XII. JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Le groupe de travail « Jeunesse et vie associative » de la commission de la culture animé par Jacques-Bernard Magner (Puy de-Dôme, socialiste et républicain) est composé de Céline Boulay-Espéronnier (Paris, LR), Olivier Paccaud (Oise, LR), Dominique Vérien (Yonne, UC).

Afin de suivre les conséquences de la crise de Covid-19 sur l'ensemble des secteurs relevant de la compétence de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, son Bureau a décidé le mardi 14 avril de créer 12 groupes de travail transpartisans et animés par le rapporteur pour avis des crédits en charge du secteur.

Dans ce cadre, le groupe de travail « Jeunesse et vie associative » 74 ( * ) a souhaité procéder à une série d'auditions autour de trois thématiques : la situation sociale et économique du milieu associatif, les conséquences du Covid-19 sur le service civique, et enfin la mise en place de colonies de vacances « studieuses » annoncées par le gouvernement, afin d'accompagner les enfants à la suite du confinement.

Il ressort de ces auditions 14 préconisations .

A. LE SECTEUR ASSOCIATIF : UN ACTEUR ESSENTIEL DE LA SOLIDARITÉ ET DU VIVRE ENSEMBLE, GRAND OUBLIÉ PAR LES POUVOIRS PUBLICS PENDANT CETTE CRISE

1. Un acteur économique et social de premier rang

Actrices de proximité, de solidarité et de l'engagement, les associations participent pleinement à l'animation des territoires, au développement du lien social et à l'émancipation de chacun, dans tous les secteurs de la société : jeunesse, aide aux personnes âgées, sport, culture, urgence et besoins de première nécessité, ... On dénombre en France 1,5 million d'associations, mobilisant entre 16 à 20 millions de bénévoles. Témoin de cette vitalité associative, leur nombre a augmenté de 2,4 % par an entre 2011 et 2017.

Le secteur associatif représente également un acteur économique non négligeable : ce sont ainsi près de 1,8 million d'ETP qui travaillent dans les associations, soit près d'un salarié du secteur privé sur dix. Avec une hausse moyenne de 0,5 % des effectifs salariés par an entre 2011 et 2017, l'emploi associatif connaît une évolution plus dynamique que l'ensemble de l'emploi salarié privé depuis 2008. Enfin, le budget cumulé des associations représente 113 milliards d'euros, soit 4 % du PIB.

Ainsi, parallèlement à l'économie de marché, le secteur associatif alimente une économie dynamique du service, du lien social et du secteur non lucratif .

2. Un acteur confronté à la crise de Covid-19
a) Une mobilisation au coeur de la résilience des territoires

La crise sanitaire et le confinement ont entraîné une très forte mobilisation des associations agissant principalement dans le secteur social, caritative ou de la santé. Une envie de se mobiliser a également été constaté sur le terrain - au sein d'associations préexistantes de ces secteurs, mais également au sein d'autres associations, par exemple sportives, qui ont modifié leurs missions traditionnelles, ou encore par la création d'associations de fait. Cette mobilisation citoyenne et de proximité a participé à la résilience des territoires.

Le groupe de travail regrette toutefois que cette mobilisation reste invisible aux yeux des pouvoirs publics : à aucun moment, dans les discours du Président de la République ou du Premier ministre, le rôle des bénévoles n'a été salué - ni même évoqué. Il a pourtant été essentiel pour soutenir et soulager « la première ligne » impliquée dans la lutte contre le Covid-19. À titre d'exemple, depuis le 20 mars, chaque semaine le réseau de l'association des paralysés de France contacte par téléphone au moins 30 000 personnes isolées. Ces appels sont indispensables pour les personnes contactées : en dehors de la rupture de l'isolement - comme en témoigne l'allongement de la durée moyenne de ces appels au fur et à mesure que le confinement se prolonge -, ils permettent également de prendre connaissance et de répondre à leurs besoins de première nécessité (faire les courses, aller à la pharmacie, les accompagner pour leurs soins chez le kinésithérapeute,....). Toutes ces actions sont réalisées par des bénévoles qui donnent de leurs temps.

Préconisation : renforcer la reconnaissance de la Nation envers l'engagement citoyen

b) Des conséquences économiques importantes

65 % des associations ont mis l'intégralité de leurs activités en sommeil 75 ( * ) . Quant aux 30 % restantes, 23 % des associations ont connu une réduction significative de leurs activités. Certains secteurs comme le sport, ou la culture sont particulièrement touchés. 81 % des associations ont ainsi été contraintes d'annuler des évènements importants. Ce taux dépasse les 90 % dans le secteur de l'environnement et de la culture.

Selon le Mouvement associatif, on estime à 1,4 milliard d'euros les pertes de recettes d'activités pour le mois de mars. Près de 70 % des associations ont fait une demande de recours au chômage partiel . Enfin, près de 14 % des associations avait en mars moins de trois mois de trésorerie devant elles. Fait plus qu'inquiétant, ce taux atteignait 28 % pour les associations employeuses, et 40 % pour celles ayant plus de 10 salariés.

3. La spécificité du secteur associatif non prise en compte par les mesures de soutien économique

Certes, une série de mesures de soutien économique a été mis en place par le gouvernement. Toutefois, ces mesures méconnaissent la spécificité des associations et ne répondent donc que partiellement à leurs besoins.

a) Le prêt garanti par l'État

Par cette mesure, l'État s'engage à garantir jusqu'à 90 % du prêt bancaire accordé par une banque à une entreprise, qui respecte les conditions d'éligibilité.

Toutefois, l'application concrète de ces dispositions pour les associations a connu dans un premier temps un certain nombre d'obstacles. La doctrine de BPI France et le ministère des finances ne prenait en compte le chiffre d'affaires que sous l'angle des activités commerciales. Une mobilisation du mouvement associatif a permis de faire évoluer les critères pour les associations, afin d'élargir leur accessibilité à ce fonds. Le « chiffre d'affaires associatif » est désormais calculé en cumulant l'ensemble des ressources de l'association auxquelles sont retranchées les subventions et dons.

b) Le fonds de solidarité

Le fonds de solidarité doit permettre à toute entreprise dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à un million d'euros sur le dernier exercice clos, et dont le bénéfice annuel imposable est inférieur à 60 000 euros, de disposer d'une aide financière si elle a fait l'objet d'une interdiction d'accueil au public, ou subi une perte de 50 % de son chiffre d'affaire en mars 2020 par rapport à mars 2019. Les associations concernées sont alors éligibles à une aide en deux volets : une première aide de 1 500 euros, et un deuxième volet d'aide complémentaire, compris entre 2 000 et 5 000 euros pour celles « qui bénéficient du premier volet ». Ce deuxième volet est géré par les régions.

En fonction des interprétations faites par les services régionaux des finances publiques, certaines associations se voient refuser l'accès à ce dispositif au motif qu'elles ne payent pas d'impôts commerciaux. Dans d'autres cas, il leur est demandé leur identifiant fiscal - alors qu'une association à but non lucrative n'en possède pas. Or, ce refus sur un critère pourtant non prévu par les textes ferme l'accès au premier volet, mais également aux fonds de soutien régionaux. De même, pour pouvoir bénéficier du report des charges, il faut être éligible au fonds de solidarité.

c) Les difficultés rencontrées par les associations non employeuses

Les associations non employeuses ne peuvent pas bénéficier des deux dispositifs précédemment évoqués , car elles ne sont pas considérées comme des entreprises. Or, beaucoup d'entre elles développent des activités économiques, sans disposer forcément de salariés. Leurs activités sont génératrices de charges (locaux par exemple). En l'état du droit, elles ne sont éligibles à aucune mesure d'aide.

d) Une remise en cause du modèle du financement par projet

Enfin, la crise a percuté violemment le modèle de financement des associations : très souvent, un financement ou une subvention n'est pas directement accordé à la structure associative, mais pour soutenir un projet. Une association est donc dépendante d'une grande variété de financeurs, tout arrêt d'un projet entraînant la perte du soutien de tel ou tel mécène. Des pertes importantes en termes de mécénat sont également à craindre dans les six prochains mois.

Votre groupe note toutefois avec satisfaction la parution le 6 mai 2020 d'une instruction du Premier ministre relative au maintien des subventions obtenues ou prévues par l'État ou l'un de ses opérateurs, même si l'association n'a pas pu, pour des raisons de force majeure, réaliser toute ou partie du projet. La circulaire précise néanmoins que cette mesure « ne peut pas aboutir à reconnaître systématiquement la force majeure qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas ». L'autorité administrative doit notamment vérifier que la situation résultant de la crise sanitaire actuelle « ne permette effectivement plus au bénéficiaire de la subvention de remplir les obligations liées à la subvention ».

Dans le prolongement de la charte des engagements réciproques signée en 2014 entre l'État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales, le groupe de travail souhaite que les associations d'élus s'engagent également dans le versement des subventions promises. Le maintien du partenariat financier est la première préoccupation et le premier besoin exprimé des associations. Un tel engagement au niveau national permettrait d'inciter l'ensemble des collectivités à s'inscrire dans une telle démarche et éviterait à une association, à devoir négocier seule, directement en bilatéral avec la collectivité locale, le maintien de sa subvention malgré l'impossibilité de mener à bien son projet. Un certain nombre de départements et de régions ont d'ailleurs fait savoir qu'ils maintiendraient les subventions promises.

Le groupe de travail préconise la création d'un fonds de soutien interministériel pour les associations en grande difficulté financière. Un certain nombre d'associations risque de devoir procéder à des licenciements, voire à fermer dans les mois à venir. Pour rappel, à la différence des entreprises, il n'existe pas pour les associations de procédure judiciaire de sauvegarde.

Enfin, depuis la loi de finances pour 2018 qui a tiré les conséquences de la loi pour une confiance dans la vie politique adoptée en septembre 2017, le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) s'est vu confier une nouvelle mission : attribuer aux associations sur les territoires les fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire. Or, le groupe de travail ne peut que constater que les sommes ainsi allouées restent fortement en dessous de ce que les associations percevaient au titre de la réserve parlementaire. Ce montant est en effet depuis 2018 de 25 millions d'euros par an pour la subvention de projets, bien loin des 52 millions d'euros de subventions attribuées auparavant aux associations.

Préconisations :

- Permettre aux associations non employeuses de bénéficier du report de charge et de l'accès aux fonds d'aide régionaux

- Encourager les associations représentant les collectivités locales à signer une charte, afin d'inciter l'ensemble des collectivités à maintenir le versement des subventions promises même si l'activité ne peut pas avoir lieu du fait de la crise sanitaire de Covid-19

- Réévaluer le FDVA dont les montants versés aux associations restent inférieurs à ceux précédemment alloués via la réserve parlementaire

- Mettre en place un fonds de soutien interministériel pour les associations en grande difficulté financière


* 74 Le groupe de travail « Jeunesse et vie associative » de la commission de la culture est présidé par Jacques-Bernard Magner (Puy-de-Dôme, socialiste et républicain) et composé de Céline Boulay-Espéronnier (Paris, LR), Olivier Paccaud (Oise, LR), Dominique Vérien (Yonne, UC).

* 75 Enquête réalisée par le Mouvement associatif, Covid-19 : quels impacts sur votre association ?, enquête réalisée du 20 mars au 7 avril 2020, 16 175 réponses au 7 avril 2020.

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