IV. DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX INÉGAUX ET DES RENDEMENTS CONTRASTÉS

A. LES BILANS ENVIRONNEMENTAUX

Au niveau mondial, toutes activités confondues, l'agriculture représentait 13,5 % des émissions de CO 2 en 2017 selon le GIEC. En France , la contribution du secteur agriculture-forêt aux émissions de GES est significative avec environ 20 % des émissions nationales 99 ( * ) . Ce secteur est très carboné du fait d'une consommation élevée d'énergie primaire fossile, de l'utilisation massive d'engrais azoté issu de l'industrie pétrochimique et de l'élevage. La question avait justifié en 2012 le lancement du plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » (EMAA) ayant pour objet la production de biogaz et la réduction de la consommation d'engrais azotés par l'utilisation du digestat et du lixiviat comme amendements agricoles (l'intégralité de l'azote qui rentre dans un méthaniseur en ressort dans le digestat).

Selon le rapport du Haut Conseil pour le climat de 2019, le secteur de l'agriculture aurait vu en 2018 sa part des émissions de GES s'établir à 19 % . Les émissions de ce secteur proviennent de l'élevage (48 %), des cultures (41 %), ainsi que des tracteurs, engins et chaudières agricoles (11 %). Les émissions de l'agriculture sont avant tout liées à des processus biologiques. Il s'agit de CH 4 (45 % des émissions de GES de l'agriculture en CO 2 e) émis par la fermentation entérique des ruminants et pour une moindre part par les déjections animales et leur gestion. Il s'agit également de N 2 O (43 % des émissions en CO 2 e) principalement émis par les sols agricoles après fertilisation azotée minérale ou organique. Les émissions restantes correspondent à du CO 2 (12 % des émissions) provenant de la consommation d'énergie (produits pétroliers et gaz naturel) des tracteurs et engins utilisés sur les exploitations agricoles, ainsi que des chaudières pour le chauffage des serres agricoles.

Dans le monde, selon le GIEC (rapport sur les terres de 2019), les émissions liées aux activités agricoles, forestières et autres activités liées à l'usage des terres (AFOLU) ont représenté environ 23 % du total net des émissions anthropiques de GES.

1. Généralités sur les taux d'émission de GES et les analyses ACV

Pour identifier et quantifier l'impact environnemental des énergies renouvelables, il faut évaluer les taux d'émission de gaz à effet de serre (GES) lors de la production d'énergie et par exemple d'électricité. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), « l'analyse du cycle de vie (ACV) est l'outil le plus abouti en matière d'évaluation globale et multicritère des impacts environnementaux » 100 ( * ) . Ainsi, ce ne sont pas seulement les émissions de GES lors de la production d'électricité qui sont quantifiées, mais toutes les étapes du cycle de vie d'un produit , de l'extraction et du traitement des matières premières, des processus de fabrication, du transport et de la distribution, de l'utilisation et de la réutilisation du produit fini et, finalement, du recyclage et de la gestion des déchets en fin de vie.

Une méthodologie complexe , que les professionnels semblent unanimement juger difficile à mettre en oeuvre, a été établie depuis 1997 par une série de normes internationales 101 ( * ) , qui ont fixé les principes généraux et les bases méthodologiques et déontologiques exigées pour la réalisation des évaluations ACV, favorisant une harmonisation de la méthodologie employée, une meilleure robustesse et fiabilité des résultats, ainsi qu'une communication plus formalisée 102 ( * ) .

L'ACV facilite les comparaisons entre systèmes par la quantification des contributions aux impacts environnementaux de chaque système par étape de cycle de vie ou par sous-système (composants, matériaux utilisés, procédés...), afin de dégager des pistes d'amélioration du bilan environnemental du système considéré. Il s'agit à la fois d'une procédure, c'est-à-dire d'une suite d'étapes standardisées, et d'un modèle mathématique de transformations permettant de faire correspondre des flux à leurs impacts environnementaux.

Le schéma ci-après sur l'impact environnemental des énergies renouvelables utilise l'approche ACV et témoigne de l' importance de l'amont et de l'aval dans les étapes du cycle de vie d'un produit ou d'une énergie.

L'approche ACV de l'impact environnemental des EnR

Légende

Source : Ademe 103 ( * ) .

En suivant cette méthodologie, une énergie renouvelable peut avoir un impact carbone nul dans son processus de production d'électricité, mais engendrer des effets négatifs sur l'environnement en amont ou en aval . Par exemple, l'installation de l'énergie éolienne nécessite des terres rares, dont la Chine concentre 86 % de la production mondiale, par exemple du néodyme, principalement extrait en Chine. Selon l'Ademe, seule une faible part des éoliennes terrestres en utilise en France, environ 3 % pour les éoliennes utilisant des générateurs « à aimants permanents » qui concentrent la totalité des terres rares de la filière. Il est du reste possible de substituer au néodyme d'autres solutions, comme les génératrices asynchrones ou les génératrices synchrones sans aimant permanent, qui sont des génératrices transformant l'énergie mécanique en énergie électrique en étant entraînées au-delà de la vitesse de synchronisme. Le solaire photovoltaïque, quant à lui, utilise des métaux critiques, tels l'indium ou encore l'argent, qui ne sont pas des terres rares, et ne sont utilisés que dans une faible part des technologies solaires photovoltaïques, la majorité (80 % à 90 %) recourant au silicium.

Enfin, toute installation de production d'électricité d'origine renouvelable ayant besoin de transport dans sa fabrication, les énergies renouvelables ont toutes un impact environnemental en termes d'émissions de GES et d'empreinte carbone. À ce titre, et afin d'atteindre les objectifs de zéro émission carbone d'ici à 2050, il est pertinent de comparer les énergies renouvelables entre elles afin de déterminer l'impact environnemental relatif des technologies actuelles.

2. Présentation par source d'énergie
a) Méthanisation et biogaz

Selon l'Ademe 104 ( * ) , la filière biogaz émet en moyenne 11 g CO 2 eq/kWh . La filière biogaz émet des émissions directes de gaz à effet de serre à plusieurs égards, notamment lors du stockage des déchets solides organiques, ou lors de fuites de biogaz, qui est composé de CO 2 et de CH 4 . Ce dernier gaz a un potentiel de réchauffement global 25 fois plus élevé que le dioxyde de carbone. De plus, la méthanisation, dans l'ensemble de son cycle de vie 105 ( * ) , émet des gaz à effet de serre dans le fonctionnement même de son dispositif, à savoir les transports, l'énergie utilisée sur le site, la construction du digesteur et sa maintenance. En outre, l'épandage du digestat traité, parce qu'il génère des émissions d'ammoniac et un lessivage de nitrates, est responsable d'eutrophisation et d'acidification.

Il faut aussi tenir compte de fuites de gaz à effet de serre dans le processus de méthanisation lui-même. En effet, la méthanisation, comprise comme dégradation de matières organiques par des bactéries anaérobies, conduit à la production de biogaz, composé de plusieurs gaz à effet de serre 106 ( * ) :

- de 50 % à 70 % de méthane (CH 4 ) ;

- de 20 % à 50 % de gaz carbonique (CO 2 ) ;

- de quelques traces de protoxyde d'azote (N 2 O).

Le stockage des effluents d'élevage, qui n'est pas l'unique source de rejet direct de gaz à effet de serre (GES), s'accompagne d'un rejet direct vers l'atmosphère de ces GES ; en l'occurrence, le CH 4 représente 13,7 millions de TgCO 2 e en 2010, soit 13 % des émissions totales du secteur agricole français 107 ( * ) , le CH 4 représentant 45 % des émissions de GES de l'agriculture en CO 2 e. La réduction des durées de stockage liées à la méthanisation permet alors de réduire ces émissions. Toutefois, des fuites subsistent, notamment dues au manque ou aux problèmes d'étanchéité des équipements de méthanisation. Le gain environnemental de la méthanisation peut donc être mis à défaut si le manque de rigueur dans les étapes de stockage du biogaz conduit à observer des émissions atmosphériques. En 2006, le GIEC a estimé ces fuites entre 0 et 10 %, et préconise une valeur par défaut de 5 % en l'absence de données spécifiques. La durée de vie du méthane dans l'atmosphère est bien inférieure à celle du gaz carbonique, à savoir en moyenne 12 ans contre 100 ans 108 ( * ) . A l'inverse, le pouvoir de réchauffement global (PRG) du CH 4 est 25 fois supérieur au CO 2 .

L'Ademe a développé le projet Trackyleaks permettant la visualisation des fuites de biogaz et, en particulier, des émissions de méthane par caméra infrarouge dans le but de conforter la pertinence environnementale des unités de méthanisation.

Il existe ainsi de nouveaux enjeux technologiques à relever, comme une meilleure conception des méthaniseurs ou l'automatisation de torchères en amont des soupapes de sécurité, qui apparaît, selon l'Ademe, comme une solution pour optimiser l'impact environnemental de la méthanisation.

b) Biocarburants

L'évaluation du bilan énergétique et environnemental des biocarburants est complexe . En effet, l'ACV peut se réaliser « du puits au réservoir », dans laquelle l'unité de mesure utilisée est le g CO 2 eq/kWh, ou elle peut être réalisée « du puits à la roue », dans laquelle l'unité de mesure utilisée peut être le g CO 2 eq/kWh, à l'instar de ce que fait l'Ademe, ou encore le g CO 2 /km, à l'instar des pratiques de General Motors ou Concawe. Enfin, les biocarburants n'ont pas strictement la même empreinte carbone selon les ressources utilisées (blé, betterave, colza, tournesol...), et les émissions de GES peuvent aller du simple au double selon la matière première utilisée.

Les biocarburants de première génération sont produits à partir de produits agricoles alimentaires et présentent donc les externalités environnementales négatives associées à ces cultures (impacts de l'utilisation de pesticides ou d'engrais chimiques par exemple).

L'Ademe « souligne également l'impact des changements d'affectations des sols, qui peut être discriminant. Ainsi, lorsque le développement de cultures utilisées pour la production de biocarburants aboutit, directement ou indirectement, à la disparition des prairies, de zones humides ou de forêts primaires, le bilan des émissions de GES des biocarburants peut s'alourdir jusqu'à devenir négatif par rapport aux carburants fossiles » 109 ( * ) .

Le tableau ci-dessous publié par l'Ademe 110 ( * ) compare les émissions de GES de divers carburants en fonction de leur matière première, et de l'organisme d'évaluation :

Toutefois, l'Ademe considère que, compte-tenu de la différence de méthodologie dans la comptabilisation du cycle du carbone, les comparaisons ne peuvent être faites qu'entre les émissions de GES à l'étape de la combustion, en considérant l'étape de combustion totale. Les données des biocarburants évoluent faiblement après combustion, tandis que les carburants classiques voient leurs émissions de CO 2 exploser, comme l'illustre le tableau suivant :

Les valeurs en g CO 2 /MJ seront précisées en g CO 2 /kWh dans la synthèse figurant à la fin de la présente partie, à titre de comparaison avec les autres énergies renouvelables.

c) L'énergie éolienne

L'Ademe a réalisé en 2015 un dossier portant sur les « impacts environnementaux de l'éolien français » 111 ( * ) . Celui-ci met en exergue les différentes étapes du cycle de vie d'une installation éolienne (fabrication des composants du système, installation du système, utilisation, maintenance, et désinstallation du système), afin d'évaluer leur impact sur l'environnement, en termes d'acidification du sol ou de l'eau, de l'utilisation de ces derniers, et d'émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ).

S'agissant de l'éolien terrestre, l'Ademe s'est appuyée sur les données récoltées auprès de 3 658 éoliennes, ayant une capacité totale de 7 111 MW, soit 87,2 % du parc éolien effectif en 2013. Les résultats de l'analyse du cycle de vie (ACV) montrent un taux d'émission faible par rapport au mix énergétique français : 12,7 g CO 2 eq/kWh pour le parc français, contre en moyenne 79 g CO 2 /kWh pour le mix français de 2011.

Concernant les autres impacts sur l'environnement de l'éolien, l'Ademe les a résumés avec le graphique suivant.

Les impacts sur l'environnement de l'éolien, hors GES

Source : Ademe.

Ainsi, l'éolien, faible consommateur en eau et peu impactant en termes d'acidification, engendre une large artificialisation des sols : l'Ademe suppose qu'en moyenne le sol ne retrouvera pas ses fonctions avant 40 ans.

L'ACV permet de montrer les étapes les plus impactantes. En l'occurrence, la fabrication des composants, demandeuse en ressources fossiles, est l'étape ayant le plus d'impacts environnementaux durant la vie d'une installation éolienne, comme le montre le graphique suivant de l'Ademe.

Les impacts sur l'environnement de l'éolien selon une ACV

Source : Ademe.

Toutefois, le recyclage réalisé après le démantèlement des installations permet de réduire cet impact .

L'impact sur l'environnement de l'éolien maritime est largement similaire à celui engendré par l'éolien terrestre dans le détail de son ACV, avec toutefois des émissions de carbone de l'ordre de 14,8 g CO 2 eq/kWh, contre 12,7 g CO 2 eq/kWh pour l'éolien terrestre.

Enfin, le taux de retour énergétique en ACV, c'est-à-dire le temps qu'il a fallu à l'installation pour produire la quantité d'énergie qu'elle a consommée dans son cycle de vie, montre que l'énergie éolienne est plutôt efficiente : ce taux de retour correspond à 12 mois pour les installations terrestres et 14 mois pour les maritimes.

Par ailleurs, les effets de la présence de parcs éoliens sur la faune, y compris sur les élevages, sont d'une ampleur débattue.

Les risques de l'éolien pour l ' élevage selon le GPSE

Le Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE) propose une démarche d'analyse qui s'appuie sur des expertises sur la sécurité électrique et sur les phénomènes parasites dans les exploitations agricoles 112 ( * ) . À la lumière des connaissances scientifiques, il s'intéresse aux problématiques zootechniques, vétérinaires et électriques, ce qui lui a permis d'indiquer dans son dossier « Courants parasites en élevage » que les courants parasites « peuvent provoquer de l'inconfort qui, dans certains cas, est cause de stress (...) et peut amoindrir leur résistance aux maladies » 113 ( * ) . De plus, le GPSE relève que la perception de phénomènes électriques chez les animaux ne signifie pas systématiquement une perturbation de la santé ou une altération de la production, même si elle est révélatrice de l'existence d'un dysfonctionnement de nature électrique. Concernant plus particulièrement la présence de parcs éoliens à proximité des élevages, un compte-rendu établi par l'Agence Tact en janvier 2017 dans le cadre d'un groupe de travail pour à la mairie de Jans fait référence à une expertise approfondie de 18 mois du GPSE qui n'établit aucun lien entre les troubles constatés sur les exploitations de la commune de Jans et la présence d'un parc éolien 114 ( * ) .

Toutefois, une autre expertise du GPSE fait état d'audits contredisant cet avis. Suite à l'installation de parcs éoliens en Loire-Atlantique en 2012, des audits vétérinaires et zootechniques montrent une augmentation de l'incidence des mammites et une dégradation de la qualité du lait. Les mêmes audits ont démontré une perte de production, un retard de croissance des jeunes bovins, et de nombreux troubles du comportement animal. La conclusion de l'avis indique que « l'ensemble des résultats obtenus confirme la concomitance de l'installation et de la mise en service des éoliennes avec l'altération des performances et les troubles du comportement des animaux dans les deux élevages analysés » 115 ( * ) . Une question orale de notre collègue sénateur Christophe Priou fait référence à cette expertise : « un relevé de conclusions, suite à un audit conduit dans le cadre du GPSE en coordination avec la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique, fait apparaître une corrélation entre les anomalies relevées par le robot de traite et la production du site éolien » 116 ( * ) .

Source : OPECST.

Notre collègue député Yves Daniel avait interpelé le Gouvernement en 2014 à propos des ondes émises par les éoliennes 117 ( * ) : « [il] attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les éventuelles nuisances environnementales et sanitaires des ondes émises par les éoliennes. La protection de l'environnement et de la santé publique est l'un des objectifs majeurs du projet de loi de transition énergétique pour une croissance verte. Or il semblerait que, dans certains cas, les ondes émises par les éoliennes et véhiculées par le sol, notamment via les nappes phréatiques, interfèrent sur la santé des troupeaux des élevages agricoles et, plus grave encore, sur celle des habitants. Ainsi, dans sa circonscription, plusieurs agriculteurs installés à proximité d'un champ d'éoliennes perdent des bêtes, voient la production de lait de ces dernières diminuer et sont confrontés à des vêlages difficiles. Leur activité agricole s'en trouve fortement impactée : ils subissent des pertes importantes, tant au niveau financier qu'au niveau de leurs animaux, pertes qui ne sont pas prises en charge par les constructeurs de parcs éoliens, bien que la loi les y oblige. En outre, plusieurs habitants ont vu survenir diverses affections de santé depuis la mise en service de ce parc éolien ». Dans sa réponse, le Gouvernement a rappelé que les éoliennes pouvaient émettre des ondes électromagnétiques mais que les mesures réalisées sont inférieures à la limite réglementaire. Il a invité à mobiliser davantage le GPSE afin d'identifier et de diagnostiquer les problèmes pathologiques des animaux d'élevage.

L'ANSES a consacré une étude aux effets des infrasons 118 ( * ) , qui relève que les connaissances actuelles en matière d'effets potentiels sur la santé liés à l'exposition aux infrasons ne justifient ni de modifier les valeurs limites d'exposition au bruit existantes, ni d'introduire de limites spécifiques aux infrasons et basses fréquences sonores.

Une analyse de la littérature scientifique 119 ( * ) montre que la filière éolienne terrestre génère des mortalités significatives chez les oiseaux et les chauves-souris (par collisions mais aussi par barotraumatisme), notamment chez les espèces migratrices, dont on ne mesure pas encore les conséquences sur le fonctionnement de ces populations, en particulier sur des populations déjà affaiblies par ailleurs (cas des grands migrateurs), mais aussi des effets en cascade sur les autres espèces.

d) L'énergie photovoltaïque

L'énergie photovoltaïque, à l'inverse de l'éolien, dispose de chiffres moins précis au sujet de son impact environnemental. Le photovoltaïque n'a pas fait l'objet d'une étude approfondie sur son impact environnemental par l'Ademe.

Selon le CEA, le photovoltaïque a bénéficié de progrès techniques importants ces dernières années du point de vue de son impact environnemental et ce du fait d'économies de matières et de procédés industriels moins énergivores, surtout concernant la fabrication de wafers de silicium, et également en raison de l'augmentation du rendement de conversion des modules PV. Ainsi, une diminution du contenu carbone de l'électricité PV de plus de 40 % a été réalisée en dix ans .

En 2013, l'Ademe estimait qu'un système photovoltaïque (PV) émet, sur l'ensemble de sa durée de vie, 20 à 80 g CO 2 eq/kWh 120 ( * ) . Ce chiffre est variable selon le type de système et l'ensoleillement du site, mais s'approche donc parfois des émissions moyennes du mix électrique français qui, cette année-là, étaient de 86 g CO 2 eq/kWh.

En outre, l'utilisation pendant la fabrication de procédés et de matériaux générant moins de CO 2 , et le recyclage des déchets de fabrication permettent de réduire l'empreinte carbone des nouveaux systèmes photovoltaïques.

Le cabinet de consultants spécialisé en ACV des systèmes photovoltaïques, SmartGreenScans, a publié en 2014 une étude comparant les émissions de carbone des installations PV de plusieurs pays européens en utilisant la méthode de l'ACV , confirmant partiellement la précédente étude de l'Ademe. Tout d'abord, l'empreinte carbone moyenne des systèmes PV est estimée à 55 g CO 2 eq/kWh au niveau mondial 121 ( * ) . Ces experts expliquent néanmoins certains écarts importants : Chypre, grâce à son ensoleillement, est le pays dont l'empreinte carbone des systèmes PV est la plus basse avec 38 g CO 2 eq/kWh, tandis que l'Islande bat les records européens avec une empreinte carbone s'élevant à 89 g CO 2 eq/kWh, notamment du fait de son faible ensoleillement.

La France, quant à elle, se situe dans la moyenne mondiale, avec une empreinte carbone des systèmes PV à hauteur de 56 g CO 2 eq/kWh, selon la même étude. Dans les régions fortement ensoleillées, l'empreinte carbone est amoindrie. Ainsi, la Corse, avec un rayonnement solaire à hauteur de 1 846 kWh/m 2 /an soit le plus élevé en France métropolitaine, est la région dont l'empreinte carbone des systèmes photovoltaïques est la plus basse, avec 46 g CO 2 eq/kWh.

Certains procédés de fabrication font actuellement l'objet de recherches afin de réduire le bilan carbone des systèmes PV, notamment lors de l'étape de purification du silicium , ainsi que lors des étapes qui requièrent l'utilisation de gaz et de produits chimiques pour la fabrication des cellules photovoltaïques, générant un certain nombre de déchets.

L'impact environnemental du photovoltaïque en France ne se réduit pas à son empreinte carbone , déjà plus élevée que l'éolien. En effet, l'Ademe estime que les centrales photovoltaïques au sol nécessitent une grande surface, ce qui peut entraîner un conflit d'usage avec des terres agricoles ou forestières . Elle précise notamment que « le déboisement d'une forêt, lieu de stockage du CO 2 , pour un projet de centrale solaire au sol pourra avoir un impact négatif en termes de bilan carbone » 122 ( * ) . Il convient de souligner que si les capacités de production du photovoltaïque sont intégrées au bâti (hangars agricoles, serres...), il n'y aucun conflit d'usage : aussi, c'est ce type de solutions qu'il conviendra de développer. D'ailleurs la PPE prévoit qu'un tiers des installations annuelles (en puissance installée) le soit sur bâtiments. L'agrivoltaïque dynamique ouvre une voie très prometteuse en conciliant production agricole et production d'énergie renouvelable.

Enfin, le taux de retour énergétique d'un système PV se situe entre un et trois ans d'exploitation selon la technologie de module et sa région d'installation, rendant donc cette énergie renouvelable moins efficiente que l'éolien.

e) L'hydroélectricité

Il existe peu d'études concernant l'analyse du cycle de vie de la filière hydroélectrique , ou en tous cas peu détaillées. Dans son avis publié en 2017 sur les énergies renouvelables, l'Ademe estime que la filière hydraulique émet 4 g CO 2 eq/kWh, ce qui fait d'elle l'énergie la moins carbonée durant l'ensemble de son cycle de vie 123 ( * ) .

f) La géothermie

La remarque formulée pour le biogaz, les biocarburants et l'hydroélectricité se confirme aussi pour la géothermie : l'Ademe a publié en 2014 son étude « Base Carbone », détaillant avec précision les émissions de GES des filières éoliennes et photovoltaïques, sans réaliser d'études aussi approfondies pour les autres énergies renouvelables.

Ainsi, en 2014, l'Ademe fait état d'une émission de 38 g CO 2 eq/kWh pour la filière géothermique française 124 ( * ) .

Pour certains, qui s'apparentent à des soutiens à la géothermie, cette dernière n'aurait que des impacts positifs. Cependant, pour d'autres (des collectivités locales, des associations de défense de l'environnement, etc.) elle aurait des impacts négatifs sur l'environnement : le dégagement de vapeur de soufre (notamment de sulfure d'hydrogène), l'utilisation éventuelle de fréon pour certaines pompes à chaleur ou, encore, un forage parfois profond, qui peut nécessiter des fracturations de la roche , des injections de produits chimiques , et la mise en réseau de nappes différentes . De plus, selon Consoglobe, il ne s'agirait pas d'une « énergie 100 % renouvelable », dans la mesure où la géothermie nécessite un générateur, donc de l'électricité dont la provenance n'est pas forcément renouvelable. France Nature Environnement et le CLER dénoncent par ailleurs la faible rentabilité énergétique des systèmes géothermiques, pour des coûts économiques et environnementaux élevés .

3. Comparaison synthétique

Les chiffres cités plus haut sont amenés à évoluer dans le temps, parfois géographiquement comme le montre le photovoltaïque, selon les études, ou encore selon les méthodes utilisées. Cette synthèse a pour vocation de présenter ces valeurs comme des ordres de grandeur , afin d'établir une hiérarchie des énergies les moins carbonées selon plusieurs études ACV , comme le montre le graphique de l'Ademe 125 ( * ) :

Comparaison des émissions de GES des sources d'énergie en ACV

Source : Ademe.

Le tableau ci-après construit par l'Office établit une hiérarchie des sources d'énergie pour leurs émissions de GES, des plus vertueuses aux moins vertueuses , en tenant compte des biocarburants et du biogaz , ce qui n'était pas le cas dans le graphique précédent de l'Ademe.

Classement des sources d'énergie selon leurs émissions de GES en ACV

Énergies

Émissions de GES

(en g CO 2 eq/kWh)

Hydroélectricité

4

Biogaz

11

Éolien terrestre

12,7

Éolien maritime

14,8

Géothermie

38 - 45

Photovoltaïque

48 - 55

Biodiesel (tournesol)

72

Biodiesel (colza)

86,4

Bioéthanol (blé/betterave)

122,4

Source : OPECST d'après plusieurs études de l'Ademe 126 ( * ) .


* 99 Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'a pu fournir de données quantitatives à vos rapporteurs que pour l'année 2006 ! Il s'agissait alors de 10,7 Mteq CO 2 , dont 80 % dues à la consommation de produits pétroliers. Selon le Haut Conseil pour le climat, les émissions de GES de l'agriculture française seraient « pratiquement stables », grâce à l'intensification des systèmes et pratiques, à la diminution du cheptel bovin et à la rationalisation des épandages d'engrais azotés.

* 100 Cf. le dossier de l'Ademe, « Qu'est-ce que l'ACV ? » : https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv

* 101 Toutes ces normes peuvent être retrouvées sur le site https://www.iso.org/fr/standards.html

et sur le site https://www.boutique.afnor.org/recueil/analyse-du-cycle-de-vie-la-serie-des-normes-iso-14040/article/804794/fa092881

* 102 Il s'agit des normes ISO 14040:1997, ISO 14041:1998, ISO 14042:2000, ISO 14043:2000 et ISO 14044:2006, qui font partie de la famille des normes ISO 14000 qui regroupe les normes relatives au management environnemental (dont la norme générale ISO 14001 sur la certification de la performance environnementale).

* 103 Cf. le lien suivant :

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/impacts-environnementaux-eolien-francais-2015.pdf

* 104 Cf. le rapport « Base Carbone 2013 », Ademe, 2014, https://www.bilans-ges.ademe.fr/static/documents/%5BBase%20Carbone%5D%20Documentation%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20v11.0.pdf

* 105 Cf. Lynda Aissani, Audrey Collet et Fabrice Béline. « Détermination de l'intérêt environnemental via l'analyse du cycle de vie du traitement des effluents organiques par méthanisation au regard des contraintes territoriales », Sciences , Eaux & Territoires, vol. 12, no. 3, 2013, pp. 78-85.

* 106 Cf. Ademe, « La méthanisation » https://www.ademe.fr/expertises/dechets/passer-a-laction/valorisation-organique/methanisation

* 107 Cf. INRAE, « Quelle contribution de l'agriculture française à l'émission des gaz à effet de serre ? » https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/2e8018d27c89fb26f21e4c6a407c3a53.pdf

* 108 J.-M. Jancovici, Quels sont les gaz à effet de serre ?, disponible au lien suivant https://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/quels-sont-les-gaz-a-effet-de-serre-quels-sont-leurs-contribution-a-leffet-de-serre/

* 109 Cf. l'étude de l'Ademe « Produire des carburants de première génération », disponible au lien suivant : https://www.ademe.fr/expertises/energies-renouvelables-enr-production-reseaux-stockage/passer-a-laction/produire-biocarburants/dossier/produire-biocarburants-premiere-generation/impacts

* 110 Cf. Bilan énergétique et émissions de GES des carburants et biocarburants conventionnels, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/41339_comparatifacv.pdf

* 111 Cf. l'étude de 2015 de l'Ademe « Impacts environnementaux de l'éolien français », disponible au lien suivant : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/impacts-environnementaux-eolien-francais-2015.pdf

* 112 Cf. http://www.gpse.fr/

* 113 Cf. http://www.gpse.fr/IMG/pdf/gpse_2019_courants_electriques_parasites_en_elevage.pdf

* 114 Cf. http://cdn2_3.reseaudescommunes.fr/cities/1358/documents/q1xyyxse788bz0w.pdf

* 115 Cf. https://factuel.afp.com/sites/default/files/medias/factchecking/france/resume_du_rapport_du_gpse_-_44390.pdf

* 116 Cf. https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ19020667S.html

* 117 Cf. http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-65555QE.htm

* 118 Cf. https://www.anses.fr/fr/content/exposition-aux-basses-fr%C3%A9quences-et-infrasons-des-parcs-%C3%A9oliens-renforcer-l%E2%80%99information-des

* 119 Cf. par exemple les actes du « séminaire éolien et biodiversité », organisé en 2017 avec le soutien de l'Ademe et du ministère de la transition écologique :

https://crerco.fr/IMG/pdf/seminaire_eolien_et_biodiversite_2017_actes.pdf

* 120 Cf. l'avis de l'Ademe de 2013 sur « Le solaire photovoltaïque »,

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis-ademe-sur-solaire-photovoltaique-2013.pdf

* 121 Cf. Mariska de Wild-Scholten, Valérick Cassagne, Thomas Huld, Solar resources and carbon footprint of photovoltaic power in different region in Europe, 2014,

http://smartgreenscans.nl/publications/deWildScholten-2014-Solar-resources-and-carbon-footprint-of-photovoltaic-power-in-different-regions-in-Europe.pdf

* 122 Le solaire photovoltaïque , op. cit.

* 123 Cf. l'avis de 2017 « Les énergies renouvelables et de récupération »,

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis_ademe_enretr_201712.pdf

* 124 Cf. l'étude « Base Carbone 2013 », 2014, https://www.bilans-ges.ademe.fr/static/documents/%5BBase%20Carbone%5D%20Documentation%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20v11.0.pdf

* 125 Cf. l'avis de l'Ademe de 2017 op. cit.

* 126 Pour l'hydroélectricité, Les énergies renouvelables et de récupération, 2017,

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis_ademe_enretr_201712.pdf

Pour le biogaz et la géothermie, Base Carbone 2013, 2014,

https://www.bilans-ges.ademe.fr/static/documents/%5BBase%20Carbone%5D%20Documentation%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20v11.0.pdf

Pour l'éolien terrestre et maritime, Impacts environnementaux de l'éolien français, 2015,

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/impacts-environnementaux-eolien-francais-2015.pdf

Pour le photovoltaïque, Le solaire photovoltaïque, 2013,

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis-ademe-sur-solaire-photovoltaique-2013.pdf

Et pour les biocarburants, Bilan énergétique et émissions de GES des carburants et biocarburants conventionnels, 2006, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/41339_comparatifacv.pdf

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