II. LA RÉNOVATION ET L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUES

1. Introduction d'un seuil maximal de consommation d'énergie pour la définition du critère de performance énergie minimale des logements décents (article 17)

L' article 17 a prévu que le « critère de performance énergétique minimale », qui entre dans la définition des logements décents depuis la loi de « Transition énergétique » du 17 août 2015 39 ( * ) , soit « défini par un seuil maximal de consommation d'énergie finale par mètre carré et par an ».

L'article 6 de la loi sur les « rapports locatifs » du 6 juillet 1989 40 ( * ) dispose en effet qu'« un décret en Conseil d'État définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en oeuvre échelonnée ».

Par ailleurs, l'article 17 a prévu que cette disposition entre en vigueur « à une date précisée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2023 ».

Sur ce fondement a été pris le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 .

Il a fixé ce critère de performance énergétique « à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an » (article 1 er ).

Ce décret a précisé que ces dispositions « entrent en vigueur au 1 er janvier 2023 » et « ne s'appliquent qu'aux nouveaux contrats de location conclus à compter de cette date » (article 2).

Interrogée par le rapporteur, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a indiqué que ce seuil concernera environ 100 000 logements du parc locatif.

Elle a indiqué qu'un autre décret est attendu au second semestre 2021 pour préciser le calendrier de mise en oeuvre échelonnée précité : les dates d'entrée en vigueur seraient le 1 er janvier 2025 et le 1 er janvier 2028.

À terme, la DHUP a indiqué « que le Gouvernement envisage que cette trajectoire soit calée sur les valeurs de référence du futur DPE : étiquettes G puis in fine F pour s'aligner sur l'obligation de rénovation en 2028 des passoires énergétiques introduite par la loi "Énergie-Climat" ».

2. Définition d'obligation et de dérogations en matière de diagnostic de performance énergétique, d'audit énergétique, de classement des biens et d'annonces de vente ou de location (article 22)

L' article 22 a fixé la consommation énergétique maximale des logements, définie selon la méthode DPE, à 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an.

Cette obligation s'applique au 1 er janvier 2028 aux logements individuels et au 1 er janvier 2033 à certaines copropriétés, sous réserve d'exonérations dont les critères sont définis par un décret en Conseil d'État.

Le respect de cette obligation est mentionné, à compter du 1 er janvier 2022, dans les publicités relatives à la vente et à la location des biens ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien, et son non-respect, à compter du 1 er janvier 2028, selon des modalités d'application définies par décret.

Les logements excédant le seuil précité font l'objet d'un audit énergétique dont le contenu est défini par un arrêté.

En cas de vente ou de location de biens, leur classement au regard de leur performance énergétique et les dépenses théoriques de l'ensemble des usages énumérés dans le DPE sont mentionnés dans les annonces relatives à cette vente ou à cette location, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État 41 ( * ) .

Les annonces relatives à la vente d'un lot d'habitation et les contrats de location comportent une indication du montant des dépenses de l'ensemble des usages énumérés dans le DPE et définis par voie règlementaire.

Les modalités selon lesquelles les publicités relatives à la vente et à la location des biens doivent intégrer l'obligation ont été précisées par le décret n° 2020-1609 du 17 décembre 2020.

Ce décret prévoit ainsi que toute annonce relative à la vente ou à la location d'un bien immobilier devant faire l'objet d'un DPE ; insérée dans la presse, affichée dans des locaux professionnels ou présentée au public par un réseau de communication électronique, comprend « les classements énergétique et climatique du bien sur une échelle de référence » allant de A à G.

Ces mentions sont dénommées « classe énergie » et « classe climat » .

Ces annonces comportent aussi le « montant estimé des dépenses théoriques annuelles de l'ensemble des usages énergétiques » 42 ( * ) et, le cas échéant, la mention « logement à consommation énergétique excessive ».

Il est prévu que les contrats de location comprennent la mention « le logement ne respecte pas l'obligation » .

Ces mentions doivent être « d'une taille au moins égale à celle des caractères du texte de l'annonce » .

Les dispositions relatives aux annonces entrent en vigueur le 1 er janvier 2022 et celles relatives aux contrats de location le 1 er janvier 2028.

La DHUP a précisé au rapporteur que le décret relatif aux critères d'exonération applicables aux logements interviendra « au début de l'année 2021 ».

Par ailleurs, l'arrêté sur l'audit énergétique n'a pas été pris.

Le rapporteur relève que la réforme du DPE soulève plusieurs difficultés.

D'une part, cette réforme modifie l'approvisionnement en énergie des logements, notamment sociaux.

Pour preuve, l'USH a indiqué au rapporteur que « cette réforme va contraindre les choix possibles laissés aux maîtres d'ouvrage HLM en matière d'énergie pour les logements qu'ils réhabilitent et gèrent ».

Plus particulièrement, « les scenarii en cours d'arbitrage pourraient amener une évolution substantielle de la qualification et de la quantification des bâtiments à consommation excessive du parc de logement social (F et G) ».

Ainsi, entre 80 000 et 160 000 logements sociaux pourraient désormais être classés en catégories F et G, et donc être considérés comme des « passoires thermiques », du fait notamment « de la forte proportion de gaz utilisé dans le parc social » ; le coût pour la mise en conformité de 100 000 logements environ s'élèverait entre 4 et 5 milliards d'euros 43 ( * ) .

Plus largement, les représentants de la filière gaz ont relevé que le recours à la notion de « consommation finale » pour la définition des normes de performance énergétique a des répercussions importantes.

Selon GrDF, « toutes les références à l'énergie finale sont à proscrire au profit du maintien de la référence en énergie primaire faute de quoi ce sont les plus précaires qui subiront les conséquences financières d'une telle méthodologie ».

D'autre part, la réforme du DPE laisse de côté certains territoires, tels que les Outre-mer.

Lors de son audition, l'ANAH a précisé au rapporteur qu'« il faut relever les difficultés liées à l'adaptation des obligations en Outre-mer , qui ne dispose pas encore d'un DPE ».

Dans ce contexte, le rapporteur appelle à identifier et à corriger les difficultés d'application de la réforme du DPE, en particulier pour les logements sociaux et ultramarins.

9. Identifier et corriger les difficultés d'application de la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE), en particulier pour les logements sociaux et ultramarins.

3. Modalités de transmission des diagnostics de performance énergétique (DPE) (article 24)

L' article 24 oblige les personnes établissant les DPE à les transmettre à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) « à des fins d'information, de contrôle, d'études statistiques, d'évaluation, d'amélioration méthodologique, de mise en oeuvre et de suivi des politiques publiques ».

Il a prévu la mise à disposition de ces données aux collectivités territoriales et à l'ANAH.

Ainsi que l'a précisé la DHUP au rapporteur, les dispositions nécessaires à l'application de cet article « ont été intégrées » au décret n° 2020-1609 du 17 décembre 2020 .

Complémentairement, l'article a ouvert à l'ANAH un accès aux données détenues par les organismes chargés de la liquidation et du paiement de l'aide personnelle au logement (APL).

Selon les éléments indiqués au rapporteur par la DHUP, un décret est prévu pour « mars 2021 » .

À l'occasion de son audition, l'ANAH a précisé au rapporteur l'intérêt d'une telle transmission de données : « La transmission de ces données a pour finalité la réalisation d'études permettant d'identifier les territoires nécessitant la mise en oeuvre de politiques d'amélioration du parc privé et les ménages en vue de les accompagner dans le montage de leur projet. Les données pourront également être exploitées dans le cadre de la politique de contrôle et de lutte contre la fraude menée par l'ANAH ».

4. Certificats d'économies d'énergie (CE2) (article 36)

L' article 36 a renforcé les contrôles en matière de C2E, figurant notamment aux articles L. 221-9 et L. 222-2-1 du code de l'énergie.

Des modalités de contrôle, dont le référentiel d'accréditation applicable aux organismes d'inspection, ont été fixées par un arrêté du 6 mars 2020.

Par ailleurs, un arrêté du 25 mars 2020 a créé une obligation de contrôle pour certaines opérations standardisées 44 ( * ) .

Enfin, un décret n° 2020-655 du 29 mai 2020 , non prévu par la loi, a modifié la durée et le volume des certificats d'économie d'énergie.

En complément, les articles 37 et 38 ont fait évoluer les conditions d'éligibilité à la délivrance de C2E de certains programmes ou opérations :

- en intégrant les programmes de rénovation des bâtiments au bénéfice des collectivités territoriales (article L. 221-7 du code de l'énergie) ;

- en excluant les opérations d'économies d'énergie qui conduisent à une hausse des émissions de GES (article L. 221-7-1 du code de l'énergie).

Ces évolutions législatives n'ont, pour leur part, pas encore été intégrées sur le plan règlementaire.

Le rapporteur relève que la loi « Énergie-Climat » a permis de faire progresser le cadre juridique afférent aux C2E.

À ce titre, il retient de son audition d'EDF que « la loi "Énergie-Climat" renforce les exigences de contrôle de la part des demandeurs/obligés de CEE, augmente les sanctions en cas de manquement et facilite les échanges entre les administrations compétentes afin de réduire les tentatives de fraude . Par ailleurs, elle permet le signalement des manquements des entreprises ayant la certification RGE à l'organisme de qualification concerné. »

Si le rapporteur se félicite de ces progrès substantiels, il observe en premier lieu que les textes en cours sur la 5 e période des C2E sont en-deçà des attentes des professionnels : à date, le projet de décret est encore attendu mais l' arrêté du 11 mars 2021 a bien été pris.

Dans ce contexte, l'USH regrette en ces termes l'extinction des C2E « grande précarité » et des « coups de pouce » C2E : « Les textes présentés [...] sur les CEE et leurs évolutions vont engendrer un manque à gagner conséquent en matière de subvention à la rénovation énergétique du parc existant. Ils prévoient une disparité des CEE "grande précarité énergétique" pourtant à destination de foyers modestes que sont les locataires du parc social. De surcroît, l'arrêt prématuré des dispositifs "coups de pouce" va mettre en difficulté les organismes HLM qui, contraints par les règles de marché de travaux, se trouvent fortement pénalisés par l'ensemble des actions qu'ils ont engagées. ».

En outre, Symbiote déplore l'arrêt des « coups de pouce » et des « bonifications » de C2E : « Ce projet d'arrêté fait apparaître : suppression des coups de pouce à fin 2021 pour les actions isolation des planchers, isolation des combes, remplacement des chaudières à gaz et remplacement des convecteurs électriques ; objectif période 5 à 2 400 TWh ; limitation des bonifications à hauteur de 25 % du total. [...] L'impact de ce projet est la destruction de plus de 10 000 emplois directs liés aux "coups de pouce" CEE [...] plus de 100 M € d'investissements [...] et 1,3 milliard d'euros par an de perte de chiffre d'affaires. »

Autre insatisfaction , EDF regrette l'absence de prise en compte du contenu carbone des C2E : « [La loi "Énergie-Climat"] limite la délivrance des C2E aux seules opérations ne conduisant par à une hausse des émissions de GES [et] rend possible le principe de pondération des C2E selon les émissions de GES évitées [...] Il est regrettable que la formule de répartition de l'obligation C2E pour la 5 e période du dispositif C2E ne comporte pas de référence au contenu carbone des énergies commercialisées ».

En second lieu, le rapporteur observe que l'intégration dans les C2E des programmes de rénovation des bâtiments des collectivités territoriales nécessite un effort d'accompagnement de ces dernières.

En témoigne le constat fait par EDF en ces termes : « En insistant sur la délivrance de CEE auprès des collectivités territoriales, la loi "Énergie-Climat" traduit les attentes fortes vis-à-vis de celles-ci pour engager la dynamique en matière de rénovation énergétique [...] Toutefois , pour être réellement efficient et apporter des résultats massifs, davantage orientés vers la décarbonation, il est nécessaire de faciliter l'accompagnement des collectivités par les obligés ».

Dans le même ordre d'idées, Symbiote a précisé au rapporteur que « les collectivités locales ont besoin de monter en compétence sur le sujet de la rénovation énergétique et il est important qu'un système pédagogique soit mis en place pour leur assurer une formation efficace ».

De son côté, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a observé « une large prise en charge par les AODE de travaux de rénovation énergétique sur le patrimoine de leurs membres », mais a indiqué que « se pose toutefois la question du montage juridique à mettre en oeuvre ».

Enfin, le rapporteur observe la persistance de la complexité des C2E et donc du risque de fraudes.

Il retient de l'audition de l'ANAH que « concernant la réforme des C2E » , un « axe de progrès » serait « l'harmonisation et la simplification des critères techniques des travaux éligibles aux CEE , aux aides directes (dont les aides Anah et MPR) et aux aides des collectivités ».

Il souhaite que soit poursuivi l'effort de lutte contre la fraude, déjà bien engagé selon Symbiote : « Les professionnels, les délégataires et les obligés ont fait remonter les alertes vers la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui a pris les décisions efficaces pour assainir la situation : visite avant travaux, délai de rétractation, contrôle par sondage a posteriori par [un] bureau de contrôle ainsi que renforcement des référentiels de qualification des entreprises ».

Cet effort de simplification et d'assainissement est crucial car les C2E ont des répercussions substantielles sur le coût de l'électricité .

Au cours de son audition, la CRE a ainsi indiqué au rapporteur que « depuis plusieurs années, l'un des facteurs de hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité [TRVE] et plus généralement du prix de l'électricité en France sont les C2E » .

La CRE a précisé au rapporteur qu'elle « reste attentive aux évolutions de ce mécanisme et notamment au volume d'obligation qui sera retenu pour la cinquième période » , rappelant que « les bénéfices réels de ce dispositif sont contestés et que des abus ou des fraudes sont régulièrement constatés » et que « la complexité du système et la trop grande diversité des acteurs éligibles nuisent aux objectifs poursuivis » .

Au total, le rapporteur appelle à mettre en place un cadre réglementaire favorable aux C2E, en maintenant les « coups de pouce » et « bonifications » s'agissant de la 5 e période.

Il invite le Gouvernement à accompagner les collectivités territoriales dans l'appropriation des C2E pour la réalisation de leurs travaux de rénovation énergétique.

Plus largement, il plaide pour la poursuite de l'effort de simplification et d'assainissement de l'écosystème des C2E, afin de prévenir tout risque de fraude pour les consommateurs et , partant, toute répercussion sur le coût de l'électricité.

Dans le cadre du projet de loi « Climat-Résilience », le Gouvernement a fait adopter un article 46 bis prévoyant une habilitation à légiférer par ordonnance pour lutter contre la fraude aux C2E.

10. Maintenir les « coups de pouce » et « bonifications » dans le cadre de la 5 e période des certificats d'économies d'énergie (C2E).

11. Accompagner les collectivités dans l'appropriation des C2E pour la réalisation de leurs travaux de rénovation énergétique.

12. Poursuivre l'effort de simplification et d'assainissement de l'écosystème des C2E, afin de prévenir tout risque de fraude pour les consommateurs et, partant, toute répercussion sur le coût de l'électricité.


* 39 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (Article 12).

* 40 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

* 41 En cas de méconnaissance de cette obligation, il est prévu une amende administrative de 3 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros pour une personne morale.

* 42 Y compris pour les lots d'habitation des copropriétés.

* 43 Union sociale pour l'habitat (USH).

* 44 BAR-EN-101 « Isolation des combles ou de toitures », BAR-EN-103 « Isolation d'un plancher », BAR-EN-106 « Isolation de combles ou de toitures (France d'outre-mer) », BAT-EN-101 « Isolation de combles ou de toitures », BAT-EN-103 « Isolation d'un plancher », BAT-EN-106 « Isolation de combles ou de toitures (France d'outre-mer) » et IND-EN-102 « Isolation de combles ou de toitures (France d'outre-mer) ».

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