B. MAINTENIR UNE GARANTIE FINANCIÈRE COHÉRENTE AVEC LE CARACTÈRE CYCLIQUE DE L'ACTIVITÉ

La détention par l'État français d'une partie du capital des Chantiers de l'Atlantique offrirait non seulement une protection pour cet actif stratégique, mais jouerait également un rôle stabilisateur pour cette activité industrielle cyclique.

La totalité des interlocuteurs rencontrés par la commission des affaires économiques ont souligné l'enjeu central que représente le financement des commandes de paquebots.

En effet, l'activité économique des Chantiers de l'Atlantique est rythmée par son carnet de commandes, la construction d'un seul grand paquebot pouvant représenter entre 800 millions et 1,4 milliards d'euros de revenu, et environ 8 millions d'heures de travail. Lorsque le carnet n'est pas rempli, et en cas de creux d'activité entre deux commandes, les chantiers navals sont toutefois exposés à une période d'activité réduite qui peut peser sur leurs résultats financiers et sur leur trésorerie.

En raison de ce caractère cyclique et des montants unitaires colossaux des contrats, les financeurs privés considèrent la construction navale comme un secteur à risque. Cela renchérit le coût du financement des commandes par les armateurs, et le coût de la garantie pour les constructeurs. À défaut de telles garanties, c'est la commande même qui peut être remise en cause.

Face à cet état de fait, alors que le secteur traversait d'importantes difficultés, l'État français a instauré en 2005 un dispositif de garantie publique indirecte des opérations de construction navale civile. Donnant naissance à la Caisse française de développement industriel (CFDI), l'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 a autorisé l'État à offrir des « surgaranties » indirectes aux commandes de navires civils : l'État garantit ainsi la Caisse, qui garantit à son tour les établissements financiers accordant des cautionnements, garanties ou préfinancements aux chantiers navals.

CRITÈRES ET MODALITÉS D'OCTROI DE LA GARANTIE

Au titre des dispositions réglementaires relatives au régime de garantie de l'État en faveur des sociétés du secteur de la construction navale :

- La garantie ne peut bénéficier qu'à des entreprises solvables, respectant un ratio minimal de fonds propres sur engagements financiers de 13,33 % ou un ratio minimal de couverture des intérêts, calculé sur la base de l'excédent brut d'exploitation, fixé à 1. Elles doivent disposer de fonds propres supérieurs ou égaux à 50 % du capital social. Elles ne peuvent être soumises à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

- Les entreprises bénéficiaires doivent posséder en France des capacités de conception et de fabrication de navires civils, mais la garantie est ouverte sans critère de nationalité ;

- La garantie ne peut couvrir plus de 80 % de chacun des cautionnements, garanties et préfinancements privés, ne peut être accordée que sur présentation d'un plan de financement du contrat, et ne peut avoir une durée supérieure à 4 ans.

Chaque demande de garantie reçue par la CFDI est transmise à un comité d'engagement, composé de représentants des ministres chargés de l'économie, du budget, de l'industrie et de la CFDI. Le comité d'engagement instruit cette demande, au vu de la santé de l'entreprise, du montant et de la durée de la garantie octroyée, de manière à en mesurer l'étendue, puis rend un avis au ministre chargé de l'économie. Celui-ci rend ensuite une décision d'octroi ou de refus de la garantie.

La CFDI produit chaque année un rapport au ministre sur la mise en oeuvre du régime de garantie et sur son évaluation, en vue de s'assurer de son équilibre financier.

Strictement encadré par le droit européen, cette garantie vise ainsi à remédier aux défaillances de marché et à donner davantage de visibilité au financement des chantiers navals. Progressivement étendue et reconduite, la garantie par l'État, devenue directe en 2017, a permis aux Chantiers de l'Atlantique (seul bénéficiaire de la garantie à ce jour) de sécuriser de nombreuses commandes depuis son instauration. Elle a par exemple bénéficié à la construction des navires Harmony of the Seas, MSC Meraviglia et Celebrity Edge.

NIVEAU DU PLAFOND ET DES ENCOURS DE GARANTIES
PAR LA CAISSE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL (CFDI)

Source : Sénat, rapport de la commission spéciale chargée d'examiner la loi PACTE (2019)

Aucune garantie n'a été appelée depuis la mise en place du dispositif, en l'absence de sinistre constaté. L'impact budgétaire de ce mécanisme de garantie est donc positif, puisque la rémunération perçue par l'État au titre de sa garantie, supérieure aux taux de marchés, a généré environ 28,7 millions d'euros de recettes entre 2006 et 2014. Au titre de la loi de finances initiales pour 2018, les recettes de la garantie des opérations de construction navale, qui se sont élevées à près de 10,7 millions d'euros cette année, ont été versées au budget général de l'État.

Au-delà de la simple présence de l'État au capital des Chantiers de l'Atlantique, ce mécanisme de garantie publique des encours doit être pérennisé, car il permet de crédibiliser et de sécuriser l'offre française de construction navale. Selon les personnes entendues par votre rapporteur, c'est cette notamment cette garantie, couplée à l'actionnariat public minoritaire des Chantiers, qui aurait permis à ceux-ci d'emporter en 2012 face aux chantiers finlandais de Turku la commande du paquebot géant Harmony of the Seas par le groupe Royal Caribbean Cruise Line (RCCL).

À l'heure où les armateurs, principaux clients des Chantiers de l'Atlantique, font face à d'importantes difficultés de trésorerie en raison de l'arrêt des croisières lié à la crise sanitaire du coronavirus , un tel mécanisme de garantie joue un rôle fondamental. Il joue un rôle stabilisateur à la fois pour le constructeur, qui ne met pas son existence en jeu en cas de défaillance, mais aussi pour les clients, qui peuvent déposer des commandes en acquittant des acomptes ne dépassant pas environ 20 % du prix du navire. Sans cette garantie publique, source de confiance, on peut s'attendre à une chute importante du nombre de commandes, et donc de la performance commerciale des constructeurs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page