Rapport d'information n° 607 (2019-2020) de MM. Philippe BAS , François-Noël BUFFET , Pierre-Yves COLLOMBAT , Mmes Nathalie DELATTRE , Jacqueline EUSTACHE-BRINIO , Françoise GATEL , MM. Loïc HERVÉ , Patrick KANNER , Alain RICHARD , Jean-Pierre SUEUR et Dany WATTEBLED , fait au nom de la commission des lois, déposé le 8 juillet 2020

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N° 607

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur les
10 premiers jours d' état d' urgence sanitaire : premiers constats -
Analyse des décrets et ordonnances
(justice, intérieur, collectivités territoriales, fonction publique),

Par MM. Philippe BAS, François-Noël BUFFET, Pierre-Yves COLLOMBAT,
Mmes Nathalie DELATTRE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Françoise GATEL, MM. Loïc HERVÉ, Patrick KANNER, Alain RICHARD, Jean-Pierre SUEUR
et Dany WATTEBLED,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mmes Catherine André, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

L'ESSENTIEL

Au lendemain de l'adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, la commission des lois du Sénat a constitué en son sein une mission de suivi pluraliste pour contrôler les mesures prises pour son application .

La mission de suivi s'est réunie le jeudi 2 avril 2020, par visioconférence, pour examiner les premières mesures mises en oeuvre dix jours après la promulgation de la loi.

Si les mesures prises par le Gouvernement respectent le cadre juridique fixé par la loi d'urgence, des points de vigilance subsistent et justifient un contrôle plein et entier du Parlement.

I. CONTRÔLER L'ACTION DU GOUVERNEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE

A. L'ATTRIBUTION TEMPORAIRE AUX POUVOIRS PUBLICS DE MOYENS D'ACTION ÉTENDUS MAIS STRICTEMENT PROPORTIONNES AUX EXIGENCES DE L'ERADICATION DE L'EPIDEMIE

Prenant toute la mesure de l'épidémie de Covid-19, le Parlement a entendu agir résolument en donnant au Gouvernement les moyens de lutter contre la propagation du virus, de prendre en charge les malades et d'assurer la continuité des services publics.

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a été adoptée en moins de quatre jours .

Elle sécurise les mesures prises par le Gouvernement en créant un état d'urgence sanitaire et en organisant le report du second tour des élections municipales . Elle prévoit également une quarantaine d'habilitations à légiférer par ordonnances pour adapter temporairement des pans entiers de la législation (droit du travail, protection sociale, relations économiques et aides aux entreprises, procédures juridictionnelles et administratives, etc .).

Le Gouvernement s'est aussitôt saisi de l'ensemble des moyens juridiques mis à sa disposition. Il a adopté 37 ordonnances depuis la promulgation de la loi 1 ( * ) ainsi que 6 décrets et 4 arrêtés du ministre de la santé pris sur le fondement du régime de l'état d'urgence sanitaire.

Les services de l'État se sont fortement mobilisés pour élaborer ces textes et ont fait oeuvre de pédagogie pour accompagner les citoyens dans cette période à la fois inédite et incertaine 2 ( * ) .

Les collectivités territoriales sont également en première ligne pour préserver la santé de nos concitoyens, veiller sur les personnes les plus vulnérables et assurer, dans l'urgence, la continuité des services publics.

B. LA CRÉATION D'UN GROUPE DE SUIVI PLURALISTE AU SEIN DE LA COMMISSION DES LOIS

Prévue à l'article 24 de la Constitution, la mission de contrôle du Parlement est d'autant plus nécessaire en période de crise , notamment pour s'assurer de la proportionnalité des mesures mises en oeuvre par le Gouvernement.

À l'initiative du Sénat, la loi d'urgence du 23 mars 2020 prévoit que le Parlement est informé « sans délai » des mesures prises au titre de l'état d'urgence sanitaire et qu'il peut requérir « toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures ».

Le Parlement doit également contrôler le contenu des ordonnances prises sur les nombreuses habilitations accordées au Gouvernement qui, si elles constituent des instruments appropriés à la situation d'urgence que nous connaissons, ne constituent en aucun cas un blanc-seing donné au Gouvernement.

Doté de moyens d'action étendus, le Gouvernement n'est pas investi des pleins pouvoirs et doit respecter le principe républicain de légalité pour chacune de ses décisions et pour leurs mesures d'application, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

Comme s'y est engagé M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, « nous devrons construire les voies et moyens pour assurer le contrôle démocratique et l'évaluation du travail effectué par le Gouvernement » 3 ( * ) .

Devant la gravité de la situation, en raison de l'importance sans précédent en temps de paix des restrictions temporaires apportées à l'exercice des libertés les plus fondamentales, du fait notamment de l'insuffisance des autres moyens d'action disponibles, la commission des lois du Sénat a créé en son sein une mission de suivi pluraliste, chargée d'assurer le contrôle du Gouvernement dans les domaines qui relèvent de sa compétence . Cette méthode de travail s'inspire de celle mise en place avec succès pour évaluer la mise en oeuvre des lois relatives à l'état d'urgence et de la loi sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme. Elle s'inscrit dans une démarche coordonnée de l'ensemble des commissions permanentes du Sénat destinée à assurer un suivi concret et exigeant de l'action du Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire.

La mission de suivi : 11 sénateurs issus de tous les groupes politiques

- Philippe Bas (Les Républicains - Manche), président

- François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône)

- Pierre-Yves Collombat (Communiste républicain, citoyen et écologiste - Var)

- Nathalie Delattre (Rassemblement démocratique et social européen - Gironde)

- Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains - Val d'Oise)

- Françoise Gatel (Union centriste - Ille-et-Vilaine)

- Loïc Hervé (Union centriste - Haute-Savoie)

- Patrick Kanner (Socialiste et républicain - Nord)

- Alain Richard (La République en marche - Val d'Oise)

- Jean-Pierre Sueur (Socialiste et républicain - Loiret)

- Dany Wattebled (Les Indépendants - République et territoires - Nord)

La mission de suivi s'est réunie pour la première fois le jeudi 2 avril 2020, en visioconférence .

Son objectif est, dans un premier temps, d' examiner les mesures juridiques prises par le Gouvernement sur le fondement de la loi d'urgence du 23 mars 2020. Ce suivi est d'autant plus indispensable que, par souci de célérité, cette dernière a autorisé le Gouvernement à adopter ses ordonnances sans procéder aux consultations obligatoires préalables imposées par un texte législatif ou réglementaire, à l'exception de la consultation du Conseil d'État. Le présent rapport expose donc les différentes adaptations juridiques décidées par le Gouvernement, par une analyse précise des décrets et des ordonnances déjà publiés.

Au cours des semaines à venir, le groupe de suivi évaluera la mise en oeuvre pratique des décisions du Gouvernement , afin de pouvoir porter une appréciation sur l'organisation retenue et les moyens mis en oeuvre. Sans établir de liste exhaustive, ce travail pourrait porter sur la proportionnalité et la pertinence des mesures d'exception prises pour assurer la continuité de l'action des administrations et des juridictions pendant la crise sanitaire, la gestion des agents publics, le déploiement opérationnel des forces de la sécurité civile, les modalités d'organisation des forces de sécurité intérieure pour assurer le contrôle des mesures prescrites par le Gouvernement, la situation des lieux privatifs de liberté, ou encore l'usage éventuel des données personnelles pour lutter contre l'épidémie.

Une attention particulière sera également portée à l'action menée par les collectivités territoriales , notamment par les communes dont les équipes sortantes ont été provisoirement reconduites, pour faire face à la crise. Elle sera également vigilante quant aux modalités de renouvellement des conseils municipaux et de leurs exécutifs.

La mission de suivi compte s'appuyer sur des remontées de terrain afin d'alerter le Gouvernement sur des difficultés concrètes , qui demandent des réponses à la fois claires et rapides. Son président a déjà transmis au ministre de l'intérieur, dès le 25 mars, des premières interrogations concernant l'organisation du second tour des élections municipales.

Elle procédera également à des auditions, par visioconférence, des ministres concernés.

Les conclusions de la commission des lois ont vocation à nourrir un bilan global de l'application de la loi d'urgence du 23 mars 2020, qui sera dressé en collaboration avec les autres commissions du Sénat.

II. TIRER LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DES MESURES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT

A. LE RESPECT DU CADRE JURIDIQUE FIXÉ PAR LA LOI D'URGENCE DU 23 MARS 2020

D'une manière générale, les mesures prises par le Gouvernement respectent le cadre juridique fixé par la loi d'urgence du 23 mars 2020 .

Les mesures prescrites par le Premier ministre et le ministre de la santé sur le fondement du nouveau régime d'état d'urgence sanitaire (confinement, fermeture des établissements recevant du public et des établissements scolaires, etc .) confortent les mesures déjà prises par les autorités publiques au cours des dernières semaines pour juguler l'épidémie. Toutes entrent dans le champ des prérogatives accordées par le législateur.

Les 16 ordonnances déjà adoptées, qui relèvent du champ de compétence de la commission des lois, entrent dans le cadre des habilitations - certes très larges - consenties par le législateur.

Les choix faits pour assurer la continuité de la vie de la Nation apparaissent pertinents et proportionnés au regard de la nature et de l'importance de la menace sanitaire. Il en va ainsi, en particulier :

- de l'aménagement général des délais applicables, qui permet de préserver les droits des personnes et des autorités publiques de déchéances encourues en cas de dépassement ;

- de l'adaptation des règles d'organisation des juridictions judiciaires et administratives , ainsi que de certaines règles de procédure, qui permettent d'assurer la continuité de l'activité juridictionnelle ;

- de la modification ponctuelle des règles de compétence et de procédure au sein des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, afin de maintenir les possibilités d'action au niveau local ;

- de l'aménagement des règles applicables en cas de défaillance d'entreprises, afin de favoriser l'activité économique dans un contexte particulièrement pénalisant.

En matière électorale, le Gouvernement a d'ores et déjà mis en oeuvre une proposition du Sénat : les candidatures régulièrement enregistrées avant le 17 mars 2020 resteront valables pour le second tour des élections municipales , simplifiant ainsi les démarches des candidats.

Les mesures prises par ordonnance , adoptées dans l'urgence pour faire face à une situation inédite, ne sauraient par nature être que temporaires compte tenu des dérogations multiples qu'elles apportent à notre droit. Elles ne doivent s'appliquer que pendant la période d'urgence et, le cas échéant, dans les quelques semaines qui suivent afin de favoriser un « retour à la normale » progressif de notre société.

En tout état de cause, si l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 devait se poursuivre au-delà de deux mois, le Parlement, qui devra être saisi pour l'autoriser, devrait alors décider, au terme d'une analyse au cas par cas et au vu de l'évolution des circonstances épidémiques, si les adaptations législatives prises restent justifiées dans leur totalité .

B. DES POINTS DE VIGILANCE QUI DEMEURENT

Des points de vigilance subsistent concernant les ordonnances et les décrets pris par le Gouvernement, même s'ils restent ponctuels au regard de l'ampleur des modifications apportées au droit en vigueur 4 ( * ) .

1. La mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire

Les mesures prescrites à ce jour par le Gouvernement pour limiter la propagation de l'épidémie et adapter l'organisation et le fonctionnement du système de santé apparaissent nécessaires et proportionnées à l'état de la situation sanitaire du pays.

La mission de suivi constate que les recommandations formulées, d'une part, par le Conseil d'État dans son ordonnance en référé du 22 mars 2020, qui enjoignait notamment au Gouvernement de préciser la portée de certaines mesures prescrites (dérogation pour les déplacements pour motif de santé ou pour pratiquer une activité physique et encadrement des marchés) et, d'autre part, par le conseil de scientifiques qui, dans son dernier avis du 23 mars, a appelé à un prolongement et un durcissement du confinement, ont été largement suivies d'effet.

Pour assurer un contrôle efficace, il importe désormais que le Parlement soit destinataire de l'ensemble des mesures d'application prises par les préfets au niveau local dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, notamment lorsqu'elles imposent des restrictions plus importantes à la liberté d'aller et de venir des personnes. La mission de suivi a d'ores et déjà sollicité, par courrier, le ministre de la santé, afin que soient déterminées, dans les plus brefs délais, les modalités pratiques de cette communication. La mission souhaite aussi être régulièrement informée des contentieux ouverts devant la juridiction administrative sur l'application des mesures de restrictions aux libertés.

Enfin, bien que la mission de suivi manque encore d'informations officielles sur la mise en oeuvre pratique des mesures de l'état d'urgence sanitaire, il lui apparaît, au regard des premières remontées de terrain dont elle dispose, qu'une vigilance particulière devra être portée sur la réalisation des contrôles par les forces de l'ordre et l'application des sanctions pénales. Il importe, dans ce domaine, que des instructions claires soient adressées tant aux forces de sécurité intérieure qu'aux maires pour préciser les modalités de ces contrôles et les responsabilités respectives de chacun, y compris pour préciser les modalités d'application de la nouvelle amende forfaitaire prévue pour les contraventions de la 5 ème classe.

2. Le fonctionnement des juridictions

En ce qui concerne le fonctionnement des juridictions, la mission de suivi souligne que les adaptations décidées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne sauraient être opérées au détriment des droits fondamentaux des justiciables. Il conviendra de veiller à ce que les juridictions privilégient le renvoi lorsque cela est possible et, en matière pénale, lorsque la complexité ou la gravité d'une affaire le justifient, afin que les avocats soient en mesure d'exercer pleinement les droits de la défense.

La mission de suivi sera vigilante sur les conditions dans lesquelles il est recouru, sans l'accord des parties, aux audiences par visioconférence, voire par téléphone , et sur les cas dans lesquels le juge aura usé de sa faculté de ne pas tenir audience , nonobstant la possibilité de les organiser à distance, en particulier pour les ordonnances de protection s'agissant du juge aux affaires familiales, pour les référés libertés s'agissant du juge administratif et pour les décisions de placement en détention provisoire s'agissant du juge pénal. Il importe que ces dérogations soient utilisées par les juridictions de manière exceptionnelle, proportionnée et en fonction de la nécessité de chaque affaire afin d'éviter les situations les plus attentatoires aux droits du justiciable. S'agissant des vidéo-audiences, rien ne semble s'opposer à ce que les garanties requises par la jurisprudence du Conseil constitutionnel 5 ( * ) soient mises en oeuvre en respectant les gestes barrières. Une instruction de la Chancellerie en ce sens paraît nécessaire afin d'éviter tout risque de nullité de procédure ou de contentieux devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Il conviendra également d'être attentif à la situation des prisons . Certaines mesures décidées pour mettre en oeuvre le confinement, comme la suspension des parloirs , ont entraîné des tensions, que l'administration pénitentiaire a jusqu'ici réussi à maîtriser. La libération anticipée de certains détenus peut être un moyen de réduire la surpopulation carcérale et ainsi de limiter la propagation du virus au sein des établissements pénitentiaires. Elle doit cependant être opérée avec beaucoup de discernement pour éviter, d'une part, que ces libérations ne débouchent sur une recrudescence de la délinquance et pour s'assurer, d'autre part, que les personnes libérées disposeront, après leur sortie de prison, d'une solution d'hébergement satisfaisante leur permettant de respecter les règles de confinement. La mission s'interroge en outre sur la capacité des services pénitentiaires d'insertion et de probation à préparer de façon satisfaisante, dans le contexte actuel, ces libérations anticipées et à assurer le suivi des anciens détenus

3. Le fonctionnement des collectivités territoriales

Si un grand nombre des dispositions prises par le Gouvernement par voie d'ordonnance pour faciliter le fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pendant l'état d'urgence sanitaire recueillent l'adhésion, la mission de suivi émet néanmoins de fortes réserves sur les assouplissements apportés aux conditions de quorum et de délégation de vote au sein des assemblées locales, qui vont au-delà des dérogations adoptées par le Parlement à l'article 10 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée, et qui par ailleurs sont étendues aux commissions permanentes. Le dispositif voulu par le Gouvernement permettra, par exemple, à deux membres seulement d'une commission permanente de quinze membres de délibérer valablement, pour prendre des décisions au nom de l'assemblée délibérante, si l'un d'entre eux est porteur de deux pouvoirs et l'autre d'un seul. Il pourrait également s'appliquer à l'élection des maires si les conseils municipaux élus au complet dès le premier tour étaient autorisés à se réunir avant la fin de l'état d'urgence sanitaire.

De telles délibérations et élections, juridiquement valides - sauf à ce que le Conseil d'État en décide autrement à l'occasion d'un recours formé contre l'ordonnance - n'en seront pas moins politiquement très fragiles . Mieux vaudra, selon la mission de suivi, faire usage des facilités prévues par la même ordonnance pour organiser des réunions de l'assemblée délibérante ou de la commission permanente par téléconférence ou audioconférence.

Plus largement, la commission des lois sera très attentive à l'impact des mesures prises par voie d'ordonnance sur la vie démocratique de nos collectivités, et s'attachera à évaluer leur pertinence dans les petites communes, où l'accès au numérique est très souvent insuffisant.

Le Gouvernement a également décidé d'une modification des délais liés au transfert de la compétence d'organisation de la mobilité dans les communautés de communes, conduisant à un calendrier particulièrement contraint risquant de faire obstacle à une prise de compétence sereine de l'établissement public de coopération intercommunale.

4. La gestion des agents publics dans un contexte de crise sanitaire

Les concours administratifs sont suspendus depuis le 12 mars dernier, ce qui empêche de pourvoir les postes vacants de fonctionnaires. Le Gouvernement prévoit, en conséquence, d'adapter les voies d'accès à la fonction publique, par exemple en supprimant certaines épreuves écrites et en autorisant le recours à la visioconférence pour les épreuves orales.

Les organisateurs de concours ont toutefois besoin de davantage de visibilité sur les possibilités qui leur seront offertes , notamment en ce qui concerne les visioconférences 6 ( * ) .

Le Gouvernement doit également préciser la situation des apprentis travaillant dans le secteur public, qui ne sont plus accueillis dans les centres de formation des apprentis (CFA) depuis le 16 mars.

Les ordonnances du 1 er avril 2020 ont apporté des premières réponses en permettant de prolonger, par avenant, les contrats d'apprentissage jusqu'à la fin du cycle de formation. Les modalités d'accueil dans les collectivités territoriales doivent encore être clarifiées, les apprentis ne pouvant pas toujours recourir au télétravail.

À ce stade, les fonctionnaires et les agents contractuels sont exclus de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat , prévue pour les salariés du secteur privé et exonérée d'impôts et de prélèvements sociaux.

Comme l'a proposé France urbaine, cette prime devrait être étendue aux agents publics mobilisés pour faire face à la crise sanitaire et assurer la continuité des services publics . Elle serait alors distincte du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), qui ne couvre ni la fonction publique hospitalière ni les forces de sécurité.

5. Les élections municipales et consulaires

§ L'élection des maires et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour

Dans ces communes, l'élection du maire et des adjoints doit être la plus rapide possible pour respecter le vote des électeurs et permettre aux nouvelles équipes municipales de commencer à travailler.

Le Gouvernement s'y est d'ailleurs engagé devant la représentation nationale lorsqu'il a constaté, au regard des recommandations du comité de scientifiques, que l'élection des maires et des adjoints ne pouvait pas avoir lieu entre le 20 et le 22 mars dernier. Elle peut d'ailleurs se tenir en amont du second tour des élections municipales, les contraintes d'organisation étant beaucoup moins fortes.

La loi d'urgence du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à mettre en place, par ordonnances, des outils pour faciliter l'élection des maires et des adjoints.

Ces mesures doivent être prises dans l'urgence, par exemple en prévoyant un vote à l'urne, par correspondance ou par voie électronique . De tels dispositifs devront garantir la sécurité du vote et être accessibles pour l'ensemble des communes, y compris les plus petites. Ils semblent préférables à l'élection du maire et des adjoints par seulement un neuvième des conseillers municipaux présents, comme le permettent les ordonnances du Gouvernement (voir supra ).

§ Le contentieux du premier tour des élections municipales

Le Gouvernement a permis aux électeurs de contester le résultat du premier tour de l'élection municipale « jusqu'à cinq jours après la date de prise de fonction des candidats élus » (prévue en mai ou en juin prochain) et au tribunal administratif de statuer jusqu'au 31 octobre 2020. Le délai de jugement devant les juridictions administratives, qui est habituellement de trois mois, serait compris entre quatre et cinq mois à compter du dépôt du recours.

L'adaptation du délai de recours pour les citoyens peut s'expliquer par les difficultés pour consulter les listes d'émargement, qui constituent des pièces essentielles dans les contentieux électoraux. Les droits des requérants constituent, en effet, une priorité pour la mission de suivi. L'allongement des délais de consultation des listes d'émargement, prévu par les ordonnances, va d'ailleurs dans le bon sens.

Pour autant, l'augmentation du délai de jugement des tribunaux administratifs paraît tout à fait excessive . Elle fragilise la situation des conseillers municipaux élus dès le premier tour, en laissant planer une certaine incertitude sur leur mandat .

À ce stade, la mission de suivi n'exclut pas de modifier ce délai de jugement lors de la ratification des ordonnances, par exemple pour maintenir le délai de droit commun (trois mois).

§ Les élections consulaires des Français de l'étranger

Initialement prévues en mai 2020, les élections consulaires sont reportées en juin 2020 au plus tard.

Le calendrier retenu par le Gouvernement paraît particulièrement contraint et risque de réduire la campagne électorale à sa plus simple expression . Il suppose également que le comité de scientifiques rende son rapport sur l'organisation du scrutin le 7 mai 2020 au plus tard, ce qui peut apparaître prématuré au regard de l'évolution de l'épidémie.

Plusieurs questions restent en suspens :

- les élections consulaires pourront-elles être organisées en juin prochain, notamment au regard de l'évolution de l'épidémie à l'échelle mondiale ?

- quelles seraient les conséquences d'un report des élections consulaires sur les élections sénatoriales ? Pourrait-on envisager de différer l'élection des seuls sénateurs représentant les Français de l'étranger ?

6. Le droit des entreprises en difficulté

Les mesures de confinement exigées par la situation sanitaire ont une incidence très lourde sur l'activité d'un grand nombre d'entreprises et peuvent faire craindre une multiplication des défaillances au cours des prochains mois, alors même que le bon déroulement des procédures destinées à prévenir les difficultés des entreprises ou à y mettre fin est entravé.

Face à cette situation, d'importantes dispositions ont été prises par le Gouvernement par voie d'ordonnance. Si l'allégement des formalités procédurales ne soulève aucune objection, il n'en va pas de même du prolongement des délais des diverses procédures collectives ni, surtout, de la disposition qui « gèle » la situation des débiteurs à la date du 12 mars 2020 pour l'appréciation de l'état de cessation des paiements. Il convient certes de protéger les entreprises affectées par la crise sanitaire, mais il ne faudrait pas qu'en fermant temporairement les yeux sur leurs difficultés, on aggrave celles-ci au point de compromettre leur survie, de léser gravement les intérêts de leurs créanciers (prêteurs, fournisseurs, etc .) et de provoquer ainsi des défaillances en chaîne . En tout état de cause, les juridictions devront faire une application prudente de ce « gel » pour prévenir tout risque de fraude .

7. Les outils de traçage numérique

Le recours à de nouveaux outils numériques et à l'analyse des données à caractère personnel est envisagé par le Gouvernement pour renforcer l'efficacité des moyens traditionnels de lutte contre la pandémie, notamment dans le cadre d'une stratégie de sortie de confinement.

S'il semble possible de procéder à droit constant à des études épidémiologiques (avec des données anonymisées et suffisamment agrégées) ou au traçage personnalisé des personnes exposées (à des fins de prévention et avec leur consentement), ces outils peuvent néanmoins poser de graves questions au regard des libertés individuelles : les propositions du Gouvernement en matière de traçage devront donc être rapidement examinées au Parlement et avec la plus grande vigilance.

PREMIÈRE PARTIE :
LES MESURES PRESCRITES PAR
LE GOUVERNEMENT EN APPLICATION
DU RÉGIME DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

Dès le lundi 23 mars, date d'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement a pris deux principales mesures réglementaires, un décret du Premier ministre et un arrêté du ministre de la santé, qui se sont substituées à l'ensemble des arrêtés et décrets pris depuis le début de la crise sanitaire.

Ces actes ont été, depuis leur date d'entrée en vigueur, modifiés à cinq reprises .

La plupart des mesures qu'ils contiennent figuraient dans les décrets et arrêtés pris par les autorités publiques au cours des dernières semaines 7 ( * ) . Certaines adaptations ont toutefois été portées au dispositif pour tenir compte de l'évolution de la situation sanitaire, des avis rendus par le comité scientifique 8 ( * ) ainsi que de l'ordonnance rendue par le Conseil d'État le 22 mars 2020 9 ( * ) .

Toutes entrent dans le champ des prérogatives accordées par le législateur.

I. LE DÉCRET DU PREMIER MINISTRE DU 23 MARS 2020 : LA DÉFINITION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DU COVID-19

Pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique créé par la loi d'urgence, le décret du Premier ministre n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrit plusieurs mesures générales destinées à lutter contre l'épidémie du Covid-19. Certaines reprennent les dispositions déjà prévues par les arrêtés et décrets pris au cours des dernières semaines ; d'autres sont des mesures nouvelles.

A. DES MESURES DE « CONFINEMENT » RENFORCÉES ET PROLONGÉES

Le décret réitère tout d'abord l'interdiction de sortie du domicile qui avait été prescrite par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, tout en modifiant légèrement son contenu.

Aux cinq motifs de déplacements exceptionnels qui avaient été prévus (exercice de l'activité professionnelle, achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle ou de biens de première nécessité, motif de santé, motif familial impérieux, déplacements de courte durée pour pratiquer une activité physique ou promenade), trois nouveaux motifs ont ainsi été ajoutés : les déplacements résultant d'une obligation de présentation aux services de police ou de gendarmerie ou à tout autre service imposée par l'autorité de police administrative ou judiciaire ; les déplacements résultant d'une convocation émanant d'une juridiction administrative ou de l'autorité judiciaire ; les déplacements réalisés aux seules fins de participer à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative.

Ces nouveaux motifs ont notamment vocation à couvrir les obligations de « pointage » des personnes faisant l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif ou de surveillance (MICAS) sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure ainsi que les convocations devant les services d'insertion et de probation des personnes placées sous main de justice.

Il a par ailleurs été procédé à un encadrement plus strict de certaines dérogations , auquel le juge des référés du Conseil d'État invitait, s'agissant d'une part des déplacements pour pratiquer une activité physique, limités à un rayon d'un kilomètre, et d'autre part des déplacements pour motifs de santé, désormais limités aux seules situations ne pouvant être traitées à distance ou ne pouvant être différées.

Enfin, d'un point de vue temporel, ces mesures de confinement, initialement prévues jusqu'au 31 mars, ont été prolongées jusqu'au 15 avril par décret modificatif le 27 mars 2020, conformément à l'avis public du conseil de scientifiques du 23 mars 10 ( * ) .

B. LES AUTRES RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ D'ALLER ET DE VENIR : CONTRÔLE DES TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS ET PLACEMENTS EN QUARANTAINE

Plusieurs autres mesures restreignant ou encadrant les déplacements par différents moyens de transports sont prescrites dans le décret, à l'instar de ce que prévoyait déjà l'arrêté du ministre de la santé du 14 mars 2020 :

- la restriction, jusqu'au 15 avril, des mouvements de navires de croisières et de navires à passagers dans les ports ainsi que dans les eaux territoriales françaises. Initialement limitée à la Corse et aux départements et collectivités d'outre-mer ainsi qu'aux seuls navires transportant plus de 100 personnes, la mesure a été renforcée par un décret modificatif du 30 mars 11 ( * ) : sont désormais interdites, dans l'ensemble des eaux territoriales françaises, les escales des navires transportant des passagers, quel que soit leur nombre, à l'exception des navires de commerce, qui sont autorisés à débarquer lorsqu'ils transportent moins de 100 personnes ;

- l'interdiction, jusqu'au 15 avril 2020, des transports aériens de personnes entre le territoire hexagonal et les territoires d'outre-mer (La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna), ainsi qu'entre ces territoires, sauf pour des motifs impérieux d'ordre personnel ou familial, des motifs de santé relevant de l'urgence et des motifs professionnels ne pouvant être différés.

Par un décret modificatif du 26 mars 2020 12 ( * ) , le Premier ministre a durci les conditions de déplacement des personnes par voie aérienne à destination des collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, en autorisant le préfet à placer en quarantaine toutes les personnes arrivant dans ces territoires par avion en provenance du territoire métropolitain .

Ces restrictions répondent aux constats formulés par le conseil de scientifiques qui, dans son avis public du 23 mars, « rappelle l'importance de restreindre au maximum les déplacements en provenance de la métropole », notamment « vers les départements, régions et collectivités d'Outre-mer ».

- enfin, l'imposition de certaines obligations particulières aux entreprises de transport public collectif routier (bus), guidé (métro, tram) ou ferroviaire (trains) ainsi qu'aux transports en taxi : obligations de nettoyage, information des usagers sur les mesures « barrières », interdiction de la vente à bord de tickets.

C. L'INTERDICTION DES RASSEMBLEMENTS ET DES RÉUNIONS

Initialement prescrite par l'arrêté du 14 mars 2020 du ministre de la santé, l'interdiction jusqu'au 15 avril 2020 des rassemblements, réunions ou activités rassemblant plus de 100 personnes de manière simultanée est renouvelée.

Il est toutefois laissé la possibilité aux préfets, en fonction des circonstances locales :

- soit d'autoriser à titre dérogatoire certains rassemblements, réunions ou activités considérés comme indispensables à la continuité de la vie de la Nation ;

- soit prendre des mesures plus restrictives lorsque les circonstances locales l'exigent.

D. LA PROLONGATION DES FERMETURES D'ÉTABLISSEMENTS DE DIFFÉRENTES NATURES

Les mesures de fermeture d'établissements, prévues par arrêté du 15 mars 2020 du ministre de la santé, prévues jusqu'au 15 avril 2020, sont reprises dans le décret et complétées par la fermeture des marchés, couverts ou non, au sujet desquels l'ordonnance précitée du Conseil d'État invitait le Gouvernement à « évaluer les risques pour la santé publique [de leur] maintien en fonctionnement ».

Sont également prolongées, jusqu'au 15 avril 2020, les mesures de fermeture d'établissements des établissements scolaires, d'enseignement et des universités.

E. LES RÉQUISITIONS : FACILITER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ET RENFORCER LA PROTECTION DES PERSONNELS DE SANTÉ

Plusieurs fois complété depuis son entrée en vigueur, le décret du Premier ministre donne un cadre réglementaire aux autorités publiques, nationales et locales, pour procéder à des réquisitions , comme la loi l'y autorisait.

La plupart d'entre elles vise à garantir un meilleur accès des professionnels de santé aux masques et autres équipements de protection , sur lequel le conseil de scientifiques a, encore le 23 mars, alerté les autorités.

Est ainsi prescrite, jusqu'au 31 mai, la réquisition par les services de l'État non seulement des stocks de masques, mais également des masques produits et des masques importés, au-delà d'un seuil de 5 millions d'unités par trimestre par personne morale. Il est en outre donné habilitation aux préfets de procéder à la réquisition, lorsque la situation sanitaire le justifie et selon les circonstances locales, des matières premières nécessaires à la confection de masques de protection 13 ( * ) .

Le second volet des réquisitions prescrites tend à favoriser l'accueil et la prise en charge des patients par le système de santé . Le décret du 23 mars 2020 donne, à cette fin, habilitation au ministre de la santé de réquisitionner, afin d'assurer l'acheminement de produits de santé et d'équipements de protection individuelle, les aéronefs civils et les personnels nécessaires à leur fonctionnement. Il habilite également les préfets à procéder à la réquisition de tout établissement de santé ou établissement médico-social et des biens, services ou personnes nécessaires au fonctionnement de ces établissements 14 ( * ) , ainsi que de tout établissement recevant du public (sauf commerces, restaurants et débits de boissons, lieux de culte, établissements flottants et refuges de montagne) 15 ( * ) .

Les conditions d'indemnisation des personnels de santé sur le fondement de ces dispositions ont été précisées par arrêté du ministre de la santé du 28 mars 16 ( * ) .

F. LES MESURES TENDANT À FACILITER L'ACCÈS AUX TRAITEMENTS

Plusieurs mesures qui figuraient déjà dans les arrêtés du ministre de la santé ainsi que du ministre de l'économie et des finances 17 ( * ) sont reprises dans le décret du 23 mars 2020 :

- le plafonnement du prix des solutions hydro-alcooliques ;

- la limitation de la distribution du paracétamol à une boîte par personne, sauf en cas de prescription médicale.

Ces mesures ont été complétées par un décret modificatif du 28 mars 18 ( * ) afin d'autoriser les pharmacies à usage intérieur, c'est-à-dire les pharmacies internes aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux, à vendre aux personnes malades ou susceptibles d'être malades du Covid-19, sur prescription médicale, des produits à base de paracétamol sous forme injectable.

Par un décret du 25 mars, le Premier ministre a par ailleurs autorisé, sous réserve du respect de certaines conditions, le traitement par hydroxychloroquine des patients atteints par le Covid-19, au sein des établissements de santé où ils sont hospitalisés.

II. L'ARRÊTÉ DU MINISTRE DE LA SANTÉ DU 23 MARS 2020 : DES MESURES D'ADAPTATION DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ

Complétant le décret du Premier ministre, un arrêté du ministre de la santé du 23 mars 2020 prescrit plusieurs mesures adaptant l'organisation et le fonctionnement du système de santé pour faire face à l'épidémie du Covid-19.

La plupart d'entre elles étaient déjà en vigueur et ne sont qu'une reprise des dispositions prescrites par le ministre de la santé au cours des dernières semaines, auxquelles il est donné un nouveau fondement juridique .

Ces mesures poursuivent deux principaux objectifs :

a) d'une part, faciliter la gestion de l'afflux de patients par le système de santé . Pour ce faire, l'arrêté du ministre de la santé :

- autorise les pharmacies à délivrer, y compris sur la base d'une ordonnance arrivée à expiration, les médicaments nécessaires à la poursuite d'un traitement, sans nécessité de solliciter à nouveau le corps médical. Il s'agit d'anticiper la forte mobilisation et le risque d'indisponibilité des médecins ;

- donne compétence aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) pour autoriser certains établissements de santé à réaliser une activité de soin autre que celles pour lesquelles ils ont été autorisés, afin de permettre au système de santé de faire face à l'afflux de patients ;

- donne un cadre au développement de la télésanté, afin de faciliter la prise en charge médicale à domicile ;

- autorise les médecins de prévention et de contrôle à délivrer des soins curatifs lorsqu'ils sont réquisitionnés pour lutter contre l'épidémie 19 ( * ) ;

- autorise le recours aux moyens militaires pour assurer le transfert des patients d'une région à une autre, ainsi que leur prise en charge dans le cadre de structures temporaires. Cette disposition a notamment permis l'installation, à Mulhouse, d'un hôpital militaire temporaire pour faciliter la prise en charge de l'afflux importants de personnes atteintes par le virus ;

- autorise, depuis le 31 mars 20 ( * ) , les infirmiers à poursuivre les soins qu'ils dispensent, notamment à domicile, aux patients atteints d'une pathologie chronique, au-delà de la validité de la prescription médicale ;

b) d'autre part, fluidifier l'approvisionnement des produits et équipements de protection , en :

- autorisant les pharmacies à préparer elles-mêmes de la solution hydro-alcoolique en cas de de rupture d'approvisionnement ;

- organisant un réseau de distribution de masques, à titre gratuit, aux personnels de santé par le truchement des pharmacies, jusqu'au 15 avril 2020.

III. LES POINTS DE VIGILANCE

A. L'ADAPTATION DES MESURES DE CONFINEMENT À CHAQUE TERRITOIRE : UNE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES À PRÉCISER, UNE INFORMATION DU PARLEMENT À RENFORCER

Conformément aux dispositions de la loi d'urgence, il a été donné habilitation aux préfets de prendre, sur leurs territoires, au vu des circonstances locales, des mesures plus restrictives en matière de trajets et de déplacements des personnes.

Dans plusieurs départements, des arrêtés préfectoraux ont été pris, en application de ces dispositions réglementaires, notamment en vue d'imposer des couvre-feux.

La mission de suivi a également été informée de la mise en oeuvre, par certains maires, d'arrêtés municipaux restreignant la liberté de mouvement de la population par l'imposition de couvre-feux, bien que ni la loi, ni le décret, ne leur attribue cette compétence . C'est pourquoi elle juge nécessaire que le Gouvernement adresse à l'ensemble des préfets des instructions claires pour que la répartition des compétences entre les autorités détentrices du pouvoir de police dans l'adaptation locale des mesures restrictives de liberté soit clarifiée auprès de l'ensemble des maires, conformément à l'articulation des pouvoirs de police spéciale et des pouvoirs de police générale.

Par ailleurs, la mission observe qu'en dépit des prérogatives renforcées qu'il détient pour assurer le contrôle des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire, le Sénat n'a, pour l'heure, pu obtenir une information exhaustive sur ces réglementations locales. Il importe donc que le Parlement soit destinataire, sans délai, de l'ensemble des mesures d'application prises par les préfets et, le cas échéant par les maires, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, notamment lorsqu'elles imposent des restrictions plus importantes à la liberté d'aller et de venir des personnes et soit informé des contentieux ouverts devant la juridiction administrative sur l'application des mesures de restrictions aux libertés.

La mission de suivi a d'ores et déjà sollicité, par courrier en date du 30 mars, le ministre de la santé, afin que soient déterminées, dans les plus brefs délais, les modalités pratiques de cette communication.

B. UNE ATTENTION À PORTER SUR LES MODALITÉS DE CONTRÔLE DU CONFINEMENT ET L'APPLICATION DES SANCTIONS ENCOURUES

Selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur, entre le 16 mars 2020, date de mise en oeuvre des premières mesures de confinement, et le 27 mars, 4,3 millions de contrôles auraient été effectués par les forces de l'ordre et 260 000 infractions verbalisées pour violation des règles de confinement, dont 35 % avant l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire.

Bien qu'elle ne dispose, à ce jour, que de données parcellaires et manque d'informations officielles, la mission de suivi estime nécessaire, au regard des premières remontées de terrain dont elle a pu avoir connaissance, qu'une attention particulière soit portée sur les conditions d'exercice de ces contrôles .

Le renforcement conséquent, par la loi d'urgence du 23 mars, des sanctions pénales 21 ( * ) et l'élargissement de la liste des agents verbalisateurs, notamment aux agents de police municipale, appellent, de la part du Gouvernement , la diffusion d'instructions claires afin d'assurer une application juste et homogène du cadre légal . Cet effort de pédagogie doit être réalisé non seulement à destination des forces de sécurité intérieure, qui sont aujourd'hui en première ligne, mais également des maires, qui nourrissent encore de nombreuses interrogations sur les modalités de constatation des nouvelles infractions.

Il apparaît d'autant plus nécessaire de porter une vigilance accrue à l'égard des conditions d'exercice des contrôles que le Gouvernement a fait preuve d'une innovation juridique dans les modalités d'application des sanctions encourues . Par un décret du 28 mars, la procédure de l'amende forfaitaire a en effet été ouverte, pour les seules infractions commises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, aux contraventions de la 5 ème classe , qui ne pouvaient jusqu'à présent être prononcées que par le tribunal de police. Les montants de l'amende forfaitaire simple et de l'amende forfaitaire majorée ont été fixés respectivement à 200 et 450 euros.

Cette dérogation importante au droit commun de la procédure pénale est, sans aucun doute, de nature à fluidifier le prononcé des sanctions à l'encontre des personnes violant le confinement et à éviter un engorgement des tribunaux , par ailleurs soumis à un ralentissement contraint de leur activité. Elle nécessite toutefois que des consignes précises soient transmises tant par la garde des sceaux que par le ministre de l'intérieur sur les modalités de constatation de cette nouvelle catégorie d'amende forfaitaire.

Enfin, la mission de suivi estime nécessaire qu'une attention particulière soit apportée aux conditions d'emploi de nouveaux moyens technologiques, en particulier des drones, pour la réalisation des contrôles . Il s'agira, également, d'un point de vigilance pour la mission de suivi.

C. UN ENCADREMENT VIGILANT DES OUTILS NUMÉRIQUES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE UTILISÉS POUR LUTTER CONTRE LA CRISE SANITAIRE ET SORTIR DU CONFINEMENT

Pour renforcer l'efficacité des moyens traditionnels de lutte contre la pandémie, de nouveaux outils numériques et l'analyse des données à caractère personnel 22 ( * ) ont été mis en oeuvre par plusieurs gouvernements étrangers, et c'est une perspective qu'esquissent désormais tant les autorités européennes que notre Gouvernement.

Les finalités susceptibles d'être poursuivies sont diversement intrusives , et elles doivent bien être distinguées :

Étude épidémiologique globale : il s'agit d'identifier les zones densément peuplées (où le virus se propagerait facilement), de surveiller l'évolution des flux globaux de population (déplacements d'une région à l'autre ou non-respect de fermeture d'une frontière), d'étudier le respect de consignes de confinement (absence de téléphones connectés aux antennes dans certains espaces publics interdits d'accès). Cette utilisation devrait exclure toute finalité de contrôle des populations. C'est l'usage auquel réfléchit, par exemple, l'Union européenne 23 ( * ) .

Prévention personnalisée pour les personnes exposées (traçage / « tracking » ou retro-traçage / « backtracking ») : il s'agit de retrouver a posteriori les personnes passées dans un foyer d'épidémie (transport en commun, établissement recevant du public, lieux de réunions, lieux de culte...), celles qui ont croisé une personne infectée... pour informer personnellement des individus à risque d'avoir été infecté, voire pour leur demander de se mettre en quarantaine et de se faire tester.

C'est l'usage étudié en France depuis l'annonce de l'installation d'un Comité analyse recherche et expertise (CARE) par le Président de la République (chargé de conseiller le gouvernement sur la mise en place d'une « stratégie numérique d'identification »), comme a semblé le confirmer le Premier ministre lors de son audition devant l'Assemblée nationale 24 ( * ) ;

Surveillance et sanction des malades contaminés : il s'agit de suivre l'état de santé des personnes infectées, de vérifier que les personnes en quarantaine ne se déplacent pas (« quarantaine numérique »), voire de sanctionner les manquements. Cette finalité s'opère généralement via une application dont l'installation est obligatoire, qui géo-localise l'utilisateur en permanence, avec appels de vérification par des agents publics et demande régulière de preuve de résidence (photo).

Pour mémoire, dès le début de la crise sanitaire, les autorités de protection des données ont rappelé 25 ( * ) les exigences du cadre juridique européen qui protège les données personnelles des européens et sa souplesse en matière de santé publique . Comme le résume ainsi la CNIL dans une recommandation aux pouvoirs publics : « Le cadre juridique actuel, en particulier le Règlement général sur la protection des données et la directive ePrivacy (applicable au recueil de données de localisation dans le cadre de communications électroniques), permet, selon certaines modalités, de traiter de telles données notamment de manière anonymisée (suffisamment agrégée) ou avec le consentement des personnes. Ce même cadre juridique permet aux États d'aller plus loin et de déroger, par la loi, à cette exigence d'anonymisation ou de consentement, sous certaines conditions. Si la France souhaitait prévoir des modalités de suivi non anonymes plus poussées, le cas échéant sans le consentement préalable de l'ensemble des personnes concernées, une intervention législative s'imposerait (...) Il faudrait alors s'assurer que ces mesures législatives dérogatoires soient dûment justifiées et proportionnées (par exemple en termes de durée et de portée). »

La mission de suivi reconnaît, bien sûr, l'intérêt potentiel de ces outils numériques, notamment dans le cadre d'une stratégie de sortie de confinement. La mission souligne néanmoins les graves questions soulevées par ces nouvelles applications : les propositions du Gouvernement en matière de traçage devront être rapidement explicitées et exposées sans délai devant la représentation nationale. Elles seront examinées avec la plus grande vigilance au regard des atteintes susceptibles d'être portées aux libertés individuelles .

D. L'APPLICATION OUTRE-MER DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE : UNE ORDONNANCE NON PUBLIÉE

L'article 3 de la loi d'urgence du 23 mars habilitait le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

Cette ordonnance n'a, à ce jour, pas été prise.

SECONDE PARTIE :
LES ADAPTATIONS DÉCIDÉES
PAR LE GOUVERNEMENT PAR LES 16 ORDONNANCES RELEVANT DE LA COMMISSION DES LOIS

I. LES MESURES DESTINÉES À ASSURER LA CONTINUITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE ET DES SERVICES PUBLICS

A. L'ORGANISATION ET LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES DEVANT LES JURIDICTIONS

> Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété

I. Dispositions relatives aux juridictions judiciaires

L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété comporte 21 articles relatifs à la prorogation de certains délais et mesures ( A ), à l'adaptation de l'organisation et de la procédure judiciaire ( B ), ainsi que des dispositions spécifiques applicables en matière d'assistance éducative ( C ).

Elle est prise en application de deux habilitations de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 permettant au Gouvernement de prendre toute mesure législative prorogeant les délais arrivés à échéance pendant la crise 26 ( * ) et adaptant l'organisation et la procédure juridictionnelles 27 ( * ) .

La durée des mesures prévues dans le cadre de l'ordonnance est strictement encadrée. L'ordonnance prévoit en effet que ses dispositions entrent en vigueur le 12 mars 2020 et les fait perdurer un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire (article 1 er ). Ce choix du Gouvernement n'est pas strictement conforme à l'habilitation conférée par le législateur, qui n'avait notamment pas prévu explicitement une application rétroactive aux procédures juridictionnelles intervenue avant la date de son entrée en vigueur, le 24 mars 2020 . Ce faisant, l'ordonnance a pour effet de « régulariser » certaines audiences qui, compte tenu de la première vague épidémique, n'auraient pas pu se tenir dans les conditions prévues par les textes applicables.

A) L'application du moratoire sur les délais et mesures prévu par l'ordonnance n° 2020-306 et ses exceptions

L'ordonnance prévoit tout d'abord que le moratoire sur les délais , prévu par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période s'applique aux procédures de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale (article 1 er ). Ce moratoire proroge, de manière générale, le terme des délais échus entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire : ils sont prorogés à compter de cette date pour la durée totale qui leur était légalement impartie, dans la limite de deux mois. Il en va ainsi par exemple des délais de recours, des délais légalement impartis pour accomplir une procédure ou des délais prescrits au juge pour statuer 28 ( * ) .

Plusieurs matières échappent toutefois à ce moratoire de manière justifiée : les recours devant le juge des libertés et de la détention et en appel de ses décisions 29 ( * ) , les juridictions pour enfants - qui font l'objet de mesures spécifiques - et la saisie immobilière 30 ( * ) (article 2).

L'ordonnance proroge également de plein droit pour une durée de deux mois à compter de la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire, la validité des mesures de protection juridique des majeurs et des ordonnances de protection de victimes de violences conjugales arrivées à leur terme pendant la période « juridiquement protégée » 31 ( * ) (article 12). Le juge pourra toujours y mettre fin avant ou en modifier le terme, ce qui est primordial pour la garantie des droits des personnes concernées .

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas considérer les ordonnances de protection comme des sanctions, qui auraient à ce titre été exclues du champ de l'habilitation. Pourtant, dans une certaine mesure, les ordonnances de protection comportent bien des obligations ayant la nature de sanctions pour le défendeur, même si le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à se prononcer sur la question.

B) L'aménagement de l'organisation et de la procédure judiciaire

L'ordonnance prévoit ensuite une série de dérogations au droit commun de l'organisation et de la procédure judiciaire hors juridictions pénales , dont deux suscitent des réserves.

Pour pallier l' incapacité d'une juridiction du premier degré de fonctionner , le premier président d'une cour d'appel pourra transférer le traitement de son contentieux vers une autre juridiction de même nature et du même ressort . Cette disposition semble théorique à ce stade , car les juridictions doivent traiter les contentieux essentiels non différables 32 ( * ) et aucune n'a été signalée comme totalement empêchée. Si elle était mise en pratique, il faudra veiller à éviter de surcharger certaines juridictions . Comme l'indique la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020 33 ( * ) , en cas de transfert de contentieux, les procédures en cours devront, à la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire, « être de nouveau transférées à leur juridiction d'origine, seule compétente territorialement pour traiter ces procédures après cessation des effets juridiques de l'ordonnance du premier président ».

Plusieurs des mesures visant à adapter la procédure civile relèvent du pouvoir réglementaire et ne posent pas de difficulté majeure , bien qu'il s'agisse d'un mode de justice dégradé, il s'agit de :

- l' information des parties du renvoi d'une affaire, du report d'audience (article 4) ou d'une décision (article 10) par tout moyen ;

- la simplification des modalités d'échanges des parties par tout moyen dès lors que le juge peut s'assurer du respect du principe du contradictoire (article 6) ;

- l' extension des cas dans lesquels la décision est rendue par défaut lorsque le défendeur ne comparaît pas, ce qui lui permet de faire opposition, c'est-à-dire de faire rejuger l'affaire devant la même juridiction (article 4) ;

- ou de la remise des prestations de serment devant une juridiction par écrit (article 11).

D'autres mesures sont plus substantielles.

Le président de la juridiction pourra décider que celle-ci statuera à juge unique en première instance et en appel dès lors que l'audience de plaidoirie, la clôture de l'instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience aura été décidée entre le 12 mars 2020 et le mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire (article 5). Cette mesure de fond remet en cause le principe de collégialité fixé à l'article L. 212-1 du code de l'organisation judiciaire, auquel il ne peut dans le droit commun être dérogé pour les matières disciplinaires ou relatives à l'état des personnes. Compte tenu de la situation exceptionnelle de crise, cette disposition, qui ne devrait en aucun cas être prolongée , peut paraître temporairement acceptable mais seulement en cas de tension avérée dans l'effectif de magistrats, de greffiers et d'agents disponibles dans la juridiction du fait de la crise sanitaire .

Des dispositions spécifiques sont également prévues pour les conseils de prud'hommes qui statueront en formation restreinte et pour les tribunaux de commerce dont le président pourra décider, dans toutes les affaires, que l'audience est tenue par l'un des membres de la formation de jugement. Dans le contexte économique actuel, il importe tout particulièrement de maintenir la continuité de l'activité des juridictions commerciales pour faire face aux difficultés des entreprises, en dépit du gel de la situation des débiteurs à la date du 12 mars 2020 et de l'allongement des délais applicables aux procédures collectives décidés par l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 34 ( * ) .

Le président de la juridiction pourra aussi restreindre la publicité des débats, voire y renoncer, en cas d'impossibilité de garantir la protection de la santé des personnes (article 6), sous réserve de la présence de journalistes. Les dispositions proposées ne posent pas de difficulté sur le fond car la présence de journalistes, même en chambre du conseil, permet de préserver dans une certaine mesure le caractère public de l'audience. Ces dispositions semblent en outre conformes à la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel qui permet au législateur d'apporter au principe constitutionnel de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives des « limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 35 ( * ) .

Deux mesures, dont l'une excède le champ de l'habilitation, suscitent davantage de réserves .

L'ordonnance ouvre, d'une part, la possibilité de tenir des audiences par visioconférence ou, à défaut, par tout moyen de communication électronique y compris téléphonique, en première instance comme en appel, sur décision du juge insusceptible de recours (article 7). Cette possibilité concerne tous les contentieux, même ceux où la représentation par avocat n'est pas obligatoire. Les garanties prévues semblent toutefois en deçà des exigences du Conseil constitutionnel pour assurer le droit à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense et le droit à un procès équitable 36 ( * ) . Ainsi, la présence de l'avocat et, le cas échéant de l'interprète, n'est pas requise auprès du client, le lieu de la visioconférence pour l'intéressé n'est pas déterminé et l'accès à l'intégralité du dossier par l'intéressé n'est pas formellement garanti, même si le juge doit s'assurer des droits de la défense et du caractère contradictoire des débats. Outre l'éventuel risque juridique que fait peser cette disposition sur une procédure 37 ( * ) , il n'est pas évident que les moyens techniques numériques dont dispose la justice permettent l' organisation satisfaisante de ce type d'audience dans des délais aussi brefs .

L'ordonnance autorise également le juge ou le président de la formation de jugement à statuer sans audience selon une procédure écrite lorsque les parties sont représentées ou assistées par un avocat (article 8). Les parties ne pourront s'y opposer lorsque la procédure est urgente 38 ( * ) . Cette disposition est combinée à la possibilité pour la juridiction statuant en référé de rejeter une demande irrecevable ou qui n'en remplit pas les conditions par ordonnance non contradictoire (article 9).

La suppression pure et simple de l'audience excède stricto sensu le champ de l'habilitation car il s'agissait d'« adapter » la tenue de l'audience et non de la supprimer. Si la tenue de l'audience en matière civile, n'a pas, contrairement au pénal, valeur constitutionnelle, il semble que le respect des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme suppose l'accord des parties, même pour les procédures urgentes . En tout état de cause, la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020 précitée recommande de recourir à cette procédure destinée à « faciliter la continuité de l'activité des juridictions pendant l'état d'urgence sanitaire » avec prudence en matière familiale en raison de « l'importance de l'oralité » dans ce contentieux, parmi lequel celui des ordonnances de protection.

Il importe que ces dérogations soient utilisées par les juridictions de manière exceptionnelle, proportionnée et en fonction de la nécessité de chaque affaire afin d'éviter les situations les plus attentatoires aux droits du justiciable. S'agissant des vidéo-audiences, rien ne semble s'opposer à ce que les garanties requises par la jurisprudence du Conseil constitutionnel soient mises en oeuvre en respectant les gestes barrières. Une instruction de la Chancellerie en ce sens paraît nécessaire afin d'éviter tout risque de nullité de procédure ou de contentieux devant la Cour européenne des droits de l'homme.

C. Des dispositions spécifiques aux juridictions pour enfants et relatives à l'assistance éducative

L'ordonnance comporte en outre des dispositions spécifiques applicables aux juridictions pour enfants en matière d'assistance éducative.

L'ordonnance proroge certains délais d'organisation d'audiences, de rendu de décision ou encore d'aménagement des modalités de convocation et de notification des décisions (articles 16, 17 et 21). Ces mesures relèvent du domaine réglementaire et ne posent pas de difficultés .

Elle permet aussi au juge des enfants de prendre des décisions sans audition des parties et sur décision motivée pour :

- lever une mesure d'assistance éducative ou une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial (article 13) 39 ( * ) ;

- renouveler, avec l'accord écrit des parents, pour une durée de neuf mois ou d'un an, une mesure d'assistance éducative (article 14) et une interdiction de sortie de territoire dans les mêmes conditions (article 15) ;

- dire qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'assistance éducative, une mesure judiciaire d'investigation, d'expertise, ou une mesure d'accompagnement éducatif en milieu ouvert pour une durée qui ne peut excéder six mois (article 18).

Comme pour les autres contentieux, la suppression de l'audition des parties pose problème en matière d'exercice du contradictoire, surtout s'il s'agit de renouveler une mesure d'assistance éducative pour une durée pouvant aller jusqu'à un an . L' accord des parents requis dans cette hypothèse constitue toutefois une garantie importante .

Le juge des enfants peut aussi suspendre ou modifier les droits de visite et d'hébergement , sans audience et par décision motivée , si l'intérêt de l'enfant qui fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative l'exige, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire (article 19). Le service ou la personne à qui l'enfant est confié maintient les liens entre ce dernier et sa famille par tout moyen, y compris un moyen de télécommunication audiovisuelle. À l'exception des autres mesures de la présente ordonnance qui pourront perdurer un mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire, ces dispositions sont à juste titre strictement limitées à la seule période de l'état d'urgence sanitaire . À son issue, le droit antérieurement fixé reprendra effet sauf si le juge estime nécessaire de poursuivre ces mesures, auquel cas il organisera une audience.

La possibilité pour le juge des enfants de tenir des audiences civiles en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle (article 20) présente les mêmes griefs que pour les autres contentieux (voir supra ).

II. Dispositions relatives au renouvellement de plein droit des contrats de syndic de copropriété 40 ( * )

L'habilitation accordée au Gouvernement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 lui permet d'adapter le droit de la copropriété des immeubles bâtis « pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l'impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires » 41 ( * ).

La mesure adoptée à l'article 22 de l'ordonnance est ciblée : elle vise à régler la situation des syndics de copropriété dont le contrat cesse ou a cessé pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Ne sont donc pas concernées les copropriétés dont les assemblées générales ont désigné avant la publication de l'ordonnance un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020.

Le contrat de syndic est renouvelé de plein droit par l'effet de l'ordonnance - avec un effet rétroactif lorsqu'il est déjà arrivé à son terme - dans les mêmes termes et pour une durée limitée . Ce contrat renouvelé prend fin à la prise d'effet du nouveau contrat de syndic qui doit intervenir au plus tard dans les six mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire .

Cette disposition déroge aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui fixent une durée déterminée maximum de trois ans aux contrats de syndic 42 ( * ) , ainsi qu'aux articles 1102 et 1214 du code civil, qui posent respectivement les principes de la liberté contractuelle et de la durée indéterminée du contrat en cas de renouvellement d'un contrat à durée déterminée.

Il s'agit d'une « mesure utile de bon sens » comme l'a relevé le rapporteur de la commission des lois lors de l'examen de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 43 ( * ) . L'atteinte à la liberté contractuelle est limitée dans le temps et proportionnée au but d'intérêt général qui est de maintenir le bon fonctionnement des copropriétés le temps de l'état d'urgence sanitaire.

> Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif

L'habilitation accordée au Gouvernement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 lui permet d'adapter les procédures devant les juridictions de l'ordre administratif « aux seules fins de limiter la propagation de l'épidémie de Covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances » 44 ( * ) . Cette habilitation - commune aux juridictions de l'ordre judiciaire - vise « les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement [...] ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d'organisation du contradictoire devant les juridictions ».

L'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 qui la met en oeuvre comporte 19 articles relatifs à l'organisation et au fonctionnement des juridictions (I) et aux délais de procédure et de jugement (II).

Ces dispositions sont applicables à l'ensemble des juridictions de l'ordre administratif sauf lorsqu'elles en disposent autrement (article 1) . Sont ainsi en principe concernés le Conseil d'État, les 8 cours administratives d'appel, les 42 tribunaux administratifs et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ainsi que la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) et les juridictions financières.

Bien que l'article 11 de la loi d'urgence permette au Gouvernement d'adopter de manière exceptionnelle ses ordonnances sans procéder aux consultations obligatoires prévues par une disposition législative ou réglementaire, le projet d'ordonnance a malgré tout été soumis pour avis au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, réuni sous forme dématérialisée, et communiqué aux organisations syndicales de magistrats administratifs (Union syndicale des magistrats administratifs et Syndicat de la juridiction administrative) la semaine précédant la publication.

I. Dérogations aux règles régissant l'organisation et au fonctionnement des juridictions (Titre I)

Ces dérogations portent tant sur des dispositions législatives que réglementaires et sont valables pour la période allant du 12 mars 2020 jusqu'à la cessation de l'état d'urgence sanitaire, permettant ainsi de valider avec un effet rétroactif certaines pratiques qui auraient pu avoir lieu depuis le 12 mars 2020 (article 2) . Les dérogations apportées ont donc un champ temporel plus circonscrit que celui retenu par d'autres ordonnances, qui prévoient pour certaines que leurs mesures s'étendent jusqu'à un mois, voire deux mois, après la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

La rédaction des dérogations est ici moins précise, et donc moins protectrice qu'en matière de procédures devant les juridictions judiciaires pénales et non pénales.

- Des mesures permettent de faciliter la constitution des formations de jugement pour faire face aux éventuelles vacances liées à l'épidémie de Covid-19, étant toutefois rappelé que seules les audiences présentant un caractère d'urgence sont maintenues par les juridictions (essentiellement, les procédures de référé).

L'article 3 autorise les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel à mutualiser leurs magistrats pour compléter leurs formations collégiales - magistrats honoraires compris -, alors qu'en temps habituel, seules les formations des tribunaux administratifs peuvent être complétées par des magistrats en provenance d'un autre tribunal administratif, ou, sur ordonnance du vice-président du Conseil d'État, d'une autre juridiction administrative 45 ( * ) .

L'article 4 élargit les catégories de magistrats administratifs susceptibles de statuer par ordonnance dans le cadre de l'article R. 222-1 du code de justice administrative 46 ( * ) en y intégrant les magistrats ayant un simple grade de conseiller présentant une ancienneté minimale de deux ans, alors que le grade de premier conseiller est requis en temps normal.

- D'autres mesures ont pour but de faciliter la conduite et le déroulement des instances.

L'article 5 permet aux juridictions administratives de communiquer les pièces, actes et avis aux parties par tout moyen, sans toutefois que ceux-ci soient précisés - et notamment la possibilité d'imposer aux parties l'utilisation de l'application Télérecours déployée par les juridictions administratives depuis 2014 47 ( * ) - et sans rappeler le nécessaire respect du contradictoire 48 ( * ) .

L'article 6 autorise les présidents de formation de jugement à limiter, voire supprimer la publicité des audiences. La rédaction de cette dérogation est moins protectrice que celle mise en oeuvre auprès des juridictions judiciaires 49 ( * ) qui précise les circonstances permettant de justifier un huis-clos
- « impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l'audience » - et prévoit la présence de journalistes, ce qui permet d'assurer une publicité des débats de manière différée. Ces garanties auraient été bienvenues au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui admet la possibilité d'apporter au principe constitutionnel de publicité des audiences devant les juridictions administratives des « limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure » 50 ( * ) , à la condition « qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ».

L'article 7 de l'ordonnance autorise les juridictions administratives à tenir des audiences par visioconférence ou, en cas d'impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen et sur décision du juge insusceptible de recours, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Le juge est alors tenu de vérifier le bon déroulement des échanges entre les parties et de veiller au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Les vidéo-audiences sont déjà utilisées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dans des salles d'audience situées à Lyon et Nancy, et en outre-mer 51 ( * ) , ou par les tribunaux administratifs dans le cadre de certains recours exercés en matière de droit des étrangers 52 ( * ) . Leur recours, dans un cadre limité, a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2018 53 ( * ) qui a veillé au respect du droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable. Au regard de cette décision, qui n'a certes pas été rendue dans le cadre de la situation sanitaire que nous connaissons, l'article 7 de l'ordonnance ne semble pas accorder suffisamment de garanties (en particulier, la présence physique de l'avocat au côté du justiciable, une salle d'audience spécialement aménagée et ouverte au public, la copie de l'intégralité du dossier mise à la disposition de l'intéressé). Rien ne semble s'opposer à ce que ces garanties soient mises en oeuvre en respectant les gestes barrières. Une instruction de la Chancellerie en ce sens paraît nécessaire afin d'éviter tout risque de nullité de procédure ou de contentieux devant la Cour européenne des droits de l'homme.

L'article 8 permet au président de la formation de jugement de dispenser dans toutes les matières le rapporteur public - sur sa proposition - d'exposer des conclusions lors de l'audience. Il s'agit de la généralisation d'une faculté qui existe déjà dans certains contentieux (permis de conduire ou prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale par exemple) 54 ( * ) . Le président pourra toujours apprécier au cas par cas si l'intervention du rapporteur public, chargé d'exposer publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent, est nécessaire.

Les articles 9 et 10 autorisent, dans deux hypothèses, les magistrats à statuer sans audience, ce qui semble aller bien au-delà de l'habilitation accordée par le Parlement qui consiste à « adapter » les règles relatives à la tenue de l'audience. Il s'agit des requêtes présentées en référé (article 9) et des demandes de sursis à exécution dans le cadre d'une procédure d'appel (article 10).

S'agissant des référés, il s'agit d'une extension d'une faculté déjà accordée au juge lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée 55 ( * ) . Le juge des référés, auquel il revient de motiver sa décision de ne pas tenir audience, doit alors informer les parties de l'absence d'audience et fixer la date à partir de laquelle l'instruction écrite sera close. L'article 9 précise que les décisions de référé-liberté rendues sans audience dans le cadre de cette dérogation restent susceptibles d'appel devant le Conseil d'État dans les quinze jours de leur notification en application de l'alinéa 2 de l'article L. 523-1 du code de la justice administrative.

Pendant la période d'état d'urgence sanitaire, la suppression d'audiences sans l'accord des parties est particulièrement sensible en matière de référé-liberté : les mesures restrictives de libertés fondamentales sont nombreuses et doivent en effet pouvoir être contestées dans le plus grand respect des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il importe que ces dérogations soient utilisées par les juridictions de manière exceptionnelle, proportionnée et en fonction de la nécessité de chaque affaire afin d'éviter les situations les plus attentatoires aux droits du justiciable.

- Les dernières mesures visent à faciliter le travail des magistrats et des greffiers quant aux suites des audiences de jugement en leur permettant de rendre publiques les décisions, non plus par prononcé en audience publique, mais par mise à disposition au greffe de la juridiction (article 11) ou en autorisant la signature de la minute des décisions par le seul président de la formation de jugement ( article 12) . L'article 13 assouplit les règles de notification en autorisant la notification de la décision au seul avocat de la partie qu'il représente. La prorogation des délais de recours pendant la période d'urgence sanitaire limite les risques de cette dernière mesure, en cas de perte de contact entre un avocat et son client.

L'article 14 dispense les juridictions de l'obligation de prononcer à l'audience les jugements relatifs aux mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers placés en centre de rétention, ce qui devrait permettre d'éviter d'avoir à les maintenir dans les locaux du tribunal ou de la cour le temps du délibéré.

II. Dispositions particulières relatives aux délais de procédure et de jugement (Titre II)

L'article 15 de l'ordonnance rend expressément applicables devant les juridictions administratives les assouplissements (interruption des délais et adaptation des procédures) instaurés par l'ordonnance n° 2020-306 du même jour. Il permet ainsi la prorogation du terme de tous les délais de procédure échus pendant la période juridiquement protégée (entre le 12 mars 2020 et un mois après de la cessation de l'état d'urgence sanitaire).

L'article 15 de l'ordonnance liste également une série de dérogations à cette prorogation, applicables au contentieux des étrangers et en matière électorale.

Ces dérogations concernent tout d'abord le droit des étrangers :

- soit pour prévoir une prorogation plus limitée des délais de recours ; à ce titre, voient le point de départ des délais de recours reporté au lendemain de la cessation de l'état d'urgence sanitaire (sans bénéficier des délais supplémentaires accordés par application de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 précitée) les recours contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF) non assorties de placement en rétention, contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou contre les décisions de transfert « Dublin », ainsi que les demandes d'aide juridictionnelle devant la CNDA ;

- soit pour exclure toute prorogation de délai ; à ce titre, les délais applicables aux recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français et les recours formés par les étrangers placés en rétention, notamment contre les obligations de quitter le territoire français, ne font l'objet d'aucune adaptation (ces délais de recours, très brefs - 48 heures -, sont donc maintenus pendant la période d'urgence sanitaire) ;

La conformité de cette disposition dérogatoire aux normes constitutionnelles et conventionnelles est incertaine, et un contentieux est probable, l'absence des associations d'aide aux étrangers dans les lieux de rétention depuis le déclenchement de l'épidémie risquant, selon elles, de ne pas garantir, dans les circonstances actuelles, un droit effectif au recours pour les personnes retenues.

En matière électorale, l'article 15 étend le délai de recours contre les élections municipales acquises dès le premier tour de scrutin, répondant ainsi à une interrogation soulevée pendant les débats parlementaires.

Habituellement, les recours doivent être déposés dans les cinq jours qui suivent le scrutin lorsqu'ils sont formés par les électeurs et dans un délai de quinze jours lorsqu'ils sont formés par le préfet (article R. 119 du code électoral). En raison de la situation sanitaire, l'ordonnance permet aux électeurs et au préfet de déposer leur recours jusqu'à cinq jours après la date de prise de fonction des candidats élus dès le premier tour. Cette date sera fixée par décret, aussitôt que la situation sanitaire le permettra au regard de l'analyse du comité de scientifiques.

L'article 16 reporte les mesures de clôture d'instruction dont le terme était prévu entre le 12 mars 2020 et la fin de l'état d'urgence sanitaire jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge.

Durant cette même période, l'article 17 reporte le point de départ des délais impartis au juge pour statuer au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire. Deux dérogations sont prévues, là encore en matière de droit des étrangers et de droit électoral :

- les délais pour statuer en matière de recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français ou de recours formés par les étrangers placés en rétention, notamment contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), sont maintenus malgré leur brièveté (respectivement 72 et 96 heures) ;

- le tribunal administratif devra statuer sur tous les recours contre les résultats des élections municipales générales avant le dernier jour du quatrième mois suivant le deuxième tour de l'élection municipale. Si le second tour a lieu le 21 juin 2020, le tribunal aura jusqu'au 31 octobre 2020 pour se prononcer, y compris si la requête porte sur le premier tour. Ce délai est donc plus long que celui habituellement prévu par l'article R. 120 du code électoral (trois mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe du tribunal).

Conformément à l'article L. 118-2 du code électoral, le tribunal devra sursoir à statuer en cas de saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui disposera pour se prononcer de trois mois à compter du délai limite pour le dépôt des comptes de campagne 56 ( * ) .

Le report du délai pour déposer un recours, d'une part, et l'allongement des délais de jugement, d'autre part, peuvent être de nature à fragiliser la situation des conseillers municipaux élus dès le premier tour de scrutin, en laissant planer une certaine incertitude sur le mandat.

L'article 18 rend applicable l'ordonnance dans les îles Wallis et Futuna.

B. L'ORGANISATION EN MATIÈRE PÉNALE ET PÉNITENTIAIRE

> Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19

Cette ordonnance a été prise sur le fondement du c ), du d ) et du e ) du 2° du I de l'article 11 de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Destinée à assurer la continuité du fonctionnement des juridictions pénales, essentielle au maintien de l'ordre public, elle contient des dispositions provisoires qui ont vocation à s'appliquer jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire , comme le prévoient ses articles 1 et 2.

I. Dispositions générales

Le chapitre I er contient des « dispositions générales » qui traitent principalement de deux matières : la suspension ou la prolongation de certains délais et le recours à la visioconférence.

Pour tenir compte du confinement, qui rend plus difficile le dépôt de plainte, et du fonctionnement dégradé des juridictions en résultant, qui peut retarder les poursuites ou l'exécution des peines, l' article 3 suspend , de manière rétroactive à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au terme prévu par l'ordonnance, les délais de prescription de l'action publique et les délais de prescription des peines .

Cette mesure générale permet ainsi de régler le problème posé par le délai de prescription très court (trois mois) applicable à certaines infractions, en particulier les délits de presse. Pour les autres infractions, pour lesquels les délais de prescription sont plus longs (un an pour les contraventions, six ans pour les délits et vingt ans en général pour les crimes), la mesure retenue permet de pallier les conséquences d'un retard lié à l'épidémie sur les infractions pour lesquelles le délai de prescription était presque arrivé à son terme au moment de la pandémie. Pour l'exécution des peines, les délais de prescription sont en règle générale de trois ans pour les contraventions, six ans pour les délits et vingt ans pour les crimes.

L' article 4 double le délai prévu pour exercer les voies de recours (appel et cassation) et précise que ce délai ne pourra en aucun cas être inférieur à dix jours . Il prévoit ensuite que tous les recours et demandes, ainsi que le dépôt des mémoires et des conclusions, pourront être effectués par lettre recommandée avec accusé de réception.

En principe, la déclaration d'appel ou le pourvoi en cassation doivent être faits auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Pour éviter des déplacements, il est prévu d'autoriser le recours à la lettre recommandée avec accusé de réception, voire l'envoi d'un courriel, avec accusé de réception électronique, à une adresse communiquée par la juridiction. De même, les demandes au juge d'instruction pourront lui être adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courriel.

L' article 5 autorise le recours à la visioconférence devant toutes les juridictions pénales, même sans l'accord des parties, sauf en matière criminelle, ce qui imposera donc la présence physique des parties pour la tenue des procès d'assises. Habituellement, le recours à ces moyens audiovisuels peut, en fonction des circonstances, être imposé aux parties ou utilisé sous réserve de leur accord ; l'ordonnance simplifie donc considérablement les règles applicables.

En cas d'impossibilité d'avoir recours à la visioconférence, le juge pourra utiliser d'autres moyens de communication électronique, y compris le téléphone, à condition que la qualité de la transmission soit satisfaisante, qu'il puisse vérifier l'identité des parties et que la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats soit assurée.

La commission des lois avait souligné lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice que la présence physique de l'avocat auprès de son client et auprès du juge était importante pour lui permettre d'assurer une défense de qualité. Il conviendra de s'assurer que le recours à ces moyens de communication sera réservé à un petit nombre d'affaires urgentes ne pouvant être renvoyées.

Pour préserver les droits des justiciables, et se prémunir contre le risque d'une annulation du jugement, le recours à ces moyens techniques devrait demeurer exceptionnel et réservé aux affaires pour lesquelles aucune autre solution ne peut être envisagée. Si l'ordonnance n'était pas modifiée sur ce point, cette question pourrait être précisée par voie d'instruction de la Chancellerie et débattue au moment de l'examen du projet de loi de ratification.

II. Compétence des juridictions et publicité des audiences

L' article 6 permet de transférer tout ou partie du contentieux habituellement traité par une juridiction pénale, se trouvant dans l'impossibilité, totale ou partielle, de fonctionner, à une autre juridiction pénale, située dans le ressort de la même cour d'appel. La décision de transfert est prise par le premier président de la cour d'appel , après avis du procureur général près cette cour, des chefs de juridiction et des directeurs de greffe.

Cette solution aurait vocation à être utilisée dans l'hypothèse où une juridiction serait en grande partie paralysée, en raison d'un nombre élevé d'arrêts maladie. Il appartient d'abord à chaque juridiction d'assurer ses missions essentielles dans le cadre des plans de continuation d'activité (PCA), mis en place depuis le 16 mars 57 ( * ) .

Pour éviter de rassembler un grand nombre de personnes dans une salle d'audience, l' article 7 permet ensuite au président de la juridiction de décider, avant l'ouverture de l'audience, que les débats se dérouleront en publicité restreinte , voire, si cela paraît nécessaire pour protéger la santé des personnes, à huis clos . En temps ordinaire, le huis clos peut être ordonné devant la cour d'assises ou devant le tribunal correctionnel, en application des articles 306 et 400 du code de procédure pénale, mais par un jugement rendu en audience publique ; il serait peu opportun, en période de pandémie, de faire pénétrer le public en salle d'audience pour l'en faire sortir sitôt le huis clos prononcé.

Afin de préserver le droit à l'information du public, le président de la juridiction pourra cependant autoriser des journalistes à assister à l'audience, même lorsqu'il a ordonné le huis clos.

Cette possibilité de huis clos concerne également la chambre de l'instruction et le juge des libertés et de la détention (JLD) statuant en matière de détention provisoire.

En matière pénale, le principe de publicité des débats n'est pas absolu puisque le code de procédure pénale autorise traditionnellement le huis clos lorsque la publicité est dangereuse pour l'ordre ou pour les moeurs. La mission de suivi est par ailleurs sensible aux objectifs sanitaires qui peuvent conduire à envisager de tenir un plus grand nombre d'audiences à huis clos.

Il lui paraît cependant préférable de privilégier, lorsque c'est compatible avec le respect des règles de distanciation sociale, une forme de publicité restreinte, qui permet par exemple aux proches des parties au procès d'y assister, et qui préserve toutes les garanties d'une bonne administration de la justice dans des affaires où des peines privatives de liberté peuvent être prononcées.

III. La composition des juridictions

Le chapitre III comporte cinq articles 8 à 12 qui tendent à élargir les possibilités de jugement à juge unique.

Ces dispositions ne sont pas d'application immédiate : elles s'appliqueront seulement, sur tout ou partie du territoire, si le Gouvernement prend un décret constatant la persistance d'une crise sanitaire compromettant le fonctionnement des juridictions, malgré la mise en oeuvre des autres mesures prévues par l'ordonnance ( article 8 ). La Chancellerie n'envisage donc de mettre en oeuvre ces mesures qu'en cas d'aggravation de la crise, comme une solution de dernier recours permettant de faire face à l'urgence.

L' article 9 permet au tribunal correctionnel, à la chambre des appels correctionnels, à la chambre spéciale des mineurs et à la chambre de l'instruction de statuer à juge unique , en n'étant composées que de leur seul président (ou d'un magistrat désigné par lui). La décision de statuer à juge unique est prise par le président du tribunal judiciaire ou par le premier président de la cour d'appel, qui constate que la réunion de la formation collégiale n'est pas possible.

Le président statuant à juge unique pourra cependant toujours décider de renvoyer l'affaire si cela lui paraît justifié en raison de la complexité ou de la gravité des faits.

De même, l' article 10 permet au président du tribunal pour enfants de statuer seul, sans les assesseurs non professionnels, quand la réunion de la formation collégiale n'est pas possible, sans préjudice de la possibilité de renvoyer l'affaire si elle lui paraît grave ou complexe. L' article 11 prévoit, dans les mêmes conditions, la possibilité de statuer à juge unique pour le tribunal de l'application des peines et pour la chambre de l'application des peines de la cour d'appel.

Le chapitre III contient enfin deux dispositions d'application immédiate :

- d'abord, le deuxième alinéa de l' article 11 dispose que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel peut statuer en l'absence d'un responsable d'une association d'aide à la réinsertion des détenus et d'un responsable d'une association d'aide aux victimes ; ces deux représentants associatifs siègent habituellement au sein de cette juridiction ;

- ensuite, si le ou les juges d'instruction d'un tribunal judiciaire sont empêchés, l' article 12 prévoit que le président du tribunal peut désigner des magistrats du siège pour exercer les fonctions de juge d'instruction.

IV. La garde à vue

Si le chapitre IV (articles 13 et 14), relatif aux règles relatives à la garde à vue, respecte le champ de l'habilitation, l'ordonnance s'éloigne du rapport présenté au président de la République en ce qui concerne les garanties entourant le recours à la présence à distance de l'avocat lors de la garde à vue .

En effet, l' article 13 prévoit que les entretiens avec l'avocat ainsi que l'assistance au cours des auditions peuvent se dérouler par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication, comme le téléphone, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges. Cette disposition s'applique également à la personne en retenue douanière. Or, le rapport présenté au président de la République indique que cette possibilité sera ouverte lorsque la présence physique de l'avocat apparaît matériellement impossible à l'officier de police judiciaire ou si l'avocat de la personne gardée à vue l'accepte ou le demande . L'article lui-même ne prévoit pas ces conditions et laisse donc une ambiguïté sur les modalités de prise de décision , en donnant potentiellement plus de latitude à l'officier de police judiciaire. Néanmoins, la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020 s'appuie sur le rapport au président de la République pour exiger l'impossibilité matérielle et l'accord ou la demande de l'avocat. On peut s'interroger sur le caractère proportionné d'une telle disposition.

Ainsi que le permet la loi d'habilitation, l' article 14 prévoit ensuite que la garde à vue pourra être prolongée sans la présentation de la personne devant le magistrat compétent , y compris pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Dans la mesure où la présentation n'est plus obligatoire pour une première prolongation au-delà de vingt-quatre heures, cette disposition dérogatoire vise des hypothèses (crime organisé, terrorisme) dans lesquelles la garde à vue peut être prolongée au-delà de la durée maximale habituelle de quarante-huit heures.

V. La détention provisoire

Le chapitre V vise à éviter que des personnes placées en détention, potentiellement dangereuses, soient libérées en raison du retard pris pour juger leur affaire ou pour examiner leur demande de mise en liberté.

L' article 15 précise que les dispositions de ce chapitre sont applicables aux détentions provisoires en cours, ainsi qu'à celles débutant entre la date de publication de l'ordonnance et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Il prévoit que les prolongations de détention provisoire décidées pendant la période de l'état d'urgence sanitaire continueront à s'appliquer malgré la fin de celui-ci. Il s'agit donc d'une durée d'application spécifique par rapport aux autres chapitres de l'ordonnance : alors que l'article 2 de l'ordonnance prévoit que toutes ses dispositions cesseront de s'appliquer un mois après la fin de l'état d'urgence, les prolongations décidées pendant l'état d'urgence ne cesseront de produire leurs effets qu'une fois qu'elles auront été entièrement exécutées , sauf intervention du juge de la liberté et de la détention.

Le Gouvernement justifie cette disposition par le fait que les intéressés conservent la possibilité de demander à tout moment la mainlevée de la mesure et donc son réexamen. La chancellerie semble également soucieuse d'éviter que trop de détentions provisoires ne viennent simultanément à échéance au moment de la fin de l'état d'urgence sans que la procédure ait suffisamment avancé pour permettre un jugement rapide. Il s'agit donc de permettre le maintien en détention des personnes et d'éviter qu'elles puissent se soustraire à leur procès. La proportionnalité de la mesure se justifie dans cette perspective, mais il conviendra de veiller au traitement des situations individuelles et notamment à l'examen des demandes de mainlevées qui devraient logiquement augmenter.

L' article 16 prolonge de plein droit, de deux mois, trois mois ou six mois selon la gravité des infractions en cause, les délais maximum de détention provisoire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE), que ces mesures de sûreté soient prononcées au cours de l'instruction ou dans l'attente de l'audiencement devant les juridictions de jugement en première instance ou en appel.

Ces dispositions s'appliquent aux mineurs âgés de plus de seize ans en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement.

Comme le prévoit le droit commun, ce prolongement s'effectue sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mainlevée de la mesure.

La circulaire du 26 mars 2020 prévoit le report de toutes les audiences de réexamen des détentions provisoires, ce qui oblige les parties à demander la mainlevée ou, à défaut, de se voir simplement appliquer la prolongation de la détention provisoire. Cette disposition impose donc une contrainte supplémentaire aux détenus et à leurs avocats .

L' article 17 prévoit l'allongement des délais d'audiencement de la procédure de comparution immédiate et de la procédure de comparution à délai différé pour les personnes placées en détention provisoire. Les délais sont prolongés au plus de deux mois.

L' article 18 augmente d'un mois les délais impartis à la chambre de l'instruction ou à une juridiction de jugement par les dispositions du code de procédure pénale pour statuer sur une demande de mise en liberté, sur l'appel d'une ordonnance de refus de mise en liberté, ou sur tout autre recours concernant une personne placée en matière de détention provisoire et d'assignation à résidence avec surveillance électronique ou de contrôle judiciaire.

Il porte à six jours ouvrés, au lieu de trois, le délai imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer sur une demande de mise en liberté.

Cette disposition est importante car le code de procédure pénale prévoit habituellement qu'une personne placée en détention provisoire est libérée si la chambre de l'instruction n'a pas statué sur sa demande de mise en liberté dans un délai de vingt jours .

L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale, est venu modifier l'article 18 de la présente ordonnance, moins de deux jours après son adoption.

Il en étend les dispositions afin d'appliquer l'allongement des délais aux appels concernant des ordonnances du juge d'instruction renvoyant la personne mise en examen devant la juridiction ainsi qu'aux décisions concernant les déclarations d'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental.

C'est vraisemblablement pour garantir l'application rétroactive aux procédures en cours au 26 mars, date de publication de l'ordonnance n° 2002-303, que ce choix a été fait.

Sur le fond, l'allongement de ces délais d'appel entre dans le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement et n'appelle pas de réserves particulières. En revanche, sur la forme, insérer ces nouvelles dispositions dans un article concernant uniquement la détention provisoire nuit à l'intelligibilité du texte et il aurait été plus pertinent de rédiger un article spécifique étendant ces délais d'appel.

L' article 19 permet que la prolongation de la détention provisoire par le juge des libertés et de la détention intervienne sans débat contradictoire au vu des réquisitions écrites du procureur de la République et des observations écrites de la personne et de son avocat, lorsque le recours à la visioconférence n'est pas possible, l'avocat du mis en examen pouvant toutefois faire des observations orales devant le juge, le cas échéant par tout moyen de télécommunication.

L' article 20 augmente les délais impartis à la Cour de cassation pour statuer sur certains pourvois concernant des personnes détenues, et allonge également les délais de dépôt des mémoires par le demandeur ou son avocat.

VI. L'affectation des détenus et l'exécution des peines privatives de liberté

Le chapitre VI comporte des mesures relatives à l'affectation des détenus, à la simplification des procédures devant les juridictions de l'application des peines et à l'exécution des peines.

A) L'affectation des détenus

Les articles 21, 22 et 23 visent à assouplir les règles d'affectation des détenus entre les maisons d'arrêt et les établissements pour peines . Ils ont été pris sur le fondement du e) du 2° de l'article 11 qui autorise le Gouvernement à prendre des dispositions pour « assouplir les modalités d'affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ».

En application des articles 714 et 717 du code de procédure pénale, les personnes mises en examen, les prévenus et les accusés sont, en principe, emprisonnés dans une maison d'arrêt, tandis que les personnes condamnées purgent leur peine dans un établissement pour peines 59 ( * ) . Ces établissements se distinguent par leur niveau de sécurité et par la nature de l'accompagnement proposé aux détenus.

Les articles 21 et 22 suspendent provisoirement ces règles en prévoyant, respectivement, que les personnes mises en examen, les prévenus et les accusés peuvent être affectées dans un établissement pour peines et que les condamnés peuvent être incarcérés en maison d'arrêt . L' article 23 autorise l'incarcération ou le transfert dans un établissement pénitentiaire, à des fins de lutte contre l'épidémie, de personnes condamnées ou placées en détention provisoire, sans l'autorisation ou l'avis préalable de l'autorité judiciaire ; l'autorité judiciaire sera informée de la mesure et pourra la modifier ou y mettre fin. Cette mesure permettrait de conduire très rapidement un détenu dans un quartier de quarantaine ou dans un quartier pouvant traiter les détenus malades.

Ces dispositions poursuivent deux objectifs en lien avec la finalité de maîtriser la crise sanitaire. En premier lieu, elles permettront de réduire le nombre de transferts , ce qui est cohérent avec la politique de confinement poursuivie à l'échelle nationale. Une personne condamnée à une longue peine qui était détenue dans une maison d'arrêt dans le cadre d'une mesure de placement en détention provisoire ne sera pas déplacée vers un établissement pour peines.

En second lieu, en rendant possible l'incarcération des personnes en attente de condamnation dans un établissement pour peines, elles pourraient favoriser une diminution du nombre de détenus dans les maisons d'arrêts , qui sont les établissements les plus concernés par la surpopulation carcérale 60 ( * ) , et réduire ainsi une promiscuité propice à la diffusion du virus.

B) La procédure applicable devant les juridictions de l'application des peines

Les articles 24, 25 et 26 simplifient la procédure applicable devant ces juridictions afin de les aider à faire face à la crise sanitaire.

Le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines rendent habituellement leurs décisions à l'issue d'un débat contradictoire en présence des parties. Pour limiter les contacts entre les personnes, l' article 24 autorise le recours à la visioconférence, ainsi que le recours, lorsque l'utilisation de ces moyens de communication n'est matériellement pas possible, à une procédure écrite (réquisitions écrites du parquet et observations écrites de la personne condamnée et de son avocat). L'avocat conserve toutefois la possibilité de demander à présenter des observations orales le cas échéant par un moyen de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité des échanges. Le délai de deux mois accordé à la chambre de l'application des peines de la cour d'appel pour statuer est porté à quatre mois .

Dans le même esprit, l'article 25 dispense le juge de l'application des peines de consulter la commission de l'application des peines avant d'ordonner certaines décisions (réductions de peine, autorisations de sortie sous escorte et permissions de sortir) lorsque le procureur de la République a émis un avis favorable à la décision envisagée. À défaut, il statue après avoir recueilli par tout moyen l'avis écrit des membres de la commission.

Le même dispositif (dispense de consulter la commission ou consultation par écrit) est prévu dans le cadre de la procédure de libération sous contrainte. Pour éviter de libérer des détenus qui n'auraient pas de solution d'hébergement et qui ne pourraient, de ce fait, respecter les mesures de confinement, l'ordonnance précise que la libération sous contrainte ne peut être octroyée que si le condamné dispose d'un hébergement.

L' article 26 dispose que le juge de l'application des peines peut décider une suspension de peine 61 ( * ) sans débat contradictoire et sur le seul avis du procureur de la République, à condition que la personne condamnée dispose d'un hébergement. Le juge peut également se dispenser de débat contradictoire pour accorder une suspension de peine pour motif médical, sur présentation d'un certificat médical et après avis du procureur de la République.

C) L'exécution des fins de peine

Des mesures sont prévues concernant l'exécution des fins de peine, dans le but de réduire la surpopulation carcérale.

L' article 27 autorise le juge de l'application des peines à octroyer aux personnes écrouées en exécution d'une peine privative de liberté une réduction supplémentaire de la peine d'une durée maximale de deux mois. Le juge peut se dispenser de consulter la commission de l'application des peines si l'avis du procureur de la République est favorable. À défaut, il consulte par écrit les membres de la commission.

Cette réduction de peine supplémentaire pourra être accordée, après avis de la commission d'application des peines, à des personnes placées sous écrou pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire même si leur situation est examinée après la durée de l'état d'urgence.

Si elle comprend que la surpopulation carcérale puisse favoriser la propagation du virus, la mission de suivi sera toutefois attentive à ce que la crise sanitaire ne soit pas utilisée comme un prétexte pour diminuer le nombre de personnes détenues dans un contexte où les efforts du Gouvernement pour augmenter le nombre de places de prison tardent à porter leurs fruits.

Certaines catégories de personnes condamnées sont exclues du bénéfice de cette réduction de peine : les personnes condamnées pour crime ou pour des faits de terrorisme, ce qui est justifié au regard de leur dangerosité ; les personnes condamnées pour des infractions commises au sein du couple, le confinement faisant craindre une recrudescence des violences commises sur le conjoint ; les personnes détenues ayant participé à des actions de mutinerie, de manière à envoyer un message de fermeté après les troubles constatés dans plusieurs établissements pénitentiaires ; enfin, les personnes détenues dont le comportement met en danger les autres détenus ou le personnel pénitentiaire en raison du non-respect des règles imposées par le contexte sanitaire.

L' article 28 permet au procureur de la République, sur proposition du directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip), de décider qu'un détenu condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, auquel il reste à subir un emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux mois, peut exécuter le reliquat de sa peine en étant assigné à son domicile , avec l'interdiction d'en sortir sous réserve des déplacements indispensables autorisés dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Cette mesure d'assignation à domicile ne peut être prononcée si le détenu ne dispose pas d'un hébergement. La mesure d'assignation peut s'accompagner de certaines interdictions, par exemple l'interdiction de paraître en certains lieux, de fréquenter certains condamnés ou de détenir une arme. Le non-respect de ses obligations par la personne condamnée ou la commission d'une nouvelle infraction peuvent entraîner sa réincarcération.

Comme à l'article précédent, certaines catégories de personnes condamnées sont exclues du bénéfice de cette mesure : à la liste présentée à l'article 27, s'ajoutent les personnes condamnées pour un délit d'atteinte à la personne commis sur un mineur de quinze ans, ce qui couvre notamment les agressions et atteintes sexuelles.

L' article 29 élargit les possibilités de conversion de peine prévues à l'article 747-1 du code de procédure pénale. Cet article permet au juge de l'application des peines d'ordonner la conversion d'une peine d'emprisonnement en une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en une peine de travail d'intérêt général, en une peine de jours-amende ou en un emprisonnement assorti d'un sursis probatoire renforcé, lorsque cette conversion lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive.

Cette possibilité de conversion est normalement réservée aux personnes condamnées pour un délit à une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois. L'ordonnance élargit cette possibilité de conversion à tous les condamnés à des peines privatives de liberté pour lesquels il reste à subir un emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à six mois.

La garde des sceaux a indiqué que ces différentes mesures pourraient conduire à la libération anticipée d'environ 5 000 détenus, sur un total de plus de 70 000 personnes incarcérées.

VII. Dispositions applicables aux mineurs poursuivis ou condamnés

Le chapitre VII traite de la situation des mineurs poursuivis ou condamnés.

Les audiences devant se tenir à l'échéance des mesures éducatives ordonnées ne pouvant plus se tenir, l' article 30 prévoit que le juge des enfants peut, d'office, et sans audition des parties, proroger le délai d'une mesure de placement ordonnée en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, pour une durée qui ne peut excéder quatre mois.

Les autres mesures éducatives ordonnées en application de cette ordonnance (mesures en milieu ouvert) peuvent être prolongées pour une durée qui ne peut excéder sept mois.

L'objectif de ces dispositions est d'éviter toute rupture dans la prise en charge éducative. Depuis le début du confinement, la protection judiciaire a recentré son action sur le fonctionnement des structures accueillant les mineurs placés et sur sa mission d'investigation éducative auprès des tribunaux.

C. LE FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES ADMINISTRATIONS

> Ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19

L'ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19, constituée de 16 articles, poursuit trois objectifs principaux :

- assurer la continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales en reportant les dates limites d'adoption du budget, de fixation des taux de fiscalité locale et des montants des redevances pour l'année 2020, et en étendant les prérogatives des exécutifs locaux pour engager, liquider et mandater des dépenses d'investissement ;

- accroître temporairement les pouvoirs des exécutifs locaux en matière d'aides aux entreprises afin de donner aux collectivités la réactivité nécessaire pour agir en temps de crise ;

- tirer les conséquences du décalage de l'installation des conseils municipaux et communautaires en ce qui concerne certaines délégations et le renouvellement des mandats des représentants des élus locaux dans certaines instances consultatives nationales.

I. Fondement juridique

L'ordonnance n° 2020-230 est prise en application du 8° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 , qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance « afin , face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19, d'assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux » en prenant toute mesure « permettant de déroger :

a) Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s'agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ;

b) Aux règles régissant les délégations que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs ainsi que leurs modalités ;

c) Aux règles régissant l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;

d) Aux règles d'adoption et d'exécution des documents budgétaires ainsi que de communication des informations indispensables à leur établissement prévues par le code général des collectivités territoriales ;

e) Aux dates limites d'adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l'assiette des impôts directs locaux ou à l'institution de redevances ;

f) Aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d'enquête publique ou exigeant une consultation d'une commission consultative ou d'un organe délibérant d'une collectivité territoriale ou de ses établissements publics ;

g) Aux règles applicables à la durée des mandats des représentants des élus locaux dans les instances consultatives dont la composition est modifiée à l'occasion du renouvellement général des conseils municipaux. »

II. Assurer la continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

L'ordonnance procède en premier lieu à plusieurs reports de dates limites de délibérations des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, visant notamment à adopter le budget ou à fixer les taux ou produits de la fiscalité locale. Le tableau ci-dessous procède à un recensement des délibérations ou procédures concernées.

Action concernée

Collectivités
ou
groupements concernés

Date limite
initialement prévue

Date limite
pour l'année 2020,
telle que prévue
par l'ordonnance

Article
de l'ordonnance procédant
au report

Adoption
du budget
primitif

Tous

15 ou 30 avril 2020
(articles L. 1612-2, L. 1612-3, L. 1612-5 et L. 1612-9 du code général des collectivités territoriales et articles L. 263-9 et L. 263-10 du code des juridictions financières)

31 juillet 2020

IV, V et VI
de l'article 4

Arrêté
des comptes
2019

Tous

30 juin 2020
(article L. 1612-12 du code général des collectivités territoriales et article L. 263-18 du code des juridictions financières)

31 juillet 2020

VII
de l'article 4

Transmission
du compte
de gestion
aux organes délibérants
des collectivités territoriales
et de leurs groupements

Tous

1 er juin 2020
(article L. 1612-12 du
code général des collectivités territoriales
et article L. 263-18
du code des juridictions financières)

1 er juillet 2020

VII
de l'article 4

Débat relatif aux orientations budgétaires et transmission du projet
de budget

Tous

Selon les cas, deux mois ou dix semaines avant l'examen du budget
(articles L. 2312-1, L. 3312-1, L. 3661-4, L. 4312-1, L. 4425-5, L. 4425-6, L. 5217-10-4, L. 71-111-3
et L.72-101-3 du
code général des collectivités territoriales
et article L. 212-1 du code
des communes de Nouvelle-Calédonie)

Le délai ne s'applique pas
en 2020.
Le débat relatif aux orientations budgétaire peut être tenu
lors de la séance de l'organe délibérant au cours de laquelle le budget est présenté à l'adoption

VIII
de l'article 4

Vote
des taux et
des taux et produits des impositions directes locales soumis au délai
mentionné à l'article 1639 A du code général
des impôts

Collectivités territoriales, collectivités à statut particulier et EPCI à fiscalité propre

15 ou 30 avril 2020
(article 1639 A du
code général des impôts)

3 juillet 2020 62 ( * )

Article 11

Fixation
des tarifs de
la taxe locale sur la consommation finale d'électricité (TCFE)

Communes, EPCI à fiscalité propre, syndicats intercommunaux exerçant la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité et départements

1 er juillet 2020
(article 216 de
la loi de finances pour 2020 )

1 er octobre 2020

Article 7

Institution de la taxe locale
sur la publicité extérieure (TLPE)

Communes, EPCI à fiscalité propre, métropole de Lyon

1 er juillet 2020
(articles L. 2333-6 et L. 2333-10 du
code général des collectivités territoriales)

1 er octobre 2020

Articles 8 et 9

Institution de
la redevance d'enlèvement des ordures ménagères

Syndicats mixtes compétents pour l'enlèvement des ordures ménagères

1 er juillet 2020
(article L. 2333-76
du code général des
collectivités territoriales)

1 er septembre 2020

Article 10

En deuxième lieu, l'ordonnance étend les prérogatives des exécutifs locaux en matière budgétaire pour l'exercice 2020 afin d'assurer la continuité budgétaire des collectivités et de leurs groupements :

- en l'absence de budget adopté au titre de l'exercice 2020, l'exécutif des collectivités territoriales et des établissements publics locaux peut engager, liquider et mandater la totalité des dépenses d'investissement prévues au budget de l'exercice 2019, sans autorisation de l'organe délibérant (I de l'article 3). Le Gouvernement remet ainsi en cause le dispositif qui avait été retenu par le Parlement à l'article 9 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 63 ( * ) , qui avait limité le montant des dépenses susceptibles d'être engagées par l'exécutif aux sept douzièmes des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette. Le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-391 adoptée le 1 er avril 2020 a précisé que ces dispositions primaient sur les facilités accordées aux présidents de la métropole de Lyon, aux métropoles et aux collectivités territoriales de Corse, de Guyane et de Martinique, qui sont rendues inapplicables pour l'exercice 2020. Cette mesure donne ainsi une souplesse de gestion inédite aux exécutifs locaux, qui n'avait pas été retenue dans cette proportion par le Parlement, mais qui peut paraître justifiée au regard des circonstances. Compte tenu du champ de l'habilitation conférée à l'article 11 de la loi, le Gouvernement était juridiquement fondé à modifier ainsi la loi votée deux jours auparavant par le Parlement. Néanmoins, la commission des lois estime qu' il aurait été de meilleure méthode que la mesure soit discutée et arrêtée dans le cadre de la discussion parlementaire ;

- jusqu'à l'adoption du budget pour l'exercice 2020 pour l'ensemble des collectivités territoriales et, une fois ce budget adopté pour les régions, métropoles, collectivités territoriales de Corse, de Guyane et de Martinique, l'exécutif peut procéder à des mouvements de crédits de chapitre à chapitre , à l'exclusion des crédits relatifs aux dépenses de personnel, dans la limite de 15 % du montant des dépenses réelles de chaque section, sans qu'une autorisation préalable de l'assemblée délibérante ne soit nécessaire . L'organe délibérant devra être informé de ces mouvements lors de sa plus prochaine séance (II de l'article 3 et I de l'article 4) ;

- le crédit que l'organe délibérant des communes, des régions, des collectivités de Corse, de Guyane et de Martinique, de la métropole de Lyon et des métropoles peut inscrire au budget pour dépenses imprévues est porté de 7,5 % à 15 % des dépenses réelles prévisionnelles pour l'exercice 2020 . Ces dépenses, en section d'investissement, pourront être financées par emprunt (II et III de l'article 4).

En conséquence de ces mesures, l'article 5 de l'ordonnance abroge l'article 9 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 qui poursuivait les mêmes objectifs.

III. Permettre une intervention rapide des collectivités territoriales en faveur des entreprises lors de la crise

Le deuxième objectif poursuivi par l'ordonnance est de favoriser une intervention rapide des collectivités territoriales pour faire face à la crise . Pour ce faire, des prérogatives accrues sont accordées aux présidents des conseils régionaux en matière d'aides aux entreprises, et toutes les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre volontaires sont autorisés à participer au fonds de solidarité nationale.

L' article 1 er de l'ordonnance autorise le président du conseil régional , sauf délibération contraire de ce dernier, à prendre toute décision d'octroi des aides aux entreprises. Initialement limitée à hauteur de 100 000 euros par aide octroyée, cette capacité d'intervention a vu son plafond rehaussé à 200 000 euros par le I de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-391 adoptée le 1 er avril 2020. Plusieurs dispositions permettent d'encadrer cette nouvelle autorisation :

- les décisions sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans la région, qui en contrôle la légalité . Si une personne physique ou morale est lésée par un de ces actes, elle peut, dans un délai de deux mois, demander au représentant de l'État dans la région de le déférer au tribunal administratif. Les voies de recours sont donc préservées ;

- le président du conseil régional doit informer par tout moyen la commission permanente des décisions qu'il prend à ce titre , et en rendra compte à la plus prochaine réunion du conseil régional ;

- l' autorisation ainsi accordée est temporaire : le conseil régional peut s'y opposer à tout moment et elle prendra quoi qu'il arrive fin à une date fixée par décret et au plus tard fin septembre 2020.

La possibilité pour le président du conseil régional de prendre toute décision d'octroi des aides aux entreprises constitue une évolution notable , bien que temporaire et encadrée, puisque, à l'exception des opérations de préparation, passation, exécution et règlements des marchés publics, les attributions que le conseil régional peut normalement déléguer à son président ne concernent pas l'engagement de dépenses.

L' article 2 de l'ordonnance autorise les exécutifs de l'ensemble des collectivités territoriales, de Nouvelle-Calédonie et des EPCI à fiscalité propre à signer avec l'État une convention déterminant le montant et les modalités de leur contribution au fonds de solidarité . Ce fonds, institué par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 pour une durée de trois mois 64 ( * ) , a pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 et les mesures prises pour en limiter sa propagation.

Cet article vient donc accroître les compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements . Sans cela, seules les régions, au titre de leurs compétences en matière de développement économique, auraient pu signer une telle convention. Celles-ci sont d'ores et déjà en train de débloquer 250 millions d'euros pour participer à ce fonds.

IV. Proroger certaines délégations ainsi que les mandats des représentants des élus locaux dans certaines instances consultatives nationales

En troisième lieu, l'ordonnance vise à proroger certaines délégations ainsi que les mandats des représentants des élus locaux dans certaines instances consultatives nationales, à la suite du report du second tour des élections municipales et de la prorogation des mandats des conseillers municipaux en fonction avant le premier tour des élections municipales.

Selon le droit commun, par délégation de l'organe délibérant, le maire, le président de l'EPCI à fiscalité propre et le président de la métropole de Lyon peuvent être chargés de procéder, dans les limites fixées par le conseil municipal, aux opérations nécessaires au financement de la collectivité ou de l'établissement public (par le biais, notamment, de la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget et des opérations financières utiles à la gestion des emprunts). Ces délégations ayant pris fin à l'ouverture de la campagne pour le renouvellement de l'organe délibérant, l'article 6 de l'ordonnance les rétablit.

L'article 14 proroge quant à lui les mandats des représentants des élus locaux au sein du comité des finances locales (CFL) et du conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Ces instances sont renouvelées tous les trois ans et devaient l'être en juillet 2020. Le second tour des élections municipales ayant été reporté, les mandats des représentants des élus locaux au sein de ces deux instances sont prorogés jusqu'au premier jour du cinquième mois suivant le second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon organisé en 2020.

V. Application outre-mer

L'article 15 précise les dispositions de l'ordonnance applicables en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit principalement des dispositions en matière budgétaire, rendues applicables au bloc communal et qui relèvent de la compétence de l'État dans ces territoires.

> Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19

L'ordonnance n° 2020-391 du 1 er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19 , constituée de 13 articles, vise à déléguer de plein droit certaines compétences à l'exécutif des collectivités territoriales et de leurs groupements, à assouplir les modalités de réunion des organes délibérants de ces mêmes personnes publiques, à alléger les formalités devant être respectées lors de leur prise de décision, et à reporter certains délais pour assurer la continuité de l'exercice de leurs compétences.

Ces dérogations, temporaires , visent à répondre aux difficultés actuelles de réunions et de déplacements, et au besoin de réactivité des collectivités territoriales et de leurs groupements. Selon l'article 11 de l'ordonnance, ses articles 3, 4 et 6 à 8 sont ainsi applicables à compter du 12 mars 2020 et pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire . Les autres articles comportent des mesures qui, par leur nature même, ont également un caractère temporaire.

I. Fondement juridique

L'ordonnance n° 2020-391 est prise en application du 8° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 , qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance « afin , face aux conséquences de l'épidémie de covid-19, d'assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux » en prenant, notamment, toute mesure « permettant de déroger :

a) Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s'agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ;

b) Aux règles régissant les délégations que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs ainsi que leurs modalités ;

c) Aux règles régissant l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;

d) Aux règles d'adoption et d'exécution des documents budgétaires ainsi que de communication des informations indispensables à leur établissement prévues par le code général des collectivités territoriales ».

II. Élargir les délégations attribuées aux exécutifs des collectivités territoriales et de leurs groupements

A) Des délégations larges attribuées de plein droit par la loi

L'ordonnance vise, en premier lieu, à confier de plein droit aux exécutifs locaux les attributions que les assemblées délibérantes peuvent leur déléguer par délibération, sans qu'une délibération ne soit nécessaire 65 ( * ) .

Le maire se verra ainsi, de par la loi, déléguer l'ensemble des attributions prévues à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, à l'exception de la faculté de procéder à des emprunts destinées au financement des investissements et aux opérations liées au financement de ces emprunts 66 ( * ) .

Le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) - qu'il s'agisse d'un EPCI à fiscalité propre ou d'un syndicat de communes - exercera par délégation l'ensemble des attributions de l'organe délibérant de l'EPCI, à l'exception des attributions que l'organe délibérant ne peut déléguer 67 ( * ) . Ces dispositions sont également applicables aux présidents de syndicats mixtes, de pôles métropolitains ne comprenant ni région, ni département, ni la métropole de Lyon, et aux pôles d'équilibre territorial et rural (PETR).

Le président du conseil départemental et le président du conseil régional se verront déléguer l'ensemble des attributions que le conseil départemental ou que le conseil régional peuvent habituellement lui déléguer par délibération en vertu respectivement des articles L. 3211-2, L. 3221-10-1, L. 3221-11, L. 3221-12 et L. 3221-12-1, et des articles L. 4221-5, L. 4231-7-1, L. 4231-8, L. 4231-8-2 du code général des collectivités territoriales, à l'exception, là aussi, de la possibilité de procéder à des emprunts destinées au financement des investissements et aux opérations liées au financement de ces emprunts.

Enfin, les exécutifs des collectivités territoriales à statut particulier que sont la Ville de Paris, la métropole de Lyon, et les collectivités de Corse, de Martinique et de Guyane, ainsi que des syndicats mixtes « ouverts » et « fermés », bénéficieront également de ces délégations de plein droit.

Une imprécision demeure sur le champ exact des délégations ainsi octroyées à l'exécutif de par la loi . En effet, les articles du code général des collectivités territoriales auxquels il est fait référence, relatifs aux délégations de l'organe délibérant à l'exécutif, disposent dans certains cas que l'exécutif n'exerce la compétence qui lui a été déléguée que dans les conditions et limites fixées par l'organe délibérant dans l'acte de délégation. En ce qui concerne les délégations au maire, il en va ainsi, par exemple, de la fixation des droits n'ayant pas de caractère fiscal, de l'exercice des droits de préemption ou de priorité prévus au code de l'urbanisme, ou encore de l'exercice d'actions en justice au nom de la commune. Dans le silence de l'ordonnance, il faut sans doute comprendre que, à défaut de délibération préalable de l'organe délibérant, l'exécutif est provisoirement habilité à exercer les compétences déléguées de par la loi sans autres conditions ni limites que celles qui s'attachent à l'exercice de ces compétences par l'organe délibérant lui-même.

L'exécutif pourra déléguer ces attributions à un adjoint ou un vice-président, ou à tout membre l'organe délibérant 68 ( * ) . Il pourra aussi déléguer sa signature à un agent de la collectivité ou de l'établissement exerçant des fonctions de direction 69 ( * ) .

En outre, pour l'exercice des compétences ainsi déléguées, l'exécutif se voit autorisé par la loi à souscrire des lignes de trésorerie , dans la limite du plus élevé des trois montants suivants :

- le plafond fixé par la délibération portant délégation en la matière (dans le cas où une telle délibération a été prise) ;

- le montant total du besoin budgétaire d'emprunt figurant au budget de l'exercice 2020 70 ( * ) ;

- 15 % des dépenses réelles figurant au budget de l'exercice 2020 71 ( * ) .

B) Le maintien d'un double contrôle

L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public conserve un contrôle sur l'exercice de ces délégations :

- ses membres sont en premier lieu informés sans délai et par tout moyen des décisions prises sur le fondement de ces délégations. L'exécutif en rend compte à la prochaine réunion de l'organe délibérant ;

- la question du maintien de ces délégations est obligatoirement inscrite à l'ordre du jour de la première réunion de l'organe délibérant qui suit l'entrée en vigueur de l'ordonnance. À cette occasion, mais également à tout moment, l'organe délibérant peut décider du maintien ou de la modification de ces délégations . Si l'organe délibérant décide de mettre un terme à une délégation, il peut réformer les décisions prises par l'exécutif sur le fondement de celle-ci.

Les actes pris sur le fondement de ces délégations sont, par ailleurs, soumis au contrôle de légalité dans des conditions plus rigoureuses que le droit commun : ils doivent tous être transmis sous quinzaine au représentant de l'État et peuvent tous être déférés par celui-ci au tribunal administratif.

Enfin, ces délégations sont temporaires et sont limitées aux exécutifs en fonction à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance . L'obligation de porter cette question « à l'ordre du jour de la première réunion [de l'organe délibérant] qui suit l'entrée en vigueur de la présente ordonnance » induit nécessairement ce caractère temporaire. La commission des lois regrette toutefois qu'une délimitation temporelle claire de ce régime d'exception n'ait pas été prévue.

III. Assurer la continuité du fonctionnement des collectivités territoriales

L'ordonnance vise en second lieu à assurer la continuité du fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, en leur permettant des modalités de réunion compatibles avec la situation actuelle de confinement et en assouplissant les formalités nécessaires à l'entrée en vigueur de leurs actes.

A) Faciliter la réunion des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et des SDIS et assouplir les conditions de quorum

Afin de permettre aux organes délibérants des collectivités territoriales de continuer à se réunir et à délibérer, l'ordonnance apporte plusieurs ajustements temporaires.

L'article 3 de l'ordonnance facilite la réunion de l'assemblée délibérante des collectivités territoriales à la demande de ses membres .

Le droit commun prévoit en effet la possibilité pour les membres de l'assemblée délibérante de demander sa réunion. La demande, pour être suivie d'effet, doit être présentée par, selon les cas, un tiers ou la moitié des membres de l'organe. L'ordonnance prévoit, pour la durée de l'état d'urgence sanitaire, de ramener cette proportion à un cinquième des membres. La réunion ainsi provoquée devra se tenir dans un délai maximal de six jours , sur un ordre du jour déterminé, et ne pourra excéder une journée. Chaque membre de l'organe délibérant ne pourra présenter plus d'une demande de réunion par période de deux mois d'application de l'état d'urgence sanitaire.

L'article 6 de l'ordonnance permet à l'exécutif de la collectivité ou du groupement de collectivités , pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, de décider que la réunion de l'organe délibérant, des commissions permanentes des départements et des régions et des bureaux des EPCI se tiendra par visioconférence ou, à défaut, par audioconférence. Il en est alors fait mention sur la convocation, qui est adressée aux membres de l'organe délibérant par tout moyen. Le quorum est apprécié en tenant compte à la fois des membres présents dans le lieu de réunion et de ceux présents à distance.

Lors de la première réunion organisée à distance, l'organe délibérant devra déterminer les modalités d'identification des participants, d'enregistrement et de conservation des débats, ainsi que les modalités de scrutin. L'ordonnance précise que les votes réalisés à distance ne peuvent avoir lieu qu'au scrutin public . Si une demande de scrutin secret était adoptée, le point serait réinscrit à l'ordre du jour d'une séance ultérieure, qui ne pourrait se tenir par voie dématérialisée.

Enfin, l'ordonnance indique que le caractère public de la réunion des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre, prévu par les articles L. 2121-18, L. 3121-11 et L. 4132-10, est réputé satisfait si les débats sont accessibles au public de manière électronique . Cette disposition, qui vise à faciliter les conditions de publicité des débats dans le cadre des réunions à distance, risque toutefois de représenter un risque contentieux pour des collectivités territoriales ou EPCI à fiscalité propre peu familiers des moyens techniques d'assurer la diffusion en direct des débats de leur organe délibérant. Il est donc attendu du Gouvernement qu'il communique largement sur les moyens techniques à privilégier pour remplir au mieux cette condition.

L'article 8 de l'ordonnance étend ces dispositions aux conseils d'administration et aux bureaux des services d'incendie et de secours (SDIS) qui, au cours de l'état d'urgence sanitaire, pourront délibérer à distance dans les mêmes conditions que les collectivités territoriales. Par ailleurs, le délai de convocation du conseil d'administration en cas d'urgence est ramené de trois jours à un jour franc suivant l'envoi de la convocation.

L'article 2 de l'ordonnance assouplit , quant à lui, les conditions liées au quorum et aux délégations de vote au sein des organes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, au-delà de ce qui était prévu à l'article 10 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée.

Introduit par la commission des lois du Sénat lors de l'examen du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 , ledit article 10 réduit de la moitié au tiers des membres en exercice des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics le quorum qui y est applicable, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire et dans les zones géographiques où il s'applique. Conformément au droit commun, il prévoit que, si après une première convocation régulièrement faite, le quorum n'est pas atteint, l'organe délibérant ou la commission permanente est à nouveau convoqué à trois jours au moins d'intervalle et délibère alors sans condition de quorum. Parallèlement, le législateur a autorisé chaque membre présent à détenir deux pouvoirs au lieu d'un.

Malgré l'adoption d'une disposition en ce sens par l'Assemblée nationale en première lecture, c'est délibérément que la commission mixte paritaire, suivie par chaque des deux assemblées, avait écarté l'extension de ces dispositions aux commissions permanentes des départements, des régions et de la collectivité territoriale de Guyane. Au sein d'une commission permanente, en effet, le quorum, également fixé selon le droit commun à la moitié des membres en exercice, est apprécié en fonction du nombre de membres présents ou représentés, alors qu'il est apprécié en fonction du nombre des seuls membres présents au sein des assemblées délibérantes. La commission mixte paritaire avait relevé que la disposition adoptée par les députés pouvait être moins favorable que le droit commun en ce qui concerne la commission permanente (puisque celle-ci peut délibérer si un quart seulement de ses membres sont présents et détiennent chacun un pouvoir).

Tout en étendant à juste titre la disposition adoptée par le Parlement aux communes de la Nouvelle-Calédonie, l'article 2 maintient l'abaissement du quorum au sein des assemblées délibérantes à un tiers des membres en exercice, mais dispose que ce quorum est apprécié en fonction du nombre de membres présents ou représentés. Il étend par ailleurs ces mêmes dispositions à la commission permanente des collectivités territoriales où cet organe existe ainsi qu'au bureau des EPCI à fiscalité propre .

Ces assouplissements supplémentaires suscitent de fortes réserves . Selon le dispositif prévu par l'ordonnance, l'assemblée délibérante d'une collectivité pourrait valablement délibérer si un neuvième seulement de ses membres étaient présents et chacun muni de deux pouvoirs (par exemple, quatre membres sur trente d'un conseil départemental, porteurs de six pouvoirs en tout). Ces dispositions sont encore plus contestables en ce qui concerne la commission permanente , qui peut ne comporter que cinq membres et dont l'effectif est en tout état de cause limité, dans les régions, au tiers de l'effectif du conseil régional et, en Guyane, à quinze membres. Ainsi, une commission permanente de quinze membres pourra valablement délibérer, au nom de l'assemblée délibérante, si deux de ses membres seulement sont présents et détenteurs, en tout, de trois pouvoirs .

Mieux vaudrait, selon la mission, faire usage des facilités prévues par l'ordonnance en organisant des réunions à distance par téléconférence ou audioconférence, que de prendre en si petit comité des délibérations qui, juridiquement valides , n'en seront pas moins politiquement fragiles .

De même, ces dispositions seraient applicables à l'élection du maire et des adjoints si les conseils municipaux élus au complet dès le premier tour étaient autorisés à se réunir avant la fin de l'état d'urgence sanitaire, ce qui paraît très inopportun car la légitimité de la municipalité élue pourrait s'en trouver affectée. On rappellera à cet égard que l'article 20 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée a habilité le Gouvernement à définir pour cette élection, par voie d'ordonnance, des modalités de vote à l'urne ou à distance garantissant le secret du vote. Aucune ordonnance en ce sens n'a encore été publiée, ce qui est regrettable, car une telle diversification des modalités de vote paraît bien préférable à un abaissement inconsidéré du quorum .

Enfin, le II de l'article 3 de l'ordonnance supprime l'obligation de réunion trimestrielle des organes délibérants des collectivités territoriales pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire.

B) Assouplir les formalités liées à la prise de décision et à l'entrée en vigueur des actes des collectivités territoriales

Afin de permettre une prise de décision rapide des collectivités territoriales dans le contexte de crise sanitaire actuel, l'ordonnance :

- autorise le maire ou le président de l'organe délibérant de la collectivité à décider que la conférence territoriale de l'action publique, les commissions municipales, départementales, régionales et intercommunales, ainsi que le conseil économique, social et environnemental ne sont pas saisis des affaires sur lesquelles ils sont habituellement consultés . L'exécutif devra néanmoins communiquer par tout moyen les éléments d'information relatifs aux affaires sur lesquelles ces commissions et conseils n'ont pas pu être consultés et les informer des décisions prises (article 4) ;

- assouplit les modalités de transmission des actes aux contrôle de légalité , en permettant une transmission électronique de ces actes (article 7) ;

- permet que la publication des actes règlementaires ne soit assurée que sous forme électronique sur le site internet de la collectivité ou du groupement (article 7).

C) Procéder à quelques ajustements

L'ordonnance, dans son article 5, apporte quelques compléments aux dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre résultant d'une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaire . Il est notamment prévu que :

- le président de l'EPCI à fiscalité propre n'appartenant pas à la catégorie à laquelle la loi a confié le plus grand nombre de compétences devient, de droit, vice-président du nouvel EPCI à fiscalité propre, en sus du nombre maximal de vice-présidents déterminé par l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales ;

- le règlement intérieur de l'organe délibérant de l'EPCI à fiscalité propre appartenant à la catégorie à laquelle la loi a confié le plus grand nombre de compétences devient celui du nouvel établissement ;

- le mandat des représentants de chaque ancien EPCI au sein d'organismes de droit public ou de droit privé est prorogé ;

- les actes et délibérations des anciens EPCI demeurent applicables, dans le champ d'application qui était le leur avant la fusion.

Dans son article 10, l'ordonnance modifie l'ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 72 ( * ) .

IV. Reporter certains délais pour assurer la continuité de l'exercice des compétences des collectivités territoriales

L'article 9 de l'ordonnance procède à des reports de délais dans l'exercice des compétences des communes et des intercommunalités à fiscalité propre pour tenir compte du report de l'installation des conseils municipaux et communautaires.

Eau, assainissement et gestion des eaux pluviales urbaines

Les syndicats compétents en matière d'eau, d'assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines ou dans l'une de ces matières , existant au 1 er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre d'une communauté de communes exerçant à titre obligatoire ou facultatif ces compétences ou l'une d'entre elles, ou dans celui d'une communauté d'agglomération sont, en vertu de l'article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique , maintenus jusqu'à six mois après cette prise de compétence afin que l'EPCI en question puissent décider de lui déléguer tout ou partie de ces compétences.

L'article 9 de l'ordonnance porte ce délai à neuf mois .

Ce même article accorde également un délai supplémentaire aux EPCI en question pour statuer sur la demande de délégation de compétence de tout ou partie des compétences relatives à l'eau, l'assainissement, et la gestion des eaux pluviales urbaines formulée par l'une de leurs communes membres entre janvier et mars 2020 .

Organisation de la mobilité

La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités organise un mécanisme original de transfert de la compétence « organisation de la mobilité » dans les communautés de communes. Dans les communautés de communes qui n'exerçaient pas cette compétence à la date de promulgation de la loi précitée, l'organe délibérant de l'EPCI et ses communes membres doivent se prononcer sur un tel transfert dans l'année qui vient. La délibération de l'organe délibérant doit intervenir avant le 31 décembre 2020. Les communes sont ensuite invitées à se prononcer dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire dans un délai de trois mois. Le transfert prend effet au plus tard le 1 er juillet 2021. À défaut, la compétence d'organisation de la mobilité est transférée, sur le territoire de cette communauté de communes, à la région.

L'article 9 de l'ordonnance proroge de trois mois le délai accordé à l'EPCI pour se prononcer sur ce transfert de compétences . La délibération de l'EPCI devra ainsi intervenir avant le 31 mars 2021. Le délai accordé aux communes pour délibérer n'est toutefois pas réduit, de même que la date du transfert effectif de compétence (1 er juillet 2021) n'est pas modifiée. Les délais accordés ne semblent donc pas compatibles avec une prise de compétence sereine par les communautés de communes. La commission des lois estime nécessaire que soit réduit le délai accordé aux communes pour délibérer, ou repoussée la date du transfert de compétence.

V. Application outre-mer

L'article 12 de l'ordonnance prévoit que les dispositions relatives aux délégations de droit à l'exécutif des communes et des EPCI, les possibilités accrues de réunion de l'organe délibérant à la demande de ses membres, les possibilités de réunion à distance, l'assouplissement des règles de quorum, la suppression du caractère obligatoire de certaines consultations ainsi que la transmission par voie électronique des actes au contrôle de légalité sont applicables aux communes, EPCI et syndicats mixtes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

> Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics
qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19

Cette ordonnance est prise à la suite de l'habilitation donnée au Gouvernement par le f du I° du I de l'article 11 de la loi n o 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Cette habilitation permet au Gouvernement d' « adapt[er] les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet » .

I. Le champ de l'ordonnance

A) Le champ d'application matériel de l'ordonnance

1. Une habilitation entendue de manière extensive

a) Une extension certaine à tous les contrats publics relatifs à la commande publique

L'article 1 er précise que « sauf mention contraire, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux contrats soumis au code de la commande publique ainsi qu'aux contrats publics qui n'en relèvent pas » . De prime abord, cette définition semble excéder le champ de l'habilitation stricto sensu accordée par le législateur puisque ce dernier se limite aux « règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation » prévues, d'une part, par le code de la commande publique ou, d'autre part, par des « stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».

Les dispositions de l'ordonnance font une interprétation large de cette habilitation , en considérant qu'elle lui permettait de forcer les stipulations de contrats ne relevant pas du code de la commande publique, sans être pour autant habilité à modifier les règles législatives spéciales qui encadrent ces stipulations. Si ce choix apparaît juridiquement discutable, cette extension à l'ensemble des contrats de la commande publique relevant ou non du code de la commande publique est néanmoins souhaitable sur le fond : elle permet, dans l'urgence, de sécuriser un nombre plus important de contrats et comble ainsi un manque de l'habilitation, relevé par le rapporteur de la commission des lois du Sénat 73 ( * ) , mais que celle-ci n'avait pu étendre compte tenu des règles de recevabilité résultant de l'article 38 de la Constitution. Il n'en reste pas moins que, juridiquement, il y a là un risque contentieux , l'ordonnance conservant un caractère réglementaire jusqu'à sa ratification.

b) Une extension incertaine à tous les contrats publics en lien ou non avec la commande publique

Interrogés par la commission des lois, certains acteurs institutionnels interprètent l'article 1 er comme ouvrant le champ de l'ordonnance à l'ensemble des contrats publics, que leur objet soit ou non en lien avec la commande publique. Cette interprétation est contestable en deux endroits.

Le premier est qu'elle s'écarte considérablement de l'esprit de l'habilitation donnée au Gouvernement . Il est vrai qu'elle vise formellement les « règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation » prévues par des « stipulations des contrats publics ayant un tel objet » (cf. supra) et que des règles de cette nature peuvent s'appliquer à des contrats administratifs étrangers à la commande publique, telles que les conventions d'occupation du domaine public ou les baux emphytéotiques administratifs (BEA). Toutefois, l'habilitation à prendre l'ordonnance a uniquement été présentée par le Gouvernement au Parlement dans le but « de limiter les conséquences de l'effondrement de la commande publique résultant des mesures sanitaires décidées pour prévenir l'extension de l'épidémie » 74 ( * ) et la lettre de l'habilitation vise explicitement le code de la commande publique. Si l'ouverture du champ de l'habilitation à tous les contrats de la commande publique semble souhaitable ( cf. supra ), l'ouverture aux contrats dépourvus de liens avec la commande publique semble, elle, relever d' une interprétation dolosive de l'habilitation donnée par le Parlement , pouvant conduire le juge administratif à remettre en cause l'application de l'ordonnance à ces contrats.

Le second écueil rencontré par cette interprétation est qu'elle nuirait à la lisibilité du droit applicable aux contrats publics dépourvus de lien avec la commande publique . En effet, la très grande majorité des dispositions de l'ordonnance sont rédigées afin de s'appliquer sans ambiguïté à la commande publique. Noyées parmi elles, seules quelques dispositions éparses et non identifiées pourraient éventuellement s'appliquer aux contrats hors commande publique. Il pourrait s'agir des dispositions de l'article 4 permettant la prolongation limitée de contrats sans remise en concurrence. Elles pourraient s'appliquer aux contrats administratifs qui, sans être pour autant des marchés ou des concessions, nécessitent normalement une telle mise en concurrence (exemple de certaines conventions d'occupation du domaine public 75 ( * ) ). Il pourrait s'agir également des points 1° et a. du 2° de l'article 6 adoucissant les conséquences d'une inexécution contractuelle.

De cette question découle directement le fait de savoir si les aménagements de délais « de droit commun » prévus par l'ordonnance n° 2020-306 76 ( * ) , en particulier par les articles 4 et 5 en matière d'inexécution ou de résiliation contractuelle, doivent s'appliquer aux contrats publics qui ne sont pas en lien avec la commande publique . En effet, l'article 1 er de ce texte dispose que l'ordonnance n'est pas applicable « aux délais et mesures ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci » .

Il reviendra maintenant au juge de répondre à cette question à l'occasion d'éventuels contentieux. Dans la mesure où les deux ordonnances tendent toutes deux à amoindrir les conséquences d'inexécutions contractuelles, il est probable que les décisions du juge administratif se bornent plus souvent à une substitution de base légale qu'à une annulation des actes litigieux. La question de l'application dans le temps reste, elle, plus problématique puisque l'ordonnance n° 2020-319 s'appliquera jusqu'à deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire ( cf. infra ) alors que ce délai n'est que d'un mois pour l'ordonnance n° 2020-306.

2. La présence de dispositions réglementaires

En outre , l'ordonnance comporte des mesures réglementaires, alors qu'elle est prise sur le fondement d'une habilitation législative. C'est notamment le cas pour celles de ses dispositions qui concernent les délais ou certaines modalités de passation prévues par le code de la commande publique. Ce point n'est pas juridiquement problématique. En effet, aucune habilitation n'est nécessaire au Gouvernement pour prendre des mesures réglementaires, le cas échéant par ordonnance, sous réserve qu'elles respectent les normes de rang supérieur. En outre, l'adoption de normes matériellement réglementaires au sein de l'ordonnance devrait leur permettre de bénéficier de la rétroactivité prévue par la loi d'habilitation alors qu'une telle rétroactivité n'est normalement pas admise pour les règlements 77 ( * ) .

3. Une application subordonnée à un critère finaliste lié à l'épidémie

L'article 1 er de l'ordonnance prévoit que les dérogations au droit commun « ne sont mises en oeuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation » . En cas de recours contre les mesures dérogatoires prises par un acheteur public en application de la présente ordonnance, le juge administratif devra donc examiner le but recherché par l'acheteur afin de vérifier qu'il n'en a pas détourné les dispositions .

B) L'application de l'ordonnance dans le temps

L'article 1 er précité précise que l'ordonnance est applicable aux contrats « en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois » .

C) L'application de l'ordonnance dans l'espace

L'article 7 précise que l'ordonnance s'applique, sous certaines conditions, à Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

II. Le contenu des dispositions

A) La prolongation des délais des procédures de passation

Pour les contrats relevant du seul code de la commande publique, l'article 2 de l'ordonnance permet aux acheteurs publics de prolonger « d'une durée suffisante » les « délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours » afin de permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner 78 ( * ) .

Cette possibilité n'était pas prévue par le projet loi d'habilitation déposée devant le Parlement et a été introduite, en commission, à l'Assemblée nationale après avoir était appelée de ses voeux par le rapporteur de la commission des lois du Sénat 79 ( * ) . Elle permet de « sauver » les procédures de passation en cours et évite ainsi aux acheteurs de réitérer les procédures ou de choisir un candidat dans des conditions faussées par les circonstances .

La rédaction de l'article 2 semble néanmoins soulever deux problèmes relatifs à son application dans le temps. Le premier est le caractère flou de la notion de « durée suffisante » . Le second tient à la rétroactivité des dispositions en application de l'article 1 er . En effet, la lecture croisée des articles 1 er et 2 laisse entendre que l'acheteur peut proroger un appel d'offre déjà clos à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance et ainsi remettre en cause une procédure de passation régulièrement échue postérieurement au 12 mars. Cette remise en cause de procédure échue peut être source d'insécurité juridique pour les candidats et ne semble pas avoir été anticipée par la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers 80 ( * ) .

B) L'assouplissement du formalisme

L'article 3 de l'ordonnance permet à l'acheteur de s'écarter du formalisme prévu par le code de la commande publique pour la sélection des candidats . Il dispose ainsi que « lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues en application du code de la commande publique dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées par l'autorité contractante, celle-ci peut les aménager en cours de procédure dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats » . Le ministère de l'économie et des finances indique par exemple que « les réunions de négociation en présentiel prévues par le règlement de la consultation peuvent être remplacées par des réunions en visioconférence » 81 ( * ) .

Combiné à l'article 1 er , l'article 3 semble également valider a posteriori d'éventuels aménagements dictés aux acheteurs par les circonstances avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance dès lors que l'égalité de traitement entre les candidats a été respectée (voir supra ). Là aussi, la validation de manquements à des obligations réglementaires ne semble pouvoir être introduite que par des dispositions législatives du fait de leur nécessaire rétroactivité.

C) La possible prolongation des contrats en cours d'exécution

L'article 5 de l'ordonnance dispose que les contrats arrivés à terme entre le 12 mars et la fin du deuxième mois qui suivra la fin de l'état d'urgence sanitaire pourront être prolongés par avenant si l'organisation d'une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en oeuvre . La prolongation ne pourra alors être fixée que jusqu'à la fin de ce délai, le cas échéant, prolongé du temps nécessaire à une remise en concurrence.

Cette disposition tend à figer les relations contractuelles le temps de la crise sanitaire . Une telle prolongation ne peut cependant pas être imposée unilatéralement aux entreprises puisqu'elle nécessite un avenant au contrat initial. Les précisions introduites pas l'ordonnance semblent nécessaires car le code de la commande publique autorise bien l'acheteur à modifier unilatéralement un contrat « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat » 82 ( * ) , mais ne lui permettent pas de le prolonger unilatéralement, un tel acte s'apparentant à une réquisition.

Le recours facilité à des avenants de prolongation semble ici ouvert à l'ensemble de la commande publique et pas seulement aux contrats relevant du code de la commande publique.

D) La possibilité de verser des avances plus importantes aux titulaires

L'article 5 prévoit la possibilité de verser des avances plus importantes aux entreprises cocontractantes que celles normalement admises par le code de la commande publique. Le plafond de 60 % 83 ( * ) peut ainsi être exceptionnellement dépassé par la conclusion d'un avenant et les conditions de garanties abaissées au profit des entreprises co-contractantes.

Ces dispositions ont pour objet de permettre aux acheteurs publics de soutenir la trésorerie de leurs prestataires , notamment des petites et moyennes entreprises pour lesquelles ce point est sensible.

E) L'adaptation des conditions d'exécution des contrats dans un sens plus favorable au titulaire

1. Le gel des délais d'exécution

L'article 6 a pour objet de forcer les contrats en cours d'exécution dans un sens plus favorable à leurs titulaires , sous réserve de stipulations encore plus favorables. En ce sens, il permet la prolongation de certains délais lorsque « le titulaire ne peut pas respecter le délai d'exécution d'une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive » 84 ( * ) .

2. Le gel des pénalités et le possible recours à un contrat de substitution pour l'acheteur

L'article 6 prévoit également que le titulaire ne peut se voir appliquer de pénalité 85 ( * ) lorsqu'il est « dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie d'un bon de commande ou d'un contrat , notamment lorsqu'il démontre qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive » 86 ( * ) . La notion d'impossibilité doit être entendue comme en lien avec l'épidémie, en application de l'article 1 er de l'ordonnance. Dans de telles circonstances et afin de pallier les éventuelles défaillances des titulaires, les acheteurs peuvent également recourir à des contrats de substitution avec d'autres entreprises « pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard » 87 ( * ) . Cette disposition fait obstacle à l'application d'une éventuelle clause d'exclusivité au bénéfice du titulaire et ne lui permet plus d'engager la responsabilité contractuelle de l'acheteur 88 ( * ) .

3. L'indemnisation du titulaire en cas d'annulation ou de résiliation d'un marché

L'article 6 prévoit que le titulaire peut être indemnisé si « l'annulation d'un bon de commande ou la résiliation du marché par l'acheteur est la conséquence des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire » 89 ( * ) . Ces dispositions permettent de fixer ce principe dans la loi même s'il est déjà communément admis dans le droit. Comme l'indique le ministère de l'économie et des finances, « tous les cahiers de clauses administratives générales prévoient la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de résilier [un] marché pour un motif d'intérêt général, pouvoir qui appartient en tout état de cause à l'administration même en l'absence de clause expresse le prévoyant » 90 ( * ) .

4. Le versement des sommes dues en cas de suspension d'un marché par l'acheteur

L'article 6 prévoit que « lorsque l'acheteur est conduit à suspendre un marché à prix forfaitaire dont l'exécution est en cours, il procède sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat » 91 ( * ) . À l'issue de la période de suspension, les parties détermineront par avenant si l'exécution du contrat reprend ou s'il est définitivement résilié. L'avenant devra également prévoir les conditions financières de l'une ou l'autre de ces options. Néanmoins, les dispositions de l'ordonnance ne prévoient pas le cas où les parties n'arriveront pas à trouver un accord à l'issue de la période de suspension . En cas de contentieux et dans le silence du texte, il est probable que le juge administratif « ressuscite » d'anciens principes généraux du droit afin de mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle des parties.

5. L'adaptation du régime des concessions en cas de suspension de l'exécution du contrat

L'exécution des contrats de concessions est plus complexe que celui des marchés puisqu'elle peut aboutir à des versements du concessionnaire vers le concédant ou inversement, selon les circonstances et l'équilibre économique du contrat. Aussi, afin de protéger l'intégrité économique des concessionnaires, l'article 6 du projet de loi prévoit qu'aucun flux financier ne peut aller du concessionnaire vers le concédant. En revanche, à l'inverse, « si la situation de l'opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, une avance sur le versement des sommes dues par le concédant peut lui être versée » .

Enfin, l'article 6 prévoit également le versement d'une indemnité au concessionnaire si les circonstances actuelles liées à l'épidémie conduisent au bouleversement de l'équilibre économique du contrat , nonobstant le risque d'exploitation consubstantiel à tout contrat de concession. Là aussi, l'inscription d'une telle règle dans la loi présente l'avantage de la clarté même si elle semble déjà établie par la jurisprudence centenaire du Conseil d'État relative à l'imprévision 92 ( * ) .

> Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire

L'ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 est prise sur le fondement de l'habilitation donnée par le i du 2° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Ce dernier autorise le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi « simplifiant et adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives, y compris les organes dirigeants des autorités administratives ou publiques indépendantes, notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence » 93 ( * ) .

I. Le champ d'application de l'ordonnance

A) Le champ d'application matériel de l'ordonnance

L'ordonnance s'applique aux conseils d'administration ou organes délibérants en tenant lieu, organes collégiaux de direction ou collèges des entités suivantes :

- les établissements publics , quel que soit leur statut ;

- la Banque de France ;

- les groupements d'intérêt public (GIP) ;

- les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API), « y compris notamment l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution » 94 ( * ) ;

- les organismes de droit privé chargés d'une mission de service public administratif .

L'ordonnance s'applique également aux commissions administratives et à toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions , notamment les instances de représentation des personnels, quels que soient leurs statuts, et les commissions d'attribution des logements HLM.

Elle ne concerne pas, en revanche, les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements. Des dispositions d'application directe ont en effet été prévues à leur endroit par l'article 10 de la loi d'urgence, qui adapte les règles de quorum, de représentation et, le cas échéant, de votation pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire.

B) L'application de l'ordonnance dans le temps

L'ordonnance est applicable durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu'à l'expiration de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 augmentée d'une durée d'un mois 95 ( * ) .

C) L'application de l'ordonnance dans l'espace

L'ordonnance s'applique sur tout le territoire de la République sous réserve de certaines exceptions au profit d'instances néo-calédoniennes et polynésiennes 96 ( * ) .

II. Le contenu de l'ordonnance

A) Le recours généralisé à la visioconférence et la levée des exigences de quorum

L'ordonnance généralise le recours possible aux conférences téléphoniques ou audiovisuelles pour les réunions des instances entrant dans son champ d'application , selon les modalités déjà établies par l'ordonnance du 6 novembre 2014 97 ( * ) et ses dispositions d'application. Elle prévoit que « cette faculté s'exerce nonobstant la circonstance que les dispositions législatives ou réglementaires propres à ces organismes ou instances, y compris leurs règles internes, ne prévoient pas de possibilités de délibération à distance ou les excluent » 98 ( * ) .

Afin d'amorcer le processus, l'ordonnance du 27 mars 2020 autorise que « les modalités d'enregistrement et de conservation des débats ou des échanges ainsi que les modalités selon lesquelles des tiers peuvent être entendus » 99 ( * ) soient exceptionnellement adoptées au cours d'une réunion elle-même dématérialisée afin d'éviter qu'une réunion « physique » soit organisée pour fixer les règles applicables aux réunions dématérialisées suivantes 100 ( * ) . La délibération relative aux règles applicables aux réunions dématérialisées est exécutoire dès son adoption, et doit faire l'objet d'un compte rendu écrit.

Dans le même but de faciliter la tenue des réunions, l'article 6 de l'ordonnance lève les éventuelles règles de quorum applicables aux instances pour l'adoption urgente de décisions ou d'avis 101 ( * ) .

B) Le développement des délégations pour les mesures urgentes

Pour l'adoption de mesures urgentes, les articles 3 et 4 de l'ordonnance autorisent des délégations exceptionnelles.

1. Les établissements publics, les GIP, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif

Ces délégations concernent « le conseil d'administration ou tout organe délibérant en tenant lieu ainsi que toute instance collégiale disposant d'un pouvoir de décision d'un établissement public, d'un groupement d'intérêt public, d'un organisme de sécurité sociale ou de tout autre organisme chargé de la gestion d'un service public administratif » 102 ( * ) . Ces organes peuvent procéder à une délégation « au président-directeur général, au directeur général ou à la personne exerçant des fonctions comparables » 103 ( * ) , nonobstant toute disposition contraire des statuts. La délégation peut être actée au cours d'une réunion dématérialisée. Le délégataire doit ensuite tenir informé l'instance délégante par tout moyen.

S'il n'est pas possible à ces instances de se réunir, même par voie dématérialisée, pour adopter une telle délégation, l'ordonnance prévoit que le président ou un membre désigné par l'autorité de tutelle est autorisé à prendre toute mesure urgente jusqu'à ce que cette instance puisse de nouveau être réunie, et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai d'application de l'ordonnance. Là aussi, la personne titulaire de ce droit exorbitant est soumise à une large obligation d'information 104 ( * )

2. Les Autorités administratives indépendantes et Autorités publiques indépendantes

L'article 4 de l'ordonnance autorise les collèges et organes délibérants des AAI et API à déléguer exceptionnellement certaines de leurs compétences à leur organe exécutif, leur président par exemple. Cette délégation peut être actée au cours d'une réunion dématérialisée. Elle ne peut concerner que des mesures urgentes et n e peut pas porter sur des compétences exercées en matière de sanction.

En revanche, l'ordonnance du 27 mars 2020 prévoit la possibilité qu' « une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions » d'AAI ou API puisse se réunir par voie dématérialisée, par dérogation aux règles de droit commun prévues par l'ordonnance du 6 novembre 2014 précitée 105 ( * ) .

C) Le report de la mise en place des comités d'agence et des conditions de travail des agences régionales de santé

Le délai limite pour la mise en place des comités d'agence et des conditions de travail (CACT) des ARS est repoussé au 1 er janvier 2021. Ils avaient été créés par la loi du 6 août 2019 106 ( * ) pour connaître des questions et projets intéressant l'ensemble des personnels des agences régionales de santé et devaient initialement être institués avant le 16 juin 2020 107 ( * ) .

Les mandats des membres des actuels comités d'agence et CHSCT devant être remplacés par les CACT sont prolongés jusqu'à cette même date 108 ( * ) .

D) Le prolongement des mandats devant être renouvelés

Pendant la période d'application de l'ordonnance, son article 6 prévoit que les mandats des membres des instances auxquelles elle s'applique 109 ( * ) arrivant à échéance sont prolongés jusqu'à la désignation des nouveaux membres, et au plus tard jusqu'au 30 juin 2020 . Cette prolongation s'applique nonobstant toute limite d'âge ou interdiction de mandats successifs. Il reviendra par la suite à un décret d'adapter la durée du mandat des nouveaux membres afin de la réadapter au rythme habituel de renouvellement de ces instances. Des mesures de prolongation similaires sont applicables aux dirigeants de ces instances, jusqu'au 30 juin 2020.

Cette mesure s'appliquera, par exemple à six des neuf membres de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), dont son président, nommés pour cinq ans 110 ( * ) par un décret du 29 avril 2015 111 ( * ) .

Si la première nomination d'un membre ou le renouvellement d'un membre ou d'un dirigeant nécessite une élection, le délai pour y procéder est repoussé au 31 octobre 2020 . Les mesures de prolongation et la levée des quorums prévues à l'article 6 de l'ordonnance ne sont pas applicables « aux organes délibérants des établissements publics et aux instances collégiales administratives ayant fait l'objet d'adaptations particulières poursuivant le même objet par la loi du 23 mars 2020 susvisée ou en application de celle-ci » 112 ( * ) . Elles ne s'appliquent pas non plus aux CACT, CHST et aux comités d'agence des ARS ( cf. supra ).

> Ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19

I. L'habilitation

Le l du 2° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai de trois mois, pour modifier « des modalités de déroulement des concours ou examens d'accès à la fonction publique » et « garantir la continuité de leur mise en oeuvre, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats ».

Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

L'objectif est de pourvoir aux postes vacants dans les meilleures conditions possibles, la plupart des concours administratifs ayant été suspendus à compter du 12 mars 2020 . Cette suspension a d'ailleurs été confirmée par l'article 9 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 113 ( * ) .

II. L'adaptation des modalités d'organisation des concours

L'ordonnance permet au pouvoir règlementaire d'adapter toutes « les voies d'accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois » des agents publics, notamment en ce qui concerne le nombre et le contenu des épreuves . Le Gouvernement envisage par exemple de supprimer certaines épreuves écrites , « peu susceptibles d'être passées à distance » 114 ( * ) , et de revoir le calendrier des concours dans les trois versants de la fonction publique .

À titre dérogatoire, l'obligation de présence physique pourra être supprimée pour les candidats et « tout ou partie des membres du jury », « lors de toute étape de la procédure de sélection ». Un décret fixera les garanties procédurales et techniques permettant d'assurer l'égalité de traitement des candidats et la lutte contre la fraude .

Ces dispositions s'appliqueraient également aux magistrats judiciaires . Elles pourraient permettre d'adapter les conditions d'organisation des concours mais non les voies d'accès à la magistrature, qui relèvent de la loi organique en application de l'article 64 de la Constitution.

III. L'allongement de plusieurs délais

En raison de la crise sanitaire, l'ordonnance prolonge plusieurs délais pour les procédures d'accès aux trois versants de la fonction publique .

Versant

Délais habituels

Dispositions de l'ordonnance

Durée de validité des
listes complémentaires pour les lauréats des concours

État

Jusqu'au début des épreuves du concours suivant et, au plus tard, dans un délai de 2 ans

Prolongation jusqu'au 31 décembre 2020 pour les concours interrompus ou qui n'ont pas été ouverts

Hospitalier

Jusqu'à l'ouverture du concours suivant et, au plus tard, dans un délai d'un an

Durée de validité
des listes d'aptitude pour les lauréats des concours

Territorial

4 ans à l'issue
du concours

Suspension de ce délai jusqu'à 2 mois après
la fin de l'état
d'urgence sanitaire

Fonction publique communale de la Polynésie française

Jusqu'au début des épreuves du concours suivant et, au plus tard, dans un délai de 2 ans

Prolongation jusqu'au 31 décembre 2020 pour les concours interrompus ou qui n'ont pas été ouverts

Date à laquelle
les candidats doivent remplir les conditions d'accès au concours

État

Date de la première épreuve du concours

Prolongation du délai,
au plus tard à la date d'établissement de la liste des lauréats

IV. Des premières mises en oeuvre pratiques

Dans le versant territorial, la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) a réagi très rapidement à la suspension des concours administratifs .

Elle a d'ores et déjà suspendu les épreuves jusqu'en mai prochain . Cette mesure concerne une vingtaine de cadres d'emplois, comme les chefs de service et les brigadiers de la police municipale, les bibliothécaires, les adjoints administratifs, les auxiliaires de puériculture, les cadres de santé paramédicaux, etc .

Le nouveau calendrier des épreuves n'est pas encore connu . Il devra, en tout état de cause :

- être concerté entre les centres de gestion pour éviter qu'un même candidat se présente dans plusieurs départements pour un même concours ;

- respecter certaines contraintes matérielles, comme la disponibilité des salles d'examen et des correcteurs d'épreuve.

Certains concours pourraient être annulés en raison du faible nombre de candidats et de la possibilité d'organiser une nouvelle session dès 2021, notamment pour les assistants principaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques.

Enfin, la FNCDG a adapté les conditions d'inscription aux concours pendant la période de confinement . À titre d'exemple, les inscriptions pour le concours d'attaché territorial sont ouvertes jusqu'au 27 mai 2020 (contre le 29 avril initialement), les épreuves étant maintenues au mois de novembre 2020. Par dérogation, les candidats pourront envoyer leur dossier d'inscription par voie postale mais également par messagerie électronique , ce qui simplifiera les procédures.

V. Les points de vigilance

Compte tenu des circonstances, adapter les conditions d'organisation des concours est une nécessité pour pourvoir les postes vacants de fonctionnaires et éviter un recours trop large aux agents contractuels. L'enjeu est considérable : chaque année, près de 48 000 personnes réussissent un concours de la fonction publique de l'État, et près de 16 000 obtiennent un concours de la fonction publique territoriale 115 ( * ) .

L'ordonnance du 27 mars 2020 constitue donc une étape importante, définissant les premières orientations à suivre . Elle peut permettre d'expérimenter certaines simplifications administratives , alors que l'organisation des concours constitue aujourd'hui un processus long et coûteux 116 ( * ) .

Dans la plupart des cas, les dates de report des concours ne sont pas encore connues, ce qui peut déstabiliser les candidats. Les organisateurs ont besoin de davantage de visibilité sur les possibilités offertes pour l'adaptation des épreuves , notamment en ce qui concerne la suppression de certaines épreuves écrites et le recours à la visioconférence pour les épreuves orales 117 ( * ) .

Le Gouvernement doit également préciser la situation des apprentis travaillant dans le secteur public . Les centres de formation des apprentis (CFA) ne les accueillent plus depuis le 16 mars 2020 et, dans bien des cas, ils ne peuvent pas recourir au télétravail.

D. LES MESURES ÉLECTORALES

> Ordonnance n° 2020-307 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d'organisation du scrutin

I. L'habilitation

L'article 21 de la loi du 25 mars 2020 reporte les élections consulaires, initialement prévues les 16 et 17 mai 2020, au plus tard au mois de juin 2020 . Il prolonge, en conséquence, le mandat des conseillers consulaires et des délégués consulaires en exercice.

Le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnances dans un délai d'un mois à compter de la publication de la loi pour « prendre toute mesure relevant du domaine de la loi liée à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d'organisation du scrutin ». Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai d'un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

II. Le calendrier électoral prévu par l'ordonnance

L'ordonnance n° 2020-307 du 25 mars 2020 prévoit un calendrier sous forme d'un « rétroplanning » pour les opérations préparatoires aux élections consulaires, sans préciser la date du nouveau scrutin . Cette date sera fixée par décret, en fonction des recommandations du comité de scientifiques placé auprès du Gouvernement 118 ( * ) .

Les candidatures déjà déposées pour le scrutin des 16 et 17 mai 2020 resteraient valables, « sauf manifestation de volonté expresse des candidats ». De nouveaux candidats pourraient quant à eux déposer leur dossier jusqu'à 30 jours avant le scrutin.

Le calendrier électoral serait concentré sur 40 jours, contre 90 jours dans le droit commun .

Élections consulaires : le calendrier électoral

Droit commun

Scrutin de juin 2020

Convocation des électeurs

J-90 avant le scrutin

J-40 avant le scrutin

Délai limite pour le dépôt
des candidatures

J-70

J-30

Remise, par l'administration,
du récépissé d'enregistrement des candidatures

J-66

(quatre jours)

J-28

(deux jours)

Délai de contestation si l'administration refuse d'enregistrer la candidature

J-63

(trois jours)

J-25

(trois jours)

Décision du juge administratif

sur ce contentieux

J-60

(trois jours)

J-22

(trois jours)

Envoi des courriers informant

les électeurs du scrutin et

des candidats en présence

J-50

J-18

Dépôt, par les candidats,
de leurs bulletins de vote
au poste consulaire

J-47

Date à fixer par décret

Transmission, par les candidats, de leur profession de foi
pour publication sur le site
du ministère
des affaires étrangères

J-28

Date à fixer par décret

Début de la campagne électorale

J-21

Date à fixer par décret

Vote par internet 119 ( * )

Entre J-9 et J-4

Date à fixer par décret

Vote à l'urne

16-17 mai 2020

Date à fixer par décret, au plus tard
au mois de juin

Proclamation des résultats

J + 2

J + 2

Délai limite pour

contester les résultats de l'élection

J + 12

J + 12

Election, parmi les conseillers consulaires, des membres
de l'Assemblée des Français
de l'étranger (AFE)

J + 30

J + 30

Délai limite pour

la première réunion de l'AFE

J + 150

J + 150

Ce calendrier est particulièrement resserré , en raison des contraintes imposées par la situation sanitaire.

Il suppose que le comité de scientifiques rende son rapport au moins 45 jours avant le scrutin afin de pouvoir mener des consultations politiques en amont du décret de convocation des électeurs. Si le scrutin a lieu les 20 et 21 juin prochains, le comité de scientifiques devra se prononcer le 7 mai 2020 au plus tard (alors que la loi lui laisse théoriquement jusqu'au 23 mai 2020 pour le faire), pour un décret de convocation publié le 12 mai 2020.

L'administration ne disposera que de 2 jours pour contrôler la validité des candidatures, contre 4 jours dans le droit commun.

La campagne électorale, qui dure habituellement trois semaines, serait donc réduite à quelques jours . En fonction des décrets à paraître, elle pourrait commencer environ 6 jours avant le début de vote par internet - qui se déroule de manière anticipée - et 15 jours avant le vote à l'urne.

III. Des mesures qui soulèvent encore certaines interrogations

Divers ajustements calendaires (non prévus par l'ordonnance du Gouvernement) auraient permis d'allonger la durée de la campagne électorale, par exemple en réduisant le délai entre la convocation des électeurs et le dépôt des candidatures ou le délai dont dispose les candidats pour contester le refus de leur candidature. Ce choix n'a toutefois pas été fait par le Gouvernement.

Plusieurs questions semblent nécessiter des précisions complémentaires de la part du Gouvernement , notamment en ce qui concerne :

- la gestion des listes électorales consulaires . Habituellement, un électeur peut s'y inscrire jusqu'au sixième vendredi précédant le scrutin, soit le 15 mai 2020 si les élections consulaires sont organisées les 20 et 21 juin prochain ;

- le point de départ de certaines dispositions du code électoral , comme l'interdiction d'acheter des publicités commerciales dans les six mois précédant le scrutin 120 ( * ) ;

- la durée du mandat des conseillers consulaires qui seraient élus en juin prochain . Leur mandat va-t-il courir jusqu'en mai 2026 (soit la date habituelle des élections consulaires) ou jusqu'en juin 2026 (soit six ans après le scrutin de 2020) ?

Le Gouvernement n'a pas retenu les dispositions de la proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d'exercice des mandats électoraux de leurs membres, adoptée par le Sénat le 22 janvier 2019 .

Plusieurs d'entre elles auraient permis de sécuriser le scrutin, tout en respectant le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnances. Peuvent être mentionnées :

- l'obligation pour l'administration de refuser la candidature d'une personne non inscrite sur les listes électorales consulaires et donc inéligibles 121 ( * ) ;

- l'organisation d'élections partielles dans les circonscriptions où aucune candidature n'a été régulièrement enregistrée 122 ( * ) .

IV. L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE)

L'ordonnance précise, enfin, que le mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) en exercice expire dans le mois qui suit l'élection des nouveaux conseillers consulaires, ce qui est cohérent avec la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France. L'élection des nouveaux membres de l'AFE - élus par et parmi les conseillers consulaires - aurait donc lieu en juillet 2020 .

Interprétant de manière extensive l'habilitation du législateur, l'ordonnance dispose également que l'AFE peut ne se réunir qu'une seule fois au cours de l'année 2020 , contre deux fois habituellement. Cette disposition tire les conséquences de l'annulation de la session de mars 2020, en raison de la dégradation des conditions sanitaires. Une fois renouvelée, l'AFE pourrait se réunir à l'automne 2020.

> Ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon

I. L'habilitation

L'article 20 de la loi du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai d'un mois, pour adapter le droit électoral. Un projet de loi de ratification doit être déposé dans le mois suivant la publication de chaque ordonnance.

L'ordonnance du 1 er avril 2020 couvre une grande partie de l'habilitation en modifiant les règles relatives :

- à l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires (qui doit se tenir au plus tard en juin 2020), au financement de la campagne électorale et à la consultation des listes d'émargement ;

- au calendrier pour l'établissement de la seconde fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques.

Deux champs de l'habilitation ne sont toutefois pas couverts par l'ordonnance :

- les modalités d'organisation de l'élection des maires et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour ;

- l'adaptation du calendrier électoral dans les territoires ultramarins , notamment dans l'hypothèse où le second tour des élections municipales et communautaires pourrait s'y tenir avant juin 2020.

Conformément aux engagements pris devant la représentation nationale, le Gouvernement doit permettre l'élection des maires et des adjoints le plus rapidement possible , même si le confinement devait être prolongé.

La prolongation du mandat des maires sortants ne peut être que limitée dans le temps, afin de laisser place aux nouvelles équipes. Le Gouvernement doit prendre, dans l'urgence, des dispositions prévoyant un vote à l'urne, par correspondance ou par voie électronique.

II. L'organisation du second tour des élections municipales et communautaires

A) Le gel des listes électorales

Comme l'indique le Gouvernement, il convient, pour assurer la sincérité du scrutin, d'« organiser le second tour dans un cadre similaire à ce qui aurait été prévu en l'absence de report » 123 ( * ) .

En conséquence, les listes électorales dressées pour le premier tour sont « gelées » en vue du second tour . Les inscriptions ou radiations effectuées dans l'intervalle ne prendront effet qu'au lendemain du second tour. La candidature des citoyens qui ont démontré leur attache communale avant le premier tour ne pourra pas être remise en cause, même en cas de changement de domicile.

Seules quelques exceptions sont prévues pour permettre :

- l'inscription sur les listes électorales des personnes devenues majeures ou ayant acquis la nationalité française avant le second tour ;

- les radiations prononcées sur décision de justice ou pour décès.

Une réflexion identique doit être menée pour l'établissement des listes électorales des Français de l'étranger, en vue des prochaines élections consulaires.

Une interrogation demeure concernant l'application des règles d'inéligibilité. À titre d'exemple, l'article L. 231 du code électoral dispose qu'un fonctionnaire de police ne peut pas se présenter dans le ressort où il exerce ou a exercé ses fonctions depuis moins de six mois. Ce délai doit-il courir à compter du premier ou du second tour du scrutin ? Cette question se pose essentiellement dans les communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles les citoyens peuvent se présenter directement au second tour (voir infra ).

B) Le dépôt des candidatures

Conformément à la loi d'urgence du 23 mars 2020, les déclarations de candidature pour le second tour devront être déposées « au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs » 124 ( * ) .

L'ordonnance précise toutefois que les candidatures régulièrement enregistrées avant le 17 mars 2020 125 ( * ) restent valables . Il s'agit d'un changement de doctrine de la part du Gouvernement 126 ( * ) , qui correspond à une demande constante du Sénat.

Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les candidats pourront également retirer leur déclaration de candidature, avec l'accord de la majorité des membres de la liste. Il ne sera toutefois pas possible de modifier la liste, sauf à la retirer avant de la redéposer.

Les déclarations de candidatures devront être déposées en préfecture ou en sous-préfecture, sans possibilité d'envoi dématérialisé .

Enfin, dans les communes de moins de 1 000 habitants, l'ordonnance rappelle que le second tour porte uniquement sur les sièges non pourvus au premier tour. Conformément à l'article L. 255-3 du code électoral, « seuls peuvent se présenter au second tour de scrutin les candidats présents au premier tour, sauf si le nombre de candidats au premier tour est inférieur au nombre de sièges à pourvoir ».

C) Les règles de financement de la campagne électorale

De manière opportune, l'ordonnance précise le calendrier de dépôt des comptes de campagne , en fixant un délai limite :

- au 10 juillet 2020 pour l'ensemble des listes uniquement présentes au premier tour (y compris en cas d'élection au complet du conseil municipal) ;

- au 11 septembre 2020 pour les listes présentes au second tour .

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) disposerait d'un délai supplémentaire pour examiner les comptes de campagne, « en raison notamment des difficultés de recrutement liées à la période estivale » 127 ( * ) .

En cas de recours devant le juge de l'élection, la CNCCFP pourrait instruire le dossier en trois mois à compter du délai limite pour le dépôt des comptes de campagne (contre deux mois habituellement), ce qui aura pour conséquence d'allonger la durée des procédures contentieuses.

En l'absence de contentieux, la CNCCFP se prononcera dans un délai de six mois à compter du dépôt de chaque compte de campagne, conformément aux règles de droit commun fixées par l'article L. 52-15 du code électoral.

D) La consultation des listes d'émargement

En application de l'article 68 du code électoral, les listes d'émargement peuvent être communiquées à tout électeur « pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin ». Elles constituent, des pièces importantes en cas de contentieux.

En raison de la crise sanitaire, l'ordonnance allonge le délai de communication des listes d'émargement , qui seront disponibles :

- dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour de scrutin : pendant cinq jours à compter de l'entrée en fonction de la nouvelle équipe municipale. Cette date d'entrée en fonction sera fixée par décret, aussitôt que les conditions sanitaires permettront l'élection du maire et de ses adjoints et au plus tard en juin 2020 ;

- dans les communes où un second tour est nécessaire : entre la publication du décret de convocation des électeurs (qui doit être pris le 27 mai 2020 au plus tard) et les cinq jours qui suivent le scrutin (prévu en juin 2020 au plus tard).

III. Le mandat des conseillers dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour

Dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet, l'entrée en fonction des conseillers municipaux est différée en raison de la situation sanitaire (voir supra ).

La loi d'urgence du 23 mars 2020 a précisé le « statut des candidats élus au premier tour dont l'entrée en fonction est différée ne leur confère ni les droits ni les obligations normalement attachées à leur mandat. Le régime des incompatibilités (...) ne s'applique à eux qu'à compter de leur entrée en fonction ».

À titre complémentaire, l'ordonnance précise que la démission des candidats élus dès le premier tour ne prend effet qu'après leur entrée en fonction .

Cette disposition interprète de manière extensive le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnances, qui porte essentiellement sur l'organisation du second tour de scrutin. Sur le fond, elle ne soulève toutefois aucune difficulté.

IV. Le calendrier pour l'établissement de la seconde fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques

En raison de la crise sanitaire, la loi d'urgence du 23 mars 2020 reporte le délai limite pour le dépôt des comptes des partis et groupements politiques, désormais fixé au 11 septembre 2020 128 ( * ) .

Cette modification a des conséquences sur l'aide publique : seuls peuvent y prétendre les partis et groupements politiques qui ont respecté leurs obligations en matière de financement électoral.

L'ordonnance adapte ainsi le calendrier de la seconde fraction de l'aide publique 129 ( * ) :

- les parlementaires auront jusqu'en janvier 2021 (et non jusqu'en novembre 2020) pour se rattacher à un parti ou à un groupement politique ;

- les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat auront jusqu'au 31 janvier 2021 (et non jusqu'au 31 décembre 2020) pour communiquer la liste de ces rattachements au Premier ministre .

II. LES MESURES RELATIVES À L'ACTION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

A. L'ADAPTATION DES DÉLAIS PRÉVUS À PEINE DE DÉCHÉANCE

> Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période

L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures est prise en application de deux habilitations de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 permettant au Gouvernement de prendre toute mesure législative pour adapter les délais 130 ( * ) , en particulier les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives et ceux qui sont prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure.

I. Dispositions générales sur la prorogation des délais et mesures administratives et juridictionnelles

Le titre I er est consacré aux dispositions générales sur la prorogation des délais.

L'ordonnance reporte, de manière générale, le terme de tous les délais prévus par la loi ou le règlement échus entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire : ils sont prorogés à compter de cette date pour la durée totale qui leur était légalement impartie, dans la limite de deux mois (article 2). Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit .

Conformément à l'habilitation conférée par le Parlement à l'article 11 131 ( * ) de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 (article 1 er ), le report de ces délais est strictement encadré dans le temps . À cet égard, le terme des délais échus avant ou fixés après la période « juridiquement protégée » n'est pas reporté.

En outre, comme le précise la circulaire de la garde des Sceaux du 26 mars 2020, les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés par ce moratoire 132 ( * ) . De la même façon, le paiement des obligations contractuelles n'est pas suspendu et les échéances contractuelles doivent être respectées , seul le jeu de certaines clauses est « paralysé » par l'ordonnance (voir infra ). Cependant, « les dispositions de droit commun restent applicables le cas échéant si leurs conditions sont réunies et sous réserve de l'appréciation du juge, par exemple la suspension de la prescription pour impossibilité d'agir en application de l'article 2234 du code civil, ou encore le jeu de la force majeure en matière contractuelle prévue par l'article 1218 du code civil » 133 ( * ) .

L'ordonnance proroge également le terme de certaines mesures administratives et juridictionnelles (article 3) arrivées à échéance dans les mêmes conditions que les autres délais 134 ( * ) ; leur validité est prorogée de plein droit pour deux mois à l'issue de la période juridiquement protégée 135 ( * ) . Le juge ou l'autorité compétente peut en modifier le terme ou y mettre fin lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. Seules les mesures qui devaient arriver à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire sont renouvelées : il n'est pas prévu de proroger la validité des mesures arrivées à leur terme avant ou après cette période « juridiquement protégée ».

Sont concernées :

- les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;

- les mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;

- les autorisations, permis et agréments ;

- les mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

- et les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial 136 ( * ) .

Le moratoire prévu par le titre I er de la présente ordonnance exclut toutefois expressément (article 1 er ) :

- les délais ou mesures de droit pénal et de procédure pénale, qui font l'objet de dispositions spécifiques dans l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale ;

- les délais ou mesures concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;

- les délais concernant l'édiction ou la mise en oeuvre de mesures privatives de liberté, ce qui était expressément exclu par l'habilitation ;

- les procédures d'inscription dans un établissement d'enseignement ou les voies d'accès à la fonction publique, qui font l'objet de l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19 ;

- les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;

- et, enfin, les délais et mesures faisant l'objet d'adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020.

Le moratoire inclut donc, à titre d'exemple, les délais prévus en matière commerciale qui ne font pas l'objet d'adaptations particulières en application de la loi du 23 mars 2020 par voie d'ordonnance 137 ( * ) .

L'ordonnance rend également ce moratoire applicable aux « mesures restrictives de liberté ou aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garantis » sous réserve que la validité de la mesure n'excède pas le 30 juin 2020 (article 1 er ). Cette disposition est strictement encadrée dans le temps et elle est conforme à l'habilitation qui n'excluait que les mesures privatives de liberté et les sanctions. Il semble qu'elle vise les mesures conservatoires, d'interdiction ou de suspension de l'article 3 de l'ordonnance. Son champ d'application n'est toutefois pas parfaitement clair , il serait donc opportun que le Gouvernement précise par voie de circulaire quelles mesures il entend viser .

Enfin, ces dispositions sont rendues applicables à Wallis et Futuna ainsi qu'en Polynésie française 138 ( * ) et en Nouvelle Calédonie, sauf pour les matières qui relèvent de la compétence de ces collectivités (article 14).

Outre ces mesures prises par ordonnance, le Gouvernement peut aussi reporter tout délai prévu par des dispositions réglementaires en raison de la crise sanitaire comme, par exemple, le délai d'inhumation ou de crémation . Fixé dans le droit commun à six jours, il est désormais possible d'y déroger jusqu'à 21 jours 139 ( * ) , sans accord préalable du préfet et de manière proportionnée aux circonstances 140 ( * ) , pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire et le mois suivant sa cessation 141 ( * ) .

II. Privation d'effet des astreintes et de certaines clauses contractuelles

L'ordonnance comprend deux mesures permettant, d'une part, de paralyser les dispositifs sanctionnant l'inexécution d'un débiteur , pour tenir compte des difficultés inhérentes à la période d'urgence sanitaire, et, d'autre part, de sauvegarder les possibilités de mettre fin à un contrat .

L'article 4 tend à priver d'effet les astreintes prononcées par une juridiction ou une autorité administrative ainsi que les clauses contractuelles
- clauses pénales, clauses résolutoires, clauses prévoyant une déchéance - qui ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé. Cette disposition produit les mêmes effets que la cause étrangère, qui, lorsqu'elle est reconnue par un juge, permet la suppression d'une astreinte en application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, ou que la force majeure qui suspend l'exécution d'une obligation en application de l'article 1218 du code civil. Elle évite le contentieux qui aurait pu naître de ces situations.

Ces astreintes et clauses sont réputées ne pas avoir pris cours ou produit d'effet , si ce délai a expiré pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire. Leur effet est alors reporté d'un mois après cette période protégée , si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont quant à eux suspendus pendant la période protégée, puis reprennent effet à son issue.

L'article 5 règle la situation des contrats qui ne peuvent être résiliés qu'à une certaine période ou ceux qui comportent une clause de tacite reconduction. Craignant que la situation de crise sanitaire empêche certains cocontractants d'user de leur faculté de mettre fin aux contrats, le Gouvernement a choisi d'accorder un délai supplémentaire de deux mois à l'issue de la période protégée pour accomplir la formalité nécessaire (résiliation ou opposition) lorsque celle-ci devait avoir lieu pendant cette période. Cette solution, protectrice de la liberté contractuelle, permet là encore d'éviter l'engagement de procédures.

Ces deux articles sont rendues applicables à Wallis et Futuna et, sauf pour les matières qui relèvent de sa compétence, en Nouvelle Calédonie. S'agissant de la Polynésie française, les articles 4 et 5 sont applicables sauf en matière civile ou commerciale (article 14).

III. Prolongation généralisée des délais administratifs

1. La règle générale du report des délais

Le titre II de l'ordonnance porte sur les délais que l'administration doit respecter ainsi que ceux qu'elle impose aux usagers dans le cadre de son activité. La définition de l'administration est ici 142 ( * ) la même que celle prévue par le code des relations entre le public et l'administration 143 ( * ) . Elle comprend « les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale » .

L'article 7 de l'ordonnance prévoit un gel global des délais opposables à ces administrations concernant les décisions, accords ou avis qu'elles sont amenées à produire explicitement ou implicitement . Les mêmes règles s'appliquent aux administrations lorsqu'elles ont à « vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande » ainsi qu'aux « délais prévus pour la consultation ou la participation du public » . Ainsi :

- les délais échus postérieurement au 12 mars 2020 sont prorogés jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ;

- les points de départ de délais intervenant dans ce délai sont reportés à la fin de cette même période.

À titre d'exemple, si une administration était initialement tenue de communiquer une réponse à un usager le 13 mars 2020 et que l'état d'urgence sanitaire prend fin le 1 er mai 2020, elle aura jusqu'au 1 er juin 2020 pour produire sa réponse. Si cette administration avait reçu une demande le 13 mars 2020 et qu'elle était initialement tenue d'y répondre dans les deux mois, elle aura alors jusqu'au 1 er août 2020 pour répondre.

Par symétrie, ces règles de report s'appliquent également aux délais imposés par l'administration à « à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » 144 ( * ) . L'utilisation du terme « toute personne » semble indiquer que cette règle peut bénéficier à une administration au sens du code des relations entre le public et l'administration ( cf. supra ) - telle qu'une collectivité territoriale - lorsqu'un délai lui est imposé par une autre administration.

Ces règles de report sont néanmoins soumises à certaines exceptions . L'administration ne peut pas en bénéficier lorsqu'elles conduiraient à méconnaître des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne 145 ( * ) . Un certain nombre d'actes et de catégories d'actes listés par décret échappent également à cette règle « pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse » 146 ( * ) .

Les exceptions prévues par décret peuvent aussi s'appliquer à certains délais imposés par l'administration aux usagers, pour les mêmes motifs. En outre, les exceptions prévues en faveur des usagers sont écartées lorsque les contrôles et les travaux qu'ils doivent mettre en oeuvre ou les prescriptions qu'ils doivent observer résultent d'une décision de justice 147 ( * ) .

2. Les adaptions spécifiques à certains délais

a) En matière fiscale

L'article 10 de l'ordonnance précise les règles spécifiques à la prescription du délai de reprise de l'administration fiscale. Comme l'indique le rapport au Président de la République sur l'ordonnance, « le 1° du I suspend les délais de prescription du droit de reprise qui arrivent à terme le 31 décembre 2020 pour une durée égale à celle de la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire » 148 ( * ) . L'article 10 suspend également, « pendant la même période, tant pour le contribuable que pour les services de l'administration fiscale, l'ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale, sans qu'une décision en ce sens de l'autorité administrative ne soit nécessaire » 149 ( * ) .

b) En matière de comptabilité publique

Pour l'ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics, l'article 11 prévoit que les délais de recouvrement et de contestation sont suspendus pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire augmentée de trois mois.

c) En matière de consultation du public

L'article 12 de l'ordonnance s'applique à toutes les enquêtes publiques en cours à partir du 12 mars ou devant débuter pendant la période de l'état d'urgence sanitaire . Il prévoit un régime dérogatoire dans tous les cas où « le retard résultant de l'interruption de l'enquête publique ou de l'impossibilité de l'accomplir en raison de l'état d'urgence sanitaire est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent » .

Ce régime autorise l'autorité en charge de l'enquête à adapter la durée de l'enquête ou à ne recourir qu'à des moyens électroniques dématérialisés pour sa conduite. Ces moyens électroniques peuvent être mis en oeuvre d'emblée ou pour des enquêtes en cours. Cette mise en oeuvre est réversible puisque l'autorité « dispose de la faculté de revenir, une fois achevée [la période d'état d'urgence sanitaire] et pour la durée de l'enquête restant à courir, aux modalités d'organisation de droit commun » .

Enfin, l'article 12 pose le principe selon lequel « dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article » .

IV. Dispense des consultations préalables pour les textes réglementaires visant à lutter contre l'épidémie

L'article 13 de l'ordonnance lève toutes les obligations législatives ou réglementaires prévoyant une consultation obligatoire préalable pour les projets de textes réglementaires « ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du Covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l'état d'urgence sanitaire » . Cette dispense n'est toutefois pas formellement bornée dans le temps. Elle maintient néanmoins expressément la consultation du Conseil d'État et des autorités saisies pour délivrer un avis conforme sur des projets de texte.

Pour rappel, la loi du 23 mars prévoyait déjà une telle dispense pour l'ensemble des projets d'ordonnances prises sur l'habilitation donnée par son article 11 150 ( * ) . Ces dispenses ont pour objet de raccourcir le processus d'adoption des textes concernés afin de faire plus efficacement face à l'urgence de la crise sanitaire actuelle.

> Ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour

L'article 16 de loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 habilite, pour un mois, le Gouvernement à prolonger par ordonnance la durée de validité des documents de séjour qui seraient arrivés à expiration entre le 16 mars 2020 et le 15 mai 2020.

Cette habilitation a été mise en oeuvre en à peine deux jours, avec la publication de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour.

I. Les objectifs de l'habilitation : sécuriser le droit au séjour des étrangers en situation régulière

La demande d'habilitation avait pour but de répondre rapidement aux difficultés auxquelles se trouvent confrontés les ressortissants étrangers (pour déposer leurs demandes de renouvellement de titres) et les services des préfectures (pour instruire lesdites demandes et délivrer lesdits titres), en raison des mesures destinées à lutter contre l'épidémie.

Une disposition à valeur législative était nécessaire afin de déroger aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui fixent la durée maximale de validité des différents documents de séjour. D'une très grande diversité formelle (visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour, attestations de demande d'asile), ces documents sont délivrés par l'administration en fonction des motifs avancés (tourisme, travail, études, vie privée et familiale, soins d'une maladie, réfugié, etc. ) et sont valables pour des durées variables (1, 3, 4 ou 10 ans, voire pour une durée permanente).

Comme le relève le rapport au Président de la République accompagnant l'ordonnance publiée, celle-ci « a pour objet de sécuriser la situation au regard du droit au séjour des étrangers réguliers dont le titre de séjour devrait arriver à expiration dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines et d'éviter, ainsi, les ruptures de droits. Ainsi, elle permettra aux étrangers concernés de se maintenir régulièrement sur le territoire après la fin de validité de leur titre de séjour (...) en attendant que la demande de renouvellement de leur titre puisse être instruite par les préfets ».

II. Une ordonnance respectueuse du champ de l'habilitation

Le champ de l'habilitation a été respecté et les choix opérés sont conformes aux annonces du Gouvernement lors de la discussion du projet de loi.

Concernant la durée de validité supplémentaire des titres , l'ordonnance procède à une prolongation de 90 jours seulement , alors que l'habilitation autorise une prolongation maximale de 180 jours. Ce choix avait été annoncé explicitement au Parlement dès la présentation de l'étude d'impact. Il préserve en tout état de cause la possibilité d'une nouvelle prolongation par le Gouvernement (pendant la durée de l'habilitation et dans la limite dudit plafond de 180 jours).

Concernant les différents documents de séjour concernés, alors que l'étude d'impact du projet de loi d'habilitation ne mentionnait que les « documents de séjour délivrés sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA )», la rédaction étend la prolongation de validité aux titres délivrés sur le fondement d'un accord bilatéral . Cette extension est conforme à la lettre de l'habilitation et répond aux exigences de respect de nos engagements internationaux. En particulier, la situation des ressortissants algériens déroge aux règles du CESEDA et reste entièrement régie par l'accord franco-algérien de 1968.

> Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale

L'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale a été prise en application du e) du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

Elle s'imposait dans la mesure où la fin de la période hivernale, fixée au 31 mars de l'année, aurait entraîné la reprise de l'exécution des expulsions locatives ou autorisé l'arrêt de fournitures de prestations essentielles aux résidences principales pour défaut de paiement de factures, alors même que le Gouvernement a décrété le confinement de la population.

En conséquence, l'ordonnance reporte en premier lieu du 31 mars 2020 au 31 mai 2020 la fin de la période durant laquelle il est sursis à toute mesure d'expulsion locative non exécutée (article 1 er ).

Le régime spécial de l'expulsion applicable durant la période hivernale régi par l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas modifié pendant cette prorogation . Il ne profitera donc qu'aux occupants des locaux d'habitation et professionnels de bonne foi qui ne disposent pas de solutions de relogement conformes à leurs besoins. Ce sursis ne s'appliquera donc pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voie de fait.

Le sursis aux mesures d'expulsion fait l'objet de mesures spécifiques dans les collectivités de Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte ainsi qu'à Wallis et Futuna (article 2). Le droit commun prévoit en effet que les périodes de ce sursis sont fixées localement par les représentants de l'État, dans la limite de durées maximales fixées par la loi aux articles L. 611-1 et L. 641-8 du code des procédures civiles d'exécution. La présente ordonnance prolonge donc ces durées de deux mois.

Comme l'indique le rapport au président de la République sur cette ordonnance 151 ( * ) , l'extension de ces dispositions aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon , interviendra dans une seconde ordonnance après consultation des collectivités concernées, conformément aux lois organiques qui leur sont applicables 152 ( * ) .

L'ordonnance prévoit en second lieu que, pour la même période, les fournisseurs ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles (article 1 er ). Dès lors, conformément à l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il leur est interdit jusqu'au 31 mai 2020 d'interrompre tout contrat régissant la distribution d'électricité, de chaleur ou de gaz quelle que soit la situation des titulaires dudit contrat.

Ces dispositions sont conformes à l'habilitation conférée par le Parlement .

Sur le fond, le prolongement de deux mois de la « trêve hivernale » est adapté et proportionné aux circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire .

Ces dispositions, qui assurent une conciliation équilibrée entre le droit de propriété, la liberté contractuelle et l'objectif de valeur constitutionnelle du droit de disposer d'un logement décent, visent également à garantir la bonne administration de justice , alors que les tribunaux sont actuellement tenus de traiter les seuls contentieux essentiels 153 ( * ) .

B. LE FONCTIONNEMENT DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVÉ

> Ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l'épidémie de Covid-19

Cette ordonnance a pour objet d'adapter aux conditions sanitaires actuelles les règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé , ainsi que des documents joints à ces comptes.

I. Fondement juridique

Cette ordonnance est prise sur le fondement du g du 2° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 qui habilite le Gouvernement, « afin de faire face aux conséquences (...) de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », à prendre par voie d'ordonnance toute mesure de nature législative « simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu'adaptant les règles relatives à l'affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ».

II. Champ d'application

Le champ d'application matériel de l'ordonnance est variable selon ses dispositions.

Son champ d'application ratione loci est large : ses dispositions sont expressément étendues à Wallis-et-Futuna (article 6) et elles s'appliquent de plein droit dans toutes les collectivités ultramarines où le principe d'identité législative s'applique en la matière (seules faisant exception la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie). L'article 5 (report du délai de dépôt du compte rendu financier des organismes bénéficiaires de subventions) s'applique également aux organismes bénéficiaires de subventions versées par les administrations de l'État et leurs établissements publics en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Le champ d'application ratione temporis de l'ordonnance est, en revanche, limité , puisque ses dispositions s'appliquent, selon le cas, aux comptes ou aux semestres clôturés entre les derniers mois de 2019 (voir ci-dessous) et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

III. Contenu de l'ordonnance

A. Vérification et contrôle des comptes dans les sociétés anonymes dualistes

L'article 1 er proroge de trois mois le délai imparti au directoire d'une société anonyme pour présenter au conseil de surveillance , aux fins de vérification et de contrôle, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés , accompagnés du rapport de gestion . Ce délai est fixé par le droit commun à trois mois à compter de la clôture de l'exercice (article R. 225-55 du code de commerce).

Cette prorogation est applicable aux sociétés ayant clôturé ou s'apprêtant à clôturer leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

Elle ne s'applique pas aux sociétés qui ont désigné un commissaire aux comptes lorsque celui-ci a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.

B. Établissement des comptes dans les sociétés commerciales en liquidation

L'article 2 proroge de trois mois le délai imparti au liquidateur d'une société commerciale, à compter de la clôture de chaque exercice, pour établir les comptes de la société ainsi qu'un rapport écrit par lequel il rend compte des opérations de liquidation au cours de l'exercice écoulé. Ce délai d'établissement s'impose sauf clause contraire des statuts ou convention expresse entre les parties ; même dans ce cas, il peut être imposé par décision judiciaire.

Cette prorogation est applicable aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

C. Approbation des comptes de toutes les personnes morales et entités dépourvues de la personnalité morale de droit privé

L'article 3 proroge de trois mois les délais d' approbation des comptes des personnes morales ou entités dépourvues de la personnalité morale de droit privé lorsque les comptes n'ont pas été approuvés au 12 mars 2020.

Cette prorogation a un champ d'application très large . Le rapport au Président de la République sur le projet d'ordonnance évoque les sociétés civiles et commerciales, groupements d'intérêt économique, coopératives, mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles, sociétés d'assurance mutuelle et sociétés de groupe d'assurance mutuelle, instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale, caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel, fonds, associations, fondations et sociétés en participation.

Sont concernées les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 à l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

Cette prorogation n'est pas applicable aux personnes morales et entités de droit privé qui ont désigné un commissaire aux comptes lorsque celui-ci a émis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.

D. Établissement de divers documents financiers dans les grandes sociétés commerciales

L'article 4 proroge de deux mois les délais imposés aux conseils d'administration, aux directoires ou aux gérants des sociétés comptant 300 salariés ou plus ou dont le montant net du chiffre d'affaires est égal à 18 millions d'euros, pour établir, en application des articles L. 232-2, R. 232-2 et R. 232-3 du code de commerce :

1. semestriellement, dans les quatre mois qui suivent la clôture de chacun des semestres de l'exercice, la situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible ;

2. annuellement :

- le tableau de financement , en même temps que les comptes annuels, dans les quatre mois qui suivent la clôture de l'exercice écoulé ;

- le plan de financement prévisionnel et le compte de résultat prévisionnel , au plus tard à l'expiration du quatrième mois qui suit l'ouverture de l'exercice en cours.

Ces dispositions sont applicables, selon les termes de l'article 4, aux documents relatifs « aux comptes ou aux semestres clôturés entre le 30 novembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 ». Il n'est pas certain que ces termes permettent de reporter également le délai d'établissement du plan de financement prévisionnel et du compte de résultat prévisionnel .

E. Dépôt du compte rendu financier des organismes de droit privé bénéficiaires de subventions

L'article 5 proroge de trois mois le délai imposé aux organismes de droit privé bénéficiaires d'une subvention attribuée par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial, et affectée à une dépense déterminée, pour produire le compte rendu financier attestant la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention, en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ce compte rendu financier doit normalement être déposé auprès de l'autorité ou de l'organisme concerné dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel la subvention a été attribuée.

Cette prorogation est applicable aux comptes rendus financiers relatifs aux comptes clôturés entre le 30 septembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020.

L'article 6 la rend applicable aux organismes bénéficiaires de subventions versées par les administrations de l'État et leurs établissements publics en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

> Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l'épidémie de Covid-19

Cette ordonnance a pour objet d'adapter aux conditions sanitaires actuelles les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales de droit privé , ainsi que des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.

I. Fondement juridique

Cette ordonnance est prise sur le fondement du f du 2° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 qui habilite le Gouvernement, « afin de faire face aux conséquences (...) de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », à prendre par voie d'ordonnance toute mesure de nature législative « simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ».

II. Champ d'application

Le champ d'application matériel de l'ordonnance (article 1 er ) est très large : elle s'applique à toutes les personnes morales et entités susmentionnées, notamment :

1° Les sociétés civiles et commerciales ;

2° Les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers ;

3° Les groupements d'intérêt économique et les groupements européens d'intérêt économique ;

4° Les coopératives ;

5° Les mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles ;

6° Les sociétés d'assurance mutuelle et sociétés de groupe d'assurance mutuelle ;

7° Les instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ;

8° Les caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel ;

9° Les fonds de dotation ;

10° Les associations et les fondations.

Son champ d'application ratione loci est également le plus large possible : les dispositions de l'ordonnance sont expressément étendues à Wallis-et-Futuna (article 12) et elles s'appliquent de plein droit dans toutes les collectivités ultramarines où le principe d'identité législative s'applique en matière civile et commerciale. Seules font donc exception la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, où ces matières relèvent en tout ou partie de la compétence locale.

Son champ d'application ratione temporis est, en revanche, limité : l'ordonnance est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d'administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 31 juillet 2020 , sauf prorogation de ce délai jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 (article 11).

III. Dispositions relatives aux assemblées

A. Adaptation des règles de convocation et d'information préalable

L'article 2 prévoit que, dans les sociétés cotées tenues de procéder à la convocation des assemblées d'actionnaires par voie postale, aucune nullité de l'assemblée n'est encourue du seul fait qu'une convocation n'a pas pu être réalisée par ce moyen « en raison de circonstances extérieures à la société ». Selon le droit commun, les sociétés anonymes, en particulier, sont tenues de convoquer à l'assemblée générale par lettre simple ou recommandée les titulaires d'actions nominatives, sauf lorsque ceux-ci ont accepté d'être convoqués par voie électronique (articles R. 225-63, R. 225-67 et R. 225-68 du code de commerce).

L'article 3 autorise à transmettre par voie électronique les documents et informations dont les membres des assemblées ont le droit d'obtenir communication avant la tenue de celles-ci. C'est notamment le cas, dans les sociétés anonymes, des comptes annuels, des rapports des organes dirigeants et des commissaires aux comptes, etc . (article L. 225-115 du même code).

B. Adaptation des règles de participation et de délibération

Les dérogations prévues par l'ordonnance aux règles de participation et de délibération au sein des assemblées sont applicables dès lors que l'assemblée est convoquée en un lieu « affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires » (article 4).

Elles concernent aussi bien les modalités de participation et de délibération des membres des assemblées que les modalités de participation des autres personnes ayant le droit d'y assister (par exemple, le commissaire aux comptes).

Ainsi, sans qu'une clause des statuts ou du contrat d'émission soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer, l'organe compétent pour convoquer l'assemblée ou, sur délégation de celui-ci, le représentant légal peut décider :

- que l'assemblée aura lieu par conférence téléphonique ou audiovisuelle , sous réserve de certaines exigences techniques (« Les moyens techniques mis en oeuvre transmettent au moins la voix des participants et satisfont à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ») qui pourront être précisées par décret ;

- que les décisions seront prises par consultation écrite des membres , lorsque la loi l'autorise, pour cette catégorie de personnes morales ou d'entités (c'est le cas, notamment, des décisions relevant de la compétence de l'assemblée des associés des sociétés en nom collectif et des sociétés à responsabilité limitée, ou encore de la masse des obligataires).

Enfin, l'article 7 fixe les règles applicables dans le cas où l'organe compétent ou le représentant légal décide de faire usage des facultés susmentionnées après que tout ou partie des formalités de convocation de l'assemblée ont déjà été accomplies. Il suffira d'en informer les membres de l'assemblée par tous moyens de manière à garantir leur information effective trois jours ouvrés au moins avant la date de l'assemblée (par voie de communiqué dans les sociétés cotées).

IV. Dispositions relatives aux organes collégiaux d'administration, de surveillance et de direction

En ce qui concerne les organes collégiaux d'administration, de surveillance et de direction (conseil d'administration, conseil de surveillance, directoire...), « sans qu'une clause des statuts ou du règlement intérieur soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s'y opposer », l'ordonnance :

- répute présents aux réunions leurs membres qui y participent au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle permettant leur identification et garantissant leur participation effective (article 8) ;

- autorise la prise de décision par consultation écrite (article 9).

> Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

I. Fondement juridique

Les articles 1 er à 3, relatifs aux procédures collectives applicables aux entreprises en difficulté, sont pris sur le fondement du d du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, qui habilite le Gouvernement, « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi », à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi « adaptant les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations ».

L'article 4 de l'ordonnance ne concerne en revanche pas directement le droit des procédures d'insolvabilité, et se contente d'apporter, par commodité, à l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale, une modification relative aux délais devant la chambre de l'instruction 154 ( * ) .

II. Champ d'application

A. Champ d'application matériel

Les articles 1 er à 3 de l'ordonnance traitent de l'ensemble des procédures d'insolvabilité applicables en droit français aux personnes physiques et morales pour des dettes ayant un caractère professionnel , à savoir :

- les procédures collectives (mandat ad hoc , conciliation, sauvegarde 155 ( * ) , redressement et liquidation judiciaire 156 ( * ) ) prévues au livre VI du code de commerce, applicables à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole ainsi qu'à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante et à toute personne morale de droit privé, auxquelles il faut ajouter la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation applicable aux seules personnes physiques susmentionnées ;

- la procédure de règlement amiable agricole prévue à l'article L. 351-1 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux exploitations agricoles non constituées sous la forme de sociétés commerciales.

N'est pas concernée la procédure de rétablissement personnel réglée par le code de la consommation et applicable aux personnes physiques pour leurs dettes non professionnelles.

B. Champ d'application ratione loci

Les articles 1 er à 3 sont expressément rendu applicables à Wallis-et-Futuna (article 5) et le sont, sans mention expresse, dans les collectivités ultramarines où le principe d'identité législative s'applique en matière de commerce et de consommation. Seules font donc exception la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, où ces matières relèvent de la compétence locale.

En outre, il convient de noter que l'ordonnance écarte temporairement, au profit du droit commun, les règles de procédure applicables en matière de procédures collectives devant le tribunal judiciaire en Alsace-Moselle. Se trouve ainsi écartée la règle de représentation obligatoire des parties.

C. Champ d'application ratione temporis

L'ordonnance s'applique aux procédures en cours (article 5).

La plupart des dispositions relatives aux procédures collectives s'appliquent « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un [ ou, alternativement, de trois ] mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire » - déclaré pour deux mois par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, avec la faculté d'y mettre fin par anticipation ou de le prolonger. Sauf fin anticipée ou prolongation, ces dispositions s'appliqueront donc, les unes jusqu'au 24 juin 2020 , les autres jusqu'au 24 août 2020 157 ( * ) .

En revanche, les dispositions qui prolongent des délais ayant commencé à courir ou qui commenceraient à courir avant l'expiration d'un délai d'un ou trois mois après la cessation de l'état d'urgence trouveront à s'appliquer au-delà de cette date ; ces délais, en effet, sont généralement prolongés (ou susceptibles de l'être) pour « une durée équivalente à celle de la période prévue » par l'une ou l'autre des dispositions précitées. Le sens exact de ces termes gagnerait à être précisé à l'occasion d'une prochaine modification de l'ordonnance. On peut comprendre que la période de référence est celle comprise entre le début de l'état d'urgence sanitaire (le 24 mars 2020) et l'expiration d'un délai d'un ou de trois mois suivant sa cessation (soit, par hypothèse, le 24 juin ou le 24 août 2020), c'est-à-dire, toujours par hypothèse et selon le cas, une période de 3 mois ou de 5 mois . En toute rigueur, cependant, il est plus conforme aux termes choisis de fixer le point de départ de la période de référence à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance (le 29 mars 2020), et de considérer ainsi que les délais sont ou peuvent être prolongés, selon le cas, de 2 mois et 25 jours ou de 4 mois et 25 jours .

III. Contenu de l'ordonnance

A. Le « gel » de la situation du débiteur au 12 mars 2020 pour l'appréciation de l'état de cessation des paiements

Fortement dérogatoire , le 1° du I de l'article 1 er dispose que, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire, l'état de cessation des paiements du débiteur est apprécié , dans le cadre de toute procédure prévue au livre VI du code de commerce, en considération de sa situation à la date du 12 mars 2020 .

Il en résulte que si le débiteur cesse ses paiements au cours de cette période, il pourra néanmoins bénéficier des procédures normalement réservées aux débiteurs n'étant pas en cessation de paiements (mandat ad hoc , sauvegarde) ou qui se trouvent en cessation de paiements depuis moins de 45 jours (conciliation), ces procédures étant plus protectrices pour le débiteur et ses garants que les procédures de redressement et de sauvegarde judiciaire.

L'obligation faite au débiteur de demander l'ouverture d'une procédure de conciliation, de redressement ou de liquidation judiciaire dans un délai de 45 jours suivant la cessation des paiements ne trouvera pas non plus à s'appliquer . Il ne s'exposera donc pas aux sanctions personnelles prévues par le droit commun en cas de déclaration tardive 158 ( * ) .

Le débiteur peut néanmoins renoncer au bénéfice de cette disposition en conservant la faculté, s'il le juge plus favorable, de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel si sa situation réelle le justifie.

Afin d' éviter que ces dispositions dérogatoires ne nuisent trop fortement aux intérêts des créanciers , l'ordonnance réserve au tribunal, en cas de fraude , la faculté de fixer la date de cessation des paiements après le 12 mars 2020. Il semble également que l'ordonnance n'interdise pas au tribunal, s'il ouvre une procédure de redressement ou de liquidation, soit pendant la période susmentionnée (à la seule demande du débiteur), soit postérieurement, de reporter à une date antérieure (même pendant ladite période) la date de cessation des paiements et, partant, le commencement de la période suspecte , conformément aux règles de droit commun prévues à l'article L. 631-8 du code de commerce 159 ( * ) .

Ces dispositions dérogatoires devront être appliquées avec beaucoup de doigté par les juridictions, afin de conjuguer la nécessaire protection des entreprises mises en difficulté par la crise sanitaire et celle, non moins nécessaire, de leurs créanciers contre l'usage abusif qui pourrait en être fait.

De manière analogue, en ce qui concerne la procédure de règlement amiable agricole , l'article 3 de l'ordonnance dispose :

- que le juge ne peut refuser de désigner un conciliateur au motif que la situation du débiteur s'est aggravée postérieurement au 12 mars 2020 (alors que, selon le droit commun, il peut décider d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire si le débiteur est en cessation des paiements, ou une procédure de liquidation si son redressement est manifestement impossible) ;

- que lorsque l'accord entre le débiteur et ses créanciers ne met pas fin à l'état de cessation des paiements (auquel cas le juge ne peut en principe constater ni homologuer l'accord), cet état est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 .

B. La prolongation des délais de procédure et l'assouplissement d'autres contraintes chronologiques

1. La procédure de conciliation

La durée des procédures de conciliation , fixée par le juge selon le droit commun dans la limite de quatre mois, prorogeables jusqu'à cinq mois, est prolongée de plein droit d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et l'expiration d'un délai de trois mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, dans l'hypothèse où l'état d'urgence cesserait le 24 mai 2020, une durée de 4 mois et 25 jours (II de l'article 1 er ).

Le champ d'application de cette disposition n'est pas précisé . Elle s'applique sans aucun doute aux procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 160 ( * ) . Un doute subsiste sur son application aux procédures ouvertes jusqu'à la cessation de l'état d'urgence, voire jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant cette cessation.

Par ailleurs, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire (soit, par hypothèse, jusqu'au 24 août 2020), il est possible d'enchaîner plusieurs procédures de conciliation sans respecter le délai de carence de 3 mois.

2. Dispositions communes aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires

- La prolongation de plein droit des procédures en cours

Pour toutes les procédures en cours jusqu'à l'expiration d'un délai d' un mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 juin 2020 -, les périodes d'observation, d'exécution des plans, de maintien de l'activité en liquidation judiciaire et de liquidation judiciaire simplifiée sont prolongées de plein droit d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et cette dernière date, soit (par hypothèse) 2 mois et 25 jours (1° du II de l'article 2).

- La prolongation judiciaire des délais imposés aux organes de la procédure

Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire, soit, par hypothèse, jusqu'au 24 août 2020 , le président du tribunal, statuant sur requête de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du commissaire à l'exécution du plan, peut prolonger les délais qui sont imposés à ces derniers d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et l'expiration du délai susmentionné - soit, par hypothèse, une durée de 4 mois et 25 jours .

Le rapport au Président de la République mentionne l'exemple du délai imparti au liquidateur pour la réalisation des actifs du débiteur.

- Les dispositions relatives aux créances salariales

Jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 août 2020 - les relevés de créances salariales peuvent être transmis par les mandataires judiciaires à l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) sans être préalablement soumis au représentant des salariés ni visés par le juge-commissaire. Ils devront cependant l'être ultérieurement (2° du I de l'article 1 er ).

En outre, les périodes de garantie de l'AGS sont mises en cohérence avec les prolongations des périodes d'observation, d'exécution des plans et de maintien de l'activité en liquidation judiciaire . Plus exactement :

- en ce qui concerne la garantie des créances résultant de la rupture des contrats de travail, normalement limitée aux ruptures intervenant dans un certain délai suivant le jugement arrêtant le plan ou le jugement de liquidation, ce délai est prolongé de plein droit d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit, par hypothèse, 2 mois et 25 jours (2° du II de l'article 2) ;

- en ce qui concerne la garantie des créances de salaires dus au cours de la période d'observation et pendant un certain délai suivant le jugement de liquidation, cette période et ce délai sont prolongés de plein droit de la même durée (3° du II de l'article 2).

3. Les procédures de sauvegarde et de redressement

- Une prolongation judiciaire des procédures qui va au-delà de la prolongation de plein droit

Comme on l'a vu, pour toutes les procédures en cours jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 juin 2020 -, la durée de la période d'observation et celle du plan sont prolongées de plein droit d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et cette dernière date, soit (par hypothèse) 2 mois et 25 jours (1° du II de l'article 2).

Il sera possible d'aller plus loin par décision judiciaire . En effet (III de l'article 1 er ) :

- jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 août 2020 -, le président du tribunal, statuant sur requête du commissaire à l'exécution du plan, pourra prolonger celui-ci dans la limite d'une durée équivalente à celle qui s'écoulera entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et l'expiration d'un délai de trois mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, dans l'hypothèse où l'état d'urgence cesserait le 24 mai 2020, une durée de 4 mois et 25 jours . Sur requête du ministère public, la prolongation pourra même être prononcée pour une durée maximale d' un an ;

- après l'expiration du délai de trois mois susmentionné et dans un nouveau délai de six mois - soit, par hypothèse, entre le 24 août 2020 et le 24 février 2021 -, le tribunal pourra prolonger la durée d'exécution du plan pour un maximum d' un an , sur requête du ministère public ou du commissaire à l'exécution du plan.

L'ordonnance est muette sur le point de savoir si ces deux dernières possibilités de prolongation pourront se cumuler.

- La dispense de « rappel » en cours de période d'observation dans le cadre d'un redressement judiciaire

Par ailleurs, en ce qui concerne la seule procédure de redressement judiciaire et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 juin 2020 -, la règle qui oblige le tribunal à statuer sur la poursuite de la période d'observation au-delà de deux mois (I de l'article L. 631-15 du code de commerce) n'est pas applicable 161 ( * ) .

C. L'assouplissement des formalités

Jusqu'à l'expiration d'un délai d' un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire - soit, par hypothèse, jusqu'au 24 juin 2020 :

- les actes par lesquels le débiteur saisit la juridiction sont remis au greffe par tout moyen, ce qui écarte la formalité du dépôt au greffe 162 ( * ) ;

- la saisine peut s'accompagner d'une demande d'autorisation à formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à l'audience ; lorsque la procédure relève de sa compétence, le président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen ;

- les communications entre le greffe du tribunal, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ainsi qu'entre les organes de la procédure se font par tout moyen.

En outre, comme on l'a vu, la règle de représentation obligatoire applicable en Alsace-Moselle est écartée (sans que l'ordonnance précise jusqu'à quelle échéance).

EXAMEN EN COMMISSION

______

JEUDI 2 AVRIL 2020

M. Philippe Bas , président . - Mes chers collègues, je vous remercie de votre disponibilité. Je me réjouis que vous soyez aussi nombreux malgré le caractère inédit de cette réunion organisée sous forme de visioconférence. J'espère que vous et vos proches êtes en bonne santé. J'ai une pensée particulière pour nos collègues des départements et régions les plus touchés par l'épidémie du Covid-19.

Après vous avoir rendu compte de la réunion de la mission de contrôle qui a été mise en place ce matin, je vous présenterai les principaux points du document d'analyse qu'elle a produit et qui vous a été adressé. Ce document examine les six décrets et seize ordonnances pris dans le cadre de la loi d'état d'urgence sanitaire et relevant du champ de compétences de la commission des lois.

Ce matin, les membres de la mission de suivi, qui ont été désignés par leurs groupes respectifs - MM. François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Mmes Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Alain Richard, Jean-Pierre Sueur et Dany Wattebled - se sont répartis la tâche.

Chacun assumera une partie du travail de suivi. Ainsi, MM. Buffet et Kanner travailleront sur les juridictions ; M. Buffet et Mme Delattre sur les prisons et les autres lieux privatifs de liberté ; Mme Eustache-Brinio et M. Sueur sur l'organisation des forces de sécurité ; MM. Hervé et Kanner sur les questions de sécurité civile ; MM. Hervé et Wattebled sur la protection des données personnelles dans l'utilisation des outils numériques de traçage ; Mme Françoise Gatel et M. Pierre-Yves Collombat sur les collectivités territoriales, l'administration déconcentrée de l'État et l'accès aux services publics au niveau local, et M. Richard et moi-même sur les questions électorales.

Je souhaite que la mission de contrôle soit parfaitement intégrée à la commission des lois et que tous les membres de celle-ci soient parties prenantes de ses travaux dans la mesure permise par les moyens techniques de réunion à distance. Ainsi, nous réunirons la commission soit pour délibérer de documents que nous souhaiterions rendre publics, à l'instar du document que je vais vous présenter aujourd'hui, soit pour procéder aux auditions importantes.

Une première audition est d'ores et déjà programmée pour le jeudi 9 avril à 16 heures : nous entendrons Mme Nicole Belloubet. Le jeudi 16 avril, à 16 heures, nous auditionnerons M. Christophe Castaner. Nous envisageons également d'auditionner M. Olivier Dussopt sur les questions du recrutement dans la fonction publique et de la mobilisation des fonctionnaires dans la crise, ainsi que Mme Jacqueline Gourault et M. Sébastien Lecornu sur toutes les questions relatives aux collectivités territoriales.

Le comité de suivi a vocation à se réunir pendant toute la durée des pouvoirs exceptionnels accordés au Gouvernement dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Il pourra - et devra sans doute - continuer à travailler après la fin de celui-ci pour tirer un certain nombre d'enseignements. Nous verrons combien de temps cette formation de travail devra être maintenue.

Les membres de la mission de suivi forment une équipe de rapporteurs qui viendront présenter leurs réflexions devant la commission des lois, mais, j'y insiste, à chaque étape importante de notre travail, les décisions devront être prises par la commission.

J'en viens maintenant à l'analyse, que je vous proposerai de rendre publique, des six décrets et des seize ordonnances relevant de la compétence de notre commission. Ils ont été pris par le Gouvernement en un temps record. Je suis d'ailleurs impressionné par cette mobilisation des pouvoirs publics. Grâce à la loi que nous avons adoptée, le Gouvernement a régularisé un certain nombre d'actes pris sur des bases juridiques que lui-même trouvait fragiles, même si la théorie des circonstances exceptionnelles garantissait leur légalité. Le Gouvernement prend également des dispositions nouvelles pour lutter contre la pandémie et assurer la continuité de services publics essentiels, comme celui de la justice.

Je souhaite insister, devant vous, sur plusieurs points du document qui a été approuvé par la mission de contrôle ce matin, en commençant par ceux qui concernent la justice.

En ce qui concerne la justice civile, j'attire l'attention sur la possibilité de remplacer des formations collégiales par un juge unique, de déroger au principe de publicité des audiences et d'organiser celles-ci par visioconférence, voire par téléphone. Des procédures pourront également se dérouler sans audience, sans que l'une des parties puisse s'y opposer pour les procédures urgentes, ce qui soulève un problème au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les contentieux familiaux forment le gros contingent des affaires civiles. Or, en matière familiale, l'oralité des contentieux, qui ont une faible dimension juridique et une grande dimension sociale, est essentielle. Par conséquent, on mesure ce que ces dispositions ont de dérogatoire et de préjudiciable au rendu d'une bonne justice. Cela dit, il faut bien évidemment faire la balance entre, d'une part, la nécessité de ne pas interrompre le cours de la justice et, de l'autre, celle de préserver autant que possible les garanties offertes au justiciable. Il me semble qu'il est dans la vocation de la commission des lois d'être particulièrement attentive à ces deux impératifs, et surtout au second.

S'agissant des tribunaux administratifs, les souplesses prévues sont encore plus grandes. De même qu'en matière judiciaire, je me demande si l'ordonnance ne va pas au-delà des termes de l'habilitation lorsqu'elle prévoit la possibilité de statuer sans audience. Les audiences sont très importantes, notamment en procédure de référé-liberté.

S'agissant du contentieux et du droit des étrangers, j'observe que le Gouvernement a fait le choix d'un régime dérogatoire au reste des adaptations ménagées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire : les délais de recours sont, en fonction des cas, soit prolongés moins longtemps que dans d'autres matières, soit même parfois intégralement maintenus, sans aucune adaptation. De même, certains délais de jugement, très brefs, ne sont pas modifiés. J'ai recueilli à ce sujet les observations d'associations qui s'en inquiètent.

En matière pénale, là aussi, les textes prévoient la possibilité d'audiences par visioconférence, voire par téléphone, sans accord des parties, sauf en matière criminelle. Dans certains cas, les gardes à vue pourront être prolongées de plein droit sans que l'avocat de la personne gardée à vue ou placée en retenue douanière soit entendu. Ces différents éléments me paraissent justifier que nous marquions notre préoccupation.

Bien évidemment, comme M. Alain Richard l'a observé ce matin avec pertinence au cours de la réunion de la mission de suivi, il ne faut pas porter atteinte au principe de continuité de la justice. Il nous faut donc trouver une voie médiane, d'une part, en alertant le Gouvernement sur la nécessité d'indiquer aux présidents de juridiction que les moyens qui leur sont accordés par l'ordonnance doivent être utilisés à défaut d'effectifs suffisants pour rendre la justice dans des conditions aussi proches que possible du droit commun et, d'autre part, en attirant l'attention sur la possibilité que certaines dispositions des ordonnances donnent lieu, devant le Conseil d'État ou la Cour européenne des droits de l'homme, à des contentieux qui pourraient bien être perdus par le Gouvernement. Il convient donc de faire preuve de beaucoup de circonspection dans leur application.

J'en viens aux dispositions relatives aux collectivités territoriales. Celles-ci ne manquent pas de surprendre. En effet, non seulement le dispositif que nous avons voté le 22 mars dernier pour faciliter le respect des règles de quorum et assouplir le régime des procurations, inspiré notamment par le souci de faciliter l'élection des maires et de leurs adjoints le jour où celle-ci pourrait se tenir, a été étendu aux commissions permanentes des départements et des régions, mais il a, de surcroît, été considérablement élargi, au point que la présence d'un neuvième des membres d'un conseil municipal pourrait suffire si le nombre de procurations permet de faire adopter une délibération. Ce n'est pas ce que nous avons voulu ! Il est quelque peu surprenant que le Gouvernement, agissant sur le fondement d'une habilitation législative, puisse ainsi modifier ce que le législateur a adopté quelques jours auparavant... Nous devons alerter le Gouvernement sur ce point particulier.

Par ailleurs, les ordonnances sont absolument muettes sur l'élection des maires et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été au complet dès le premier tour. Nous avons pourtant habilité le Gouvernement pour qu'il examine toutes les pistes envisageables, y compris le recours aux dispositifs de vote à distance. Cette élection doit se tenir le plus rapidement possible, même si l'état d'urgence sanitaire devait être prolongé dans tout ou partie du pays. La situation d'entre-deux dans laquelle nous nous trouvons, avec le maintien en fonction des élus « sortants », ne saurait durer indéfiniment. Or, pour en sortir, outre les dispositions raisonnables que nous avons votées sur le quorum et les procurations, il convient que les modalités du vote pour l'élection du maire et des adjoints permettent d'éviter de contrevenir trop fortement aux règles du confinement. Ce point mérite lui aussi considération.

S'agissant de la fonction publique, les dispositions prises en matière de concours restent à ce stade très générales et très imprécises. À défaut de pouvoir organiser des épreuves écrites, il est prévu que les épreuves de concours puissent être limitées à des épreuves orales, en visioconférence. Sans doute faudrait-il demander au Gouvernement de dévoiler davantage ses intentions pour s'assurer que le principe d'égal accès aux emplois publics sera bien respecté.

Nous pourrions également souligner la nécessité d'étendre aux fonctionnaires la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, accordée aux salariés du secteur privé et exonérée d'impôt.

Mme Nathalie Delattre . - Nous avons plusieurs points de vigilance, notamment sur l'organisation juridictionnelle et sur la question du quorum et des pouvoirs dans les assemblées locales. Sur le terrain, nous sentons la volonté que les conseils municipaux élus dès le premier tour soient installés dans les meilleurs délais ; certains engagements financiers pris par les équipes « sortantes » dépassent manifestement la gestion courante. Je m'interroge également sur le transfert de la compétence mobilité : était-il utile de revenir sur le délai de transfert ? L'action de La Poste sur le terrain pose également question. S'agissant de la commande publique, les entreprises nous signalent qu'il serait urgent d'introduire le cas de force majeure et la notion d'imprévision : notre mission de contrôle pourrait-elle faire remonter rapidement cette demande afin que les ordonnances soient corrigées en ce sens ?

M. Philippe Bas , président . - La compétence mobilité doit, en effet, être transférée aux communautés de communes dans des délais qui compromettent la qualité de ce transfert. La Poste relève de la compétence de la commission des affaires économiques, qui s'en préoccupe, mais nous devons aussi apprécier de manière transversale le fonctionnement de l'ensemble des services publics, notamment dans les territoires ruraux. Notre mission de contrôle transmettra, semaine après semaine, nos sujets de préoccupation au Gouvernement : je le ferai par courrier soit au Premier ministre soit au ministre concerné. Je suggère, afin que nous soyons réactifs, que les collègues qui ne sont pas membres de la mission de suivi nous saisissent le cas échéant.

M. Patrick Kanner . - Je remercie M. le président Philippe Bas d'avoir organisé cette réunion.

Quelle est la fonction de la mission de contrôle ? À mon sens, elle ne doit pas être une « super-commission » des lois. S'agissant de la répartition du suivi thématique, comme notre collègue Jean-Pierre Sueur, je suis favorable à ce que tout collègue qui souhaiterait s'investir puisse nous accompagner.

De nombreuses mesures prises dans les ordonnances me semblent à la limite de l'habilitation consentie par le Parlement : nous avons donné en quelque sorte les pleins pouvoirs sanitaires au Gouvernement, sur le modèle de l'article 16 de la Constitution ! Lors d'une conférence téléphonique à laquelle j'ai participé ce matin, le Premier ministre s'est déclaré très attentif au contrôle parlementaire. Il y a une vraie volonté d'aller vite et de bien faire, mais en allant trop vite et en voulant trop bien faire, notre modèle républicain pourrait être mis en péril. Soyons vigilants !

M. Philippe Bas , président . - La mission de suivi fonctionne comme une équipe de co-rapporteurs, qui rapporte devant la commission des lois. Les collègues qui s'intéressent à tel ou tel aspect du suivi peuvent prendre l'attache des binômes de co-rapporteurs pour leur faire d'éventuelles offres de services. Mais ne nous écartons pas trop de notre organisation habituelle, avec des rapporteurs chargés d'éclairer la commission. Les membres de la mission ont été désignés, à ma demande, par les présidents de groupe.

Certaines des décisions prises sont à l'extrême limite - voire un peu au-delà - du champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances ou de ce qui est constitutionnellement acceptable, même si les circonstances sont bien évidemment sans précédent. Qui aurait pu prévoir qu'un jour la République demanderait à 66 millions de Français de rester chez eux et apporterait de telles restrictions à une liberté aussi fondamentale que la liberté d'aller et venir ?

Outre la publication de notre rapport, je vous propose d'en tirer une synthèse qui permettra à notre commission de remplir pleinement son rôle d'alerte, sans entraver l'efficacité de l'action publique. La continuité des services publics doit être garantie, sans que les dispositions prises ne dénaturent trop fondamentalement les procédures habituelles qui apportent des garanties aux citoyens.

Mme Esther Benbassa . - Vous avez évoqué le contentieux des étrangers, je vous en remercie : quel sera leur sort en cas de contrôle et d'arrestation dans la rue ? Seront-ils admis dans les hôpitaux en cas de maladie, notamment en cas de contamination par le coronavirus ?

M. Philippe Bas , président . - Les délais que j'ai évoqués sont ceux qui sont laissés aux étrangers pour contester les décisions administratives prises à leur égard. La plupart de ces délais de recours ne font pas l'objet d'assouplissements par les ordonnances qui ont été prises. J'ai tenu à le relever, car les associations s'en inquiètent et il me semble que toutes les catégories de justiciables doivent être traitées avec équité.

La question de l'accès à l'aide médicale d'État (AME) relève de la commission des affaires sociales, mais il me semble que les conditions d'accès à l'hôpital n'ont pas été modifiées par les ordonnances.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous sommes dans un exercice totalement inédit.

Notre mission est de contrôler l'action du Gouvernement, notamment les mesures qu'il prend par ordonnance dans le domaine de la loi, mais il appartient aussi au Parlement de protéger les libertés et les droits des citoyens.

Monsieur le président, vous avez indiqué que vous ne vous interdisiez pas de saisir ou d'interpeller le Gouvernement sur certains points ; c'est une très bonne chose. Les questions de principe nous préoccupent : droits de la défense, prolongations des gardes à vue ou des détentions, etc. Il y a d'autres sujets plus pratiques : on parle peu des établissements pénitentiaires, pourtant des détenus et des personnels sont contaminés, des parloirs fermés, des promenades supprimées. Cela ne va pas tenir. Nous pourrions demander que le téléphone soit gratuit pour les détenus et les parloirs vitrés autorisés. Cela peut sembler un détail, mais je pense que c'est important.

Le ministre de l'intérieur a indiqué hier qu'il avait suspendu la possibilité de demander l'asile en raison, semble-t-il, de l'incapacité des services à faire face. Cette décision risque de poser des difficultés d'accès aux conditions matérielles d'accueil pour les demandeurs d'asile : elle bloque le versement des allocations afférentes, l'accès au logement, aux soins. Nous devons également lancer une alerte sur la situation des centres de rétention, que le Conseil d'État a, certes, considéré comme pouvant continuer à fonctionner, mais qui se vident en réalité grâce à l'intervention des juges des libertés et de la détention.

Il y a aussi l'exercice des droits des gens de peu. Je songe aux conseils de prud'hommes, dont un certain nombre sont purement et simplement fermés : les salariés, même en référé, ne peuvent pas obtenir le paiement de leurs salaires. Nous devons trouver des réponses. Je songe aussi au droit de la famille. L'oralité des débats y est fondamentale et j'ai apprécié que vous le rappeliez, monsieur le président. La question des violences conjugales a émergé dans le débat récent, c'est tant mieux, mais nous devons insister sur les violences faites aux enfants : les victimes, n'étant plus scolarisées, ne sont plus identifiées par les enseignants. Nous devons encourager le Gouvernement à mener une campagne de sensibilisation. L'un des rares avantages du confinement est que nous entendons ce qui se passe chez les voisins...

Nous avons posé une question sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au Gouvernement, en séance publique, hier. Sa réponse est pour le moins ambivalente.

La situation des outre-mer est variable, mais très difficile pour certaines collectivités. Nous devons faire des propositions.

Puis-je suggérer, au-delà des auditions des ministres, celles de Jacques Toubon, Défenseur des droits, Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, et Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité ?

Enfin, pourrait-on intégrer au rapport certaines propositions judicieuses qui ressortiraient de cette réunion ?

M. Philippe Bas , président . - Le rapport de la mission de contrôle mentionne bien les tensions qui risquent de naître, dans les établissements pénitentiaires, de la fermeture des parloirs et de la suspension des promenades : je suis tout à fait d'accord pour que l'on réfléchisse à des amendements à ces règles très restrictives, sans porter préjudice à la prévention de la diffusion du virus.

Je n'ai pas non plus abordé tout à l'heure, dans ma présentation générale, la question des fins de peine anticipées, qui revêtent quatre formes différentes dans les ordonnances. La commission doit veiller à ce que ces mesures de régulation de la surpopulation carcérale, que beaucoup de gouvernements ont rêvé de prendre en temps ordinaire, ne soient pas conçues comme l'expérimentation d'une nouvelle politique carcérale et ne débouchent pas sur des libérations systématiques sans examen individuel pour chacun des détenus concernés.

Je prends note de vos propos sur les demandes d'asile et les conseils de prud'hommes. L'idée que tout un champ de l'action publique puisse être provisoirement interrompu n'est pas acceptable si l'on n'a pas d'abord essayé d'assurer la continuité du service. Certaines mesures concernant les tribunaux peuvent paraître excessives, mais au moins ceux-ci ne s'arrêtent pas complètement de fonctionner ! L'idée que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et les conseils de prud'hommes s'arrêtent de fonctionner justifie que nous portions notre regard dans ces deux directions et que nous demandions aux pouvoirs publics de trouver les moyens d'une poursuite de leur mission de service public. L'invocation du droit de retrait n'est pas toujours conforme à la loi et a parfois des conséquences graves.

Je suis particulièrement sensible aux violences faites aux enfants. Ces questions pourront être abordées au travers de l'organisation des forces de sécurité, qui relève du champ de notre mission de contrôle. Les pouvoirs publics se félicitent qu'il y ait beaucoup moins de délinquance, que les forces de l'ordre se redéploient pour surveiller le confinement, mais des violences se développent dans les maisons sans que l'on puisse intervenir à temps. C'est un sujet de préoccupation tout à fait majeur.

J'ai bien noté vos demandes d'auditions et je n'y suis pas défavorable. Veillons simplement à ne pas emboliser notre programme de travail.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Marie-Pierre de La Gontrie a eu raison de souligner les difficultés très prononcées de l'outre-mer, cette crise s'ajoutant à des difficultés structurelles. Dans mon département de Mayotte, l'armée assurera demain la distribution de collations, car une bonne partie de la population n'a accès ni aux produits de première nécessité ni à l'eau. Toutes les difficultés d'application des textes juridiques s'ajoutent à cela.

Je loue les initiatives prises. Notre commission des lois est compétente sur les outre-mer et en ces temps difficiles, plus que jamais, nos collègues ultramarins auront besoin de recourir à ses services. Moi-même, hier, j'ai eu à saisir la commission des affaires sociales d'une question précise sur les cotisations de travailleurs indépendants.

La situation déjà très difficile des collectivités ultramarines ne doit pas être aggravée par la difficulté de lecture des textes juridiques.

M. Philippe Bas , président . - J'ai effectivement pensé à la nécessité de prendre en compte les difficultés particulières de l'outre-mer. Mayotte est très touchée par la crise sanitaire. Nous étions ensemble en Guyane il y a quelque temps : je mesure, à partir de cette expérience, les difficultés du confinement quand l'accès au logement n'est pas assuré dans de bonnes conditions, quand la natalité est très dynamique et la promiscuité très grande, et celles du système hospitalier, malgré d'importants investissements parfois, quand il est submergé. La commission des lois devra témoigner une attention particulière à nos concitoyens d'outre-mer. Nous devrons faire remonter l'information et relayer les attentes des outre-mer pour alerter le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je souhaite insister sur les points évoqués hier à l'Assemblée nationale par le Premier ministre s'agissant des modalités de déconfinement, notamment le tracking , dispositif permettant de localiser les téléphones portables. Le cas échéant, une telle décision de recourir à des outils numériques de traçage et d'exploitation des données personnelles de nos concitoyens devrait appeler de nouvelles dispositions législatives. Nous devrions aborder le sujet dans notre rapport.

M. Philippe Bas , président . - Nous avons tenu compte de votre observation formulée pendant la réunion de la mission de contrôle ce matin et complété le rapport en conséquence. Sans être très précis, le Premier ministre s'est montré hier relativement prudent, mais néanmoins assez ouvert sur cette question : il a entrebâillé la porte au tracking , en précisant qu'il pourrait s'agir d'une démarche volontaire, après recueil du consentement préalable des détenteurs de téléphones mobiles. Le risque existe cependant qu'il s'agisse davantage d'un « volontariat forcé », le recours à l'outil numérique étant la contrepartie d'une sortie partielle ou totale du confinement. Nous devons, à cet égard, nous montrer prudents : sans priver la France de moyens efficaces, fondés sur ces technologies permettant de reprendre une activité économique et sociale et de sortir du confinement, il convient de veiller à ne pas créer de précédents dangereux pour les libertés individuelles et qui pourraient être indûment pérennisés ou utilisés dans d'autres circonstances.

Mme Laurence Harribey . - S'agissant des dispositifs de géolocalisation, ne conviendrait-il pas d'entendre la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans la mesure où des questions pourraient être soulevées en matière de libertés publiques ?

Par ailleurs, les collectivités territoriales ne devraient-elles pas constituer un axe prioritaire des travaux de la mission de contrôle et de notre commission des lois ? À l'heure où nous voyons poindre des rumeurs sur un report du second tour des élections municipales au-delà du mois de juin, il apparaît urgent de stabiliser la situation afin de permettre aux assemblées délibérantes de fonctionner normalement et en pleine légalité. Dans certaines grandes collectivités territoriales, l'application des textes pose des difficultés au regard de la légitimité des décisions qui pourraient être prises par un neuvième seulement des membres.

Enfin, quel sera le statut des auditions organisées par la mission de contrôle ? Seront-elles captées pour l'ensemble des membres de la commission des lois ? J'ai pu suivre hier l'audition du Premier ministre et du ministre de la santé à l'Assemblée nationale, intéressante et bien organisée. Cela irait dans le sens de la transparence de nos travaux et relativiserait un éventuel sentiment de frustration.

M. Philippe Bas , président . - Il pourrait effectivement être envisagé d'entendre la CNIL. Il convient cependant de veiller à ne pas élargir nos auditions à l'envi, au risque d'emboliser, je le redis, nos travaux. D'ailleurs, notre collègue Loïc Hervé, membre de la CNIL, assurera le suivi des dispositions qui pourraient porter atteinte au secret des données personnelles.

Bien qu'il faille considérer l'information avec précaution, le Président de la République aurait l'intention de ne pas organiser le second tour des élections municipales au mois de juin prochain. S'il en était ainsi décidé, nous entrerions dans un univers à construire... Il conviendrait de traiter le cas des communes de moins de 1 000 habitants, dont une partie des conseillers municipaux ont été élus au premier tour. Ces derniers devraient être considérés comme définitivement élus, comme le rappelle la loi d'urgence du 23 mars 2020. Mais qu'en serait-il des autres membres du conseil municipal, qu'il faudrait élire pour compléter celui-ci ? Les élections sénatoriales devraient également être reportées. Se poserait également la question de la composition des conseils communautaires, sur laquelle la loi du 23 mars 2020 n'a pu aboutir qu'à une cote mal taillée. Ainsi, un report du second tour des élections municipales après l'été aurait des conséquences en cascade, qu'il nous faudrait traiter.

Il faut, en tout état de cause, élire au plus vite les maires et leurs adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour. Nous en avons fait la demande au Gouvernement, mais, évoquant la sécurité du vote, il n'a encore pris aucune disposition concernant le vote à l'urne, le vote par correspondance ou le vote électronique. Il ne s'agit pourtant pas d'une élection au suffrage universel et les élus sont des personnes responsables.

Nos concitoyens attendent beaucoup, parfois trop, des collectivités territoriales en cette période. Certains maires s'investissent de responsabilités relevant des préfets, notamment s'agissant de l'instauration de couvre-feux. Or, les pouvoirs de police générale des maires doivent céder devant les pouvoirs de police spéciale des préfets. Il me semble utile que les préfets rendent compte à notre mission de leurs actes et qu'ils fassent remonter les décisions prises par les maires dans leur département.

Les collectivités territoriales représentent donc effectivement, madame Harribey, un sujet prioritaire, mais pas moins que les conditions de fonctionnement de la justice ou la situation des prisons.

M. Jacques Bigot . - En tant qu'Alsacien, je remercie les habitants des territoires qui ont accueilli des malades en souffrance de notre région. Nous étions en grande difficulté et la solidarité a remarquablement fonctionné.

Je vous remercie pour les préoccupations exprimées s'agissant de la justice. Les ordonnances prises par le Gouvernement dans ce domaine sont évidemment liées au confinement, mais elles s'inscrivent également dans un contexte difficile, marqué par les deux mois de grève des avocats qui ont conduit au renvoi de nombreuses audiences. À l'issue du confinement, il conviendra de ne pas prolonger les dispositifs mis en place à titre exceptionnel, afin de permettre à la justice de fonctionner à nouveau normalement, malgré des moyens certes insuffisants.

M. Philippe Bas , président. - Le confinement succède, en effet, à deux mois de grève des avocats. Les renvois d'audience aggravent encore la situation de la justice. D'une certaine manière, les mesures prises par les ordonnances permettront de traiter les contentieux qui n'avaient pas pu l'être avant même l'état d'urgence. Elles se prolongeront d'ailleurs un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, ce qui illustre que la garde des sceaux estime en avoir besoin non seulement pour pallier les baisses d'effectifs liées au Covid-19, mais aussi pour surmonter la désorganisation de la justice provoquée par les grèves.

M. Alain Richard me précise que les intentions prêtées au Président de la République sur un éventuel report du second tour des élections municipales ne reposent que sur les conjectures de quelques partenaires politiques et que le débat déclenché par un article du Parisien ce matin est totalement artificiel.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je me félicite que notre mission de suivi s'intéresse aux services publics dans les territoires ruraux. Il serait d'ailleurs judicieux que chacun parmi nous fasse remonter les difficultés rencontrées dans son département, car les problèmes sont très variables d'un endroit à l'autre.

Il semble que l'exécutif caresse malgré tout l'idée de reporter encore la date du second tour des élections municipales. On entrerait alors dans une période de transition avec des situations très différentes selon les cas : dans les communes où le conseil aura été élu au premier tour, le maire pourra être élu et exercer son mandat ; dans les autres communes, en revanche, on ne pourra faire autrement que de prolonger le mandat des équipes en place, ce qui ne sera pas sans soulever des difficultés.

M. Philippe Bas , président . - En effet, il serait intéressant que chacun fasse remonter les initiatives prises dans son département.

Nous devons aussi insister auprès du Gouvernement, je le redis, pour qu'il prévoie, au-delà de l'assouplissement des règles de quorum et de procuration dans les assemblées locales, des modalités de vote permettant d'élire plus rapidement les maires et de sortir de l'entre-deux actuel, afin de ne pas reculer la date d'installation des maires même si le confinement se prolonge.

J'en profite pour indiquer à Mme Laurence Harribey que nos auditions seront ouvertes à tous les membres de la commission, du moins si les moyens techniques le permettent.

Permettez-moi de vous transmettre quelques messages reçus au moyen du dispositif de conversation en ligne.

Mme Catherine Troendlé s'associe aux remerciements de M. Jacques Bigot concernant l'aide apportée par les autres territoires pour prendre en charge les malades hospitalisés en Alsace.

M. François-Noël Buffet indique qu'il interrogera l'Ofpra concernant l'instruction des demandes d'asile ; je l'en remercie.

Mme Françoise Gatel souligne, à juste titre, que la question des services publics ne concerne pas que les territoires ruraux.

Mme Sophie Joissains m'interroge sur le remboursement des frais de campagne du premier tour si de nouvelles élections devaient avoir lieu à la rentrée. C'est une question que nous devrons traiter. Je rappelle que, en vertu d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, il a été décidé de repousser le plus tard possible la décision de reporter, ou non, le second tour des élections municipales, afin de se donner les meilleures chances pour l'organiser le plus rapidement possible. Le comité de scientifiques devra rendre un rapport d'ici le 23 mai prochain, et non le 10 mai comme cela était initialement prévu.

Mme Marie Mercier . - Je ne doute pas de la bonne volonté du Gouvernement, mais je m'interroge sur la réelle volonté de transparence des agences régionales de santé (ARS), qui retiennent des informations. Nous avons eu une réunion avec le préfet. Il nous a donné les chiffres des décès que l'on peut lire dans la presse, mais rien sur les décès dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) !

De même, les masques que les policiers avaient en leur possession ont été réquisitionnés par les ARS, mais nul ne sait où ils sont passés. Or ils dataient de la crise liée à la grippe H1N1 et étaient périmés.

Enfin, comment sera réalisé le déconfinement ? Il est question de tracking . Il faudra réaliser des tests afin d'avoir l'autorisation de sortir. Mais comment seront-ils faits et interprétés ? Ce n'est pas si facile : on peut être porteur sain, avoir été malade, avoir été en contact avec une personne infectée, etc.

M. Philippe Bas , président . - Vos questions sont à la frontière entre le suivi de la commission des affaires sociales et celui de la commission des lois, compétente pour contrôler les restrictions aux libertés individuelles et aux libertés publiques. Nous devrons examiner attentivement les méthodes qui permettront de sortir du confinement. Il faudra réaliser des tests pour déterminer qui aura l'autorisation de sortir. Il ne s'agira plus de mesures générales, mais de décisions particulières, ayant pour effet d'interdire à certaines personnes de sortir de chez elles tandis que d'autres seront autorisées à le faire, sur la base de techniques intrusives pour la vie privée. Nous devrons donc suivre cela de très près, en coordination avec la commission des affaires sociales, qui mène, par ailleurs, son propre programme de suivi, comme la commission des affaires économiques. Le Sénat a choisi en effet de procéder ainsi, avec peut-être moins de visibilité que l'Assemblée nationale, pour mener un travail de fond grâce à l'expertise de chaque commission.

Je vous remercie de votre participation.

La commission autorise la diffusion, sur le site internet du Sénat, des éléments d'analyse présentés par la mission de suivi.


* 1 Dans la plupart des cas, ces ordonnances sont dispensées de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire, en application de l'article 11 de la loi d'urgence du 23 mars 2020.

* 2 Voir, par exemple, la synthèse des dispositions concernant les collectivités territoriales et leurs groupements, publiée le 23 mars 2020 par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

* 3 Compte rendu de la séance publique du Sénat, séance du 22 mars 2020.

* 4 L'ensemble de ces points sont détaillés dans la suite du rapport.

* 5 La présence physique de l'avocat au côté du justiciable, une salle d'audience spécialement aménagée et ouverte au public, la copie de l'intégralité du dossier mise à la disposition de l'intéressé (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie).

* 6 Dispositifs de visioconférence dont les modalités techniques doivent être fixées par décret.

* 7 Ces mesures figuraient dans les textes réglementaires suivants : décret n° 2020-197 du 5 mars 2020 relatif aux prix de vente des gels hydro-alcooliques, décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, arrêtés du ministre de la santé du 6 mars 2020 et du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du covid-19.

* 8 En particulier l'avis du 23 mars 2020, dans lequel le conseil scientifique se prononce en faveur d'un prolongement et d'un durcissement des mesures de confinement.

* 9 Saisi par le syndicat Jeunes Médecins, le juge des référés du Conseil d'État, dans une ordonnance rendue le 22 mars, a refusé d'ordonner le confinement total de la population. Il a toutefois enjoint le Gouvernement à préciser la portée de certaines mesures prescrites, jugées ambiguës, en particulier la dérogation pour les « déplacements pour motif de santé », la dérogation pour les « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes », jugée trop large, et de l'absence d'encadrement du fonctionnement des marchés ouverts.

* 10 Décret n° 2020-344 du 27 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 11 Décret n° 2020-370 du 30 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 12 Décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

* 13 Décret n° 2020-344 du 27 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 14 Décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

* 15 Décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 16 Arrêté du 28 mars 2020 portant diverses dispositions relatives à l'indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraités ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l'épidémie covid-19.

* 17 Décret n° 2020-197 du 5 mars 2020 relatif au prix de vente des gels hydro-alcooliques.

* 18 Décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 19 Mesure complémentaire prévue par l'arrêté du ministre de la santé du 25 mars 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 20 Arrêté du 31 mars 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 21 L'article L. 3131-36 du code de la santé publique prévoit une gradation des sanctions applicables en cas de violation des obligations prescrites par les autorités publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui s'établit de la manière suivante :

- contravention de la quatrième classe pour la première violation ;

- contravention de la cinquième classe à compter de la deuxième violation ;

- délit puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende à compter de la quatrième violation.

* 22 Deux grands types de données peuvent être collectés dans le cadre de la lutte contre la pandémie :

- des données fournies par les utilisateurs via des sites internet ou des applications ad hoc installées sur leurs téléphones mobiles (déclaration de température dans le cadre d'un suivi médical dématérialisé, attestation de présence dans un lieu de quarantaine...) ; dans certains pays, l'installation de ces applications est obligatoire et la fourniture de ces données n'est pas volontaire (pour la quarantaine : Chine, Taiwan, Pologne) ;

- des données collectées auprès des opérateurs téléphoniques (métadonnées ou données de « bornage » qui ne concernent pas le contenu des conversations mais permettent une géo-localisation l'abonné à partir de l'antenne où son téléphone est connecté).

* 23 Le commissaire européen chargé du marché intérieur, Thierry Breton, s'est entretenu le 23 mars 2020 avec plusieurs opérateurs télécoms pour leur demander de fournir aux autorités européennes les données mobiles liées au positionnement géographique de leurs clients. Une fois les données agrégées et anonymisées, l'objectif serait de savoir en temps réel où les demandes de matériel médical sont les plus pressantes.

* 24 Audition du mercredi 1 er avril 2020 devant la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19.

* 25 « Coronavirus (Covid-19) : les rappels de la CNIL sur la collecte de données personnelles », 6 mars 2020, https://www.cnil.fr/fr/coronavirus-covid-19-les-rappels-de-la-cnil-sur-la-collecte-de-donnees-personnelles ;

Statement by the EDPB Chair on the processing of personal data in the context of the COVID-19 outbreak, 16 mars 2020, https://edpb.europa.eu/news/news/2020/statement-edpb-chair-processing-personal-data-context-covid-19-outbreak_en .

* 26 I, 2° b) de l'article 11 de la loi.

* 27 I, 2° c) du même article.

* 28 Ces délais relèvent principalement du domaine réglementaire en matière civile.

* 29 Sont notamment concernés le droit des étrangers et l'hospitalisation sans consentement de personnes atteintes de troubles mentaux.

* 30 En cette matière les délais sont suspendus - et non prorogés - pour la période allant du 12 mars 2020 à l'expiration d'un délai d'un mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire. Leur cours reprendra donc à l'expiration de cette période pour le temps qui restait à courir.

* 31 Entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

* 32 En matière civile, il s'agit du référé, du traitement des contentieux civils ayant un caractère d'urgence et de la protection des personnes vulnérables (circulaire de la garde des Sceaux du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie Covid-19).

* 33 Circulaire de présentation de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété du 26 mars 2020. Elle est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/bo/2020/20200327/JUSC2008609C.pdf

* 34 Voir ci-après, le commentaire de l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale.

* 35 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, considérant 102.

* 36 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, considérants 27 et 29.

* 37 Tant qu'une ordonnance n'est pas ratifiée, ses dispositions ont valeur réglementaire et sont contestables devant le juge administratif.

* 38 En référé, dans la procédure accélérée au fond et lorsque le juge a un délai déterminé pour statuer (juge des libertés et de la détention, ordonnances de protection, contentieux des funérailles etc. ).

* 39 À défaut d'application de ces dispositions, les mesures qui arrivent à leur terme entre le 12 mars 2020 et le mois suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire sont prorogées de plein droit d'un mois maximum.

* 40 Cet article ne semble pas avoir fait l'objet de consultation préalable du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), comme l'y autorise le II de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 41 Article 11, I 2° j).

* 42 NB : L'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, applicable au 1 er juin 2020, maintient la durée déterminée des contrats de syndic, mais ne fait plus référence à une mise en concurrence tous les trois ans (futur article 18 VI.).

* 43 Rapport n° 381 (2019-2020) de M. Philippe BAS, fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 mars 2020.

* 44 Article 11, I 2° c).

* 45 Articles L. 221-2 et L. 221-2-1 du code de la justice administrative.

* 46 Désistements, requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, requêtes manifestement irrecevables, requêtes relevant d'une série, etc.

* 47 Le recours à cette application n'est pour l'heure obligatoire que pour les parties ayant recours à un avocat et les administrations autres que les communes de moins de 3 500 habitants.

* 48 L'ordonnance n°2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale précise dans son article 6 « dès lors que le juge peut s'assurer du respect du contradictoire ».

* 49 Article 7 de l'ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 et article 6 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

* 50 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, considérant 102.

* 51 Article L. 733-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 52 Articles L. 213-9 (refus d'entrée sur le territoire) ou L. 512-1 (recours exercé par un étranger placé en rétention ou faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 53 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 54 Article R. 732-1-1 du code de la justice administrative.

* 55 Article L. 522-3 du code de la justice administrative.

* 56 Le délai limite pour le dépôt des comptes de campagne étant fixé au 10 juillet 2020 pour les candidats présents uniquement au premier tour et au 11 septembre 2020 pour les candidats présents au second tour.

* 5758 Cf. La circulaire du 14 mars 2020 de la directrice des affaires criminelles et des grâces et du directeur des affaires civiles et du sceau relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie Covid-19.

* 59 La France dispose de 86 maisons d'arrêt et de 44 établissements pour peines. Ces établissements pour peines se répartissent entre maisons centrales (6), centres de détention (27) et centres de semi-liberté (11), en fonction du type de population pénale qu'ils accueillent. On compte également 50 centres pénitentiaires, qui sont des établissements mixtes, comprenant au moins deux quartiers différents (maison d'arrêt, centre de détention et/ou maison centrale).

* 60 Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2020, notre collègue Alain Marc rappelait que le taux d'occupation du parc pénitentiaire était, en octobre 2019, de 116 % et de 138 % pour les seules maisons d'arrêt.

* 61 La suspension de peine peut être ordonnée pour motif d'ordre médical, familial, professionnel ou social s'il reste à subir à la personne condamnée une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans.

* 62 Par coordination, les communes et leurs EPCI ayant institué une part incitative de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pourront transmettre le montant de cette part incitative jusqu'au 3 juillet (article 13 de l'ordonnance), et l'entrée en vigueur des délibérations relatives aux droits de mutation à titre onéreux est reportée au 1 er septembre 2020 (article 12 de l'ordonnance).

* 63 L'article 9 est abrogé par l'article 5 de l'ordonnance.

* 64 Cette durée pourra être prolongée par décret pour une durée d'au plus trois mois.

* 65 Article 1 er de l'ordonnance.

* 66 Les délégations accordées précédemment par le conseil municipal en la matière - les seules qui, selon le droit commun, prennent fin dès l'ouverture de la campagne électorale pour le renouvellement du conseil municipal - ont été rétablies par l'ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19. À défaut de délégation antérieure, une délibération du conseil municipal restera donc nécessaire pour permettre au maire de procéder à ces opérations - sous réserve de la faculté pour le maire de souscrire des lignes de trésorerie dans les conditions exposées ci-après.

* 67 Il s'agit des attributions relatives au budget, à la composition, au fonctionnement et à la durée de l'EPCI, à l'adhésion de l'EPCI à un établissement public, à la délégation de la gestion d'un service public, et des dispositions portant orientation en matière d'aménagement de l'espace communautaire, d'équilibre social de l'habitat et de politique de la ville (article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales).

* 68 Dans les EPCI, toutefois, seuls les membres du bureau pourront être délégataires.

* 69 La liste exacte des agents susceptibles de se voir déléguer la signature de l'exécutif varie d'une catégorie de collectivité ou d'établissement à l'autre.

* 70 Si ce dernier n'a pas été adopté, c'est le montant figurant à l'exercice 2019 qui est pris en compte.

* 71 Si ce dernier n'a pas été adopté, ce sont les dépenses réelles figurant à l'exercice 2019 qui sont prises en compte.

* 72 Ces modifications sont commentées dans la fiche relative à l'ordonnance n° 2020-330.

* 73 Rapport n° 381 (2019-2020) de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 mars 2020, page 29.

* 74 Exposé des motifs du projet de loi.

* 75 Voir l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 76 Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.

* 77 Conseil d'État, 25 juin 1948, Société du journal l'Aurore.

* 78 Les délais relatifs aux appels d'offres relèvent du domaine réglementaire mais donner une valeur législative à la dérogation par me biais d'une ordonnance permet de prolonger des délais non encore échu par une disposition rétroactive (vois supra).

* 79 Rapport n° 381 (2019-2020) de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 mars 2020, page 29.

* 80 Voir le point 2.1. de la note de la Direction des affaires juridiques de Bercy sur l'ordonnance, disponible à l'adresse suivante :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/actualites/FT_Urgence%20Covid_19_commande_publique%2026_3_2020.pdf

* 81 Ibidem .

* 82 Voir le 3° de l'article L. 6 du code de la commande publique en ce qui concerne les marchés publics.

* 83 Article R. 2191-8 du code de la commande publique.

* 84 1° de l'article 6.

* 85 a du 2° de l'article 6.

* 86 2° de l'article 6.

* 87 b du 2° de l'article 6.

* 88 Ibidem .

* 89 3° de l'article 6.

* 90 Note de bas de page n° 8, page 7, de la fiche de la Direction des affaires juridiques de Bercy « La résiliation unilatérale par l'administration des marchés publics et des contrats de concession », disponible à l'adresse suivante :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/execution-marches/resiliation-2019.pdf

* 91 4° de l'article 6.

* 92 Conseil d'État, 30 mars 1916, n° 59928, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, dite décision « Gaz de Bordeaux ».

* 93 Ibidem .

* 94 Article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 95 Article 1 er de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 96 Voir l'article 7 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 97 Ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial.

* 98 Article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 99 Article 4 de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial.

* 100 Article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 101 La levée des quorums prévue à l'article 6 de l'ordonnance n'est pas applicable « aux organes délibérants des établissements publics et aux instances collégiales administratives ayant fait l'objet d'adaptations particulières poursuivant le même objet par la loi du 23 mars 2020 susvisée ou en application de celle-ci ». Elle ne s'applique pas non plus aux CACT, CHST et aux comités d'agence des ARS.

* 102 Article 3 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 103 Ibidem .

* 104 Voir le dernier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 105 Article 5 de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial

* 106 Article 7 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 107 Article 5 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 108 Ibidem .

* 109 Voir le A du I de la présente note.

* 110 Article L. 52-14 du code électoral.

* 111 Décret du 29 avril 2015 portant nomination à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

* 112 Article 6 de l'ordonnance du 27 mars 2020.

* 113 Décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 114 Source : rapport au Président de la République.

* 115 Le nombre total de lauréats dans le versant hospitalier n'est pas connu, chaque établissement pouvant organiser ses propres concours.

* 116 Voir, pour plus de précisions, l'avis budgétaire n° 146 (2019-2020), « Fonction publique », fait au nom de la commission des lois du Sénat par Catherine Di Folco sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 117 Dont les modalités techniques doivent être fixées par décret.

* 118 Prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, ce comité est réuni pendant la période d'état d'urgence sanitaire. Il est chargé de rendre des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme.

* 119 Le vote par internet est réalisé de manière anticipée pour éviter qu'un électeur puisse voter deux fois pour un même scrutin (par internet et à l'urne).

* 120 Article L. 52-1 du code électoral.

* 121 Répondant ainsi à la difficulté rencontrée dans la circonscription du Paraguay en 2014. Conseil d'État, 17 février 2015, Élections consulaires dans la circonscription du Paraguay, affaire n° 381414.

* 122 Répondant ainsi à la difficulté rencontrée en Ukraine, circonscription qui n'a pas compté d'élu pendant plus de six ans, aucun candidat ne s'y étant présenté lors des élections consulaires de 2014.

* 123 Source : rapport au Président de la République sur la présente ordonnance.

* 124 Ce décret de convocation devant être pris au plus tard le mercredi 27 mai 2020.

* 125 Soit le délai limite initialement prévu par le code électoral, avant le report du second tour.

* 126 Le 19 mars 2020, le ministre de l'intérieur avait déclaré devant le Sénat : « dès lors que ce texte est voté et que la date du scrutin change, (les listes de candidats déjà déposées) seront écrasées par le fait que le second tour n'aura pas lieu dimanche et disparaîtront (...) Les listes devront donc être redéposées », ce qui ne correspond pas au texte de l'ordonnance.

* 127 Source : rapport au Président de la République sur la présente ordonnance.

* 128 Alors que ce délai limite est habituellement fixé au premier semestre de l'année suivant l'exercice sur lequel porte le compte du parti ou du groupement politique.

* 129 Cette seconde fraction est attribuée aux partis et groupements politiques en fonction du nombre de députés et de sénateurs s'y étant rattachés.

* 130 Article 11, I. 2° a) et b).

* 131 I. 2° b).

* 132 Circulaire de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Elle est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/bo/2020/20200327/JUSC2008608C.pdf

* 133 Ibid supra .

* 134 Entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

* 135 La computation du nouveau délai est la suivante : point de départ du nouveau délai : cessation de l'état d'urgence sanitaire + un mois + deux mois = mesure prorogée pour trois mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire sauf si son terme est modifié ou qu'il y est mis fin.

* 136 Voir commentaire de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

* 137 Voir commentaires des ordonnances n° 2020-318 sur les comptes des personnes morales, n° 2020-321 sur les assemblées et organes dirigeants et n° 2020-341 sur les difficultés des entreprises.

* 138 Parmi les mesures administratives ou juridictionnelles reportées, seules les mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation font l'objet du moratoire en Polynésie française. Les autres mesures limitativement énumérées aux 2° à 4° de l'article 3 sont expressément exclues d'application dans ce territoire, puisqu'elles relèvent de sa compétence.

* 139 Le préfet peut fixer un délai supérieur dans tout ou partie du département.

* 140 Décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'épidémie de Covid-19.

* 141 Conformément à l'article 13 de la présente ordonnance, le conseil national des opérations funéraires n'a pas été consulté sur ce décret.

* 142 Article 6 de l'ordonnance.

* 143 Article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration.

* 144 Article 8 de l'ordonnance.

* 145 Article 7 de l'ordonnance.

* 146 Article 9 de l'ordonnance.

* 147 Article 8 de l'ordonnance.

* 148 Rapport au Président de la République, JORP lois et décrets du 26 mars 2020, texte 8/112.

* 149 Ibidem .

* 150 II de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 151 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, consultable à l'adresse suivante :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=EC6A58275CBF28C4A6FDB2C0761EC99F.tplgfr30s_3?cidTexte=JORFTEXT000041756143&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041755510

* 152 Logiquement, l'article 11 de la loi d'urgence dispense le Gouvernement des consultations préalables en matière de loi ordinaire et non organique.

* 153 Circulaire de la garde des sceaux du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie Covid-19.

* 154 Voir supra le commentaire de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale.

* 155 Y compris la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée.

* 156 Y compris la liquidation judiciaire simplifiée.

* 157 Rappelons que, par dérogation, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 est entrée en vigueur dès sa publication.

* 158 Le débiteur est d'autant mieux protégé que ces dispositions se conjuguent avec celles de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, qui prévoient que les actes prescrits par la loi, notamment à peine de sanctions, devant être accomplis entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire (soit, par hypothèse, le 24 juin 2020) seront réputés avoir été faits dans les délais légaux, s'ils sont accomplis dans le délai légal à compter de la fin de cette même période (par hypothèse, à compter du 24 juin 2020), sans que cela ne puisse aboutir à un délai expirant postérieurement au 24 août 2020.

* 159 C'est ainsi, semble-t-il, qu'il faut comprendre la disposition selon laquelle le gel de la situation du débiteur s'entend « sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 631-8 ».

* 160 Cela résulte clairement de l'article 5.

* 161 Pour mémoire, cette procédure de « rappel » a pour objet de vérifier que la situation financière du débiteur n'est pas trop compromise et d'éviter ainsi un gonflement injustifié des créances bénéficiant du privilège de la procédure.

* 162 Cette formalité est exigée pour toute demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (articles R. 621-1, R. 631-1 et R. 641-1 du code de commerce).

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