N° 550

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mai 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur l' égalité femmes - hommes comme enjeu de l' aide publique au développement ,

Par Mme Claudine LEPAGE,

Sénatrice

(1) Cette délégation est composée de : Mme Annick Billon, présidente ; M. Max Brisson, Mmes Laurence Cohen, Laure Darcos, Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam, Nadège Havet, MM. Marc Laménie, Pierre Médevielle, Mmes Marie-Pierre Monier, Guylène Pantel, Raymonde Poncet Monge, Dominique Vérien, vice-présidents ; Mmes Claudine Lepage, Viviane Malet, Sylviane Noël, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Bruno Belin, Mmes Alexandra Borchio Fontimp, Valérie Boyer, Isabelle Briquet, M. Jean-Pierre Corbisez, Mme Patricia Demas, M. Loïc Hervé, Mmes Annick Jacquemet, Micheline Jacques, Victoire Jasmin, Else Joseph, M. François Patriat, Mmes Kristina Pluchet, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, Laura Tetuani, Sabine Van Heghe, Marie-Claude Varaillas.

AVANT-PROPOS

Le 5 mars 2020, quelques jours avant le début du premier confinement en France, la délégation aux droits des femmes du Sénat organisait une table ronde sur le Forum Génération Égalité , qui devait initialement se tenir à Mexico puis à Paris en juillet 2020, dans le but de répondre à cette question : « 25 ans après la Conférence mondiale de l'ONU sur les femmes à Pékin, où en sont les droits des femmes ? ». Si le constat dressé à l'époque par les interlocuteurs de la délégation était déjà pessimiste sur la réalité de l'avancée des droits des femmes dans certains pays, force est de constater qu'un an plus tard la réponse à cette question est encore plus alarmante.

La pandémie de Covid-19 a en effet exacerbé, à travers le monde, les inégalités de genre déjà à l'oeuvre avant le début de cette crise sanitaire, économique et sociale mondiale. ONU Femmes estime ainsi que la pandémie pourrait avoir effacé, en une année seulement, les 25 ans de progrès réalisés en matière d'égalité femmes-hommes, depuis la Conférence mondiale de Pékin .

Les récents chiffres publiés par l'Organisation des Nations Unies illustrent ainsi le chemin qu'il reste à parcourir pour les droits des femmes et des filles dans le monde et les défis supplémentaires engendrés par la pandémie de Covid-19. En moyenne, les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes et accomplissent trois fois plus de travail non rémunéré. 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour sont des femmes, tout comme deux tiers des 774 millions d'adultes analphabètes dans le monde. 750 millions de femmes et de filles ont été mariées avant l'âge de 18 ans, mettant souvent un terme à leurs projets scolaires et professionnels, et au moins 200 millions de femmes et de filles dans trente pays ont subi des mutilations génitales. Chaque trimestre de confinement, à l'échelle internationale, engendrerait 15 millions de cas supplémentaires de femmes et de filles exposées aux violences basées sur le genre.

La délégation aux droits des femmes du Sénat travaille depuis de nombreuses années sur les droits des femmes et des filles dans le monde. Elle a ainsi publié en janvier 2019 un rapport sur le mariage des enfants et les grossesses précoces 1 ( * ) , qui a donné lieu à une résolution 2 ( * ) adoptée à l'unanimité du Sénat le 14 mars 2019. Elle a également organisé des tables rondes sur les enjeux du G7 en termes d'égalité femmes-hommes en juin 2019 3 ( * ) et sur les violences faites aux femmes dans les territoires en conflit en novembre 2019 4 ( * ) .

Lors de la session 2019-2020, elle avait décidé d'inscrire à son programme de travail la thématique de l'égalité femmes-hommes comme enjeu de l'aide publique au développement (APD) dans la perspective, notamment, de l'examen d'un projet de loi de programmation sur le sujet. En amont de la présentation de ce projet de loi, elle a organisé deux événements autour de cette thématique : une table ronde le 23 janvier 2020 sur « l'égalité femmes-hommes, enjeu de l'aide publique au développement », puis, le 5 mars 2020, le colloque précité sur le Forum Génération Égalité et sur l'avancée des droits des femmes dans le monde vingt-cinq ans après la Conférence de Pékin.

Après une interruption due à la crise sanitaire, la délégation a repris ses travaux sur ce sujet dans la perspective de l'inscription à l'ordre du jour des assemblées du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ce projet de loi a été adopté, en première lecture, le 2 mars 2021 par l'Assemblée nationale, qui en a renforcé les dispositions relatives à la promotion de l'égalité femmes-hommes. Il sera examiné en séance publique au Sénat à compter du 11 mai 2021.

Dans la perspective de cet examen, la rapporteure de la délégation a entendu 5 ( * ) , au printemps 2021, plusieurs acteurs concernés par la mise en oeuvre de la politique d'aide publique au développement : l'Agence française de développement (AFD), principale institution financière publique qui met en oeuvre la politique de développement de la France, Unicef France, comité national français du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, ainsi que Coordination Sud , qui rassemble 175 ONG françaises de solidarité internationale, et l'association Oxfam France .

Forte de ces divers travaux et auditions, la délégation aux droits des femmes est fermement convaincue que l'égalité des sexes et l'autonomisation économique et sociale des femmes constituent le socle essentiel d'un développement durable . L'impact de la scolarisation des filles sur la croissance des pays en développement illustre parfaitement cette conviction. Ainsi, selon l'Unesco, un enfant dont la mère sait lire a 50 % de chances supplémentaires de survivre après l'âge de cinq ans. En outre, selon l'ONG ONE , la réduction des inégalités dans le monde entre les filles et les garçons en matière d'accès à l'éducation pourrait rapporter entre 112 et 152 milliards de dollars chaque année aux pays en développement.

La délégation estime donc aujourd'hui essentiel d'orienter au mieux le financement de l'APD vers des projets favorables à l'autonomisation des femmes et au renforcement de leurs droits. Elle invite tous les acteurs de la politique de développement et de solidarité internationale à systématiquement « chausser les lunettes » du genre pour la conception et la mise en oeuvre de chaque projet de développement .

Enfin, la délégation considère que l'approche du genre dans la politique d'aide au développement ne saurait être que transversale : elle doit irriguer tous les projets et programmes et s'intégrer à chacune de ses priorités sectorielles.

Dans cet esprit, la délégation formule neuf recommandations pour mieux intégrer l'égalité de genre au sein de la politique d'aide publique au développement , de sa conception à sa mise oeuvre sur le terrain. Si elles sont appliquées, ces recommandations permettront à la France de se donner les moyens de ses ambitions en matière de diplomatie féministe.


* 1 Rapport d'information n° 262 (2018-2019) de Mme Annick Billon, fait au nom de la délégation aux droits des femmes ( http://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-262-notice.html )

* 2 Résolution n° 80 (2018-2019) pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines ( https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr18-302.html )

* 3 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20190617/ddf.html - aussi en annexe du rapport

* 4 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191125/ddf_26_28_11_2019.html#toc4 - aussi en annexe du rapport

* 5 Voir la liste des personnes auditionnées en annexe du présent rapport.

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