D. LES BALBUTIEMENTS DU RÉEMPLOI ET DE LA RÉUTILISATION

1. Un foisonnement d'initiatives à la portée limitée

L'article L. 541- 1 du code de l'environnement distingue le réemploi de la réutilisation :

- le réemploi consiste en toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ;

- la réutilisation consiste en toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau (par exemple, le bien usagé est déposé dans une borne d'apport volontaire ou dans une déchèterie).

Réemploi et réutilisation se distinguent donc par le passage, ou non, par le statut de déchet.

En matière d'emballages, les pratiques portent essentiellement sur le réemploi 262 ( * ), même si la frontière entre réemploi et réutilisation est parfois floue (voir infra ). Dans les textes européens également, les notions de réutilisation et de réemploi des emballages ne sont pas distinguées (usage du seul terme "reuse"). Dans tous les cas il s'agit du « reremplissage » de l'emballage.

Le secteur de l'alimentation est celui qui connaît le plus d'initiatives de réemploi des emballages, notamment avec la réintroduction de la consigne pour réemploi (pratique qui existait auparavant avant de disparaître avec le remplacement des bouteilles en verre par des bouteilles en plastique à usage unique).

Le réemploi des bouteilles de verre

En 2019, 7 000 tonnes de verre seulement ont été réemployées pour les emballages ménagers, dont 42 % uniquement pour la brasserie Meteor à Strasbourg.

Cette même année, les cafés, hôtels et restaurants ont utilisé 220 000 tonnes de verre réemployable. Toutefois, les représentants de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie ont reconnu lors de leur audition une réduction de l'utilisation des bouteilles en verre réutilisable dans les hôtels et les restaurants au profit des bouteilles en plastique à usage unique.

La consigne pour réemploi souligne le besoin d'un cadrage plus précis des notions de réutilisation et de réemploi. En effet, les bouteilles vides étant rapportées sur un lieu de collecte afin d'être préparées pour leur réemploi (lavage notamment), le dispositif correspond en partie à la définition de la réutilisation.

Dans le cadre de ses investissements en recherche et développement, Citeo a financé en 2019 quatre projets d'emballages réemployables portés par des entreprises et start-up françaises innovantes :

- Petrel (prestataire de Carrefour et de sa plateforme de e-commerce Loop ) a développé une solution pour la gestion de la consigne des emballages réemployables dans le e-commerce, ainsi que la conception de mallettes de transport recyclables ;

- SolZero propose des solutions logistiques et industrielles pour le réemploi des emballages dans les secteurs de la restauration et de la distribution alimentaire. Elle développe et exploite les outils industriels, conçoit et gère des parcs d'emballages réutilisables. Un premier partenariat avec Franprix dans cinq magasins parisiens, met à la disposition des clients des contenants en verre réemployables ;

- Bout' à bout' propose une solution pour lever les freins techniques au réemploi des bouteilles (robustesse des bouteilles, étiquettes, etc.), identifiés lors d'une expérimentation de retour à la consigne lancée en 2017 avec des vignerons des Pays de la Loire ;

- Squiz développe des contenants alimentaires flexibles réemployables en plastique pour le transport et le stockage du vrac sec (céréales) et humide (compote) vendus en grandes et moyennes surfaces.

Par ailleurs, Citeo et l'Ademe ont lancé en 2020 un Appel à Manifestation d'intérêt (AMI) pour développer des dispositifs performants de réemploi d'emballages en verre. Cet AMI a pour objectif d'améliorer les dispositifs locaux existants, de soutenir les projets permettant la mise sur le marché d'emballages réemployables et d'identifier et partager les standards et référentiels d'efficacité environnementale et économique.

D'autres secteurs se sont également lancés dans le réemploi des emballages.

C'est le cas du secteur des cosmétiques et des détergents.

Les éco-recharges constituent souvent une première étape au réemploi puisqu'elles permettent de conserver le même contenant rigide et de le « recharger » lorsqu'il est vide. Elles sont particulièrement utilisées pour les savons liquides et la lessive. Elles ont l'avantage de dispenser le consommateur d'avoir à porter son contenant dans le magasin. En revanche, elles produisent tout de même un déchet : l'emballage souple qui contient le produit à recharger.

C'est la raison pour laquelle certaines enseignes ont installé des « stations de remplissage » directement dans les magasins. Le contenant est vendu au consommateur lors du premier achat. Lorsqu'il est vide, le consommateur vient en magasin le remplir à nouveau.

Cette pratique s'est d'abord développée dans les magasins de vrac, mais elle inspire depuis d'autres enseignes.

Au cours de son audition, Henckel a rappelé l'échec de sa tentative de vente en vrac de la lessive Le Chat en 2010. Un nouvel essai a cependant été effectué en 2019, dans 10 drogueries Rossmann, en République tchèque.

L'Occitane a également installé des « fontaines » de remplissage dans trois sites pilotes. Afin d'inciter les consommateurs à privilégier le réemploi, une tarification incitative est appliquée : le flacon contenant le produit et un premier remplissage sont vendus au même prix que le seul flacon.

Aussi bien Henckel que l'Occitane ont insisté sur les défis que représentait ce mode de vente. Non seulement la technologie doit être fiable, mais le personnel doit être formé et sensibilisé à l'intérêt de telles innovations. Le consommateur doit également être convaincu de l'intérêt du réemploi pour accepter de changer de comportement et de rapporter ses contenants au magasin.

2. Les bases introduites par la récente loi sur le gaspillage et l'économie circulaire

En dépit du foisonnement des initiatives mentionnées précédemment, celles-ci restent pour l'instant à l'état d'expérimentations au niveau local.

Le développement durable et massif d'une économie fondée sur le réemploi des emballages exige un pilotage au niveau national pour imposer des standards, accélérer le développement d'infrastructures (usines de lavage des bouteilles et des récipients) et fixer une trajectoire aux acteurs privés avec des objectifs chiffrés. La commande publique doit également faciliter l'essor du réemploi des emballages à travers des cahiers des charges privilégiant cette pratique.

A l'heure actuelle, beaucoup d'incertitudes entourent la mise en oeuvre concrète de cette stratégie en faveur du réemploi des emballages plastiques, même si la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire a posé des jalons importants.

Ainsi, l'article 9 prévoit que la France se dote d'une trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique . L'objectif recherché est d'atteindre une proportion de 5 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2023 263 ( * ) , puis de 10 % en 2027. Les emballages réemployés doivent être recyclables.

Par ailleurs, cet article crée un observatoire du réemploi et de la réutilisation. Il est chargé :

- d'évaluer la pertinence des solutions de réemploi et de réutilisation d'un point de vue environnemental et économique ;

- de définir la trajectoire nationale mentionnée précédemment ;

- d'accompagner, en lien avec les éco-organismes, les expérimentations et le déploiement des moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs définis dans les cahiers des charges de ces derniers.

L'article 65 oblige les éco-organismes à définir des gammes standards d'emballages réemployables pour les secteurs de la restauration, ainsi que pour les produits frais et les boissons. Ces standards sont définis au plus tard le 1 er janvier 2022.

Enfin, l'article 72 prévoit que les éco-organismes concernés consacrent au moins 2 % du montant des contributions qu'ils perçoivent au développement de solutions de réemploi et de réutilisation des emballages.

Plus récemment, le plan France Relance a rappelé la volonté du gouvernement de soutenir les solutions de réduction et de réemploi des équipements électriques et électroniques et des emballages , mais aussi de substitution des plastiques à usage unique. 61 millions d'euros sont prévus pour des appels à projets pilotés par l'Ademe via le fonds « Économie Circulaire ». Ils permettront de financer le développement des infrastructures logistiques et des outils de lavage. Le rôle de l'observatoire du réemploi et de la réutilisation est également rappelé, afin, notamment, d'éclairer les metteurs en marché dans leurs choix d'emballages réemployables.


* 262 Ainsi, vos rapporteurs ont interrogé l'Ademe qui n'a pas connaissance de dispositif de réutilisation d'emballages.

* 263 Exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente.

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