À LA SUITE DES DIFFICULTÉS OBSERVÉES

A. MALGRÉ LE CARACTÈRE DUAL DE L'ONERA, LA TUTELLE DU MINISTÈRE DES ARMÉES APPARAÎT AUJOURD'HUI PERTINENTE ET PREND EN COMPTE LA VOCATION TRANSVERSALE DE L'OFFICE

L'ONERA est placé sous l'autorité du ministre des armées. Le délégué général pour l'armement exerce la tutelle au nom du ministre et prépare, le cas échéant, son exercice interministériel. L'Agence de l'innovation de défense (AID) qui fait partie de la direction générale de l'armement (DGA), pilote l'orientation stratégique de l'ONERA et coordonne le dialogue entre le ministère des armées et l'ONERA.

En 2015, la Cour des comptes, dans son rapport particulier sur l'ONERA, relevait les « défaillances » de cette tutelle de la DGA, marquée par un « manque d'implication » et par une asymétrie entre les activités de l'Office, tant civiles que militaires, et sa tutelle rendant « difficile l'utilisation de la subvention à des fins de recherche aéronautique civile » 5 ( * ) .

Cinq ans plus tard, le rapporteur relève que ces défaillances ont largement disparu , du fait d'une plus grande implication de l'AID et de l'association d'autres acteurs. Au niveau stratégique, la DGAC, la communauté académique, le CNES et l'industrie aérospatiale ont ainsi été associés à la rédaction du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2017-2021 signé le 14 décembre 2016 (voir infra , troisième partie). Leurs attentes y ont été explicitement reprises, et les objectifs en tiennent compte. La DGAC, le CNRS, le CNES et l'industrie aérospatiale sont représentés, au titre des représentants de l'État ou des personnalités qualifiées, au sein du conseil d'administration de l'Office.

Par ailleurs, le programme de recherche fait l'objet d'une présentation annuelle à la tutelle (représentants des ministères et organismes publics impliqués dans la gouvernance), lors de la « journée programme ONERA », qui donne lieu à de nombreux échanges et permet de débattre concrètement des priorités de la recherche.

Enfin, de nombreuses réunions plus techniques sont organisées : réunions thématiques, échanges de vues avec les pôles techniques et la direction des opérations de la DGA, la DGAC, le CNES...

Le rapporteur spécial estime que le caractère dual de nombre des projets de recherche de l'ONERA (voir infra ), pleinement pris en compte par l'AID, rendent caduques les critiques relatives au caractère trop « militaire » de la tutelle.

B. UNE GOUVERNANCE INTERNE RENOUVELÉE DEPUIS 2015, METTANT FIN À PLUSIEURS ANNÉES DE DYSFONCTIONNEMENTS

La Cour des comptes relevait également, dans son analyse des exercices 2008 à 2013, que les instances de gouvernance avaient connu des dysfonctionnements importants. Le conseil d'administration de l'ONERA, composé de sept représentants de l'État (ministères des armées, des finances, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et direction générale de l'aviation civile), de sept personnalités qualifiées (CNES, CNRS, industriels) et de sept élus du personnel avait ainsi connu de nombreuses anomalies dans son fonctionnement : absentéisme, transmission des procès-verbaux très au-delà du délai réglementaire, délais de convocation restreints....

Le rapporteur se félicite de voir ces dysfonctionnements disparus : les convocations sont systématiquement adressées entre un mois et trois semaines avant la tenue du conseil, lequel a systématiquement été précédé d'un pré-conseil auquel participent les représentants de l'État ainsi que l'Agent comptable et le contrôleur général économique et financier. Lors des derniers conseils, les membres absents ont toujours été représentés. Les administrateurs étatiques sont désormais très présents 6 ( * ) . Un comité financier a été mis en place en juin 2015 et éclaire le conseil d'administration sur les problématiques financières de l'office avant le vote des résolutions.

Alors que la Cour des comptes déplorait l'état de « désuétude » dans lequel les instances de gouvernance scientifique étaient tombées, le Haut conseil scientifique a été rétabli fin 2014. Il s'est réuni pour la première fois le 13 mars 2015 et siège deux fois par an depuis.

La Cour des comptes regrettait également l'insuffisant partage de l'information entre les différents membres de la direction de l'ONERA. Afin d'y remédier, le fonctionnement du comité exécutif de l'ONERA a également été revu .

De même, de nombreuses fonctions de direction vacantes en 2015, bien que prévues par le code de la défense, ont été pourvues, dont celle de directeur scientifique général et de secrétaire général 7 ( * ) .

Enfin, l'organisation de l'ONERA a également connu une importante rationalisation entre 2015 et 2017 , qui s'est traduite notamment par :

- le rassemblement de l'ensemble des services de soutien sous l'égide du secrétaire général ;

- la création de trois directions de programme (aéronautique, spatial, défense) responsables des relations avec les partenaires étatiques et industriels, rôle auparavant imparfaitement tenu par la direction commerciale ;

- la création d'une direction de la valorisation en charge de promouvoir la protection et le transfert des technologies de l'Office aux industriels ;

- la fusion dans une entité unique des directions de la sécurité et de la qualité.

Organigramme de l'ONERA

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

C. UN COP FIXANT LA STRATÉGIE DE RECHERCHE ET LES EXIGENCES DE L'ÉTAT RELATIVES À LA GESTION DES MOYENS DE L'ONERA

Alors qu'aucun dispositif de ce type n'avait été mis en place depuis 2008, l'activité de l'ONERA est aujourd'hui régie par un contrat d'objectifs et de performance (COP), signé le 14 décembre 2016, qui fait l'objet d'un dialogue constant entre le ministère des armées et l'ONERA. Ce dernier définit trois principaux axes

Le premier porte sur le positionnement et la stratégie de recherche de l'ONERA . Le COP donne ainsi pour objectif à l'ONERA de « développer au profit de l'État et de l'industrie aérospatiale une recherche principalement tirée par les finalités applicatives et contribuer à garantir l'expertise technique étatique ». Les recherches menées par l'ONERA se déclinent en feuilles de routes sectorielles (présentées supra , en I, B).

Le COP comprend également deux axes relatifs à la gestion de ses moyens par l'Office . L'un requiert une « gestion efficace des grands moyens d'essais stratégiques pour l'État et l'industrie aérospatiale » que sont les grandes souffleries et l'autre porte sur l'optimisation des implantations géographiques de l'ONERA, qui font actuellement l'objet d'importantes évolutions (cf. infra , seconde partie, I,C).

DEUXIÈME PARTIE
UNE CONSOLIDATION NÉCESSAIRE DES RESSOURCES FINANCIÈRES ET DE LA FIDÉLISATION DES EFFECTIFS

I. DES RESSOURCES FINANCIÈRES STABLES, EN CONTRADICTION AVEC LES AMBITIONS DE L'OFFICE, RENDANT INDISPENSABLES L'AUGMENTATION DES RESSOURCES CONTRACTUELLES ET L'EFFORT DE RATIONALISATION IMMOBILIÈRE

A. UNE SUBVENTION DE L'ÉTAT STABLE, FINANÇANT LES ACTIVITÉS DE RECHERCHE FONDAMENTALE ET L'ENTRETIEN DES SOUFFLERIES

L'activité de l'ONERA repose pour moitié sur des contrats réalisés à titre onéreux et pour l'autre sur des recherches plus en amont financées sur subvention.

En 2019, ses ressources s'élevaient ainsi à 237 millions d'euros. Elles provenaient principalement :

- de la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par le ministère des armées (au titre du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense »). Les subventions de l'État visent à financer les activités de recherche fondamentale marquées par un faible niveau de maturité, et dont les possibles applications ne sont donc que très lointaines, ainsi que les dépenses relatives au maintien en condition opérationnel des souffleries. Le montant de la SCSP a atteint 104,7 millions d'euros en 2019, auquel s'ajoute un complément exceptionnel de 2 millions d'euros destiné au confortement des souffleries de Modane (voir infra ) ;

- des ressources propres , essentiellement tirées de l'activité contractuelle menée avec des acteurs publics et privés (119 millions d'euros).

Ressources financières de l'ONERA

(en milliers d'euros)

* : subvention pour charges de services publics (SCSP)

** : avance récupérable de la DGAC, autres subventions de fonctionnement et d'investissement (collectivités territoriales)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

La subvention pour charges de service public (SCSP) représente ainsi de l'ordre de 45 % des ressources de l'ONERA . Une hausse de la SCSP par rapport au COP a été décidée par sa tutelle pour la porter à 110 millions d'euros dès 2020. Cette décision ne fait toutefois que ramener la SCSP à son niveau de 2012, et traduit la marge contrainte dont dispose l'ONERA en raison du très faible dynamisme des ressources qu'elle tire du budget général de l'État.

Une partie de la dotation de l'État (hors SCSP) est spécifiquement destinée à l'investissement dans la modernisation des souffleries.

Évolution des subventions de l'État à l'ONERA

(en millions d'euros)

* : données provisoires et incertaines, en raison des incertitudes portant sur un éventuel fléchage des mesures de relance de l'économie vers l'ONERA.

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Le financement courant des souffleries est inclus dans la SCSP et représente une charge fixe incompressible de 18 millions d'euros par an en équipement et fonctionnement, et de 22 millions d'euros par an en rémunérations, pour 230 salariés.

Les souffleries constituent un outil industriel stratégique pour la défense et l'industrie aéronautique européenne 8 ( * ) , et leur maintien en conditions opérationnelles constitue à ce titre pour l'ONERA une charge de service public.

Le parc de l'ONERA, qui constitue le plus grand d'Europe, comprend dix souffleries, dont huit sont considérées comme d'importance majeure par l'industrie 9 ( * ) . À cet égard, un prêt de 47 millions d'euros sur 6 ans a été octroyé par la banque européenne d'investissements (BEI) en 2019 afin de couvrir les dépenses d'achat permettant la remise à niveau et la pérennisation des souffleries de l'ONERA. Cet effort est la réponse de l'ONERA aux besoins exprimés par les utilisateurs (industriels et étatique) des grandes souffleries.

Au total, en neutralisant les dotations affectées à la modernisation des souffleries, la subvention de l'État à l'ONERA reste à un niveau stable (105 millions d'euros). Le rapporteur estime que cette situation n'est soutenable que si l'ONERA réussit sa stratégie d'augmentation des ressources contractuelles, ce qui n'est aujourd'hui que partiellement le cas, et poursuit pleinement sa stratégie de rationalisation immobilière.

B. UNE STRATÉGIE D'AUGMENTATION DES FONDS PROPRES À POURSUIVRE

1. Une augmentation nécessaire des ressources tirées des relations contractuelles avec les industriels et les partenaires publics

Le COP définit des objectifs volontaristes d'augmentation de l'activité contractuelle avec les industriels et ses partenaires publics. En 2019, les principales prises de commande ont concerné la DGA 10 ( * ) (dissuasion, anticipation-renseignement), MBDA France (dissuasion), la DGAC (réduction CO2, sécurité aérienne, hélicoptères), la Commission européenne, le CNES (lanceurs et systèmes orbitaux) ou encore Dassault Aviation (essais en soufflerie).

L'ONERA a ainsi connu une hausse importante de la production contractuelle ces dernières années, qui se rapproche des objectifs du COP, sans toutefois les atteindre.

Évolution des ressources tirées de l'activité contractuelle de l'ONERA

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

L'augmentation des ressources contractuelles peut passer par deux principaux leviers : la hausse des pratiques tarifaires et la valorisation des souffleries.

L'ONERA a indiqué au rapporteur que la tarification actuelle (tant pour les prestations contractualisées que pour les prestations internes) était celle permettant d'équilibrer l'ensemble des charges propres de l'Office (résultat d'exploitation structurellement nul), en y incluant l'équivalent d'une dotation d'amortissement (sur le coût d'acquisition de l'expertise et du savoir-faire), équivalent à 10 % du montant facturé. L'ONERA considère à cet égard qu'il serait envisageable d'étudier une hausse des pratiques tarifaires .

Le rapporteur estime cette piste pertinente, même si elle doit être abordée avec prudence.

En effet, si le coût facturé des études se révélait trop élevé, les grands industriels du secteur seraient amenés à conduire davantage leurs études en interne sans les confier à l'Office. Le président-directeur général de MBDA, qui constituait le premier client privé de l'ONERA en 2019 en termes du montant de prises de commandes, a ainsi indiqué que son caractère compétitif était variable en fonction des contrats, et se manifestait surtout sur les sujets sur lesquels il était déjà investi ou incontournable (souffleries) .

Le département des souffleries constitue quant à lui un cas particulier, puisqu'elles constituent des installations stratégiques par nature déficitaires car induisant des coûts fixes importants . Ce département s'est vu fixer dans le COP l'objectif d'accroissement de la part de marché des souffleries au sein du marché mondial connu et de développer l'activité avec le monde de la recherche académique.

L'ensemble des démarches menées a effectivement conduit à enregistrer une hausse importante de l'activité effectuée pour le compte de clients hors UE depuis 2015. Le rapporteur spécial approuve pleinement cette stratégie, car les essais avec les clients étrangers améliorent le plan de charge des installations, et participent de ce fait à l'entretien des compétences et à la permanence des effectifs.

Cette stratégie pourra en outre s'appuyer sur la rénovation en cours de cet outil industriel (cf. supra ).

Ressources contractuelles tirées de l'exploitation des souffleries

(en milliers d'euros)

Nb : les clients étrangers sont en orange, les clients historiques en bleu

Source : ONERA

Ainsi, en 2019, la part des grandes souffleries de l'ONERA sur le marché mondial est estimée à 22,4 % alors qu'elles représentent 13 % du nombre de souffleries considérées.

Cette situation a priori favorable fait toutefois face à d'importantes menaces. L'activité contractuelle liée aux souffleries dans le domaine civil, qui s'adresse à des projets dont le niveau de maturité est assez élevé, pourrait fortement pâtir de la crise . Conjugué à la forte baisse de la demande de clients historiques comme Airbus , dont les cycles d'innovation débouchant sur l'essai en soufflerie de nouveaux démonstrateurs sont finis, ce contexte pourrait rendre l'augmentation de la part de marché des souffleries difficile à poursuivre.

Ressources tirées de l'activité soufflerie
dans le cadre d'un contrat avec Airbus

(en milliers d'euros)

Source : ONERA

Une consolidation de la politique de prospection commerciale, s'appuyant notamment sur la rénovation en cours de cet outil industriel, apparaît donc indispensable.

Recommandation n°1 : afin de consolider l'augmentation des ressources de l'ONERA, étudier les possibilités de recourir à une hausse ciblée des tarifs des prestations contractuelles et poursuivre la stratégie d'augmentation de la part de marché mondiale de ses souffleries.

2. Le levier de la valorisation de la recherche doit continuer à être exploité

La valorisation de la recherche menée par l'ONERA constitue le second levier lui permettant d'augmenter ses fonds propres. Cette stratégie vise également à renforcer le transfert des résultats de recherche de l'ONERA vers l'industrie et à soutenir l'innovation industrielle. Son montant représentait, en 2019, 9 % des ressources contractuelles.

L'Office s'est vu fixer un objectif d'accroissement de 50 % sur la période du COP du nombre cumulé d'enregistrements de contribution au développement de l'innovation formalisée (brevets, licences d'exploitation etc.).

L'ONERA poursuit sa politique de protection et de valorisation de sa production intellectuelle, qui produit ses effets sur le montant des redevances de licences (en 2019, l'ONERA a déposé 15 enveloppes Soleau pour idées inventives et 14 brevets). L'ONERA poursuit enfin son action dans l'établissement de nouveaux partenariats pluriannuels pour maintenir à un bon niveau son activité contractuelle avec ses clients du périmètre de la valorisation.

Le nombre d'enregistrements d'innovations, qui connait une légère hausse, demeure toutefois à un niveau inférieur à celui fixé par le COP.

Évolution du nombre d'enregistrements d'innovations

Source : conseil d'administration de l'ONERA

C. UN EFFORT IMPORTANT DE RATIONALISATION DU PARC IMMOBILIER À SÉCURISER

L'ONERA concentre la plupart de son activité en Ile-de-France, sur les sites situés à Meudon, Châtillon et Palaiseau. Ces emprises rassemblent environ 1 200 personnes, soit plus de 60 % du personnel de l'Office.

Dans une logique de rationalisation, et afin d'augmenter les synergies avec l'École Polytechnique et l'École nationale supérieure des techniques appliquées (ENSTA), l'ONERA a décidé d' entreprendre un regroupement de ses sites franciliens .

Les emprises de l'ONERA en Ile-de-France

Le site de Meudon constitue le site historique de la recherche en aérostation et en aéronautique. Il abrite environ 150 salariés dont l'activité peut être redéployée ; la taille du site et la vétusté des bâtiments entraînent un coût d'entretien élevé. Les bâtiments sont parfois à l'abandon voire interdits car classés dangereux. Ce centre comprend en outre une soufflerie classée monument historique ainsi que trois autres bâtiments inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Le site de Châtillon abrite un immeuble de grande hauteur des années 1930, aménagé en laboratoire, qui présente des non-conformités à la réglementation applicable. Vétuste et mal adapté au besoin, ce centre est lui aussi coûteux en entretien et en gardiennage. Ses bâtiments mal optimisés accueillent aujourd'hui environ 550 salariés.

Le site de Palaiseau : ancien fort de 1875, ce site est l'actuel siège social de l'Office. Disposant sur ses 15 hectares de réserves foncières importantes (environ 60 000 m²), ce site est situé au coeur de tous les grands projets universitaires et/ou scientifiques du Plateau de Saclay. Il accueille environ 650 agents.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ce projet de regroupement, dénommé PRISME (Programme de regroupement immobilier des sites et de modernisation des emprises), vise à réaliser la majeure partie du regroupement territorial de l'ONERA en Ile-de-France en 6 ans.

Il s'agit de rassembler les équipes actuellement présentes sur les sites de Meudon et de Châtillon principalement sur le site de Palaiseau avec, en outre, une implantation à proximité directe du nouveau bâtiment « Pôle de mécanique » de l'École Polytechnique et de l'ENSTA . Certains transferts sur des sites de l'ONERA hors Ile-de-France sont également prévus.

Les objectifs détaillés sont les suivants :

- améliorer le fonctionnement interne en regroupant des équipes ou des fonctions jusque-là dispersées sur plusieurs sites ;

- réduire les coûts en réduisant le nombre d'implantations ;

- améliorer les conditions de travail des salariés de l'ONERA aujourd'hui hébergés dans des locaux vétustes ;

- renforcer la présence et l'ancrage de l'ONERA au sein du pôle scientifique et technologique du Plateau de Saclay ;

- regrouper sur Lille l'ensemble des activités liées aux maquettes pour les souffleries.

Les économies de charges de fonctionnement dégagées en rythme de croisière par la fermeture des deux sites s'élèvent en outre à 2,25 millions d'euros par an hors énergies et hors personnel, sur la seule base des économies directes.

Un premier mouvement, qui concerne en particulier le bâtiment logistique, est prévu pour le second semestre 2021. Mais la grande majorité des mouvements devrait intervenir entre la fin de l'année 2023 et la fin de l'année 2024. À ce stade, la libération des sites de Meudon et de Châtillon est envisagée sur la période allant du mois d'octobre au mois de décembre 2024.

Le coût du projet est estimé à 160 millions d'euros, financés par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et sur crédits budgétaires. Comme l'a indiqué la ministre des armées devant le Sénat, « les ventes des emprises ne pouvant être réalisées qu'en fin d'opération, le besoin en trésorerie est important. Le financement sera assuré par une avance du compte d'affectation spéciale dans l'attente de la récupération des produits de cession » 11 ( * ) .

Tant les synergies permises par ce rapprochement que les économies qu'il engendrera le rendent nécessaire. Le contexte d'incertitude actuel ne doit toutefois pas entraîner son retardement ou son abandon.

Si les mairies de Meudon et Châtillon ont fait part de leur intérêt pour l'opération, le rapporteur spécial souhaite que l'opération soit sécurisée avec les communes concernées le plus tôt possible à l'issue du renouvellement des conseils municipaux.

Par ailleurs, seuls 130 millions d'euros devraient être financés par une avance du CAS. Il conviendrait que les 30 millions d'euros supplémentaires soient financés par le ministère des armées et en surplus de la SCSP d'ores et déjà prévue.

Recommandation n°2 : pour garantir la tenue de l'opération de regroupement des sites franciliens de l'ONERA à Palaiseau, sécuriser la cession des sites de Châtillon et Meudon avec les communes concernées et assurer le coût non couvert par ces cessions par l'État.

II. EN MATIÈRE DE RESSOURCES HUMAINES, UN DOUBLE BESOIN DE FLEXIBILISATION DU PLAFOND D'EMPLOIS ET D'AMÉLIORATION DE L'ATTRACTIVITÉ DES POSTES

A. DES RÈGLES DE PLAFONNEMENT DES EMPLOIS EN CONTRADICTION AVEC L'OBJECTIF D'AUGMENTATION DE L'ACTIVITÉ CONTRACTUELLE

L'ONERA compte, au 31 décembre 2019, 1 916 ETP, soit un niveau en relative baisse par rapport à 2012 (1 949 ETP). Les effectifs ont diminué de 1,6 % par rapport à 2012 mais connaissent un léger rebond (+1,1 %) entre 2017 et 2019.

Évolution des effectifs de l'ONERA

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les règles de plafonnement des effectifs appliquées à l'ONERA apparaissent aujourd'hui en décalage avec sa vocation industrielle et commerciale.

L'ONERA étant un opérateur de l'État au regard des règles de gestion publique, il est soumis à un plafond d'emplois, déterminé annuellement par la loi de finances, et éventuellement par le COP, qu'il peut dépasser dans certaines conditions en recourant à des emplois « hors plafond ».

L'exécution des effectifs sous plafond est supérieure au plafond fixé par le COP, qui était basé sur une hypothèse de décroissance, du fait de la hausse de l'activité contractuelle . Pour tenir compte de l'évolution favorable de l'activité et de la situation financière de l'ONERA, le ministère des armées, en accord avec le ministère chargé du budget, a en effet décidé début 2019 de limiter les contraintes d'effectifs prévues par le COP en revenant aux plafonds prévus par les lois de finances.

Évolution des plafonds d'emplois prévus et exécutés de l'ONERA

(en ETPT)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

L'ONERA peut également embaucher, dans certaines conditions, des effectifs « hors plafond », selon des critères restrictifs. Ces effectifs ont fortement augmenté depuis 2015, traduisant le développement de l'activité contractuelle de l'ONERA.

Évolution des effectifs sous plafond et hors plafond

(en ETPT)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les contraintes liées au recrutement d'effectifs hors plafond
pour les opérateurs de l'État

Les modalités de distinction des emplois rémunérés sous et hors plafond sont détaillées dans les différentes circulaires de la direction du budget : tous les emplois permanents, quels que soient leurs modes de financement, doivent être inclus dans le plafond d'emplois législatif.

Seuls les emplois à durée limitée, issus d'un contrat ou d'une convention passée avec un financeur, financés intégralement par des ressources propres - et résultant d'un appel d'offre ou d'un appel à projet dans le cadre de ressources propres d'origine publique - pourront être considérés comme hors plafond. Les emplois hors plafond permettent d'apporter une souplesse opérationnelle mais encadrée pour les opérateurs qui ont une forte dynamique de développement de ressources propres autour de projets spécifiques, limités dans le temps et autofinancés.

Source : commission des finances, d'après la réponse à la question écrite N°5923 du député Philippe Le Ray

À moyen terme, étant donné le développement envisagé de l'ONERA pour faire face aux nouveaux besoins des armées, il est anticipé un besoin sensible d'augmentation des effectifs de l'ONERA . Ces effectifs supplémentaires contribuant pour l'essentiel à des contrats de recherche, il serait logique qu'ils ne soient pas comptabilisés dans le plafond d'emplois de l'Office, et ce, même s'ils occupent un emploi permanent.

La décorrélation entre la part des effectifs hors plafond dans l'ensemble (environ 8,6 % des ETPT en 2019) et la part de l'activité contractuelle dans les ressources de l'ONERA (53 % des ressources budgétaires en 2019) apparait anormale, puisque la part des effectifs hors plafond devrait être à un niveau proche de l'activité contractuelle.

Il apparaît toutefois difficile d'augmenter trop fortement la part d'effectifs hors plafond en l'état actuel en raison des règles de gestion très strictes auxquelles ces recrutements sont soumis (cf. encadré supra ). La durée limitée de l'emploi, notamment, apparaît souvent comme une règle difficilement compatible avec le parcours de carrière des chercheurs. Si tous les grands établissements de recherche emploient des chercheurs statutaires sous plafond et des chercheurs sur des contrats ponctuels hors plafond (par exemple, sur des contrats de missions de 5 à 6 ans), tant l'ONERA que sa tutelle ont indiqué au rapporteur spécial qu'il avait besoin d'avoir un socle d'emplois statutaires qui garantit la pérennité de la compétence, quelle que soit l'évolution de sa part de ressources contractuelles.

Si la stratégie consistant à privilégier un plafond d'emploi supérieur au COP en lois de finances annuelle a pu constituer une solution temporaire à ce problème structurel, le rapporteur spécial estime que seule une évolution des règles de comptabilisation des effectifs hors plafond au sein des EPIC résoudra cette difficulté, en permettant notamment que des effectifs rémunérés par des ressources propres mais affectés à l'activité contractuelle soient comptés hors plafond. A minima, une application plus souple des règles actuelles pourrait être envisagée afin d'augmenter les effectifs hors plafond 12 ( * ) .

Recommandation n°3 : afin de dégager davantage de marge de manoeuvre en matière d'augmentation des effectifs dans un contexte d'augmentation de l'activité contractuelle, flexibiliser les règles de comptabilisation des effectifs hors plafond.

B. LA CRISE ACTUELLE NE DOIT PAS REMETTRE EN CAUSE LE CHANTIER DE LA FIDÉLISATION

En tant qu'employeur, l'ONERA intervient sur un milieu particulièrement concurrentiel. Il a été confronté, ces dernières années, à une hausse du nombre de démissions, qui concernent essentiellement les ingénieurs. Elles ont ainsi augmenté de plus de 40 % entre 2016 et 2019 et ont triplé depuis 2015.

Évolution du nombre de démissions

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Un quart de ces départs non souhaités relève de préoccupations financières.

Motif des démissions en 2019

Source : ONERA

Le rapporteur spécial estime que si le phénomène reste contenu (moins de 2 % de l'ensemble des effectifs) et que le « brassage » d'effectifs constitue un atout important pour l'Office, l'évolution très dynamique des démissions constitue un point de vigilance majeur .

La comparaison des rémunérations entre l'ONERA et les employeurs du même domaine, rassemblés dans le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), permet de mettre en évidence un écart réel en défaveur de l'ONERA , concernant l'ensemble des catégories d'emploi.

Comparaison des rémunérations entre l'ONERA
et les membres du GIFAS

(en euros)

Source : ONERA

Certes, les profils de carrière entre l'ONERA et l'industrie présentent des différences notables et les établissements publics de recherche n'ont d'une façon générale pas accès aux mêmes fourchettes de rémunération que dans l'industrie. Cette comparaison a néanmoins le mérite d'objectiver l'attractivité du secteur privé pour un ingénieur de l'ONERA, qui explique l'évolution à la hausse des départs vers le privé constatée récemment par l'Office.

Les rémunérations à l'ONERA apparaissent toutefois également moins favorables que celles offertes dans des structures publiques comparables . Une comparaison des salaires moyens en fonction des tranches d'âge, pour le CNES, le CNRS, et les ingénieurs contractuels (ICT) de la DGA a fait apparaître que la différence en moyenne est de l'ordre de 300 euros par mois.

Afin de permettre à l'ONERA de lancer la négociation salariale nécessaire (qui passe par un rachat de RTT et une nécessaire revalorisation), et à la suite des observations de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat 13 ( * ) , une hausse de la SCSP par rapport au COP a été décidée par sa tutelle pour la porter à 110 millions d'euros dès 2020 . Cette hausse entraine une augmentation significative des dépenses de personnel (+5 millions d'euros) par rapport à 2019, qui constitue le montant minimum permettant d'amorcer un rattrapage des niveaux de salaire des structures publiques comparables.

Évolution des effectifs et des salaires de l'ONERA

(en ETPT et en milliers d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Le rapporteur spécial estime nécessaire la consolidation de ces efforts sur les prochaines années. Ces efforts sont en effet de nature à limiter les difficultés de fidélisation de l'Office . Ils viennent en outre s'ajouter à une indéniable amélioration de son image, en tant qu'employeur, au cours des cinq dernières années.

Les effets de la crise économique actuelle sur le vivier d'emploi de l'ONERA et l'évolution de la concurrence avec les autres employeurs du secteur apparaissent aujourd'hui difficiles à anticiper. Il convient toutefois de maintenir les efforts de fidélisation prévus, afin de parvenir à un équilibre durable .

De même, l'amélioration de l'attractivité et de la fidélisation constitue une condition préalable permettant de faire face aux nouveaux contrats attendus dans le cadre du COP, l'ONERA ayant besoin d'augmenter rapidement son potentiel productif.

Recommandation n°4 : afin de garantir le maintien des compétences au sein de l'ONERA et pour lui permettre de faire face à une augmentation des commandes, poursuivre, malgré le contexte actuel de crise économique touchant le secteur, la politique de fidélisation des effectifs.

TROISIÈME PARTIE
UN OUTIL GARANTISSANT L'INDÉPENDANCE DE LA FRANCE DANS DES DOMAINES STRATÉGIQUES

I. AFIN DE GARANTIR L'INDÉPENDANCE ET LA SOUVERAINETÉ NATIONALE, L'IMPLICATION DE L'ONERA DANS LES GRANDS PROJETS MILITAIRES COMME LE SCAF DOIT CONSTITUER UNE PRIORITÉ

A. L'ONERA FAIT FACE À UNE CONCURRENCE TANT PUBLIQUE QUE PRIVÉE

En tant qu'organisme de recherche dans le domaine aérospatial, l'ONERA fait face à une concurrence qui a connu une forte croissance en France, avant la crise financière consécutive à l'épidémie de Covid-19.

La forte croissance du secteur aérospatial dans le monde de la recherche
entre 2011 et 2016

« Au total, chercheurs et personnels de soutien confondus, ce sont près de 600 000 personnes qui se consacrent en 2016 à la R&D, au moins pour une part de leur activité (...). Ils représentent au total 431 050 personnes en équivalent temps plein (ETP) dont 284 800 chercheurs (en ETP). Les personnels de recherche ont fortement progressé dans les entreprises entre 2009 et 2016 (+ 11 %) ainsi que dans les établissements d'enseignement supérieur, à la faveur du recrutement d'enseignants chercheurs pour faire face aux afflux d'effectifs étudiants. En revanche, dans le secteur institutionnel dit de l'État, composé essentiellement des organismes, le personnel de recherche s'est replié de près de 5 %. En 2016, 60 % des chercheurs sont en entreprises. En entreprise, 6 branches emploient à elles seules plus de la moitié des chercheurs (...) : « activités informatiques et services d'information », « activités spécialisées, scientifiques et techniques », « industrie automobile » et « construction aéronautique et spatiale », « fabrication d'instruments et appareils de mesure, essai et navigation, horlogerie », « édition, audiovisuel et diffusion ». Entre 2011 et 2016, la croissance des effectifs de recherche est essentiellement portée par les branches de services dont les effectifs progressent 3 fois plus vite que ceux des branches industrielles. La branche « construction aéronautique et spatiale » connaît cependant sur cette période une forte croissance de ses effectifs (+ 34 %). »

Source : ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, « L'état de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France » n° 12 - juillet 2019

Concernant le domaine d'intervention de l'ONERA, il faut toutefois rappeler que, pour le secteur industriel, la majorité des effectifs de R&D sont affectés à des développements appliqués plus qu'à de la recherche fondamentale.

Aux niveaux national et européen, l'ONERA doit théoriquement faire face à une concurrence des organismes de recherche plus amont et des entreprises exerçant une recherche plus avale que lui. Pour les organismes plus amont (universités, CNRS), leur statut public leur permet de répondre à des appels d'offres nationaux ou européens au coût marginal. Face à ces organismes, la situation de l'ONERA est délicate puisque les salaires de ses chercheurs ne sont que partiellement payés par la SCSP.

Face aux grands groupes industriels du secteur aéronautique, c'est davantage sa nationalité française qui peut desservir l'ONERA : l'industrie française étant de très haut niveau, la participation de l'ONERA dans une réponse à un appel d'offre européen peut être pénalisante car elle tend à augmenter la part française d'une offre. En effet, en vertu du principe de « juste retour », la répartition des bénéfices industriels d'un projet doit être proportionnelle à la participation financière des États . Les appels d'offre du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (ou European Defence Industrial Development Programme - EDIDP) de l'agence européenne de défense (AED) où l'industrie est attendue comme leader de consortium obèrent donc en partie les chances de participation de l'ONERA.

B. DES HOMOLOGUES EUROPÉENS CONSTITUANT TANT DES PARTENAIRES QUE DES CONCURRENTS

1. Une participation aux projets internationaux en coopération avec les homologues étrangers

Au niveau international, la concurrence s'exerce dans le domaine de la recherche appliquée menée pour la Commission européenne et dans les contrats d'étude ou de transfert de technologie au profit de partenaires industriels.

Les financements via les subventions de l'Union européenne (cadre multilatéral) sont très sélectifs et la concurrence est importante entre les consortia montés, mettant au second plan la concurrence directe entre les instituts des États membres de l'UE.

Dans le domaine aérospatial, deux associations d'instituts de recherche ont été créées 14 ( * ) en vue de dialoguer et de coordonner en amont la réponse aux appels à projet de l'UE. Dans ce cadre, l'ONERA et ses homologues étrangers, comme le Centre italien de recherche aérospatiale (CIRA) ou le Netherlands Aerospace Center (NLR) néerlandais, peuvent se retrouver leader d'un consortium et également partenaires d'un consortium concurrent, selon une mécanique acceptable par l'association et qui permet d'augmenter le taux de succès des propositions.

Le Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR), homologue allemand de l'ONERA, constitue également l'un de ses principaux partenaires, selon la même logique.

La coopération entre le DLR allemand et l'ONERA

L'ONERA et le DLR ont aujourd'hui divers domaines de coopération.

Le domaine des hélicoptères, qui est le premier sujet de la coopération franco-allemande, fait l'objet d'un programme commun entre l'ONERA et le DLR depuis 1999. Le programme de recherche est harmonisé avec Airbus Hélicoptères et soumis aux institutionnels étatiques (DGA, DGAC, ministère fédéral allemand de l'économie et des technologies). Un exemple emblématique de cette coopération est la pale Blue-Edge , avec sa forme en double-flèche permettant la réduction de l'empreinte acoustique. Cette dernière est issue de recherches de l'ONERA et du DLR (brevet commun ONERA-DLR-Airbus) et équipe le H160 et le futur H160M Guépard.

Parmi les autres sujets de collaboration bilatérale entre l'ONERA et le DLR on peut citer :

- le programme de recherche sur les avions de transport (complété par ailleurs par de nombreuses actions collaboratives dans le cadre du programme européen Cleansky-2, auxquelles participent le DLR et l'ONERA) ;

- des recherches sur les nouvelles technologies de lanceurs ou encore la collaboration sur l'intelligence artificielle appliquée à l'aérospatiale, démarrée en 2019 et qui prévoit la création d'un « virtual lab » soutenu par plusieurs thèses et échanges de scientifiques.

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Cette coopération ne doit pas masquer le fait que la montée en puissance du DLR constitue à terme une indéniable menace pour l'indépendance et la pérennité des compétences françaises dans le domaine aérospatial.

2. Une forte montée en puissance de l'homologue allemand de l'ONERA, susceptible de remettre en cause son leadership en Europe dans certains domaines

Le soutien public de la recherche au secteur aérospatial en Allemagne est essentiellement focalisé sur les instituts Fraunhofer 15 ( * ) et le DLR, qui constituent donc des organismes à la fois partenaires et concurrents de l'ONERA.

Le DLR comprend un périmètre plus large que celui de l'ONERA, puisque l'aéronautique ne rassemble que 27 % de ses dépenses.

Répartition par secteurs du budget 2019 du DLR

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Néanmoins, même en prenant en compte ces différences de périmètre, et comme l'ont relevé l'intégralité des interlocuteurs du rapporteur spécial en audition, le DLR met en oeuvre depuis cinq ans une stratégie de développement particulièrement offensive.

Entre 2014 et 2018, le budget de la seule section aéronautique du DLR a ainsi augmenté de près de 30 %, tandis que la part de subvention publique dans son budget total a augmenté de près de dix points, passant de 64 à 73 %. Il bénéficie notamment d'un soutien des régions important et pérenne, principalement en raison de l'impact sur les bassins d'emploi 16 ( * ) .

Évolution du budget du DLR aéronautique

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

La comparaison avec l'évolution du budget de l'ONERA montre que l'évolution et la volonté de développement est particulièrement manifeste à partir de 2016.

Évolution du budget du DLR aéronautique et de l'ONERA

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les effectifs des deux établissements suivent des évolutions similaires. Les effectifs du DLR aéronautique atteignent ainsi 1 860 ETP en 2018, l'ensemble du DLR employant un total de 8 444 ETP.

Évolution des effectifs du DLR et de l'ONERA

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

La comparaison de l'évolution des budgets et des effectifs du DLR et de l'ONERA appelle deux remarques.

En premier lieu, la comparaison avec l'Allemagne permet de confirmer le caractère insuffisant du soutien financier direct de l'État à l'ONERA . Le DLR dispose, à l'heure actuelle, d'un historique, de ressources en matière de savoir-faire aéronautique bien moindres que ceux de l'ONERA. De même, l'écosystème industriel aéronautique et le tissu productif du secteur apparait plus favorable en France qu'en Allemagne. Le moindre soutien de l'ONERA par rapport au DLR est susceptible d'inverser, à termes, cette situation et apparaît comme une réelle erreur stratégique susceptible de compromettre un avantage comparatif majeur de la France.

En second lieu, le développement du DLR, qui constitue tant un partenaire qu'un concurrent, fait courir le risque de « fuite des compétences » au profit de l'Allemagne, dans des secteurs d'importance majeure pour l'indépendance de la France, sur lesquels elle est pourtant reconnue comme la meilleure en Europe, grâce à l'ONERA, comme l'aviation de combat.

À cet égard, le projet de système de combat aérien du futur (SCAF), auquel est associé le DLR, ce qui n'est pas encore le cas de l'ONERA, est un révélateur majeur du risque que fait courir le « délaissement » de l'ONERA pour les compétences stratégiques françaises.

C. L'ABSENCE D'ASSOCIATION DE L'ONERA AUX TRAVAUX PRÉLIMINAIRES DU SCAF : UNE MENACE POUR L'ÉQUILIBRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES EN MATIÈRE D'INDUSTRIE DE DÉFENSE

1. Le SCAF, un projet d'importance stratégique pour la France

Les travaux préparatoires en cours initient le lancement progressif, à compter de 2020, du développement d'un programme de démonstrations technologiques visant à apporter des ruptures capacitaires dans le domaine de l'aviation de combat . Ce projet est porté par un noyau franco-allemand récemment rejoint par l'Espagne. La maîtrise d'ouvrage est pilotée par la France et a vocation à être ouverte à d'autres pays intéressés.

Le système de combat aérien du futur (SCAF)

En 2017, la France et l'Allemagne sont convenues de développer un système de combat aérien européen pour remplacer leurs flottes actuelles d'avions de combat sur le long terme.

Le SCAF sera le système de combat aérien du 21 e siècle. Il rassemblera autour d'un nouvel avion de combat polyvalent, adapté aux menaces aériennes de 2040 et exploitant le potentiel de l'intelligence artificielle, des moyens de combat travaillant en réseau, dont des drones de différents types. Il devrait être mis en service à l'horizon 2040.

Initiée lors du conseil des ministres franco-allemand en 2017, élargie puis renforcée en 2019 par un accord-cadre regroupant la France, l'Allemagne et l'Espagne, la coopération SCAF se structure. Ce projet tripartite est appelé « NGWS ( Next generation weapon system ) within a FCAS » qui remplira des missions plus ou moins spécifiques pour remplacer à terme les flottes d'avions de combat RAFALE et Eurofighter. La France a été désignée leader de ce projet. L'accord cadre porte sur les activités de R&T et de démonstrations s'étendant jusqu'en 2030.

Deux types de travaux sont menés à court et moyen terme :

- des études d'architectures permettant d'établir les exigences du système de systèmes et des objets qui le composent et également la comparaison de différents concepts (contrat JCS lancé en janvier 2019) ;

- des études de R&T et le développement de démonstrateurs indispensables pour répondre aux évolutions nécessaires à venir dans le domaine de l'aéronautique de combat. La France a en effet identifié 7 piliers couvrant l'ensemble des invariants technologiques nécessaires au SCAF (système de systèmes, avion de nouvelle génération « NGF », très haute furtivité, capteurs, propulsion, « Remote Carriers », démonstrations des architectures au sol). Les premières offres industrielles ont été remises lors du salon du Bourget et les négociations sont en cours. Ces travaux préparatoires initient le lancement progressif à compter de 2020 du développement de démonstrations technologiques en vue de ruptures capacitaires dans le domaine de l'aviation de combat.

Source : ministère des armées

Le système de combat aérien futur (SCAF) devra « permettre à l'armée de l'air et à la marine nationale de réaliser les missions qui lui sont assignées (maîtrise de la 3ème dimension et action depuis la 3ème dimension) à l'horizon 2040 et au-delà, quelles que soient les menaces rencontrées, en particulier sur des théâtres de haute intensité en disposant d'une grande autonomie » 17 ( * ) . La maîtrise d'ouvrage est pilotée par la France et a vocation à être ouverte à d'autres pays intéressés. L'organisation industrielle est structurée autour de Dassault Aviation comme maître d'oeuvre industriel référent du projet, et Airbus désigné par l'Allemagne. Le projet implique quatre acteurs industriels français majeurs de l'aviation de combat pour leurs domaines d'expertise respectifs (Dassault Aviation, Thales, MBDA et Safran).

2. Face à la montée en puissance du DLR allemand, l'ONERA doit jouer un rôle prépondérant dans SCAF pour préserver les savoir-faire français

À ce stade, l'ONERA n'a joué aucun rôle dans ce projet, alors qu'il dispose d'une solide expérience dans le domaine de l'aviation de combat (le dernier en date étant celui du Rafale). L'Office a indiqué qu'elle aurait « certainement un rôle primordial à jouer à travers ses différentes formes d'intervention, que ce soit en apportant son expertise en assistance à la maîtrise d'ouvrage étatique, par des études menées en sous-traitance au bénéfice des industriels, par des programmes d'étude amont proposés le cas échéant à une collaboration européenne, et par des essais et expertises sur des mesures faites en souffleries. »

En matière de défense, la coopération est sujette outre-Rhin à de nombreuses questions, l'Allemagne devant en particulier choisir si elle pousse davantage une coopération structurée élargie (via le fonds européen de défense) ou bilatérale, ce qui peut modifier le périmètre des actions liées au SCAF notamment. Il n'en reste pas moins que le DLR, semble déjà être assuré d'un budget national pour sa contribution au SCAF, via le BDLI (équivalent allemand du GIFAS), ce qui n'est pas encore le cas pour l'ONERA.

La première phase (dite 1A) du projet, dont le lancement a été acté en février 2020 et dont la durée est de 18 mois, n'associe pas l'ONERA, tandis que le DLR fournit une expertise au ministère de la défense allemand.

La seconde phase (1B) sera plus conséquente car elle débouchera sur un démonstrateur. Sa structure et ses partenaires étant aujourd'hui inconnus, l'ONERA ne dispose donc d'aucune visibilité sur les modalités de sa participation 18 ( * ) . Ses domaines d'excellence, notamment liés à ses grandes souffleries, le rendent quasi-incontournable pour la réalisation des études amont en aérodynamique. Contrairement à l'ONERA, et malgré les efforts budgétaires faits par les pouvoirs publics allemands, le DLR ne maîtrise pas aujourd'hui l'ensemble du spectre de compétences nécessaires à la conception du SCAF. La logique du « juste retour », couplé à la puissance financière du DLR pourraient toutefois nuire à la place que l'ONERA occupera dans ce projet et au maintien des compétences françaises dans ce domaine stratégique.

De manière générale, le rapporteur spécial estime que l'exemple du SCAF est symptomatique de la compétition feutrée ayant actuellement cours entre la France et l'Allemagne en matière d'industrie de défense. Comme l'a indiqué Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation et président du GIFAS, l'Allemagne cherche à revenir à son niveau de compétence d'avant la Seconde Guerre mondiale et à combler l'écart creusé par la France. Dans un domaine connexe, celui de l'espace, les représentants du DLR à l'Agence spatiale européenne (ESA) ont indiqué sans ambages qu'ils avaient pour objectif de devenir les premiers en Europe, devant les français 19 ( * ) .

Il est clair que la coopération en matière d'industrie de défense avec l'Allemagne constitue une nécessité , pour garantir une puissance financière suffisante permettant la conception de technologies abouties, comme le SCAF. Elle constitue également une nécessité géostratégique, dans un contexte d'affaiblissement de l'OTAN. Le succès du SCAF marquerait, à cet égard, une avancée majeure non seulement pour l'industrie, mais pour l'Europe de la défense dans son ensemble.

Le rapporteur spécial estime toutefois que la coopération européenne en matière de défense ne doit pas consister à transférer les technologies industrielles stratégiques à l'Allemagne tout en laissant à la France « le soin de faire la guerre ».

Au contraire, la coopération franco-allemande doit s'appuyer sur les compétences françaises et protéger la propriété intellectuelle dans les domaines stratégiques pour l'indépendance nationale, pour des raisons tant économiques que d'indépendance nationale.

L'ONERA constitue le « gardien » d'un ensemble de moyens et de savoir-faire stratégiques nationaux. Si sa participation au SCAF n'était pas suffisante, la perte définitive de compétences pour l'ONERA constituerait un risque majeur. La durée d'aboutissement d'un projet comme le SCAF, de plus 20 ans, conjugué à sa rareté, rendrait irréversible cette perte de compétence et d'autonomie de la France dans de nombreux domaines (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc.).

Recommandation n° 5 : donner à l'ONERA des garanties et des précisions rapides sur sa participation à la mise au point du démonstrateur du SCAF.

D. LES COMMANDES DE LA DGA À L'ONERA : UN SOUTIEN À CONFIRMER DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE « ACCÉLÉRATION » DE LA PROGRAMMATION MILITAIRE

En plus d'être, en tant que tutelle, l'organisme chargé de « verser » la SCSP à l'ONERA, la direction générale de l'armement (DGA) constitue son principal partenaire commercial.

La collaboration commerciale comprend trois axes stratégiques : la dissuasion, l'intervention, le renseignement et la surveillance.

En matière de dissuasion , l'ONERA constitue ainsi un acteur majeur du programme ASN4G (air sol nucléaire de quatrième génération, successeur du missile air-sol moyenne portée à horizon 2035), et pour lesquels il mobilise plusieurs champs d'expertise (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc). Le statoréacteur, moyen de propulsion retenu pour cette nouvelle génération d'armes, est un domaine d'excellence historique de l'ONERA qui en a été un pionnier. L'ONERA demeure donc un partenaire incontournable de la défense pour le développement des futurs missiles hypervéloces. De même, dans le cadre de la montée en puissance de la Force océanique stratégique (composante navale de la dissuasion nucléaire), l'ONERA apporte son concours à la DGA pour les études amont relatives aux missiles mer-sol balistiques stratégiques (M4, S4, M45, M51). Plusieurs des solutions proposées par l'ONERA ont été intégrées dans les logiciels de bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) après leur transfert à l'industriel 20 ( * ) , en charge notamment de leur évaluation et de leur installation.

En matière de renseignement , l'ONERA a créé le système de surveillance de l'espace GRAVES (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale), entré en service opérationnel en 2005, et est, depuis 2016, en charge de sa rénovation jusqu'en 2030. Ce moyen est aujourd'hui utilisé par l'armée de l'air et constitue un important outil du volet spatial de la défense aérienne.

Le rôle de l'ONERA dans la rénovation de GRAVES

La direction générale de l'armement (DGA) a confié le 10 novembre 2016, la rénovation du système radar Graves (grand réseau adapté à la veille spatiale) à l'ONERA, en cotraitance avec la société Degreane Horizon.

Grâce à ce radar unique en Europe, l'armée de l'air détecte et suit les objets spatiaux évoluant de 400 à 1 000 km au-dessus de la terre. Moyen de souveraineté, il permet en particulier de connaître la trajectoire des satellites d'observation ou d'écoute étrangers et d'anticiper la menace des débris spatiaux pour les satellites français.

Graves se compose d'une station d'émission, d'une station de réception et d'un centre de calcul. Développé par l'ONERA sous contrat de la DGA, il utilise une technologie spécifique de traitement du signal développée dans les laboratoires de l'ONERA. Graves, exploité par les aviateurs du centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux, contribue au volet spatial de la défense aérienne confiée à l'armée de l'air.

La rénovation de Graves va permettre de traiter les obsolescences naturelles d'un système entré en service en 2005 et, à terme, d'améliorer sa performance  de détection face aux objets spatiaux de plus en plus nombreux et aux dimensions de plus en plus réduites.

Source : site du ministère des armées

L'ONERA constitue donc un partenaire majeur de la DGA, et de ce fait, des armées. Lors de son discours du 10 janvier 2019 à l'ONERA, la ministre a semblé vouloir renforcer ce partenariat : « j'ai demandé à la DGA de discuter avec votre président du rôle renforcé que pourra jouer l'ONERA dans la remontée en puissance de nos Armées » 21 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime qu'il s'agit là d'une dynamique vertueuse, puisqu'elle permet d'alimenter les compétences de l'ONERA, renforçant ainsi un acteur de confiance pour les armées. Cette alimentation des compétences permise par les commandes de la DGA permet en outre à l'Office de faire émerger des innovations dans le domaine civil (voir infra .)

La dynamique à l'oeuvre depuis 2018 s'est ainsi traduite par une augmentation de près de 30 % des commandes de la DGA à l'ONERA.

Prises de commande de la DGA à l'ONERA

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les prévisions transmises par l'ONERA, d'une stabilisation des prises de commandes à 38 millions d'euros par an, traduiraient toutefois une inversion regrettable de cette trajectoire.

Le rapporteur spécial estime que le contexte actuel d'augmentation des dépenses publiques, tournées notamment vers les investissements d'avenir, est particulièrement propice à une augmentation des commandes militaires, et devrait naturellement se répercuter sur l'ONERA. De manière plus globale, une accélération de la trajectoire financière prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, que le rapporteur spécial appelait de ses voeux avant même l'éclatement de la crise actuelle 22 ( * ) , constituerait une mesure pertinente de « relance » qui devrait indéniablement se traduire par une augmentation des commandes de la DGA à l'ONERA.

La LPM prévoit en effet que le soutien à l'innovation par le ministère des armées sera porté à 1 milliard d'euros par an dès 2022 contre 730 millions d'euros par an en moyenne dans la précédente LPM et 832 millions d'euros en 2020 23 ( * ) . L'accélération de la LPM entrainerait une augmentation de ces dépenses d'innovation.

Trajectoire des dépenses d'innovation du ministère des armées actuellement prévue par la LPM 2019-2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Les grands domaines d'innovation que prévoit la LPM (la robotique, l'intelligence artificielle, l'informatique quantique, la cryptographie, la génération d'énergie, l'hypervélocité, la furtivité et la cyberdéfense), qui relèvent de projets pilotés par la DGA, concernent en grande partie les domaines d'expertise de l'ONERA. Une augmentation des dépenses d'innovation dans le cadre du plan de relance devrait donc mécaniquement bénéficier à l'ONERA, par le biais d'une augmentation des commandes de la DGA.

Recommandation n°6 : dans le cadre du plan de relance, accélérer l'augmentation des dépenses prévues par la LPM, notamment en matière d'innovation. Cette augmentation de dépenses aura mécaniquement un effet positif sur le montant des prises de commandes de la DGA à l'ONERA.

II. D'IMPORTANTS ATOUTS DANS LE DOMAINE DE L'AÉRONAUTIQUE CIVILE À CONSOLIDER, NOTAMMENT EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE

A. UN SOUTIEN DE LA DGAC RÉAFFIRMÉ À PARTIR DE 2015 AYANT PERMIS À L'ONERA DE RETROUVER LA PLACE QUI LUI REVIENT DANS LE DOMAINE DE L'AÉRONAUTIQUE CIVILE

Dans son rapport particulier de 2015, la Cour des comptes estimait que si « la qualité des équipes et l'excellence scientifique de l'ONERA [étaient] reconnus par ses interlocuteurs et clients (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales - GIFAS, industriels, DGA) et par les instances de gouvernance scientifiques [...] [son] positionnement semble avoir été remis en cause ces dernières années, en particulier dans le domaine de l'aéronautique civile ».

Cette situation est aujourd'hui révolue. L'appréciation de la Cour des comptes portait sur les années antérieures à 2015, marquées par une baisse régulière des commandes. Après avoir traversé une crise structurelle au début des années 2010, l'ONERA a su engager une transformation profonde à partir de 2015 pour se repositionner sur les enjeux prioritaires de l'aviation civile et reprendre progressivement sa place de référent scientifique dans la filière aéronautique française, notamment au sein du CORAC (Conseil pour la recherche aéronautique civile) qui coordonne les efforts de recherche de tous les acteurs de la filière autour d'une feuille de route technologique commune.

Évolution des commandes dans le domaine de l'aéronautique civile

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

L'augmentation de plus de 107 % des commandes dans le domaine de l'aéronautique civile entre 2014 et 2018 illustre cette transformation . En ce qui concerne la DGAC, l'ONERA indique que son faible niveau en 2017 correspond à un défaut conjoncturel de capacité d'engagement de la DGAC 24 ( * ) .

L'élaboration et la mise en oeuvre de cette nouvelle stratégie ont été accompagnées par la DGAC dès 2015, permettant à l'ONERA de retrouver depuis, et de manière durable, la place qui lui revient, au titre de la recherche amont, dans la politique de soutien à la filière portée par la DGAC.

B. UNE EXPERTISE RECONNUE DANS DIVERS DOMAINES, QUI DEVRA ÊTRE RENFORCÉE EN MATIÈRE DE RÉDUCTION D'EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE DU SECTEUR

1. Un positionnement dans le domaine de la sécurité des vols et dans la filière émergente des drones civils

L'ONERA s'est d'abord repositionné à la pointe de la recherche en faveur de la sécurité de l'aviation civile, ainsi que sur les aéronefs autonomes et les drones civils.

En matière de sécurité des vols , la DGAC finance ainsi des projets de recherche visant à faire progresser la connaissance de phénomènes physiques dangereux pour l'aviation (foudre, givre, feu, rupture).

Cette expertise est ensuite directement valorisée auprès de la filière aéronautique nationale, qui en dérive des applications améliorant la sécurité de ses produits.

Par ailleurs, depuis quelques années, l'ONERA s'implique de plus en plus fortement aux côtés des industriels, dans l'étude de systèmes embarqués de nouvelle génération pour le développement d'aéronefs plus autonomes en vue d'une amélioration de la sécurité des vols et de l'efficacité des opérations aériennes.

L'ONERA joue un rôle majeur vis-à-vis de la filière émergente des drones civils. La DGAC s'appuie en effet fortement sur l'expertise de l'ONERA dans les actions du Conseil pour les drones civils qu'elle a mis en place en 2015, que ce soit pour aider au développement de la filière via des formations, des analyses d'architectures de drones et des études de sécurité pour de nouveaux usages.

De manière générale, comme dans le domaine de l'aéronautique militaire, l'ONERA assume un réel rôle d'expertise, de veille et de conseil des administrations . Des travaux visant à appuyer la réaction commune de l'Union européenne au projet américain en cours d'avion supersonique civil sont ainsi menés par l'ONERA. Comme l'a indiqué Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile à ce sujet, l'ONERA est l'un des très rares en Europe et dans le monde à avoir une grande connaissance du supersonique, et à pouvoir « apporter le soutien et la réponse nécessaire dans des délais brefs » à l'administration.

2. La réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien : un axe majeur d'effort de l'ONERA

La réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien est également un axe d'effort majeur de l'ONERA depuis 2015, qui conditionne la soutenabilité à long terme de la croissance du secteur et mobilise aujourd'hui plus de la moitié des efforts de recherche de la filière et du budget de soutien de la DGAC.

Ces efforts se concentrent notamment sur la conception de nouvelles configurations d'aéronefs en rupture et des nouveaux systèmes propulsifs associés.

Les recherches de l'ONERA sur la réduction de l'empreinte environnementale
des aéronefs

L'ONERA apporte une contribution majeure à ces recherches, non seulement avec ses souffleries qui permettent de réaliser des essais complexes, par exemple sur de nouvelles formules aérodynamiques à motorisation enterrée avec ingestion de couche limite (configurations BLI) ou sur l'intégration aéroacoustique des futurs moteurs à très haut taux de dilution, mais aussi à travers le développement d'outils numériques, complémentaires aux essais en soufflerie, qui permettent d'évaluer les performances de ces nouvelles configurations. L'aide financière de la DGAC a contribué à permettre à l'ONERA, préalablement à ces essais, de moderniser et aménager ses grandes souffleries et d'améliorer les techniques d'essais associées, notamment sur son site de Modane qui abrite la plus grande soufflerie européenne. L'ONERA est aussi partenaire des projets de développement de nouveaux outils numériques de modélisation et de simulation portés par les grands intégrateurs et soutenus par la DGAC.

Par ailleurs, l'ONERA se positionne sur l'utilisation de nouvelles énergies pour la propulsion des aéronefs : il participe à des projets de recherche industrielle collaborative au niveau national et européen sur la propulsion électrique distribuée et, aux côtés d'Airbus et Safran, contribue à la préparation d'un plan national dédié à l'avion à propulsion hydrogène.

Source : commission des finances, d'après l'ONERA

Enfin, l'ONERA est un acteur clé du Réseau thématique environnement (RTE) du CORAC : à ce titre, il est impliqué dans diverses études scientifiques visant à améliorer la compréhension des impacts climatiques et atmosphériques de l'aviation, ainsi que dans des études sur la réduction des nuisances sonores générées par l'aviation et leur perception par les riverains des aéroports.

En matière de réduction des émissions de CO 2 , l'ONERA mène ainsi à la fois des études macroscopiques sur les trajectoires de décarbonation à l'horizon 2050 ( task force CO 2 avec le GIFAS et la filière aéronautique) et des études sur les technologies permettant d'y contribuer. Dans ce domaine, l'ONERA est régulièrement sélectionné par la Commission européenne dans des projets Horizon 2020 relatifs aux propulsions propres (projet IMOTHEP gagné en 2019 sur la propulsion hybride, projet ALTERNATE gagné en 2019 sur les carburants alternatifs).

C. L'ONERA DOIT RENFORCER SON POSITIONNEMENT DANS LE DOMAINE DE L'AVIATION VERTE, EN TIRANT PROFIT DU PLAN DE SOUTIEN À L'AÉRONAUTIQUE

L'avenir de l'ONERA en matière d'aéronautique civile doit être replacé dans le contexte plus large de restructuration de la filière. Outre ses objectifs de court et moyen-terme 25 ( * ) , le plan de relance aéronautique présenté par le Gouvernement a pour objectif de « préparer la rupture environnementale de l'aviation ». Ainsi, il vise à mettre en place « dans moins d'une décennie l'intégration dans les aéronefs des technologies de rupture qui fonderont la transformation écologique du secteur, et pour gagner fortement en efficacité (réduction des coûts et des cycles, accélération générale de la maturation des technologies, etc.) 26 ( * ) » Ce plan vise notamment à préparer le successeur de l'A320 sur la gamme moyen-courrier à horizon 2033-2035 propulsé à l'hydrogène 27 ( * ) .

La participation de l'ONERA apparaît inéluctable, puisqu'elle dispose déjà d'une expertise dans ces secteurs, et qu'ils impliquent en partie des travaux de recherche fondamentale ne pouvant pleinement être assumés par les industriels.

Le futur démonstrateur moyen-courrier devrait ainsi s'appuyer sur une propulsion à hydrogène liquide. Les moteurs cryogéniques 28 ( * ) de fusée de type Vulcain, en partie développés par l'ONERA, utilisent l'hydrogène comme comburant. Comme l'a indiqué le directeur général de l'aviation civile au rapporteur spécial, l'Office apparaît à ce titre comme un acteur pleinement à même de franchir les barrières technologique permettant le transfert de cette technologie du moteur fusée au turboréacteur utilisé en aéronautique civile, du fait de sa triple vocation militaire-civile-spatiale.

L'ONERA s'est spontanément engagé sur des projets d'avions « propres », comme l'AMPèRE (Avion à Motorisation réPartie Électrique de Recherche Expérimentale), qui comprennent tant un volet propulsion hybride (reposant sur la pile à combustion ou la pile électrique), que des innovations en matière d'aérodynamique et de structure 29 ( * ) .

De manière générale, la recherche en matière de réduction de l'empreinte environnementale du trafic aérien constitue le deuxième axe de la Feuille de route scientifique et technologique de l'ONERA.

En proportion de l'ensemble de l'ensemble l'activité effectuée, seuls 5 % 30 ( * ) des crédits issus de la SCSP étaient toutefois destinés à ce domaine, soit une légère augmentation par rapport à 2019 (3 %).

Répartition de l'activité de l'ONERA par axe stratégique
effectuée sur SCSP

(en %)

Source : ONERA

Au regard de l'enjeu, tant écologique qu'économique et industriel associé à cette question, l'investissement de l'ONERA apparaît trop faible. Lors de son audition, le président du GIFAS, tout en reconnaissant l'expertise de l'Office, a estimé qu'il devait « davantage jouer son rôle en la matière en proposant des structures aérodynamiques originales, et en multipliant les simulations environnementales ».

Le rapporteur spécial estime donc que l'ONERA doit encore conforter sa place dans le domaine de la réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien . Réciproquement, il appartient au Gouvernement d'associer et de donner le plus rapidement possible des outils à l'ONERA pour remplir ce rôle. L'absence d'association de l'ONERA à la troisième vague du programme des investissements d'avenir (PIA 3) constitue ainsi un choix regrettable. Il conviendra donc qu'une partie financements destinés au volet recherche et développement du plan de soutien à l'aéronautique, d'un montant de 1,5 milliard d'euros, soient effectivement orientés vers l'ONERA 31 ( * ) .

Recommandation n°7 : renforcer le positionnement de l'ONERA sur les questions relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du transport aérien, en mobilisant les financements du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique.

III. UN POSITIONNEMENT DANS LE DOMAINE SPATIAL À CONSOLIDER

A. UNE COLLABORATION HISTORIQUE AVEC LE CNES

L'activité spatiale compte entre 10 et 15 % de l'activité de l'ONERA. Le CNES et l'ONERA sont deux organismes publics qui ont des missions distinctes et complémentaires : le CNES est l'agence française de l'espace, chargée de proposer la politique spatiale au gouvernement français puis de mener les projets spatiaux qui lui sont confiés en étroite coopération avec l'industrie et les laboratoires de recherche (dont l'ONERA). L'ONERA est essentiellement un organisme de recherche civile et militaire spécialisé dans les domaines aéronautique et spatial.

Faisant suite à une série d'accords initiée dès avril 1998, l'accord-cadre mis en place en 2015 a conduit à un renforcement significatif de la coopération entre les deux organismes. Le président du CNES, Jean-Yves Le Gall a ainsi pu confirmer au rapporteur spécial que la relation entre les deux organismes s'était largement améliorée, depuis son arrivée en 2013, à la faveur du changement de direction et de gouvernance qu'a connu l'ONERA .

Dans ce contexte de coopération « retrouvée », trois types d'activités lient le CNES et l'ONERA : des activités en flux, dites « de socle », des chantiers conjoncturels pour les projets spatiaux et des chantiers pour la préparation du futur. Les activités dites de « socle » sont essentiellement constituées de travaux sur les systèmes orbitaux et les lanceurs (notamment réutilisables), et d'un programme de thèse et post-doctoral commun.

Les projets d'intérêt commun entre l'ONERA et le CNES

Les activités « de socle », d'intérêt commun entre les deux organismes sont développées dans une logique d'identification en amont et d'instruction conjointe, et de co-financement. L'ONERA n'est pas mis en concurrence lors des appels d'offres émis par le CNES dans les périmètres d'activités pré-identifiés, pour lesquels le CNES s'est assuré au préalable qu'ils ne généraient pas de distorsion de concurrence, ni de source de déstabilisation dans les écosystèmes industriel et institutionnel existants.

Ces activités de socle s'inscrivent principalement dans les Projets d'Intérêt Commun (PIC) ou dans les conventions spécifiques (par exemple les activités de caractérisation de l'environnement spatial, à travers les conventions liant le CNES et l'ONERA).

Afin de prendre en compte l'arrivée des lanceurs réutilisables, les PIC lanceurs sont en cours de restructuration autour de 4 thèmes : lanceurs réutilisables, propulsion liquide, propulsion solide et acoustique. On notera aussi que l'ONERA est associé à l'initiative Arianeworks. Engagée en 2019, l'initiative ArianeWorks (structure commune CNES-ArianeGroup) a pour objectif d'accélérer les développements technologiques futurs et d'explorer de nouveaux modes de fonctionnement en combinant les compétences véhicule et segment sol dans une même unité ; elle est notamment en charge de conduire avec l'ESA le projet Themis (démonstrateur de lanceur réutilisable).

Dans le domaine des systèmes orbitaux, 5 PIC répondent au besoin d'optimiser les performances, tout en contrôlant et en maîtrisant l'environnement dans lequel évoluent ces systèmes. Les travaux portent sur l'aérothermodynamique pour la problématique de la rentrée des débris, la commande des systèmes orbitaux et robotiques pour les concepts d'agilité et de souplesse, la propagation électromagnétique radiofréquence, la mitigation des turbulences pour les transmissions optiques et la propulsion basée sur des monergols verts.

Source : commission des finances

L'ONERA et le CNES ont nourri de longue date des coopérations en lien avec le développement des charges utiles scientifiques spatiales, ce qui a notamment permis à l'ONERA de se doter de compétences de rang mondial dans certains domaines de niche, le plus caractéristique étant celui des accéléromètres spatiaux de haute précision, dont la mission Microscope constitue un exemple probant 32 ( * ) . Des études partagées par les deux organismes devraient contribuer à terme à la maîtrise du socle technologique permettant l'avènement des accéléromètres spatiaux de nouvelle génération.

B. UNE PRÉSENCE DE L'ONERA SUR LES SUJETS SPATIAUX À PRÉSERVER DANS LES ANNÉES À VENIR

L'accord-cadre de coopération CNES-ONERA signé en 2015 a fait l'objet d'un avenant en prolongeant la durée jusqu'au 30 septembre 2020, permettant de finaliser les discussions entre les deux établissements sur le futur accord, qui devrait mener à un renforcement du dialogue stratégique .

Les flux financiers entre les deux organismes restent toutefois limités. Le volume total des actions prescrites par le CNES à l'ONERA est de l'ordre de 6 millions d'euros par an depuis 2015 (le chiffre enregistré pour 2019 fait état d'un niveau de prise de commande supérieur, de l'ordre de 6,7 millions d'euros par an), avec un fort pourcentage d'activités à caractère dual (plus de 80 % pour les projets d'intérêt commun).

Évolution des commandes du CNES à l'ONERA

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'ONERA

Alors que l'ONERA était un partenaire important du programme Ariane 5 33 ( * ) , l'absence de nouveau projet structurant avec le CNES fait craindre un réel risque de distension des liens entre les deux organismes. La participation de l'ONERA à son successeur, Ariane 6, est en effet aujourd'hui incertaine. Les prises de commandes, déjà faibles (elles atteignent un point bas de 4,8 millions d'euros en 2018) pourraient donc s'en trouver à nouveau réduites.

Le rapporteur spécial estime que la présence de l'ONERA sur les sujets spatiaux constitue un atout important, car la plupart des recherches menées par l'ONERA dans ce domaine ont un caractère dual évident. L'exemple de l'optique adaptative 34 ( * ) , sur lequel s'est investi l'ONERA dès 1980, en constitue un exemple parlant : initialement destiné à l'astronomie, l'Office a réussi à étendre son application à d'autres domaines, militaires (notamment la communication maritime par laser) et civils (médecine, télécommunication).

Le CNES et l'ONERA ont fondamentalement vocation à inscrire leurs activités dans une logique de complémentarité. Ces dernières années, la mise en place et la consolidation de PIC a fortement contribué à accroître la coopération entre les deux organismes et à l'inscrire dans la durée. Le rapporteur spécial souhaite que cette dynamique soit maintenue dans les années à venir.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juillet 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA).

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Mon rapport porte cette année sur un opérateur peu connu du grand public : l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), établissement public de recherche fondamentale dans le domaine aérospatial. Bien qu'il soit placé sous la tutelle du ministère des armées depuis sa création en 1946, l'ONERA a une vocation duale. L'ensemble des grands programmes aéronautiques civils et militaires français comprennent de nombreux apports de l'ONERA. Son rôle est également majeur dans le domaine des missiles tactiques et stratégiques, de la dissuasion nucléaire, des drones, des lanceurs ou encore des satellites.

J'ai souhaité vous soumettre ce rapport pour trois raisons. En premier lieu, en 2015, la Cour des comptes avait pointé un ensemble de dysfonctionnements majeurs de l'Office. Ensuite, l'ONERA est régulièrement évoqué par nos collègues lors de l'examen du projet de loi de finances pour demander le rassemblement de ses sites franciliens ou s'inquiéter des difficultés de fidélisation des personnels. Enfin, nos capacités nationales d'innovation dans le domaine aérospatial ont une importance stratégique, surtout dans le contexte actuel de conception du système de combat aérien du futur (SCAF) et je souhaitais approfondir ce point.

Sur le premier point je vous renvoie à mon rapport pour noter que les nombreux dysfonctionnements liés au fonctionnement du conseil d'administration, aux instances dirigeantes, aux procédures ou à la tutelle sont très largement réglés.

Sur le plan immobilier, si l'on peut regretter que les choses n'aillent pas aussi vite que souhaitées nous sommes rentrés dans une logique de rationalisation avec un regroupement des trois sites franciliens d'ici à 2024 sur le site de Palaiseau permettant de libérer ceux de Meudon et de Châtillon.

L'ONERA dispose également du plus grand parc de souffleries d'Europe, dont la valeur théorique à la reconstruction est d'1,5 milliard d'euros, et qui constituent un atout industriel majeur. On a connu des difficultés à Modane, et aujourd'hui les investissements ont été faits. À cet égard, un prêt de 47 millions d'euros sur 6 ans a été octroyé par la banque européenne d'investissement (BEI) en 2019 afin d'assurer leur pérennité et leur remise à niveau. Cet effort s'est traduit par une hausse de la part de marché de ces souffleries, ce qui constitue incontestablement une évolution positive.

Malgré ces évolutions récentes et son potentiel important, l'ONERA reste gêné dans son développement par la rigidité de certaines règles de gestion, et surtout par le manque de visibilité offerte par les pouvoirs publics sur sa participation à des projets stratégiques.

Avec 1 916 employés au 31 décembre 2019 l'activité de l'ONERA repose pour moitié sur des contrats réalisés à titre onéreux pour des clients privés ou publics financés par la DGA au titre d'une subvention pour charge de service public afin de réaliser des recherches amont. L'augmentation des ressources contractuelles constitue un des principaux objectifs que l'État a fixé à l'ONERA (par le biais du contrat d'objectifs et de performance 2017-2021). Celles-ci ont augmenté ces dernières années, mais restent toujours inférieures aux objectifs.

Sans doute parce que les règles de gestion des effectifs ne sont pas adaptées. Bercy ne peut pas à la fois demander à l'ONERA d'accroitre ses recettes propres et en même temps lui interdire d'augmenter ses effectifs afin de faire appel à des chercheurs correspondant aux profils susceptibles de pouvoir répondre à une demande des entreprises.

L'ONERA est en outre confronté à des difficultés de fidélisation de ses personnels. La comparaison des rémunérations entre l'ONERA et les employeurs du même domaine, tant publics que privés, met en évidence un écart réel en défaveur de l'ONERA, de l'ordre de 300 euros par mois. Afin de permettre à l'ONERA de lancer la négociation salariale nécessaire, une hausse de la subvention pour charges de service public (SCSP) par rapport au contrat d'objectifs et de performance (COP) a été décidée pour la porter de 105 à 110 millions d'euros dès 2020. Les effets de la crise économique actuelle sur le vivier d'emploi de l'ONERA et l'évolution de la concurrence avec les autres employeurs du secteur apparaissent aujourd'hui difficiles à anticiper. Il convient toutefois de maintenir les efforts de fidélisation prévus, afin de parvenir à une consolidation des effectifs.

Après avoir évoqué les menaces « internes », il est important de revenir sur les menaces d'ordre « externe » auxquelles est confronté l'office.

La plus importante est celle de la concurrence de l'homologue allemand de l'ONERA, dans le contexte particulier du développement par la France et l'Allemagne, rejoints par l'Espagne, du système de combat aérien du futur - le SCAF, à horizon 2040. Si l'ONERA coopère très largement avec son homologue allemand, le DLR ( Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt ), sa montée en puissance est susceptible de constituer une menace pour l'indépendance et la pérennité des savoir-faire français. Le DLR allemand met en oeuvre depuis cinq ans une stratégie de développement particulièrement offensive, le budget qu'il dédie à l'aéronautique ayant augmenté de près de 30 % depuis 2015, alors que celui de l'ONERA est resté stable.

Contrairement à l'ONERA, et malgré les efforts budgétaires faits par les pouvoirs publics allemands, le DLR ne maîtrise pas aujourd'hui l'ensemble du spectre de compétences nécessaire à la conception du futur avion de chasse européen, le SCAF. La logique du « juste retour », couplée à la puissance financière du DLR pourrait toutefois nuire à la place que l'ONERA aura dans ce projet et au maintien des compétences françaises dans ce domaine stratégique. Le DLR semble déjà être assuré d'un budget national pour sa contribution au SCAF, via le BDLI ( Bundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie , équivalent allemand du GIFAS), ce qui n'est pas encore le cas pour l'ONERA. Le risque est réel de voir l'ONERA sacrifié au profit de l'industrie aéronautique française, la part du retour industriel entre la France et l'Allemagne devant être le reflet de la part des financements des deux pays.

Il est clair que la coopération en matière d'industrie de défense avec l'Allemagne constitue une nécessité, pour garantir une puissance financière suffisante permettant la conception de technologies abouties, comme le SCAF. Elle constitue également une nécessité géostratégique, dans un contexte d'affaiblissement de l'OTAN. Le succès du SCAF marquerait, à cet égard, une avancée majeure non seulement pour l'industrie, mais aussi pour la coopération européenne en matière de défense.

Cette coopération ne doit toutefois pas consister à transférer les technologies industrielles stratégiques à l'Allemagne tout en laissant à la France « le soin de faire la guerre ».

L'ONERA constitue le « gardien » d'un ensemble de moyens et de compétences stratégiques nationaux. Si sa participation au SCAF n'était pas suffisante, la perte définitive de savoir-faire pour l'ONERA constituerait un affaiblissement majeur. La durée d'aboutissement de ce projet, de plus 20 ans, conjugué à sa rareté, rendrait irréversible cette perte d'autonomie de la France dans de nombreux domaines (aérodynamique, propulsion, furtivité, etc.).

Il est donc indispensable que le gouvernement français donne à l'ONERA des garanties quant à sa participation au SCAF.

De manière plus générale, la place de l'ONERA dans le cadre du plan de relance est incertaine aujourd'hui, tant dans le domaine militaire que civil. Les commandes de la direction générale de l'armement (DGA) à l'ONERA ont augmenté de 30 % depuis 2018, ce qui constitue une dynamique positive.

En matière d'aviation civile, l'ONERA a traversé une crise structurelle au début des années 2010, mais a su engager une transformation profonde à partir de 2015 pour se repositionner sur ces enjeux. Les efforts qu'il consacre aux recherches relatives à la réduction de l'empreinte environnementale du trafic aérien représentent 5 % du montant des travaux effectués sur SCSP en 2019 et apparaissent trop faibles par rapport aux enjeux économiques et industriels en cause. L'ONERA, qui maîtrise certaines technologies comme la propulsion à l'hydrogène au coeur de la stratégie de soutien au secteur aéronautique présentée par le gouvernement, doit occuper une place croissante dans ce domaine dans les années à venir. Je ne puis que déplorer que l'ONERA ait été absent de la troisième vague du programme des investissements d'avenir (PIA 3). Il conviendra donc qu'une partie des financements destinés au volet recherche et développement du plan de soutien à l'aéronautique présenté en juin par le gouvernement, d'un montant de 1,5 milliard d'euros, soient effectivement orientés vers l'ONERA.

M. Vincent Éblé, président. - Merci pour cette communication qui nous apporte un éclairage utile sur un domaine à la fois technique et stratégique.

La commission autorise la publication de la communication de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions au Sénat

Direction générale de l'aviation civile

- M. Patrick GANDIL, directeur général de l'aviation civile ;

- M. Pierre MOSCHETTI, sous-directeur de la construction aéronautique à la direction du transport aérien.

Centre national d'études spatiales

- M. Jean-Yves LE GALL, président.

Dassault Aviation / Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales

- M. Éric TRAPPIER, président.

MBDA France

- M. Éric BERANGER, Chief Executive Officer .

Direction générale de l'armement / Agence de l'innovation de défense

- M. Emmanuel CHIVA, directeur.

Déplacement à l'ONERA

- M. Bruno SAINJON, président-directeur général ;

- M. Jean LÉGER, secrétaire général ;

- M. Patrick WAGNER, directeur des souffleries.


* 1 Loi n°46-895 du 3 mai 1946 relative à l'ONERA.

* 2 Article R3423-2 du code de la défense.

* 3 Le technology readiness level , ou TRL, constitue un outil de mesure de la maturité d'une technologie comportant une échelle s'étendant de 1 (principe de base observé) à 9 (système fonctionnel). Le domaine de TRL sur lequel travaille l'ONERA s'étend de 2 à 6.

* 4 Discours de Madame Florence Parly, ministre des armées à l'ONERA, site de Palaiseau, prononcé le 10 janvier 2019.

* 5 Cour des comptes, rapport particulier sur les comptes et la gestion de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (exercices 2008 à 2013), 2015.

* 6 Les seules absences temporaires à déplorer résultent de vacances de postes.

* 7 Un secrétaire général a été nommé le 1 er janvier 2015 et un directeur scientifique général a été nommé en mars 2015.

* 8 À titre indicatif, l'ONERA estime que la valeur de son parc de souffleries à reconstruction est de 1,5 milliard d'euros.

* 9 Il s'agit des souffleries S1MA, S2MA, S3MA, F1 et de 4 bancs spécialisés : BD2, S4B, S4A, Cepra19.

* 10 Les commandes de la DGA viennent s'ajouter à la SCSP qu'elle verse en tant qu'administration en charge de la tutelle de l'Office.

* 11 Sénat, compte rendu intégral de la séance publique du 2 décembre 2019.

* 12 Ainsi, les doctorants et post-doctorants de l'ONERA sont comptés dans l'effectif sous-plafond, ce qui n'est pas le cas pour d'autres opérateurs de l'État.

* 13 Avis n° 142 (2019-2020) de MM. Pascal ALLIZARD et Michel BOUTANT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 21 novembre 2019,  sur le projet de loi de finances pour 2020 (Programme « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense »).

* 14 L'EREA pour l'aéronautique civile et l'ESRE pour le spatial, l'ONERA ayant été membre fondateur de ces deux associations.

* 15 Les instituts Fraunhofer ont une activité de recherche, mais en général sur des niveaux de maturité technologique (TRL) relativement élevés car leur vocation est essentiellement la recherche appliquée et son transfert vers l'industrie allemande.

* 16 Le soutien public obéit en Allemagne à un fonctionnement différent du nôtre : il provient de deux canaux distincts, le ministère fédéral (programme LUFO pour l'aéronautique) et les Länder (régions) qui ont leurs propres programmes de subvention.

* 17 Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2020.

* 18 Le ministère des armées a récemment indiqué que l'ONERA pourra jouer « tout son rôle », dans donner davantage de précisions : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/l-onera-proche-de-monter-enfin-dans-le-futur-avion-de-combat-europeen-scaf-850111.html

* 19 Audition de Jean-Yves Le Gall, président du CNES.

* 20 ArianeGroup, dans le cas des M51 qui équipent les SNLE

* 21 Discours de Madame Florence Parly, ministre des armées à l'ONERA, site de Palaiseau, prononcé le 10 janvier 2019.

* 22 Avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.

* 23 Point 3.1.2 du rapport annexé à la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 24 L'ONERA ayant été d'ailleurs le seul organisme bénéficiant d'une prise de commande de la part de la DGAC cette année-là, avec la convention PHYDIAS de 3 millions d'euros.

* 25 Ce plan, d'un montant supérieur à 15 milliards d'aide, comprend, outre le soutien à la recherche et développement, un volet d'urgence (prêts garantis au secteur, commande publique) et un volet d'accompagnement des ETI (un fonds de capital investissement et un fonds de subventions).

* 26 Ministère de la transition écologique et solidaire, Plan de soutien à l'aéronautique pour une industrie verte et compétitive, dossier de presse du 9 juin 2020.

* 27 Cet objectif est décliné pour les avions de transport régional et les hélicoptères.

* 28 La cryogénie permet de maintenir l'hydrogène à très basse température, permettant de le conserver à l'état liquide.

* 29 L'AMPèRE repose ainsi sur une propulsion électrique répartie sur l'ensemble des ailes par des mini- fans qui permettent d'accroître la portance de l'avion à basse vitesse.

* 30 Ce chiffre s'élève à 5 % de la part de l'activité contractuelle de l'ONERA.

* 31 Par le biais, par exemple, d'une augmentation des prises de commande de la DGAC à l'ONERA.

* 32 Microscope est une mission spatiale de physique fondamentale dont le principal objectif est de tester la validité expérimentale du principe d'équivalence. L'ONERA était responsable du développement de l'instrument accélérométrique embarqué dans le satellite, du centre de mission scientifique et coordonnait l'exploitation scientifique de la mission.

* 33 Notamment s'agissant du moteur cryogénique Vulcain, évoqué supra au sujet de la propulsion à l'hydrogène, mais également dans les domaines aérodynamique, aérothermique et acoustique.

* 34 Technique de correction permettant de modifier en temps réel les déformations que subit un front d'ondes lumineuses, liées par exemple aux différences de température et de pression atmosphérique.

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