III. DES DÉBATS INTÉRESSANTS SUR DES SUJETS D'ACTUALITÉ

A. LES ENJEUX DE LA VACCINATION CONTRE LA MALADIE SARS-COV2 DITE « COVID-19 »

Au cours de sa séance du mercredi 27 janvier 2021, l'APCE a adopté, sur le rapport de Mme Jennifer De Temmerman (Nord - Libertés et Territoires) , au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution intitulée « Vaccins contre la Covid-19 : considérations éthiques, juridiques et pratiques » .

En ouverture du débat pour la présentation de son rapport sur le sujet, Mme Jennifer De Temmerman a fait valoir que la pandémie de Covid-19 a été la source de beaucoup de souffrances en 2020. Le déploiement rapide, dans le monde entier, de vaccins sûrs et efficaces sera donc déterminant pour contenir la pandémie, protéger les systèmes de santé, sauver des vies et contribuer à la relance des économies mondiales.

Elle a expliqué que pour que les vaccins soient efficaces, il est absolument essentiel que leur déploiement soit réussi et qu'ils soient suffisamment acceptés par la population. Le virus ne connaît pas de frontières et il est donc dans l'intérêt de chaque pays de coopérer afin de garantir une équité mondiale dans l'accès aux vaccins. Les États doivent également, dès à présent, mettre au point leurs stratégies de vaccination pour attribuer les doses de manière éthique et équitable à l'intérieur de leurs propres frontières, et déterminer notamment les groupes de population prioritaires durant les premières phases de déploiement, lorsque les stocks sont limités.

La rapporteure a, par ailleurs, félicité les scientifiques qui ont accompli un travail remarquable en un temps record. C'est maintenant aux gouvernements d'agir. L'APCE soutient la vision du Secrétaire général des Nations Unies selon laquelle un vaccin contre la Covid-19 doit être un bien public mondial. Cette vaccination doit être accessible à toutes et tous, partout. L'Assemblée parlementaire devrait donc demander instamment aux États membres et à l'Union européenne de prendre certaines mesures en ce qui concerne la mise au point et l'attribution des différents vaccins pour assurer un niveau élevé d'acceptation et la surveillance de leurs effets à long terme ainsi que celle de leur innocuité. De même, des précautions s'imposent en ce qui concerne la vaccination des enfants contre la Covid-19.

1. L'intervention du directeur général de l'Organisation mondiale de la santé

Au cours du débat, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS a pris la parole pour saluer le projet de résolution. Il a ensuite rappelé que l'équité en matière de vaccins n'est pas seulement un impératif moral mais une condition indispensable pour mettre fin à la pandémie.

« Nous devons travailler ensemble pour donner la priorité aux personnes les plus exposées aux maladies graves et aux décès dans tous les pays. L'émergence de variantes à diffusion rapide rend d'autant plus important le déploiement rapide et équitable des vaccins. L'approche « moi d'abord » laisse les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables du monde en danger. C'est aussi une approche qui va à l'encontre du but recherché. Ces actions ne feront que prolonger la pandémie, les restrictions nécessaires pour l'endiguer et les souffrances humaines et économiques », a-t-il déclaré.

Il a souligné l'importance de l'initiative COVAX (collaboration pour un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la Covid-19), qui dispose désormais de deux milliards de doses de cinq producteurs avec des options sur plus d'un milliard de doses supplémentaires pour 2021 et début 2022. Les premières livraisons pourront débuter le mois prochain.

Pour M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, la priorité doit être donnée aux personnes les plus exposées aux maladies graves et aux décès dans tous les pays. Si de nombreux pays européens ont apporté de généreuses contributions financières à COVAX, des fonds sont encore nécessaires pour achever l'achat des deux milliards de doses réservées. Enfin, il a indiqué que le comité d'urgence de l'OMS, convoqué en vertu du règlement sanitaire international, a déterminé qu'exiger une preuve de vaccination pour les voyageurs internationaux n'a pas de sens à l'heure actuelle. Les voyageurs ne sont pas considérés comme un groupe à haut risque et il n'existe aucune preuve que les vaccins réduisent la transmission.

2. Les interventions des parlementaires français au cours du débat

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes maritimes - Les Républicains) , au nom du groupe PPE/DC, s'est inquiétée des conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie. Elle a salué l'action des scientifiques qui, en moins d'un an, ont pu mettre au point un vaccin, ainsi que l'action de l'Union européenne qui a permis de coordonner, pour les États membres, l'achat et l'approvisionnement en vaccins des États membres. Toutefois, elle a regretté les difficultés de la France à mettre en oeuvre une stratégie vaccinale à la hauteur des enjeux et déploré les retards de livraison des vaccins. Pour finir, elle a appelé à une plus grande coopération entre États sur ce sujet.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a commencé par apporter son soutien au mécanisme COVAX de l'OMS destiné à aider les pays à faibles revenus à accéder à la vaccination. Il s'est félicité que le projet de résolution appuie cette initiative. Puis, il a rappelé la nécessité de réussir la campagne de vaccination, réussite qui passe par la confiance de la population. Il a estimé contre-productif de rendre la vaccination obligatoire. En tant que président de la commission d'enquête du Sénat français pour l'évaluation des politiques publiques face à la crise de la Covid-19, il a indiqué avoir rencontré de nombreux scientifiques qui considèrent l'ARN (acide ribonucléique) messager comme une technologie d'avenir, ce qui constitue une note d'espoir.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a souhaité apporter trois observations au rapport présenté par Mme Jennifer De Temmerman. D'abord, la recherche contre la Covid-19 a été largement financée par les crédits publics et il serait donc juste que les États puissent, en lien avec les grandes entreprises pharmaceutiques, plus ou moins gouverner les brevets sur les vaccins en vue d'assurer le bien public. Ensuite, elle s'est inquiétée d'un accès équitable aux vaccins : les retards dans les livraisons pour les pays les plus riches impliquent que les pays avec des revenus plus faibles voient leurs perspectives d'accéder aux vaccins se tendre encore plus. Enfin, elle a souhaité que les Parlements nationaux soient pleinement associés à la définition de stratégies nationales prévoyant les conditions d'achat, de programmation, de stockage, d'allocation et de distribution des vaccins pour rendre plus transparentes les stratégies vaccinales.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) s'est inquiétée que des stratégies vaccinales défaillantes réduisent à néant les succès scientifiques remarquables de ces derniers mois. Elle a donc préconisé d'instaurer un suivi comparatif global pour éviter des disparités trop importantes entre États. Puis elle s'est interrogée sur l'opportunité de mettre en place des restrictions de déplacement ou d'activité en cas de non vaccination et a demandé à la rapporteure de clarifier ce point. Enfin, elle a appelé à la plus grande prudence en ce qui concerne la vaccination des enfants, préférant insister sur la nécessité de vacciner les enseignants et, plus largement, tout le personnel intervenant dans les crèches et les établissements scolaires.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a salué les efforts de l'industrie pharmaceutique et des pouvoirs publics grâce auxquels des vaccins ont pu être mis au point. Il s'agit maintenant d'assurer la distribution aux populations et cela ne va pas sans poser des problèmes logistiques, éthiques ou psychologiques. En accord avec la proposition de résolution, elle a affirmé la nécessité de vacciner en priorité les personnes les plus âgées et les plus vulnérables. Prenant la France en exemple, elle a indiqué que c'est la pédagogie et la transparence qui ont permis une adhésion de plus en plus large à la vaccination, et non la contrainte. Elle a conclu en estimant que les vaccins contre la Covid-19 devaient être assimilés à un bien public mondial.

Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) s'est d'abord félicitée que le rapport traite de l'ensemble des questions liées à la vaccination. Puis elle a dénoncé l'opacité des contrats conclus par la Commission européenne au nom des États membres pour la fourniture de vaccins. Elle a également fait mention d'un article du journal Le Monde indiquant qu'en novembre 2020, l'Agence européenne des médicaments pointait de nombreuses anomalies dans les éléments fournis par Pfizer pour l'évaluation de son vaccin, notamment des différences qualitatives entre les lots commerciaux et ceux qui avaient servi durant les essais cliniques. Elle a conclu en affirmant que chacun doit avoir le choix de se faire vacciner ou pas et qu'il ne fallait pas négliger les traitements préventifs ou précoces.

Enfin, Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) a rappelé que l'accès au bien public qu'est chaque vaccin doit être garanti pour tous. Dès lors, elle s'est inquiétée des retards de production et de livraison qui risquent de ralentir le rythme de la vaccination. De plus, plusieurs problématiques logistiques liées aux conditions de transport et de conservation des vaccins peuvent aussi amener à douter de la possibilité d'une distribution équitable, en particulier dans les pays dont les infrastructures sont les moins développées. Elle a interrogé la rapporteure sur la capacité à assurer une distribution équitable dans ces conditions.

À l'issue du débat, Mme Jennifer De Temmerman (Nord - Libertés et Territoires) a répondu aux différents orateurs, et à ses collègues français. Elle a, entre autres, indiqué qu'il était important de préserver la liberté de penser et le libre-arbitre et a précisé que la collaboration avec l'OMS et le dispositif COVAX devaient permettre d'assurer la distribution de vaccins au plus grand nombre.

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