B. LES ONZE PRÉCONISATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL : UN RETOUR PROGRESSIF, CONCERTÉ ET SÉCURISÉ

1. Deux prérequis indispensables : la définition rapide d'une méthodologie fondée sur des avis scientifiques et le lancement immédiat d'une réflexion concertée au niveau local associant les collectivités locales

Ø La définition rapide d'une méthodologie fondée sur des avis scientifiques puis déclinée en concertation avec l'ensemble des partenaires de la communauté éducative

Pour le groupe de travail, la mise en place d'un processus efficace et rassurant de reprise des cours nécessite une démarche en trois étapes :

• étape 1 : adopter un protocole sanitaire strict sur les activités scolaires et périscolaires, à la fois préventif et curatif, adapté aux spécificités de chaque niveau d'enseignement, et défini par les autorités sanitaires

Ce protocole doit notamment indiquer quelle stratégie adopter en cas de suspicion de Covid-19 chez un élève ou un adulte fréquentant l'établissement.

• étape 2 : à partir de ce protocole sanitaire, élaboration d'un cadre national d'organisation scolaire fixant les objectifs du retour en classe, en concertation avec les associations représentatives des collectivités locales, les organisations syndicales et les fédérations de parents d'élèves

Ce cadre national d'organisation scolaire semble particulièrement important au groupe de travail pour expliquer aux parents et aux élèves les raisons de ce retour en cours. En effet, les attentes des familles sont contradictoires ; nombre d'entre elles, inquiètes, ne comprennent pas cette décision. Un travail de pédagogie et d'explication est essentiel. Il est d'autant plus fondamental pour réussir à retrouver les élèves « perdus de vue », dont les établissements n'ont plus de nouvelles depuis plusieurs semaines. Si, selon les dernières estimations ministérielles, ce chiffre est au niveau national de 4 %, il peut être localement très élevé. Une directrice d'école a ainsi indiqué au groupe de travail que sur les 330 familles de l'école, 48 étaient muettes depuis le début du confinement, soit 20 % des effectifs. Ce taux est également élevé dans les lycées professionnels.

• étape 3 : déclinaison locale de ce cadre sous la responsabilité des préfets et des DASEN représentant les recteurs en fonction des spécificités territoriales infra-académiques voire des établissements

Les réactions aux propos ministériels et les nombreuses questions que se posent élus locaux, enseignants, chefs d'établissement et parents d'élèves montrent que l'organisation de la reprise de l'école doit se construire à l'échelon local afin de pouvoir conjuguer cadre national et spécificités locales.

Ø Engager dès à présent le travail de concertation au niveau local

Le groupe de travail fait le constat qu'il n'est pas possible d'attendre les annonces du plan de déconfinement général, qui devrait être publié à la fin du mois pour commencer à travailler à l'organisation pratique de la reprise des cours. En effet, il resterait moins d'une dizaine de jours pour élaborer le protocole opérationnel de reprise des cours.

L'implication du préfet et du DASEN sont nécessaires pour permettre une complémentarité des actions mais également garantir une harmonisation des démarches à l'échelle académique.

2. Les onze préconisations du groupe de travail articulées autour de trois idées forces

Sur la base des deux prérequis présentés supra , le groupe de travail émet onze préconisations articulées autour de trois idées forces : préparer la reprise des cours en présentiel ; accompagner les élèves et l'ensemble de la communauté pédagogique dans la fin du confinement tout en poursuivant la continuité pédagogique ; penser dès maintenant la rentrée scolaire 2020 afin de prendre en compte les effets du confinement sur les apprentissages des élèves.

• PRÉPARER LA REPRISE DES COURS EN PRÉSENTIEL DANS DE BONNES CONDITIONS

1. Prévoir une formation à la gestion de la crise sanitaire et aux gestes barrières pour les enseignants et l'ensemble du personnel des établissements d'enseignement

Cette formation, d'une journée, voire d'une demi-journée, parait nécessaire. En effet, les personnels présents dans les établissements d'enseignement ne sont pas des spécialistes de ces thématiques. Une telle formation permettrait de mettre en avant les points de vigilance à observer (comment éviter les attroupements, quelles réactions à adopter en cas de suspicion de Covid-19, où est déposé le virus - rampes, poignées de porte...) mais également de répondre à leurs interrogations. Pour le groupe de travail, l'ensemble des adultes participant à la vie de l'établissement doit être associé , y compris les personnels des collectivités locales car ils interviennent à des moments stratégiques (nettoyage, restauration...). Enfin, les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) pourraient également être conviés : le retour des enfants en situation de handicap à l'école doit être une priorité. Ce moment de formation, et de manière générale la prérentrée, doit être l'occasion d'examiner concrètement comment cet adulte va être intégré dans la salle de classe et comment le cas échéant adapter les gestes barrières.

2. Mettre en place une prérentrée d'une durée suffisante pour les enseignants et l'ensemble des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement, afin de confronter aux réalités de ces établissements l'ensemble du processus scolaire adapté aux préconisations sanitaires et de préparer pédagogiquement le retour des élèves

Lors de son audition devant l'Assemblée nationale, le ministre a annoncé que le 11 mai serait une journée de prérentrée. Le groupe de travail salue l'affirmation de ce principe. Toutefois, cette dernière doit être d'une durée suffisante pour d'une part aborder et mettre en place l'organisation pratique des locaux pour respecter les prérequis sanitaires - avec notamment la formation précédemment évoquée -, et d'autre part, permettre aux équipes pédagogiques de se retrouver et de préparer ensemble la reprise des cours. Ce temps de prérentrée doit notamment permettre de faire le point sur les difficultés qu'ont pu rencontrer certains élèves dans l'accès au suivi pédagogique, commencer à élaborer ensemble, sur la base des retours des élèves en suivi pédagogique à distance, le programme des apprentissages d'ici la fin de l'année, et préparer la rotation des différents petits groupes. Cette prérentrée doit également permettre de voir concrètement comment intégrer les enfants en situation de handicap et ceux à besoins particuliers dans les cours en présentiel. Aussi, la participation des AESH à ces journées permettrait de prendre en compte ces élèves tant du point de vue de l'organisation logistique, que de leur situation pédagogique à la fin du confinement.

La durée de cette prérentrée dépend bien évidemment de la taille des établissements d'enseignement et doit donc être décidée localement en lien avec le DASEN, mais il semble qu'une durée minimale de deux jours soit nécessaire : un premier jour consacré à l'organisation sanitaire, et le deuxième jour à l'organisation pédagogique.

• GARANTIR AUX ÉLÈVES ET À L'ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE LES CONDITIONS SANITAIRES REQUISES TOUT EN POURSUIVANT LA CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE

3. Mobiliser tous les acteurs de la santé scolaire pour accompagner les élèves, les personnels d'éducation et les parents, y compris psychologiquement

Le confinement a pu être une période difficile , tant pour les élèves, les personnels éducatifs que les parents. Le retour des directeurs d'école ayant accueilli des enfants de personnels soignants illustre cette nécessité d'une mobilisation des acteurs de la santé scolaire. Les enfants, même petits, ont senti que quelque chose se passait, par exemple par une limitation des contacts entre le parent soignant et les autres membres de la famille. D'autres, plus grands, sont conscients des risques que courent leurs parents du fait de leur métier.

En outre, élèves, personnels éducatifs et parents ont pu avoir des décès dans leurs familles.

Enfin, comme l'a rappelé le ministre de l'éducation nationale lors de son audition devant la commission de la culture du Sénat le 9 avril dernier, l'éducation nationale est ordinairement le premier vecteur de signalement des violences intrafamiliales.

4. Mettre en place un réseau médical pouvant intervenir de manière préventive et curative dans les établissements d'enseignement

Le groupe de travail est conscient des difficultés que rencontre la médecine scolaire depuis de nombreuses années . Dans cette période particulière, et pour pallier ce déficit, il lui semble opportun d'identifier localement un réseau de personnels médicaux à qui l'établissement pourrait faire appel, notamment pour faire passer des messages de prévention auprès des élèves et des adultes. Ce réseau a également un rôle à jouer en cas de suspicion de Covid-19 dans l'établissement, notamment pour pouvoir tester les personnes identifiées par le protocole sanitaire comme devant faire l'objet d'un dépistage.

5. Permettre un suivi pédagogique des élèves ne retournant pas en classe via le CNED et les autres supports (dispositif « nation apprenante », programmes dédiés sur Radio France et France Télévisions...), par exemple en s'appuyant sur les professeurs ne pouvant pas retourner en cours, afin d'éviter une double charge de travail pour les enseignants qui auront repris l'instruction en présentiel

Un élève pourra se trouver dans l'une des trois situations suivantes : suivi de cours en présentiel, suivi pédagogique à distance dans le cadre de la rotation des groupes, mais également poursuite du suivi pédagogique exclusivement à distance. C'est le cas notamment des élèves qui ne pourront pas retourner en cours pour des raisons de santé, ou parce qu'ils ont dans leur entourage des personnes à risque. Ces trois catégories d'élèves doivent pouvoir bénéficier d'une continuité pédagogique. Toutefois, la réouverture des écoles fait que de nombreux enseignants seront chargés de cours en présentiel. Dans ces conditions, il ne leur sera pas possible d'assurer à la fois le cours en présentiel, puis une fois la journée de classe finie celui pour les élèves suivant les cours à distance.

Les dispositifs de suivi pédagogique à distance doivent être maintenus et enrichis. Un système de coordination à l'échelle locale entre professeurs faisant cours en présentiel et ceux continuant à le faire à distance peut être imaginé.

Enfin, la situation des élèves, notamment de primaire, dont l'enseignant ne peut pas reprendre les cours en présentiel, ne doit pas être oubliée. Une réflexion doit être menée pour permettre à ces élèves privés d'un enseignant en présentiel, selon des modalités restant à définir, de retourner à l'école.

6. Faire preuve de souplesse dans l'obligation de scolarité en présentiel

Dans les circonstances actuelles, il apparait nécessaire au groupe de travail de faire preuve de souplesse dans l'obligation de scolarité en présentiel. Certaines familles, inquiètes, risquent de refuser que leurs enfants ne retournent à l'école. L'institution scolaire doit faire preuve de pédagogie pour essayer de rétablir le lien de confiance. En outre, le groupe de travail est conscient que forcer ces familles à remettre leur enfant à l'école serait au mieux inapplicable et au pire contreproductif car source de défiance envers l'institution scolaire pour le futur. Toutefois, en contrepartie de cette souplesse dans l'obligation de scolarité en présentiel, la famille doit s'engager à continuer de faire suivre à son enfant l'instruction à distance.

7. Fixer le cadre des activités périscolaires, répondant à un protocole sanitaire, en fonction des capacités et moyens des collectivités, maîtres d'ouvrage dans ce domaine

Dans le cadre des concertations locales, les collectivités définiront l'organisation des activités périscolaires - habituelles ou induites par la nouvelle organisation scolaire. Elles s'inscriront dans le cadre sanitaire défini au niveau national, et en fonction des capacités et des moyens humains dont elles disposent.

• PRENDRE EN COMPTE LES EFFETS DU CONFINEMENT SUR LES APPRENTISSAGES DES ÉLÈVES DANS LE CADRE DE LA RENTRÉE SCOLAIRE 2020

L'année 2019-2020 a été marquée par de nombreuses interruptions : grève des transports, puis blocage des lycées contre la réforme du bac et les E3C, réforme des retraites et enfin confinement. Certains élèves ont eu à peine une demi-année de cours et sont donc fortement pénalisés dans leurs apprentissages. Le groupe de travail estime nécessaire de prendre en compte dès à présent ces paramètres et préparer la rentrée 2020 en conséquence.

8. Établir un état des lieux par territoire et par voie de formation (générale, technique et professionnelle) du taux de décrochage scolaire afin de disposer d'une cartographie précise

Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le ministre de l'éducation nationale a annoncé un taux de décrocheurs de l'ordre de 4 % pour l'ensemble du territoire, mais avec localement des variations importantes . Ainsi, selon les estimations de son ministère, ce taux serait de 15 à 25 % dans les départements et territoires d'outre-mer. De même, certaines filières sont particulièrement touchées . C'est notamment le cas des filières professionnelles. Une cartographie précise de ce taux de décrochage est nécessaire afin de pouvoir cibler les filières et territoires les plus concernés dans la perspective de la rentrée 2020. En outre, cette cartographie doit également permettre, en recoupant les informations, d'identifier avec précision les zones dans lesquelles demeure une fracture numérique . C'est notamment le cas dans les outre-mer.

9. S'appuyer sur l'organisation de la scolarité obligatoire en cycles d'apprentissage pour construire les remises à niveau et les remédiations en matière d'acquisition des connaissances et des compétences

La scolarité en France de l'école maternelle jusqu'à la classe de troisième est découpée en cycle d'apprentissage de trois ans. Cette organisation en cycles a été créée pour prendre en compte les décalages d'apprentissage des enfants dus aux différences de maturité - chaque cycle constituant un ensemble cohérent d'acquisition de connaissances. Toutefois, cette notion de cycle reste trop peu utilisée au profit des apprentissages par année scolaire. Ainsi, chaque année, on constate une volonté de « finir le programme » avant les vacances d'été. La spécificité de l'année scolaire 2019-2020 et les lacunes dans les apprentissages qu'auront de nombreux enfants représentent l'occasion de mettre à profit cette organisation par cycle pour septembre, avec une pédagogie à cheval sur deux années scolaires à l'intérieur d'un cycle.

10. Construire pour la rentrée de septembre une adaptation des programmes et les modalités des remédiations afin de prendre en compte les lacunes dans les apprentissages induites par une année écourtée

Les programmes de la rentrée 2020 doivent intégrer les lacunes d'apprentissage des élèves, notamment de ceux qui passeront d'un cycle à un autre. Les premières semaines de cours jusqu'aux vacances de Toussaint, voire au-delà, doivent être considérées comme une période de transition et être utilisées pour voir les notions non étudiées et acquises lors de l'année scolaire 2019-2020.

Des arbitrages devront peut-être être faits sur le contenu des programmes. Il ne s'agit pas de supprimer des pans entiers, mais peut-être de les adapter, par exemple en les étudiants de manière plus synthétique. En outre, un travail de répétition des notions mal acquises et de remédiation de celles non étudiées doit être instauré. Dans cette optique, le groupe de travail salue la création de 1 248 postes supplémentaires dans l'enseignement primaire annoncés à la rentrée 2020. Il constate toutefois que ceux-ci n'ont pas encore été budgétés , y compris dans le projet de loi de finances rectificatives que le Parlement est en train d'examiner. Les besoins sont également à examiner au niveau du secondaire, à la lumière du nouveau contexte créé par le confinement.

11. Organiser à la fin du mois d'août un dispositif de soutien scolaire exceptionnel par son ampleur avec des enseignants volontaires, pour tous les élèves qui en ont besoin, quel que soit leur niveau de classe

Un dispositif de soutien scolaire existe déjà depuis plusieurs années, sous la forme de stage de réussite, pour remettre à niveau les élèves de CM2 avant leur entrée en sixième. De tels stages existent également au collège. Pour l'été 2020, le groupe de travail estime nécessaire que ces stages soient ouverts à tous les élèves qui le demandent - sans limitation du nombre d'inscrits - et pour tous les niveaux d'enseignement . Ce dispositif doit également être envisagé dans l'enseignement supérieur afin de soutenir les futurs étudiants qui n'auront pas eu une année de terminale complète.

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