N° 132

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1)
sur la
situation d' Action Logement ,

Par Mmes Valérie LÉTARD, Dominique ESTROSI SASSONE, Viviane ARTIGALAS et Marie-Noëlle LIENEMANN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie-Agnès Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

L'ESSENTIEL

Depuis maintenant presque deux ans, on assiste à une véritable campagne de déstabilisation du groupe Action Logement : multiplication des inspections, rapport secret, fuites dans la presse, mises en cause personnelles, refus d'appliquer la loi ELAN, veto au conseil d'administration, prélèvement de 1,3 milliard d'euros sur les fonds du groupe et menace d'une habilitation à légiférer par ordonnance dans le PLF 2021 avec en ligne de mire le démantèlement du groupe Action Logement et la réduction drastique de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), tout cela formant une stratégie de passage en force.

Mais pourquoi vouloir décrédibiliser Action Logement, pilier du pacte social républicain et du logement et de l'économie sociale ?

Devant l'inquiétude et l'incompréhension des partenaires sociaux, du mouvement HLM, des acteurs de la rénovation urbaine et de nombreux maires soutenus dans la réhabilitation de leurs centres-villes, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé, mi-octobre 2020, de créer une mission flash et transpartisane pour comprendre les enjeux et être force de proposition. Cette mission flash est composée de Valérie Létard, vice-présidente du Sénat et rapporteure du projet de loi réformant Action Logement, Dominique Estrosi Sassone, co-auteur d'un rapport de la commission des affaires économiques sur le plan de relance intitulé Tirer les leçons de la crise, construire pour demain , Viviane Artigalas, rapporteure de la commission sur le budget de la politique de la ville, et Marie-Noëlle Lienemann, présidente du conseil fédéral de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM.

Après plus de 25 auditions tenues dans un temps très limité et la décision du Gouvernement de ne finalement pas recourir à une habilitation, la mission demande qu'Action Logement soit considéré à sa juste valeur, celle d'un atout à préserver pour notre pays et tous les Français. Si la réforme du groupe doit se poursuivre, elle doit se faire dans un véritable esprit partenarial, respectueux du paritarisme et avec l'objectif de conforter le logement des salariés.

Leur rapport a été approuvé le 17 novembre 2020.

I. UN HÉRITAGE À PRÉSERVER, UNE RÉFORME À ACHEVER

A. ACTION LOGEMENT, UN PILIER DU PACTE SOCIAL

Action Logement est d'abord un héritage à préserver. Le 1 % logement est un pilier du pacte social de l'après-guerre issu du Programme du Conseil national de la Résistance , adopté le 15 mars 1944, qui voulait garantir à tous les citoyens les moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer directement par leur travail en mettant en place une mutualisation et une gestion paritaire.

Le « 1 % logement » a été créé en 1943 par le résistant Albert Prouvost également patron de la Lainière de Roubaix. Il répondait à cet objectif en incitant et permettant aux entreprises d'un bassin économique de mutualiser leur contribution volontaire correspondant à 1 % de leur masse salariale pour construire des logements. Suite aux destructions et à la faiblesse de la construction d'avant-guerre, cette initiative a été généralisée par la loi du 11 juillet 1953, à un moment où il y a une prise de conscience nationale du manque dramatique de logements. Ce n'est pas un hasard si, six mois plus tard, un autre résistant, l'abbé Pierre, lançait son fameux appel de l'hiver 1954 contre la misère et le mal-logement.

Le « 1 % logement », repose sur un triptyque : une contribution volontaire des entreprises qui n'est pas un impôt d'Etat mais un salaire différé en nature, la mise en commun de cet effort pour obtenir des résultats qui ne pourraient être atteints par de petites entreprises seules et la gestion paritaire entre patrons et salariés des actions menées. Malgré les évolutions, ces principes sont encore valables aujourd'hui et constituent un précieux héritage pour notre pays.

Bien entendu, depuis 1953, le 1 % logement s'est transformé et a connu plusieurs crises. Celle des années 1990 est riche d'enseignement pour aujourd'hui. En 1991, décision est prise de transférer la moitié (0,5 %) de la contribution au Fonds national des aides au logement (FNAL) pour financer les aides personnelles au logement (APL) et de restituer 0,05 % aux entreprises pour alléger les charges, abaissant la PEEC à 0,45 %. C'est ce schéma que certains voudraient reproduire aujourd'hui. Malgré cette division par deux, le « 1 % logement » allait connaître une grave crise, l'État prélevant 5,1 milliards d'euros sur la PEEC entre 1995 et 2002 . Ce conflit devait se résoudre par quatre acquis importants et toujours valables aujourd'hui : Le premier est la création de l'UESL, l'Union économique et sociale pour le logement, comme tête du réseau du « 1 % logement » par la loi du 18 décembre 1996, ce qui a lancé le mouvement de réforme et de centralisation . Le second acquis est la mise en place d'une relation partenariale avec l'État , à travers des conventions quinquennales, la première étant signée le 3 août 1998. Par la signature de ces conventions, l'État renonçait à tout prélèvement . Ceux-ci disparurent de fait en 2002. Parallèlement, l'État obtenait la création des « droits ouverts », c'est-à-dire des prestations accessibles à tous les Français, sans passer par une entreprise cotisante. Surtout, l'UESL acceptait de financer des politiques publiques et tout particulièrement l'ANRU dont elle allait payer le PNRU à 93 % à la place de l'État.

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