N° 295

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 janvier 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la mission de la commission effectuée en Guyane
en décembre 2020,

Par M. Christian CAMBON, Mme Hélène CONWAY-MOURET,
MM. Jacques LE NAY, Cédric PERRIN et Richard YUNG,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, Gérard Poadja, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

LES FORCES ARMÉES EN GUYANE : SOUVERAINETÉ ET PROTECTION DES RESSOURCES NATURELLES

La mission auprès des forces armées en Guyane, du 11 au 15 décembre 2020, s'inscrit dans le cadre des déplacements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées auprès des unités françaises engagées en opérations. Menée conjointement avec une délégation de députés de la commission de la défense de L'Assemblée nationale 1 ( * ) , elle s'est rendue successivement à Cayenne, à Maripasoula et à Kourou, afin d'évaluer la mise en oeuvre des opérations HARPIE (lutte contre l'orpaillage clandestin), TITAN (sécurisation du centre spatial guyanais de Kourou) et POLPECHE (lutte contre le pillage des ressources halieutiques françaises).

I. LA GUYANE, UN TERRITOIRE SINGULIER QUI FAIT L'OBJET D'UNE ATTENTION PARTICULIÈRE DE L'ÉTAT

Le territoire du plus grand département français (82 000 km²), est marqué par une grande porosité avec les autres pays du plateau des Guyanes : Brésil, Suriname et Guyana. Il est recouvert à 96 % par la forêt amazonienne, qui est à la fois un milieu très difficilement contrôlable et un atout extraordinaire pour la planète du fait de sa biodiversité . Avec seulement 300 000 habitants, la Guyane connait cependant un véritable « tsunami démographique ».

Les frontières de la Guyane n'en sont pas vraiment. En effet, elle est séparée du Suriname à l'ouest par le fleuve Maroni, et du Brésil à l'est par le fleuve Oyapok, axes de communication essentiels plus que barrières naturelles. Les populations du fleuve (Wayanas et Marrons) vivent sur les deux rives du Maroni. Bien plus qu'une frontière, la France partage ainsi avec le Suriname une population . Les résidents français eux-mêmes habitent parfois au Suriname, où la vie est moins chère. En l'absence de routes intérieures, le principal moyen de déplacement est la pirogue sur les fleuves et rivières. Il en résulte que l'aéromobilité est essentielle , notamment pour les opérations militaires.

La frontière ouest, sur le Maroni, entre la Guyane et le Suriname, fait depuis deux ans l'objet d'une négociation menée par l'ambassadeur Antoine Joly, en poste au Suriname, à Paramaribo, en liaison avec le ministère des outre-mer, pour définir une délimitation conjointe. Cette mission permettra de stabiliser le périmètre géographique de l'opération HARPIE. En outre, le fleuve fait l'objet d'une vive convoitise de la part des chercheurs d'or qui utilisent d'énormes barges et en empoisonnent les eaux au mercure. Or, ces parties du fleuve comptent 950 ilets, dont certains habités. De l'ordre de 10 000 km 2 de superficie sont ainsi en jeu entre la France et le Suriname.

La Guyane se trouvant sur le territoire national, les opérations des forces armées y sont des opérations intérieures , conduites en étroite collaboration avec les gendarmes, qui ont fonction d'officiers de police judiciaire (OPJ). L'action judiciaire est enserrée dans le cadre juridique applicable sur le territoire national, la Guyane étant la seule collectivité d'outre-mer qui ne fait l'objet d'aucune disposition particulière au sein du code de procédure pénale. L'utilisation de la force est donc soumise à la légitime défense, bien que les difficultés du terrain et la dangerosité des actions qui sont menées soient comparables à celles d'une OPEX . La contrepartie positive est la collaboration remarquable entre tous les acteurs de l'État , qui, selon les observations de la mission, agissent avec une grande fluidité et dans une parfaite synergie : gendarmerie, police aux frontières, douanes, justice, police nationale, préfecture.

Par ailleurs, l'effort de l'État en Guyane est très significatif : un total de 2 300 militaires et 600 gendarmes y sont en fonction pour une population de 300 000 habitants, soit un ratio six fois supérieur à celui de la métropole. En revanche, l'accroissement naturel et l'immigration illégale font augmenter la population plus vite que les services publics.

A 7 000 km de la métropole, les Forces armées en Guyane (FAG) ont une activité opérationnelle continue et très intense, ce qui est apprécié des militaires qui y participent , jusqu'aux actions de vive force, qui sont de véritables actions « de guerre ». Il s'agit d'une action interministérielle, conduite avec le Préfet, au service d'une stratégie globale définie par l'État pour le département. Au sein des forces armées elles-mêmes, du fait de l'éloignement d'avec la métropole, le commandant supérieur (COMSUP) a la main sur les services de soutien des armées, ce qui constitue un gage d'efficacité.

Les forces armées n'ont évidemment pas vocation à conduire des missions d'ordre public ou de contrôle des frontières. Cependant, dans le cadre de l'opération « Résilience » lors de la crise sanitaire, des moyens des FAG ont exceptionnellement été engagés en appui de la police aux frontières pour le contrôle des frontières franco-surinamaise et franco-brésiliennes.


* 1 Les députés étaient Françoise Dumas, présidente de la commission, Josy Pouyeto, Jean-Marie Fievet, Claude de Ganay et André Chassaigne.

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