N° 248

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 décembre 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) sur « Renforcer la résilience des entreprises françaises à l' étranger »,

Par Mme Jacky DEROMEDI,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Babary, président ; M  Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Gilbert Bouchet, Emmanuel Capus, Mme Anne Chain Larché, MM. Gilbert-Luc Devinaz, Thomas Dossus, Fabien Gay, Jacques Le Nay, Dominique Théophile, vice-présidents ; MM. Rémi Cardon, Jean Hingray, Sébastien Meurant, Vincent Segouin, secrétaires ; Mmes Cathy Apourceau Poly, Annick Billon, Nicole Bonnefoy, MM. Michel Canevet, Daniel Chasseing, Alain Chatillon, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mme Jacky Deromedi, M. Alain Duffourg, Mme Pascale Gruny, MM. Christian Klinger, Daniel Laurent, Martin Lévrier, Didier Mandelli, Jean-Pierre Moga, Albéric de Montgolfier, Claude Nougein, Mme Guylène Pantel, MM. Georges Patient, Sebastien Pla, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, MM. Christian Redon-Sarrazy, Olivier Rietmann, Daniel Salmon.

L'ESSENTIEL

RENFORCER LA RÉSILIENCE DES ENTREPRISES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER

Les entreprises françaises à l'étranger (EFE), notamment les plus petites d'entre elles, sont les grandes oubliées du plan de relance.

Pourtant, ces entreprises contribuent directement ou indirectement au développement de notre commerce extérieur et de l'emploi de Français à l'étranger.

La contribution de tous ces entrepreneurs Français au développement de notre commerce extérieur et au rayonnement de la France est indéniable.

La solidarité nationale doit aussi bénéficier aux entrepreneurs français à l'étranger.

Cette solidarité d'urgence, orientée sur les situations personnelles, doit être accompagnée par une solidarité structurelle, orientée vers les entreprises.

Cet appel au secours doit être entendu pour des raisons de solidarité mais aussi dans l'intérêt bien compris de notre économie qui ne peut se résoudre à voir se défaire les liens qu'elle a tissés avec de nombreuses entreprises dans le monde. Nous savons bien que la solidité de ces liens impacte non seulement les vies de nos compatriotes entrepreneurs et de leurs salariés mais aussi directement notre balance commerciale qui a grandement besoin de cet apport...

I. UNE CATÉGORIE D'ENTREPRISES EN DEHORS DES RADARS, POURTANT ESSENTIELLE AU COMMERCE EXTÉRIEUR ET AU RAYONNEMENT DE LA FRANCE

Cette catégorie d'entreprise est mal connue. Elle n'est pas appréhendée par la statistique publique, qui se concentre sur les entreprises localisées géographiquement en France.

Leur contribution matérielle et immatérielle est pourtant essentielle. Bien qu'elles ne soient pas enregistrées en France, n'y acquittent pas d'impôts, ces entreprises contribuent très fortement à la chaîne de valeur du commerce extérieur de la France. Elles commandent en effet des biens ou services à des entreprises établies en France, contribuant ainsi à la préservation de l'emploi dans notre pays. Ainsi, dans une enquête conduite pendant le confinement du printemps 2020 par le Comité national des conseillers du Commerce extérieur de la France, 40 % de ces entreprises utilisent des produits français. Il s'agit en général de TPE, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros par an, pour 77 % d'entre elles.

Le lien de ces entreprises avec la France reste fort, même si elles sont de nationalité étrangère, dès lors que leur créateur, dirigeant ou investisseur principal est français. Ainsi, 37 % des EFE revendiquent la marque « France » et 52 % utilisent le savoir-faire français dans le domaine de la propriété intellectuelle, tandis que 33 % font appel à la technologie française.

Une proposition de définition de l'entreprise française à l'étranger

Les entreprises françaises à l'étranger ou « EFE », sont, au sens large, des entreprises de droit local, créées et dirigées par un Français résident à l'étranger. Elles sont sans lien capitalistique avec une entreprise implantée en France, sinon il s'agirait le plus souvent d'une filiale ou d'une joint-venture. La notion d'entrepreneur d'origine française est central e.

Parmi ces entreprises françaises à l'étranger, il est possible de distinguer en particulier celles portant la « marque France », c'est-à-dire des entreprises assurant la promotion d'un savoir-faire français particulier ou contribuant au développement du commerce extérieur de la France, en représentant et distribuant des biens ou services français, dans des proportions significatives par rapport à leur activité globale (contribution directe) ou en recommandant le recours à des produits ou savoir-faire français dans le cadre de leurs activités professionnelles (contribution indirecte).

Les secteurs d'activités principaux de ces EFE sont le consulting et l'audit, l'alimentation, boissons, vins et spiritueux, et l'informatique. Le tourisme et l'hôtellerie-restauration se placent en quatrième et cinquième positions.

Des entreprises qui souffrent mais qui sont peu aidées

Impactées par la crise sanitaire et économique, 70 % des EFE anticipent un chiffre d'affaires en baisse en 2020, dont 46 % prévoient plus de 30 % de perte, selon l'enquête effectuée en avril 2020 par le Comité national des conseillers du Commerce extérieur de la France (CNCCEF).

En général, elles sont rarement financées par des banques, locales ou françaises , 75 % des EFE sont autofinancées (ressources personnelles et autofinancement). 25 % bénéficient donc de ressources extérieures, que cela soit des financements publics ou privés ou via un emprunt bancaire. 91 % de ces entreprises ne bénéficient pas de financement de la part d'une banque française ou de l'une de ses succursales à l'étranger, et 87 % ne perçoivent aucune aide publique de la part de leur pays d'implantation .

Or :

- Les dispositifs d'aide publique exceptionnelle mis en place pour affronter la crise économique consécutive à la crise sanitaire, comme le prêt garanti par l'État (PGE), sont réservés aux entreprises établies en France ;

- Le plan de soutien à l'exportation du 30 mars 2020 privilégie les entreprises françaises exportatrices et leurs filiales ;

- Les autres aides se concentrent sur les entrepreneurs eux-mêmes et sur l'aide sociale d'urgence, très modeste (150 euros par ménage et un supplément de 100 euros par enfant à charge) et sous-utilisée, avec seulement 11 % des 100 millions budgétés qui seraient consommés en 2020 ;

Afin de pérenniser ces mesures d'urgence ponctuelles, le Sénat a adopté le 30 juin 2020 une proposition de loi de Ronan Le Gleut portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs .

Cependant, comme en France, ces entrepreneurs ne quémandent pas une aide sociale mais une aide économique ponctuelle permettant à leur entreprise de passer le cap de la pandémie et de redémarrer leur activité.

- En dépit de la crise, le réseau international du Trésor continue son attrition et le réseau consulaire peine à prendre le relais, CCI-France International (CCI-FI) voyant ses ressources propres diminuer, sans qu'une aide publique ne lui soit apportée ;

- Lorsque des mesures de soutien aux PME étrangères sont adoptées, elles sont réservées aux entreprises de certains pays africains, déployées avec lenteur ;

- La grande majorité des EFE, qui sont des TPE voire des autoentrepreneurs, ne peut accéder aux dispositifs de Bpifrance, réservés aux PME.

- Renseignements pris auprès des ambassades de France en Allemagne, Italie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, nos principaux partenaires commerciaux aident leurs entreprises à se développer à l'international , avec des dispositifs comparables à ceux qui existent en France, notamment pour la garantie des prêts (dispositif ARIZ). Ces dispositifs s'adressent aux maisons-mères et non directement aux filiales situées à l'étranger, la maison-mère pouvant utiliser ces fonds pour développer des filiales locales (Allemagne). En Grande-Bretagne cependant, des mesures de financement peuvent bénéficier aux clients des exportateurs implantés au Royaume-Uni menant une activité réelle sur le territoire britannique, basés à l'étranger dans le cadre d'un contrat particulier ou d'un projet.

Une aide sociale d'urgence peut être accordée par les chambres de commerce international allemandes et les chambres consulaires italiennes. En revanche, aucun pays n'a institué un dispositif d'urgence en cas de graves difficultés économiques ou financières d'une entreprise de droit étranger mais créée ou dirigée par leurs ressortissants. Par ailleurs, les dispositifs d'aides nationales créés à l'occasion de la crise sanitaire sont réservés aux entreprises localisées géographiquement dans les pays . Ils n'envisagent pas non plus de créer des fonds de soutien qui seraient administrés par les réseaux consulaires afin de garantir des emprunts auprès des banques locales.

Une aide s'adressant spécifiquement à ces entreprises a été annoncée par le Gouvernement. Mais elle se fait attendre...

En réponse à une question d'actualité adressée par votre rapporteur le 1 er juillet dernier au secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Baptiste Lemoyne annonçait un « volet complémentaire, à destination des entrepreneurs, dont certains ne bénéficient pas d'aides locales ».

Après le rendez-vous manqué du troisième collectif budgétaire de juillet 2020, force est de constater que ce « volet complémentaire » manque toujours, y compris dans la loi de finances pour 2021. Seule une mesure d'aide ponctuelle au réseau des chambres de commerce françaises à l'internationale (CCI-FI) a été adoptée.

Faute d'une aide appropriée, les entrepreneurs français qui ne pourront reprendre leur activité économique à l'étranger risquent de revenir en France. Cette dernière perdrait ainsi des têtes de pont de son commerce international et verraient revenir des personnes ayant besoin d'une assistance sociale et financière...

II. MIEUX IDENTIFIER ET MIEUX SOUTENIR LES ENTREPRISES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER

Pour mieux identifier les entreprises françaises à l'étranger, le rapport préconise :

- De charger le Conseil national de l'information statistique (CNIS), avec le concours de l'INSEE, de la définition d'une méthodologie permettant d'identifier une entreprise française à l'étranger ;

- De confier à un « comité d'identification des EFE », placé sous la responsabilité des services économiques des ambassades, et constitué de toutes les parties prenantes du commerce extérieur, le soin de recenser localement les entreprises françaises à l'étranger au vu de la méthodologie élaborée par le CNIS ;

- De pérenniser une veille des dispositifs d'aide de nos principaux partenaires commerciaux.

Pour aider, dans l'urgence, les entreprises concernées et le réseau CCI-FI qui se mobilise pour les aider, le rapport plaide :

- Pour la création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, susceptible d'aider les entreprises françaises à l'étranger en cas de crise sanitaire et économique exceptionnelle, voté par le Sénat le 20 juin 2020 ;

- Pour rendre le réseau CCI-FI éligible aux prêts garantis par l'État, via l'entité nationale CCI ;

- De rendre plus accessibles, notamment aux TPE et auto-entrepreneurs, les aides nationales en direction des entreprises françaises à l'étranger et, lorsqu'elles existent, les aides allouées par les pays étrangers.

Pour reconstituer les fonds propres des entreprises françaises à l'étranger, le rapport demande de déployer une panoplie complète d'urgence :

- Étendre temporairement la garantie d'un prêt ARIZ au-delà de 50 ou 75 %.

- Rendre temporairement le crédit-fournisseur accessible aux TPE françaises à l'étranger dès lors qu'un lien économique significatif existe avec la France.

- Élargir le champ du dispositif actuellement dénommé Garantie Choose Africa Resilience , en fonction des ressources disponibles, des entreprises essentielles aux intérêts français situées en dehors du continent africain.

- Encourager la constitution d'une société de droit français permettant aux entreprises françaises à l'étranger d'avoir accès au dispositif de volontariat international en entreprises (VIE).

- Permettre à Bpifrance d'apporter une contre-garantie aux banques locales qui aideraient la reconstitution de trésorerie d'entreprises françaises à l'étranger directement impactées par la crise sanitaire.

LES ONZE PROPOSITIONS DU RAPPORT

- Proposition 1 : confier au Conseil national de l'information statistique (CNIS), avec le concours de l'INSEE, la définition d'une méthodologie permettant d'identifier une entreprise française à l'étranger.

- Proposition 2 : confier à un « comité d'identification des EFE », placé sous la responsabilité des services économiques des ambassades, et constitué de toutes les parties prenantes du commerce extérieur, le soin de recenser localement les entreprises françaises à l'étranger au vu de la méthodologie élaborée par le CNIS.

- Proposition 3 : pérenniser le travail de veille des dispositifs d'aides de nos principaux partenaires commerciaux.

- Proposition 4 : créer un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger, victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, susceptible d'aider les entreprises françaises à l'étranger en cas de crise sanitaire et économique exceptionnelle.

- Proposition 5 : rendre le réseau CCI-FI éligible aux prêts garantis par l'État, via l'entité nationale CCI.

- Proposition 6 : rendre plus accessibles, notamment aux TPE et auto-entrepreneurs, les aides nationales en direction des entreprises françaises à l'étranger et, lorsqu'elles existent, les aides allouées par les pays étrangers.

- Proposition 7 : étendre temporairement la garantie d'un prêt ARIZ au-delà de 50 ou 75 %.

- Proposition 8 : rendre temporairement la garantie publique sur le crédit-fournisseur accessible aux TPE françaises à l'étranger dès lors qu'un lien économique significatif existe avec la France.

- Proposition 9 : élargir le champ du dispositif actuellement dénommé Garantie Choose Africa Resilience , en fonction des ressources disponibles, aux entreprises essentielles aux intérêts français situées en dehors du continent africain.

- Proposition 10 : encourager la constitution d'une société de droit français permettant aux entreprises françaises à l'étranger d'avoir accès au dispositif de volontariat international en entreprises (VIE).

- Proposition 11 : permettre à Bpifrance d'apporter une contre-garantie aux banques locales qui aideraient la reconstitution de trésorerie d'entreprises françaises à l'étranger directement impactées par la crise sanitaire.

I. LES ENTREPRISES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER : UNE CATÉGORIE « EN DEHORS DES RADARS », POURTANT ESSENTIELLE AU COMMERCE EXTÉRIEUR ET AU RAYONNEMENT DE LA FRANCE

A. UNE CATÉGORIE D'ENTREPRISES MAL APPRÉHENDÉE ET POURTANT ESSENTIELLE

1. Une catégorie d'entreprises mal appréhendée
a) Une absence de définition juridique et économique

La définition comme la situation économique des entreprises françaises à l'étranger (EFE) sont mal connues. Il n'est pas aisé d'identifier leur lien avec l'économie française, tant sur le plan micro-économique que sur le plan macro-économique. Il convient d'emblée de rappeler que l'entreprise n'est pas non plus définie en droit.

Il n'existe pas de littérature économique consacrée à l'apport de telles entreprises à la France, contrairement aux études consacrées au transfert vers les pays en voie de développement des salariés qui travaillent dans les économies développées.

Le rapport du Conseil économique et social du 27 avril 1999 sur « L'expatriation, les Français établis hors de France, acteurs du rayonnement international de notre pays » n'évoque pas cette configuration, pas davantage que le rapport « L'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises » (n° 386 (2000-2001) de MM. Denis Badré et André Ferrand , fait au nom de la mission commune d'information, du 14 juin 2001.

En 1999, le rapport publié par le Commissariat général du Plan sur « la nouvelle nationalité de l'entreprise », tout comme le rapport « L'entreprise et l'hexagone » de l'inspection générale des finances soulignaient encore que l'internationalisation croissante de l'économie n'empêchait pas les entreprises de conserver une forte identité nationale.

Cette problématique a été évoquée récemment par la commission du commerce extérieur, du développement durable, de l'emploi et de la formation de l'Assemblée des Français de l'étranger, lors de la session des 5 au 9 octobre 2020, et son champ de réflexion a porté sur « les entreprises de droit local créées ou détenues en majorité à l'étranger par des entrepreneurs français, qui ne sont juridiquement, financièrement et fiscalement pas rattachées à la France » . Elles n'ont pas de relations capitalistiques ou structurelles directes avec un établissement enregistré en France.

Il s'agit, la plupart du temps, d'artisans, de commerçants et d'autoentrepreneurs, et des TPE plutôt que des PME ou ETI.

CCI France international a proposé, dans sa réponse au questionnaire adressé par la Délégation aux entreprises du Sénat, la définition suivante :

« Les entreprises françaises de l'étranger ou « EFE », sont, au sens large, des entreprises de droit local, créées et dirigées par un Français résidant à l'étranger. Elles sont sans lien capitalistique avec une entreprise de France, sinon il s'agirait le plus souvent d'une filiale d'entreprise de France ou d'une joint-venture. La notion d'entrepreneur d'origine française est centrale.

« Parmi ces entreprises françaises de l'étranger , nous pouvons distinguer en particulier celles portant « la marque France » , c'est-à-dire des entreprises assurant la promotion d'un savoir-faire français particulier ou contribuant au développement du commerce extérieur de la France , en représentant et distribuant des produits ou services français, dans des proportions significatives par rapport à leur activité globale (contribution directe) ou en recommandant le recours à des produits ou savoir-faire français dans le cadre de leurs activités professionnelles (contribution indirecte).

« C'est vers ce type d'entreprise portant « la marque France » que les pouvoirs publics français pourraient éventuellement envisager une aide ».

b) Des recensements empiriques en cours

Dans le difficile contexte lié à la crise sanitaire, le Comité national des conseillers du Commerce extérieur de la France (CNCCEF) a lancé, au mois d'avril 2020, une enquête auprès des entrepreneurs français de l'étranger afin de mieux comprendre leurs situations, leurs besoins spécifiques mais également leur contribution à l'économie et au rayonnement de la France à l'international.

Il s'agit en général de petites structures dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros par an pour 77 % d'entre elles. 70 % d'entre elles anticipent un chiffre d'affaires en baisse en 2020, dont 46 % prévoient plus de 30 % de perte.

Les secteurs d'activité principaux de ces EFE sont le consulting et l'audit, l'alimentation, boissons, vins et spiritueux et l'informatique. Le tourisme et l'hôtellerie-restauration se placent en quatrième et cinquième positions.

En général, elles sont rarement financées par des banques, locales ou françaises , 75 % des EFE sont autofinancées (ressources personnelles et autofinancement). 25 % bénéficient donc de ressources extérieures, que cela soit des financements publics ou privés ou via un emprunt bancaire. 91 % de ces entreprises ne bénéficient pas de financement de la part d'une banque française ou de l'une de ses succursales à l'étranger, et 87 % ne perçoivent aucune aide publique de la part de leur pays d'implantation .

2. Une contribution pourtant essentielle
a) Une contribution matérielle au commerce extérieur

Bien qu'elles ne soient pas enregistrées en France, n'y acquittent pas d'impôts, ces entreprises contribuent très fortement à la chaîne de valeur du commerce extérieur de la France.

Elles commandent en effet des biens ou services à des entreprises établies en France, contribuant ainsi à la préservation de l'emploi en France. Dans l'enquête précitée du Comité national des conseillers du Commerce extérieur de la France, 40 % utilisent des produits français.

Or, dans le même temps, la dégradation de la balance commerciale rend ce réseau de soutien à nos exportations plus que jamais indispensable.

En effet, la crise sanitaire a porté un terrible coup au commerce extérieur de la France .

Alors que l'année 2019 avait connu un nombre d'entreprises exportatrices jamais atteint depuis 2003 (129 200), les exportations françaises devraient reculer de 18,5 % en 2020, soit une baisse sensiblement supérieure à celle prévue pour les importations, de 11,5 %. Le déficit de la balance commerciale devrait ainsi s'accroître de plus de 10 milliards d'euros en 2020.

LES RÉSULTATS DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS AU PREMIER SEMESTRE 2020

Selon les Douanes françaises, nos exportations de biens sont en baisse de 21,5 % par rapport au 1er semestre 2019, soit un repli supérieur à celui enregistré au plus fort de la crise financière en 2009 (- 20,8 %). Nos importations diminuent dans une moindre mesure (- 17,6 %). Il en résulte une dégradation de notre déficit commercial des biens à - 34 Md€ contre - 29 Md€ au premier semestre 2019. Au niveau géographique, nos échanges se sont progressivement dégradés avec l'ensemble des régions du monde, d'abord avec la Chine, puis avec l'Europe, et enfin plus tardivement avec les États-Unis. Sur l'ensemble du semestre, les exportations vers l'UE-27 ont été moins affectées (- 17,0 %) que celles vers les pays tiers (- 25,6 %).

Au niveau sectoriel, l'ensemble des secteurs voit ses échanges se replier, à l'exception des produits pharmaceutiques (+ 10,1 % de hausse des exportations, +16,6 % d'importations par rapport au 1er semestre 2019) et des produits agricoles. Pour les exportations, les secteurs les plus durement touchés sont l'aéronautique (-47,2 % par rapport au 1er semestre 2019) et l'automobile (- 42,3 %). Du côté des importations, les produits énergétiques enregistrent le repli le plus important (- 47,1 %). Les échanges de services ralentissent également, avec un recul de 15,4 % des exportations et de 9,2 % des importations, selon la Banque de France. Ceci ramène notre excédent des services à 2,4 Md€ (contre 11,7 Md€ au 1 er semestre 2019), notamment à cause d'une chute de moitié des flux liés au tourisme.

Si notre solde extérieur bénéficie de la baisse de la facture énergétique (baisse des prix du pétrole et de notre consommation d'hydrocarbures) et de notre consommation de produits importés, il est au contraire pénalisé par la structure sectorielle des exportations françaises, car certains secteurs traditionnellement performants à l'export et excédentaires (notamment l'aéronautique et le tourisme) sont particulièrement frappés par les conséquences de la crise.

Source : préface du Guide des mesures de relance des exportations

b) Une contribution immatérielle à la « marque France »

Le lien de ces entreprises avec la France reste fort, même si elles sont de nationalité étrangère, dès lors que leur créateur, dirigeant ou investisseur principal est français. Ainsi, 37 % des EFE revendiquent la marque « France » et 52% utilisent le savoir-faire français dans le domaine de la propriété intellectuelle, tandis que 33 % font appel à la technologie française.

Les partenariats avec des entreprises françaises (négoce, sous-traitants, fournisseurs de biens et services) sont nombreux et 69 % des EFE y ont recours.

Une étude du Conseil économique et social -il n'était alors pas encore environnemental- soulignait, en 1999, que « plus de 40 % des entreprises de droit étranger créées par des Français engendraient directement ou indirectement plus de 4 emplois en France ».

c) Une « nationalité de l'entreprise » à questionner

Au demeurant, la notion de « nationalité » de l'entreprise est, dans le contexte de la mondialisation, à questionner. Non seulement l'Union européenne s'est construite économiquement sur le principe de non-discrimination en raison de la nationalité de l'entreprise, mais la diplomatie économique tend à effacer les entraves aux échanges commerciaux sur ce même critère.

Ce sujet a été abordé par le Sénat dans un rapport d'information n° 347 (2006-2007) de M. Christian Gaudin , fait au nom de la mission commune d'information sur les centres de décision économique, déposé le 22 juin 2007 : « La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation ». Ce rapport relevait le caractère singulièrement délicat de la détermination de la nationalité des entreprises, qui relève de l'approche multicritère du faisceau d'indices.

Le rapport citait une proposition de critères par M. Jean-Michel Charpin, à savoir :

- la dimension financière (l'origine des détenteurs du capital) ;

- la dimension territoriale (en distinguant la notion de localisation, « qui traduit la répartition géographique effective des activités d'une entreprise », de celle d'ancrage, « qui répond à une interaction dense entre l'entreprise et le territoire, composante de son identité et de sa compétitivité ») ;

- la dimension scientifique et technique (en décrivant sa nature ambivalente, à la fois internationale, du fait des nouvelles technologies de l'information et de la communication ainsi que de la mobilité des chercheurs, et centralisatrice, compte tenu de l'importance des effets d'agglomération propres à la recherche) ;

- la dimension culturelle (en envisageant la culture d'entreprise comme liée à une culture nationale) ;

- la dimension institutionnelle (les spécificités nationales de l'environnement socio-juridique dans lequel évolue l'entreprise).

D'autres personnalités auditionnées par la mission commune d'information, présentaient deux indicateurs comme fondamentaux :

- d'une part, la nationalité des dirigeants ;

- d'autre part, « la réalité de l'implantation territoriale ». Pour employer une formule de M. Gérard Mestrallet , alors président-directeur général de GDF Suez , rebaptisé Engie en 2015, « une entreprise française est une entité dirigée par des Français en majorité, qui a ses centres de décision principaux en France, et qui n'a pas que sa tête dans ce pays ».

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