B. QUELLE CONTINUITÉ ÉCOLOGIQUE POUR DEMAIN ?

Une approche plus réaliste de la continuité écologique , qui n'est qu'un moyen pour parvenir au bon état écologique des cours d'eau et non une fin en soi, est à privilégier . Bien d'autres facteurs affectent l'état des masses d'eau. Le franchissement facile, complet et garanti tout le temps - objectif pour lequel la meilleure solution serait la destruction de tout obstacle - ne garantirait pas le retour au bon état des cours d'eau induit par la directive-cadre sur l'eau de 2000.

1. Adopter une approche holistique et équilibrée

Il paraît nécessaire d'aborder la continuité écologique de manière équilibrée en considérant par ailleurs les services rendus à la société par les ouvrages susceptibles de l'affecter, indispensables à la lutte contre le changement climatique et à l'atténuation de ses effets : production d'énergie renouvelable, réserve d'eau potable, irrigation agricole, contribution à la protection contre les inondations et au soutien des milieux naturels en cas de sécheresse.

De même, le coût des mesures doit être rapporté à l'efficacité attendue . Entre deux solutions ayant la même efficacité, il est légitime de privilégier la moins onéreuse pour la collectivité, celle qui maximise le gain écologique pour la biodiversité. Par ailleurs, il semble logique de concentrer les efforts là où cela semble le plus pertinent, avec l'établissement d'une liste d'ouvrages prioritaires, afin d'éviter la dispersion des efforts et des gains.

Étudier les autres facteurs qui conditionnent l'état des populations piscicoles et sur lesquels il convient d'agir en complément du rétablissement de la continuité écologique est également nécessaire. Les études et approches ne peuvent pas non plus faire l'économie d'inclure dans leurs paramètres les effets du changement climatique et de l'augmentation de la température de l'eau qui a une incidence sur les espèces : des assecs estivaux plus fréquents remettent en cause tout ou partie de l'intérêt de la continuité ou des travaux l'ayant permise.

2. Garantir le retour à la biodiversité, véritable raison d'être de la continuité écologique, un objectif à rappeler

La commission recommande d' associer plus largement la communauté scientifique aux solutions de continuité écologique . Celles-ci doivent être analysées, critiquées et améliorées par des études impartiales, qui croisent plusieurs approches et se fondent sur des constatations empiriques de terrain. Un programme de recherche pourrait être utilement financé sur des fonds publics, afin de disposer d'un corpus de savoirs communs et partagés par les acteurs de terrain, condition essentielle pour la mise en oeuvre d'une continuité apaisée.

Grâce à ces connaissances scientifiques nouvelles, il deviendra possible de déterminer les facteurs les plus critiques pour l'état des populations aquatiques et ce, bassin par bassin : qualité de l'eau, perturbation en mer pour les grands migrateurs, pollutions agricoles, industrielles, domestiques, curage et recalibrage des lits, drainage des zones humides et suppression des annexes latérales, extraction des granulats et incision, artificialisation et érosion des sols. La continuité écologique n'est qu'un facteur parmi d'autres, pour lequel des efforts doivent être menés, mais pas uniquement dans cette seule perspective. Il est également essentiel de recenser les déficiences de certaines stations d'épuration et de mettre en oeuvre un plan d'action pour la reconquête de la qualité de l'eau .

« Sans une vision d'ensemble, agir sur les obstacles ne conduira pas à l'amélioration espérée de la biodiversité. Seules la reprise du dialogue et de la concertation, la prise en compte des études scientifiques et une approche globale du bon état écologique des cours d'eau incluant notamment les pollutions permettront d'atteindre l' objectif d'une eau de qualité et en quantité . »

Guillaume Chevrollier, rapporteur

LES DIX PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

1. Lancement d'un programme pluriannuel de recherche européen , avec une déclinaison nationale, pour étudier les bénéfices des équipements de restauration de la continuité écologique sur la biodiversité de la faune et de la flore aquatique.

2. Mise à jour périodique des listes de cours d'eau, à l'occasion de la révision des SDAGE, pour tenir compte de l'évolution des connaissances et des enjeux propres aux différents usages, conformément à la possibilité prévue par le droit en vigueur.

3. Association des représentants des moulins à eau et des propriétaires d'étangs à la gouvernance des instances de l'eau notamment au sein des agences de l'eau et du Comité national de l'eau.

4. Homogénéisation des taux de subvention à l'équipement d'ouvrages pour le maintien ou la restauration de la continuité écologique et suppression de la « prime à la destruction » qui pénalise les aménagements.

5. Création d'une base de données recensant chaque année le nombre d'ouvrages aménagés pour le respect de la continuité écologique.

6. Exonération de la totalité de l'imposition sur la construction de passes à poissons.

7. Favoriser les échanges de bonnes pratiques et l' aménagement de solutions moins onéreuses produisant le même résultat.

8. Traitement en priorité des sites aux plus forts enjeux.

9. Mise en oeuvre d'une approche plus réaliste des conséquences économiques supportées par les propriétaires d'ouvrages hydrauliques et meilleur accompagnement des propriétaires de moulins : un seuil régulièrement aménagé ne devrait plus être considéré comme un obstacle et ne plus faire l'objet de nouvelles prescriptions pendant un délai qui pourrait être fixé à 10 ans.

10. Lancement d'une expérimentation pour évaluer l'efficacité de la pratique des arrêts de turbinage ciblés des ouvrages hydrauliques par rapport à la construction de passes à poissons.

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