II. UNE ADAPTATION À LA CRISE SANITAIRE FACILITÉE PAR UNE ACTIVITÉ RÉDUITE DANS LES AUTRES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

A. LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS ONT SU FAIRE FACE AUX DIFFICULTÉS POSÉES PAR LA CRISE SANITAIRE

Le bilan de la période de confinement qu'il est possible de dresser aujourd'hui concernant la situation des centre éducatifs fermés (CEF) tend à montrer que ceux-ci ont pu faire face à la situation de crise grâce à la mobilisation des personnels, appuyée par des mesures qui ont réduit le nombre de jeunes placés au sein des centres. Le soutien apporté par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), bien que diversement perçu par les acteurs, a été particulièrement important pendant l'état d'urgence.

1. Un nombre réduit de mineurs au sein des centres éducatifs fermés

Les informations communiquées à vos rapporteurs par la DPJJ ont confirmé, à la veille du déconfinement, le tableau qui avait été dressé par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté s'agissant du fonctionnement des centres éducatifs fermés (CEF).

Tous les CEF ont continué à fonctionner après le début du confinement. Au 7 mai 2020, le taux de prescription était de 79 %, ce qui correspondait à 456 ordonnances de placement provisoire prononcées par les magistrats, mais le taux d'occupation réelle était de seulement 47,5 % , soit 275 mineurs présents dans les CEF relevant du secteur public (SP) et du secteur associatif habilité (SAH). À cette date, vingt-trois CEF, soit près de la moitié du total, présentaient une occupation réelle supérieure à 50 % dont six établissements avec un taux supérieur à 75 %.

Dans le contexte du confinement, entre 60 % et 62 % des mineurs absents des CEF avaient bénéficié d'une décision du magistrat prescripteur leur permettant soit un retour en famille en application des droits de visite et d'hébergement (DVH), soit un placement éducatif à domicile (PEAD). La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a souligné, au cours de son audition, le bénéfice que certains mineurs avaient pu retirer de ce mode de placement.

Les magistrats ont dans leur majorité répondu favorablement à la mise en place des DVH, à condition que les services de la PJJ garantissent un suivi et les informent de tout incident ou événement de nature à entraîner la révision de la décision. Dans la plupart des situations, les magistrats ont prononcé des mainlevées ou des suspensions de placement. Dans les cas de placement à domicile, il est fait état de la mise en place d'un dispositif de contact quotidien avec les jeunes et leurs familles, avec possibilité pour les professionnels des centres de venir récupérer les jeunes à tout moment en cas de difficulté. La DPJJ a toutefois relevé des cas où les DVH ont été mis en place par les centres sans autorisation des magistrats.

Le nombre de fugues et d'incidents signalés à la DPJJ s'est révélé inférieur pendant la période de confinement à celle des mois de mars, avril et mai 2019. De même, le nombre d'incidents directement liés au confinement a été particulièrement limité (deux cas recensés). Dans l'ensemble, les tensions au sein des CEF ont paru maitrisées, malgré l'impossibilité pour les jeunes de mener des activités collectives. Il convient cependant de relever que la réduction du nombre d'incidents peut être liée à la réduction du nombre d'activités, les mineurs placés en CEF ayant pour nombre d'entre eux une difficulté d'adhésion à la norme. Par ailleurs, certains mineurs placés au sein de leur famille ont pu se trouver dans des circonstances difficiles entraînant des retours en établissement voire des allers-retours.

2. Une continuité pédagogique difficile à assurer

S'agissant de l'enseignement en CEF, il ressort des éléments transmis par la PJJ que le ministère de l'éducation nationale a demandé aux recteurs de mettre en place la continuité des enseignements au travers d'interventions à distance, comme pour les élèves scolarisés de façon ordinaire.

Certaines activités pédagogiques de journée ont cependant dû être interrompues en raison des absences des professionnels chargés des activités techniques sur certains établissements et de l'impossibilité de mettre en oeuvre des activités extérieures telles que des visites d'entreprises. Pour remédier à cette situation, les services éducatifs de la PJJ ont cherché à proposer de nombreuses actions culturelles ou de loisirs aux mineurs, en privilégiant des séquences individualisées ou en petit groupe de deux ou trois mineurs.

Il apparaît que les équipes éducatives ont été fortement sollicitées pour assurer la transmission des supports pédagogiques et appuyer l'usage des outils d'enseignement à distance auprès d'un public parfois difficilement mobilisable sur le sujet. La PJJ note qu'exceptionnellement, des enseignants se sont rendus sur place pendant le confinement (ainsi au CEF de Saverne dans le Bas-Rhin où l'enseignant se présentait chaque après-midi).

3. Une action de gestion et d'accompagnement de la PJJ importante mais diversement perçue par le secteur associatif habilité

L'action de la PJJ dans la gestion de centres dont elle assure directement la charge et auprès du secteur associatif habilité a été particulièrement importante. Tous ont ainsi salué la distribution de masques et de gel hydro-alcoolique quand ceux-ci ont été disponibles. L'accompagnement au travers de l'élaboration d'instructions, fiches ou bonnes pratiques a aussi été souligné. Entendue par les rapporteurs, la fédération Citoyens et Justice, qui ne gère pas de CEF mais regroupe d'autres structures relevant de la PJJ, a semblé satisfaite de l'accompagnement assuré par la DPJJ pendant la période.

La Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE) s'est montrée plus critique de l'action menée. Elle a indiqué aux rapporteurs que les directeurs des CEF dont elle a la charge ont décrit « de manière assez générale(...) peu de contacts avec leur autorité publique de tarification et précis[é] que ces rares échanges portaient sur des questions de reporting (remplissage de tableau de bord). Deux des directeurs évoquent des liens réguliers avec la DIRPJJ, mais l'un d'entre eux explique que ces contacts ont eu lieu exclusivement à son initiative. Il ajoute que lorsqu'il a décidé d'arrêter ces sollicitations, il n'a jamais été recontacté.

« Les professionnels du SAH se posent donc la question du sens des démarches ainsi mises en place par les DIR-PJJ. Ils auraient souhaité davantage d'aide pour mieux accompagner les jeunes et les professionnels à traverser cette crise.

« À titre d'exemple, il est cité la mise en place de quatorzaine pour les jeunes qu'il a fallu accueillir au cours de la crise. Les structures du SAH n'ont eu aucun accompagnement de la PJJ sur la procédure à suivre, les démarches à réaliser.

« De même, les notes et trames relatives au plan de continuité de l'activité ou sur l'organisation des missions, ou la mise en place de cellules de crise sont arrivées trop tardivement.

« Les structures ont donc dû anticiper. Elles se sont regroupées, ont instauré des cellules de crise qui se sont réunies régulièrement pour réfléchir collectivement à ce qu'elles pouvaient mettre en place pour répondre aux enjeux du moment. Elles ont édité des consignes, fait des commandes groupées sur les masques.... »

Dans une situation de crise où les circonstances locales ont énormément pesé sur la capacité des acteurs à agir et à exercer leurs missions, la mobilisation de chacun a été réelle. La crise permet néanmoins de faire apparaître plusieurs facteurs d'amélioration dans la coordination et l'accompagnement des structures par les directions régionales et l'éducation nationale. Les prochaines échéances concernant la justice des mineurs (budget et surtout examen de l'ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs) doivent fournir l'occasion d'explorer les voies et moyens permettant de remédier à ces difficultés.

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