C. L'ÉTAT DE DROIT, UN CRITÈRE D'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

Passant de 6 à 27 États membres à l'issue de sept élargissements successifs, l'Union européenne est devenue nécessairement plus hétérogène. Ce processus d'élargissement a été l'occasion, de façon corollaire, d'affirmer progressivement la prééminence de l'État de droit.

Les conclusions du Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993, consacré notamment aux relations avec les pays d'Europe centrale et orientale, ont défini des critères d'adhésion, dits « critères de Copenhague » : « Le Conseil européen est convenu aujourd'hui que les pays associés d'Europe centrale et orientale qui le désirent pourront devenir membres de l'Union européenne. L'adhésion aura lieu dès que le pays associé sera en mesure de remplir les obligations qui en découlent, en remplissant les conditions économiques et politiques requises. L'adhésion requiert de la part du pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'Homme, le respect des minorités et leur protection, l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union. L'adhésion présuppose la capacité du pays candidat à en assumer les obligations, et notamment à souscrire aux objectifs de l'union politique, économique et monétaire ».

Ces critères ont été renforcés par les conclusions du Conseil européen de Madrid des 15 et 16 décembre 1995.

Le respect par tout État candidat des valeurs visées à l'article 2 du TUE, et donc de l'État de droit, fait partie des « critères de Copenhague » d'adhésion à l'Union européenne, consacrés à l' article 49 dudit traité selon lequel « tout État européen qui respecte les valeurs visées à l'article 2 et s'engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l'Union ».

À partir de 2011, l'État de droit est placé au coeur du processus d'adhésion avec la proposition par la Commission d'une nouvelle approche en matière d'État de droit, de justice, de liberté et de sécurité. Le Conseil a adopté cette approche dans ses conclusions du 5 décembre 2011, dans lesquelles il a rappelé l'impératif de la réforme de l'administration publique et d'une consolidation de l'État de droit dans les pays de l'élargissement, notamment sur les questions de lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Cette nouvelle approche a consisté à placer ces sujets au coeur de la politique d'élargissement, notamment les chapitres 23 « Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux » et 24 « Justice, liberté, sécurité », qui avaient vocation à être abordés de manière précoce après l'ouverture des négociations et clos en fin de processus afin de s'assurer de l'adoption des réformes nécessaires et de pouvoir s'appuyer sur des résultats effectifs en la matière. L'avancée des négociations devait également dépendre des progrès accomplis au sein de ces deux chapitres.

Avec la nouvelle méthodologie adoptée en 2020, la place de l'État de droit est encore renforcée dans le processus d'élargissement. Elle est intégrée dans un « bloc des fondamentaux », composé de trois volets : l'État de droit au sens large, la gouvernance économique et la réforme de l'administration publique. Le volet relatif à l'État de droit comprend le secteur judiciaire, la justice, la liberté, la sécurité, les droits fondamentaux et le fonctionnement des institutions démocratiques. Comme dans l'approche de 2011, ce bloc est ouvert en premier, fermé en dernier et conditionne l'avancée des négociations, mais il devient également transversal puisqu'en dépend notamment l'accès à certains bénéfices concrets permis par la nouvelle méthodologie (certains programmes ou politiques de l'Union avant l'adhésion par exemple). De plus, une réversibilité du processus a été introduite et permettra de suspendre les négociations en cas de recul ou de violation persistante des valeurs européennes. Ces mesures entreront en vigueur lorsque les cadres de négociations pour la Macédoine du Nord et l'Albanie auront été adoptés et s'appliqueront également à la Serbie et au Monténégro - qui avaient ouvert leurs négociations dans le cadre de l'approche de 2011 - dans des conditions qui devraient être définies sous présidence portugaise du Conseil.

Enfin, la promotion de l'État de droit et plus largement des valeurs de l'Union européenne est aussi une composante de ses relations extérieures, en particulier avec son voisinage. Dans les accords d'association passés avec les pays du voisinage oriental, l'Union inclut un volet relatif à la convergence en matière d'État de droit 15 ( * ) .


* 15 À titre d'exemple, dans l'accord d'association Union européenne-Ukraine entré en vigueur le 1 er septembre 2017, l'article 1 er prévoit parmi les objectifs de l'association de « renforcer la coopération en matière de justice, de liberté et de sécurité de manière à asseoir l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Parmi les buts du dialogue politique (article 4), on peut citer le renforcement du « respect des principes démocratiques, de l'État de droit et de la bonne gestion des affaires publiques, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et notamment des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, la non-discrimination à l'égard des membres des minorités et le respect de la diversité, de même que contribuer à consolider les réformes politiques entreprises au niveau intérieur ».

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