B. UNE SORTIE DE CRISE DANS LE SPORT COMPROMISE PAR LA PERSISTANCE DE FRAGILITÉS FINANCIÈRES ET ORGANISATIONNELLES

La crise que connaît le secteur du sport est profonde et durable. Lors de son audition 54 ( * ) par le groupe de travail, le directeur de cabinet de la ministre des sports, Karim Herida, a estimé les pertes financières du secteur sportif à une vingtaine de milliards d'euros et a indiqué que le Gouvernement préparait un plan de relance à destination des associations sportives. Le groupe de travail constate qu'à ce jour aucun plan de relance digne de ce nom n'a été présenté et mis en oeuvre. Alors que le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia, avait estimé le 12 mai que 20 % des clubs étaient en difficulté, le groupe de travail considère que cette proportion a sans nul doute significativement augmenté à la mi-juin.

Faute de véritable soutien de l'État, la situation des clubs amateurs et professionnels pourrait même s'aggraver à mesure que les dispositifs d'aides mis en place au début de la crise seront levés et que la crise économique pourrait prendre de l'ampleur avec une hausse prévisible du nombre de faillites d'entreprises et des licenciements, y compris dans le sport.

Pour Patrick Wolff, le président de l'ANLSP : « il va falloir au moins deux saisons pour rétablir la situation d'ici 2023/2024 et il sera difficile d'obtenir une aide jusque-là ». Le déconfinement dans le sport s'accompagne donc d'une grande incertitude et suscite un début d'inquiétude quant à la pérennité de nombreuses structures. De nombreux acteurs appellent donc de leurs voeux un « plan Marshall » pour le sport pour une durée de 3 à 4 ans.

1. Des aides de portée générale insuffisantes pour permettre au secteur du sport de passer le cap de la crise

Les associations sportives ont pu très vite bénéficier des dispositions adoptées par le Gouvernement à destination des entreprises qu'il s'agisse du report des charges sociales, du régime de l'activité partielle, du financement du chômage partiel, ainsi que la garantie apportée par l'État aux emprunts souscrits auprès des établissements bancaires.

Ces mesures ont été extrêmement précieuses pour permettre à toutes ces structures, souvent de petite taille, de supporter le choc d'un arrêt le plus souvent total de leur activité. Il n'est toutefois pas acquis que ces dispositions soient aujourd'hui suffisantes compte tenu des spécificités du secteur sportif.

Le déconfinement est, en effet, plus long à s'opérer dans le secteur du sport que dans la plupart des autres secteurs économiques. Pour mémoire, on peut en effet rappeler que de nombreuses restrictions de liberté qui frappent particulièrement les activités sportives sont encore en vigueur comme : le port du masque obligatoire dans certaines circonstances, certaines limitations locales de déplacement (l'utilisation des transports en commun reste soumise à autorisation en Ile-de-France), des restrictions de rassemblements 55 ( * ) , la fermeture des frontières (les réouvertures devraient être achevées en Europe à compter du 15 juin).

En somme, si la pratique sportive individuelle est largement redevenue possible depuis le 11 mai à l'exception de certaines activités 56 ( * ) , les sports collectifs demeurent contraints et le retour à la normale pour l'organisation des événements sportifs reste incertain. Le secteur du sport, qui a été plus impacté que beaucoup d'autres secteurs depuis le début de la crise sanitaire, continuera donc à subir les conséquences des précautions sanitaires plus longtemps que d'autres domaines d'activité qui ont déjà engagé le retour à la normale de leur activité.

Sur le plan de la pratique, le groupe de travail salue les efforts déployés par le ministère des sports et les fédérations afin de déterminer des protocoles adaptés à la reprise de chaque activité sportive. Un guide a même été diffusé qui recense l'ensemble des bonnes pratiques57 ( * ). D'autres guides ont également été réalisés qui s'adressent aux collectivités territoriales, aux sportifs de haut niveau et au corps médical intervenant dans le secteur sportif.

En dépit de ces efforts pour favoriser le déconfinement du sport, beaucoup trop de nuages continuent à obstruer l'horizon du secteur sportif, notamment professionnel. Comme l'a indiqué Patrick Wolff lors de son audition, si le football professionnel peut envisager de reprendre les compétitions en août à huis clos compte tenu du poids des droits télévisés dans ses recettes 58 ( * ) , ce n'est pas le cas des autres disciplines, notamment le rugby et les sports de salle, dont la majorité des recettes est issue de la billetterie et des recettes de marketing. Les clubs sont inquiets du maintien de leurs partenariats avec les sponsors et les collectivités territoriales dont les priorités pourraient changer à l'issue de la crise sanitaire.

Pour les présidents des ligues professionnelles, il est fondamental que les compétitions puissent reprendre normalement en septembre au plus tard.

2. Des difficultés structurelles accentuées par la crise sanitaire

Lors de son audition par le groupe de travail, le directeur de cabinet de la ministre des sports a indiqué que la crise devait être l'occasion de renforcer la place du sport dans la société et de repenser le modèle économique du sport. Il a également déclaré que la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) présentait beaucoup d'intérêt pour répondre aux enjeux et qu'il fallait accélérer sa mise en oeuvre.

Le groupe de travail ne peut que souscrire à l'idée de repenser le modèle économique du sport. Pour autant la réalité de la situation des clubs reste très éloignée d'une telle idée. Leur affaiblissement financier est tel que le risque de prise de contrôle par des fonds d'investissement notamment chinois ne peut être exclu selon Patrick Wolff. Le risque existe aussi de perte de contrôle de l'organisation des compétitions pour les fédérations et les ligues professionnelles.

L'affaiblissement des clubs professionnels français risque par ailleurs d'être durable puisque les détenteurs des droits de retransmission télévisée ont déjà annoncé leur intention de renégocier le prix des contrats en cas de huis clos au motif que le spectacle proposé ne serait plus le même.

Une autre menace concerne le « trading » de joueurs qui constitue une source importante de revenus pour de nombreux clubs. La dégradation générale de la situation financière des clubs en Europe devrait inévitablement réduire l'attrait pour l'achat de joueurs français. Une telle perspective, si elle devait se confirmer, pourrait grandement fragiliser la politique de formation de nombreux clubs - notamment en deuxième division - qui ont bâti leur modèle économique autour de la formation et de la vente de joueurs.

LES 10 PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

I. ACCÉLÉRER LES MESURES D'AIDES AU SECTEUR DU SPORT AVANT QU'IL NE SOIT TROP TARD

1. Mettre en place un plan global pour soutenir le secteur du sport à la rentrée de septembre 2020

Le secteur du sport a bénéficié des puissants dispositifs mis en place par l'État pour soutenir les entreprises et le secteur associatif pendant la crise sanitaire. A contrario le même secteur du sport a beaucoup souffert de la décision prise par l'État de mettre un terme, de manière prématurée, aux championnats professionnels. Ce grave préjudice - dont on ne mesure pas encore exactement l'étendue - justifie pleinement aujourd'hui que l'État s'engage à mobiliser des moyens particuliers pour aider les clubs victimes de la crise sanitaire et d'une décision unilatérale de la puissance publique.

Le groupe de travail considère que ces mesures doivent reposer sur le maintien pendant plusieurs mois encore des dispositifs généraux mis en place depuis le mois de mars (report des charges sociales, régime de l'activité partielle, financement du chômage partiel, garantie apportée par l'État aux emprunts souscrits auprès des établissements bancaires) et des aides spécifiques au secteur du sport.

Les aides spécifiques pourraient quant à elles porter sur la fiscalité propre au sport (« taxe Buffet ») mais également sur une aide à destination des jeunes pour encourager leur inscription dans des clubs, sur un assouplissement de la « loi Évin » et sur un accompagnement financier des athlètes français engagés dans la préparation des Jeux olympiques de Tokyo . Le groupe de travail souscrit également à la proposition faite par le groupe de suivi de l'application de l'état d'urgence sanitaire dans les domaines des sports et de la vie associative de l'Assemblée nationale 59 ( * ) de créer un fonds de soutien spécifique au bénéfice des associations et des clubs sportifs amateurs dans le cadre du plan de relance envisagé par le Gouvernement .

Le groupe de travail considère par ailleurs que ces nouvelles aides doivent s'accompagner de contreparties de la part du secteur sportif.

Les clubs pourraient, par exemple, pérenniser leur implication dans le dispositif 2S2C (Sport santé - culture civisme) afin de faire vivre le lien encore fragile qui a été créé entre les structures sportives et l'éducation nationale.

Les clubs pourraient également s'engager plus fortement dans la voie d'une maîtrise des salaires qui constituent un facteur de fragilisation du sport aux yeux de nos concitoyens dans le contexte économique dégradé que nous sommes appelés à connaître dans les prochains mois. Le problème des salaires excessifs concerne un petit nombre de sportifs d'un nombre restreint de disciplines qui ont en commun de bénéficier d'une forte exposition télévisée (football, rugby, tennis, vélo...). Toute régulation est compliquée par le fait que les sportifs sont mobiles et pourraient fuir le pays qui déciderait de limiter unilatéralement les salaires. C'est pourquoi une régulation des salaires devrait d'abord être recherchée au niveau européen.

Le groupe de travail rappelle cependant que la proposition n° 14 du rapport de février 2017 sur la gouvernance du football 60 ( * ) prévoyait d' « instituer un plafonnement de la masse salariale (« salary cap ») en Ligue 2 calculé en fonction du chiffre d'affaires de chaque club pour préserver la pérennité de chacun d'entre eux » .

Jamais sans doute il n'a été aussi nécessaire de concilier un effort de solidarité nationale envers le secteur du sport avec un engagement de ce dernier pour réguler l'inflation des salaires qui renforce la distance entre certains sportifs et la société.

II. SOUTENIR LES CLUBS POUR ACCROÎTRE LEUR RÉSILIENCE FACE À LA CRISE

2. Créer un crédit d'impôt dédié aux annonceurs dans le sport

La crise sanitaire a eu pour conséquence d'arrêter les compétitions et, par là-même, de supprimer la visibilité des annonceurs lors des compétitions sportives. Le risque est grand que ces annonceurs ne reviennent pas lors de la reprise des compétitions, ce qui aurait pour conséquence de réduire les ressources propres des clubs alors que ces dernières constituent un élément clé de l'amélioration de leur modèle économique.

Afin d'inciter les annonceurs du sport à maintenir leur implication dans le sport, le groupe de travail propose la création d'un crédit d'impôt « annonceurs » qui permettrait d'encourager l'achat d'espaces publicitaires dans les stades et sur les abords des compétitions . Ce dispositif pourrait, bien sûr, être intégré à un dispositif plus large concernant les annonceurs dans les médias audiovisuels et la presse tel qu'il a été soutenu par la commission de la culture lors de l'audition du ministre de la culture le 16 avril dernier 61 ( * ) . Mais à défaut de crédit d'impôt annonceurs d'application générale, le groupe de travail soutient une mesure plus limitée qui ne s'appliquerait qu'au secteur du sport.

3. Assouplir la loi Évin dans les enceintes sportives avec une évaluation en 2022

Dans un rapport publié le 22 février 2017 par la commission de la culture et consacré à la gouvernance du football 62 ( * ) , les rapporteurs, Jean-Jacques Lozach et Claude Kern, membres du présent groupe de travail, indiquaient déjà qu'une modification de la « loi Évin » autorisant la vente d'alcool dans les stades ainsi que la publicité pour certaines boissons alcoolisées permettrait de rapporter entre 30 et 50 M€ aux clubs professionnels.

Cette évolution de la législation a été jusqu'à présent contrariée par un débat légitime concernant les enjeux de santé publique. Une telle autorisation des boissons alcoolisées dans les stades ne présenterait-elle pas un risque pour la santé des spectateurs et pour la sécurité ? Si ce débat a pu être justifié lorsque la « loi Évin » a été adoptée, les circonstances ont changé du tout au tout depuis une vingtaine d'années. La violence dans les stades a été largement jugulée et le public canalisé. Les problèmes se concentrent aujourd'hui sur les abords des enceintes sportives où la consommation d'alcool n'est pas contrôlée, notamment les alcools du groupe 4, les plus nocifs 63 ( * ) .

Par ailleurs, le régime d'autorisation qui permet aux clubs de vendre de l'alcool dix fois par saison n'est pas satisfaisant. Pourquoi, en effet, limiter à dix ces exceptions si elles ne posent pas de difficulté ? Par ailleurs, le contrôle de ces exceptions apparaît pour le moins défaillant ce qui crée des inégalités entre les clubs qui ne sont pas acceptables.

Le groupe de travail propose donc d'autoriser la consommation dans les stades de certains alcools 64 ( * ) et certaines publicités pendant deux ans, jusqu'à la fin de la saison 2021/2022, et ensuite de réaliser une évaluation indépendante pour pérenniser ou non cette évolution . Un tel assouplissement doit permettre de favoriser le retour des supporteurs dans les stades lorsque les contraintes portant sur les grands rassemblements seront levées et d'aider économiquement les clubs.

4. Élaborer un mécanisme de garantie du paiement aux pour les collectivités territoriales des redevances d'occupation demandées aux clubs professionnels pour l'usage des enceintes sportives

Les collectivités territoriales restent propriétaires de la très grande majorité des infrastructures sportives locales qui sont louées aux clubs pour une durée variable. Dans le football, l'Olympique lyonnais (OL) est le seul club à être devenu propriétaire de son enceinte afin de conforter son modèle économique. A Paris, la ville a choisi la voie de la convention d'occupation du domaine public pour mettre le Parc des Princes à disposition du PSG. À Lens, un bail emphytéotique de 50 ans confère au club local toutes les prérogatives du propriétaire. Dans les autres villes, le stade est le plus souvent mis à disposition contre une redevance. Le calcul de cette redevance peut faire débat notamment lorsque le stade a fait l'objet d'une coûteuse rénovation ainsi que l'a montré la Cour des comptes 65 ( * ) à propos du stade Vélodrome utilisé par l'Olympique de Marseille.

Le contexte actuel pourrait amener certains clubs à se retrouver en difficulté pour s'acquitter de la redevance. Pour autant il semble peu justifié de suspendre le paiement de cette redevance ne serait-ce que pour des raisons d'équité en

Le groupe de travail propose donc qu'en cas de nouvelle dégradation de la situation des clubs, l'État, en lien avec la fédération et l'éventuelle ligue concernée, examine la possibilité de créer un dispositif de soutien mutualisé permettant - sur le modèle du prêt garanti par l'État (PGE) souscrit par la LFP 66 ( * ) - de soulager temporairement les clubs du poids des redevances pour la location de leurs enceintes sportives tout en préservant les collectivités territoriales.

5. Augmenter les moyens de l'ANS pour renforcer son action territoriale

Lors de la constitution de l'ANS, le mouvement sportif estimait les moyens alloués par l'État nécessaires à son fonctionnement entre 350 et 400 millions d'euros. L'enveloppe qui lui a été finalement allouée atteint péniblement les 284 millions d'euros sachant que l'Agence doit financer ses charges de fonctionnement sur son fonds de roulement (7 M€).

Cette somme de 284 millions d'euros correspond d'une part à une subvention de 137,6 millions d'euros en provenance du programme 219 et d'autre part à 146,4 millions d'euros issus du produit des taxes précédemment affectées au CNDS.

Le groupe de travail reste très attaché au principe selon lequel « le sport doit financer le sport » , ce principe n'est pas compatible avec le plafonnement par l'État des taxes affectées au sport. Au-delà de ce principe essentiel qui n'est plus respecté depuis de trop nombreuses années, les demandes d'aides financières par les clubs devraient fortement augmenter dans les mois à venir compte tenu de la crise économique et sociale annoncée. La nécessité de mettre en place un nouveau plan d'équipements sportifs n'est également pas contestée compte tenu du vieillissement des infrastructures. La hausse des revenus du secteur sportif doit également permettre de financer de nouveaux équipements, notamment en zone rurale et en Outre-mer.

Le groupe de travail propose en conséquence d'augmenter les moyens de l'ANS en lui affectant davantage de crédits issus du produit de la « taxe Buffet ». Pour rappel, cette taxe a été créée en 2000 avec l'objectif d'assurer une solidarité financière directe entre le sport professionnel, le sport amateur et le sport pour tous. Il s'agit d'une taxe de 5% assise sur le montant des droits audiovisuels des manifestations sportives dont l'organisateur est établi en France. Son affectation au CNDS et désormais à l'ANS est plafonnée depuis 2012.

Alors que les droits de diffusion sont appelés à connaître une très forte hausse à partir de 2020, le rendement de la « taxe Buffet » entre 2019 et 2020 devrait augmenter de 20,3 M€ pour atteindre un montant de 74,1 M€. La totalité de cette hausse devrait en l'état du droit actuel bénéficier au budget général de l'État, en contradiction avec l'objet même de cette taxe, créée spécifiquement pour assurer une redistribution interne au sport. Le groupe de travail propose donc que la totalité de l'accroissement du rendement de la « taxe Buffet » consécutif à la hausse des droits de retransmission télévisée soit affectée à l'ANS afin de répondre au défi de l'après-crise sanitaire.

Pour préserver l'activité des diffuseurs de droits sportifs et l'attractivité du « spectacle » sportif proposé par les ligues professionnelles, le groupe de travail souhaite que les dispositions prévues par la réforme de l'audiovisuel concernant la lutte contre le piratage soient reprises dans un prochain véhicule législatif, si possible celui qui aura la charge de transcrire la directive SMA. Une recrudescence du piratage est en effet à redouter compte tenu de la multiplication des diffuseurs de programmes sportifs et de la crise économique annoncée.

III. STABILISER L'ORGANISATION DU MOUVEMENT SPORTIF DANS LA PERSPECTIVE DES JO DE 2024

Les Jeux olympiques constitueront un rendez-vous essentiel qu'il convient de réussir tant au regard de l'accueil des participants venus du monde entier que des résultats que pourront obtenir les athlètes français. Concernant les infrastructures nécessaires à l'organisation des épreuves, le groupe de travail considère que la crise sanitaire renforce l'impératif de maîtrise des coûts et de réexamen permanent des choix effectués afin de tendre vers des jeux raisonnables et soutenables .

6. Mettre en place l'organisation territoriale de l'Agence nationale du sport au second semestre 2020

Les travaux menés dans le cadre de la mission d'information de la commission de la culture sur « les nouveaux territoires du sport » 67 ( * ) ont permis d'identifier tout l'intérêt que représente la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) pour organiser une nouvelle gouvernance des politiques locales du sport .

Ce nouvel acteur qui se substitue au Centre national pour le développement du sport (CNDS) avec des compétences et des moyens nouveaux se veut également une réponse aux difficultés rencontrées au plan local pour instituer une gouvernance efficace entre les acteurs. Cependant, les modalités de fonctionnement de l'ANS demeuraient encore très incertaines quelques semaines seulement après son installation au printemps 2019 et beaucoup d'acteurs locaux auditionnés avaient alors indiqué leur crainte que la mise en oeuvre de la gouvernance locale soit reportée à plus tard.

Afin de ne pas perdre de temps, plusieurs membres de la commission de la culture ont saisi l'opportunité de l'examen du projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 déposé au Sénat le 12 juin 2019 afin de préciser les missions territoriales de la nouvelle Agence nationale du sport. Le texte, largement enrichi par le Sénat, a ainsi pu faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 23 juillet dernier et la loi, dont l'intitulé a été modifié pour faire référence à la création de l'ANS et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et paralympiques de 2024, a été promulguée le 1 er août 2019.

Les modifications apportées à cette loi par le Sénat ont permis de définir les principes de la gouvernance territoriale de l'Agence nationale du sport avec la création au niveau régional d'une conférence régionale du sport et, selon les spécificités territoriales, de conférences des financeurs du sport . Des dispositions réglementaires devaient être adoptées afin de permettre la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions . Alors que le premier anniversaire de l'adoption de cette loi se profile, les décrets d'application mettant en oeuvre la gouvernance territoriale de l'ANS n'ont toujours pas été publiés. Le groupe de travail demande à ce que ces dispositions réglementaires soient maintenant publiées dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, au cours du second semestre 2020. Il est urgent de pouvoir associer tous les acteurs locaux à la conduite des politiques territoriales du sport.

7. Adopter un moratoire sur la réforme des CTS jusqu'en 2024

La mission « flash » organisée par la commission de la culture sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) a conclu 68 ( * ) à la nécessité de surseoir au transfert envisagé par le Gouvernement des CTS aux fédérations. Afin de prévenir toute tentative de passage en force, le Sénat a adopté en juin 2019 un amendement déposé à l'initiative de notre collègue Michel Savin, membre du groupe de travail, prévoyant d'exclure les CTS du transfert obligatoire prévu par l'alinéa 11 de l'article 28 du projet de loi pour la transformation de la fonction. Ce coup d'arrêt porté au projet de transfert des CTS faisait suite au lancement par la ministre des sports d'une mission de conciliation confiée à des tiers de confiance 69 ( * ) .

Or, avant même que cette mission ne rende ses conclusions, l'intégration des dépenses de personnel relatives aux CTS au sein du programme 219 à hauteur de 120,8 M€ a été perçue comme la poursuite du projet de transfert, puisque le programme 219 constitue le support naturel destiné à accueillir les crédits destinés à des fédérations sportives. La crise ouverte par l'annonce de l'extinction du corps et le transfert des cadres aux fédérations n'est toujours pas terminée. Elle menace même de se prolonger et de compromettre la préparation des Jeux olympiques de Tokyo reportés à l'été 2021.

Le groupe de travail considère indispensable de stabiliser la situation des CTS dans la perspective des prochaines échéances sportives majeures . La proposition des tiers de confiance consistant à « resserrer » le corps des CTS autour des directeurs techniques nationaux et des entraîneurs nationaux et à le doter d'une véritable fonction RH constitue une piste intéressante mais qui doit encore être étudiée et concertée. Dans ces conditions, le groupe de travail propose que la situation des CTS fasse l'objet d'un moratoire jusqu'à 2024 afin de leur permettre de préparer les Jeux olympiques de Paris dans les meilleures conditions. La réussite des Jeux ne pourra se faire sans apaisement, le groupe de travail appelle la ministre des sports à clarifier l'avenir des CTS dans les meilleurs délais.

IV. DÉVELOPPER LE SOUTIEN AUX SPORTIFS ET LES INCITATIONS À LA PRATIQUE SPORTIVE

La crise sanitaire a rebattu les cartes de la pratique sportive. Beaucoup de pratiquants ont substitué à leur pratique en club une pratique dématérialisée et/ou des exercices individuels. En matière de pratique sportive également, il n'y aura pas de « retour à la normale ». Les clubs devront repenser leur organisation et leur offre pour redevenir attractifs.

Le CNOSF a certes pris des initiatives pour permettre aux clubs d'affronter cette crise. Des aides directes ont été apportées, des initiatives de communication ont été engagées alors qu'une véritable stratégie numérique pour faire connaître les clubs a été mise en place. Le CNOSF a prévu également de faire la promotion de la « carte passerelle » 70 ( * ) à la rentrée de septembre afin de faire connaître aux jeunes la richesse des activités pratiquées dans les clubs près de chez eux.

Le « sport santé » constitue un autre terrain de développement pour les clubs . Le sport peut, sans aucun doute, jouer un rôle plus important pour accompagner les rémissions de nombreux patients, il pourrait surtout être plus largement conseillé dans une logique de prévention de certaines pathologies. Le développement du sport santé reste, toutefois, contraint par le manque de professionnels formés à ces pratiques. Aucun progrès significatif ne pourra donc être réalisé en matière de sport santé sans un accroissement du nombre de professionnels qualifiés.

Outre la question du sport santé, le groupe de travail propose de mettre l'accent sur l'accueil des jeunes, le soutien aux athlètes et le développement du sport féminin.

8. Créer un « Pass Sport » pour encourager les 14-20 ans à pratiquer un sport en club

L'idée de créer un « Pass Sport » sur le modèle du « Pass Culture » a été formulée à l'automne dernier lors du dernier débat budgétaire. Cette mesure visait, selon ses promoteurs, à lutter contre le décrochage sportif et la sédentarité des jeunes, et à démocratiser la pratique sportive. Il devait être destiné aux 14-20 ans, la tranche d'âge couvrant les trois principales périodes de décrochage de la pratique sportive observées chez les jeunes, en particulier les jeunes filles : la rentrée en classe de 4 ème (13-14 ans), le passage du collège au lycée (15-16 ans) et le passage dans l'enseignement supérieur (17-18 ans).

Ce « Pass Sport » consisterait en un crédit de 500 euros dédié à l'achat de licences, à l'achat de petit matériel (vêtements, chaussures...), à l'accès à des équipements sportifs (piscine, patinoire...) ainsi qu'à des animations sportives hors périodes scolaires.

Le groupe de travail estime que la création d'un tel « Pass Sport » apparaît aujourd'hui particulièrement pertinente dans le contexte de sortie de crise sanitaire et compte tenu de la nécessité de retisser un lien entre la jeunesse et les structures sportives.

9. Permettre à l'ANS d'aider financièrement les athlètes fragilisés par le report des Jeux olympiques de Tokyo

Le report des jeux Olympiques de Tokyo à l'été 2021 pourrait fragiliser d'autant plus les athlètes qui se préparent depuis plusieurs années à cette échéance qu'il devrait coïncider avec une dégradation de la conjoncture économique qui pourrait remettre en cause les engagements des entreprises en faveur du sport de haut niveau.

Faut-il rappeler que la situation d'athlète de haut niveau est souvent synonyme en France de précarité ? En 2016, la moitié de la délégation française envoyée aux Jeux Olympiques vivait ainsi en dessous du seuil de pauvreté, soit moins de 1 026 euros par mois. Le groupe de travail craint que la situation financière de nombreux athlètes de haut niveau se dégrade encore dans les prochains mois jusqu'à compromettre leurs performances - voire leur participation - aux Jeux de Tokyo.

Dans ces conditions, le groupe de travail soutient la proposition de l'ANS d'attribuer des bourses mensuelles pouvant aller jusqu'à 3 000 € (compte tenu des autres aides auxquelles ils sont éligibles) aux athlètes qui en feraient la demande. Un tel dispositif de soutien permettrait de soulager les athlètes concernés financièrement, mais également mentalement, pour leur permettre de se concentrer uniquement sur leur préparation sportive. Il constituerait un complément pertinent au dispositif du « pacte de performance » 71 ( * ) qui permet un accompagnement des athlètes de haut niveau par les entreprises.

10. Mobiliser des moyens en faveur du sport professionnel féminin afin de permettre aux clubs de mieux valoriser leurs infrastructures

Le développement du sport féminin se justifie par lui-même compte tenu de ses valeurs, des perspectives qu'il crée pour les sportives et de l'attente du public. Il constitue, par ailleurs, un facteur de développement économique pour les clubs qui peuvent ainsi mieux utiliser leurs infrastructures et donc rentabiliser plus rapidement leurs investissements dans les stades, les centres d'entraînement, les installations médicales...

Le groupe de travail appelle donc de ses voeux l'adoption de mesures ciblées en faveur du développement du sport féminin . Il rappelle notamment que la proposition n° 11 du rapport de la commission de la culture de février 2017 sur la gouvernance du football 72 ( * ) prévoyait d' « amener l'ensemble des clubs de Ligue 1 à créer une section féminine » . Le groupe de travail préconise de modifier l'article L. 333-3 du code du sport 73 ( * ) afin de permettre d'attribuer un bonus dans la répartition des droits audiovisuels aux clubs dotés d'une section féminine.


* 54 Audition du 5 mai 2020.

* 55 L'interdiction de rassemblements a d'abord concerné les groupes de plus de 1 000 personnes (le 8 mars), puis de 100 personnes (le 23 mars), et enfin de 10 personnes depuis le 11 mai. L'article 3 du décret du 31 mai ajoute qu'aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu'au 31 août 2020.

* 56 La réouverture des piscines est effective depuis le 2 juin en zone « verte » et devrait intervenir le 22 juin en zone « orange ».

* 57 http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sportsguidepratiquesalternatives.pdf

* 58 Les droits de retransmission télévisée représentent 85 % des recettes des clubs de Ligue 1 selon Patrick Wolff.

* 59 Ce groupe de suivi animé par Fabienne Colboc et Régis Juanico a présenté le bilan de ses travaux le 20 mai 2020.

* 60 https://www.senat.fr/rap/r16-437/r16-43714.html

* 61 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200413/cult.html

* 62 https://www.senat.fr/rap/r16-437/r16-437.html

* 63 https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F22379

* 64 Le groupe de travail propose de limiter cette expérimentation aux alcools du groupe 3 [boissons fermentées non distillées (vin, bière, cidre, poiré, hydromel) et vins doux naturels, crème de cassis, jus de fruits ou de légumes comportant jusqu'à 3° d'alcool, vin de liqueurs, apéritif à base de vin, liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises comprenant moins de 18° d'alcool].

* 65 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-soutiens-publics-leuro-2016-en-france

* 66 https://www.lfp.fr/Articles/COMMUNIQUÉS/2020/05/04/communique-de-la-lfp

* 67 http://www.senat.fr/rap/r19-102/r19-102.html

* 68 https://www.senat.fr/rap/r18-585/r18-585-syn.pdf

* 69 http://www.sports.gouv.fr/presse/article/La-Ministre-des-sports-annonce-l-ouverture-d-une-grande-concertation

* 70 https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/8215-a-la-dcouverte-du-sport-avec-la-carte-passerelle-.html

* 71 http://pactedeperformance.org

* 72 https://www.senat.fr/rap/r16-437/r16-437.html

* 73 Le dernier alinéa de l'article L. 333-3 du code sur sport prévoit en particulier que « Les produits revenant aux sociétés leur sont redistribués selon un principe de mutualisation, en tenant compte de critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété. »

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