Rapport d'information n° 566 (2020-2021) de M. Alain MILON , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 11 mai 2021

Disponible au format PDF (790 Koctets)


N° 566

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 mai 2021

RAPPORT D'INF ORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la deuxième partie de la session ordinaire 2021 ,
adressé à M. le Président du Sénat,
en application de l'article 9
bis du Règlement,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : M. François Calvet, Mme Nicole Duranton, MM. Bernard Fournier, Claude Kern, Alain Milon, André Vallini, délégués titulaires ; Mme Nadine Bellurot, M. André Gattolin, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Christian Klinger, Jacques Le Nay, Didier Marie, délégués suppléants.

INTRODUCTION

Le présent rapport d'information retrace les travaux de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), en application de l'article 29 du Règlement de l'Assemblée nationale et de l'article 9 bis de celui du Sénat, entre février 2021 et la deuxième partie de session ordinaire de l'APCE, qui s'est déroulé selon un format « hybride » du 19 au 22 avril, tant à Strasbourg qu'en ligne.

Cette session, la deuxième du genre en raison du contexte sanitaire, s'est tenue de manière exceptionnelle sur une durée raccourcie de 24 heures. Le nombre de débats et de sujets abordés s'en est nécessairement trouvé un peu réduit. Pour autant, la place qu'y ont occupé les membres de la délégation française est restée importante, puisque trois rapports présentés par des députés lui appartenant ont été discutés en plénière tandis qu'un débat d'actualité a été introduit par le sénateur qui en est le premier vice-président.

Plusieurs personnalités politiques de premier plan se sont adressées aux membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de cette semaine de travaux. Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale d'Allemagne, dont le pays préside le Comité des Ministres, ainsi que la toute nouvelle Présidente de la République de Moldavie, Mme Maïa Sandu, ont ainsi prononcé des discours forts et importants. De même, le Président du Parlement européen, M. David Sassoli, s'est lui-aussi prêté au jeu des échanges avec les parlementaires.

Conformément à ses prérogatives, l'APCE a élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de la Belgique et refusé de se prononcer pour la Pologne au motif que la liste présentée par ce pays ne correspondait pas aux exigences posées par le Conseil de l'Europe à cet effet. Elle a aussi procédé au suivi de l'action de l'Organisation, à travers une séance de questions à la Secrétaire générale, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, et une autre séance consacrée au bilan du semestre de la présidence allemande du Comité des Ministres. De la même manière, la Commissaire aux droits de l'Homme, M me Dunja Mijatoviæ, a présenté son troisième rapport d'activité.

Outre l'attribution des Prix de l'Europe et du Musée de l'Europe, l'APCE a solennellement décerné le Prix Václav Havel 2020, reporté jusqu'alors du fait du contexte sanitaire. Symboliquement, ce faisant, elle a ainsi manifesté que l'année écoulée n'aura pas été une année blanche dans la promotion de l'action des défenseurs de la cause des droits de l'Homme.

Les thèmes des échanges ont, une fois de plus, été divers. Pour ce qui concerne son rôle de vigie des droits de l'Homme et de la démocratie, l'APCE a tenu, sur le rapport de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , un débat d'urgence sur l'emprisonnement de M. Alexeï Navalny à son retour sur le sol de la Fédération de Russie en janvier 2021. L'Assemblée parlementaire a aussi évoqué en urgence le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie, dressé le bilan du dialogue post-suivi avec le Monténégro et elle s'est prononcée avec force sur la situation en Biélorussie, en appelant à une réforme électorale et, sur le fondement d'un rapport de Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche) , à la conduite d'une enquête internationale indépendante suite aux violations des droits de l'Homme sur place après la dernière élection présidentielle, en août 2020. Enfin, un débat d'actualité sur les Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées, a été introduit par M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française .

L'APCE a également manifesté ses préoccupations à l'égard de publics particulièrement fragiles, qu'il s'agisse des minorités nationales ou des personnes malades d'affections de longue durée, sur le rapport de Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) .

Des questions politiques plus structurelles, en phase avec des interrogations très actuelles, ont aussi été abordées. Ainsi l'Assemblée parlementaire a-t-elle débattu des priorités stratégiques du Conseil de l'Europe et de l'enjeu de la justice fiscale au plan international, en examinant plus particulièrement les réflexions de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) en la matière.? De même, dans un contexte marqué par l'accélération des campagnes de vaccination contre le SARS-CoV-2, elle a tenu un débat d'actualité sur les certificats ou passeports de vaccination en s'interrogeant sur la conciliation entre les implications légales de ces dispositifs et la protection des droits fondamentaux.

Les membres de la délégation française ont pris leur part à l'ensemble de ces travaux. Cette participation est retracée dans le présent rapport, qui recense également les réunions et événements auxquels ils ont participé dans l'intervalle des parties de session de janvier et d'avril.

I. L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À L'APCE ENTRE LES SESSIONS « HYBRIDES » D'HIVER ET DE PRINTEMPS

De février à avril, les membres de la délégation française se sont attachés à remplir leurs missions au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe malgré un environnement sanitaire toujours incertain et dégradé. Si la plupart des réunions se sont tenues à distance, grâce au recours à la visioconférence, une mission d'observation électorale a pu être conduite début avril, à l'occasion des élections législatives en Bulgarie.

A. DES RÉUNIONS ENCORE À DISTANCE ET PAR VISIOCONFÉRENCE, COMPTE-TENU DU CONTEXTE

En dépit de la reprise des sessions plénières en mode hybride au début de l'année 2021, les commissions de l'APCE ont continué à se réunir, hors session, par visioconférence. Pour l'heure, en effet, le contexte sanitaire n'a toujours pas permis de reprendre les cycles de réunions dans les locaux du Conseil de l'Europe à Paris ou dans les Parlements des États membres.

Désormais familiarisés avec ce procédé introduit par le Bureau en avril 2020, les membres de la délégation française se sont montrés assidus aux travaux de leurs commissions respectives.

1. Les réunions du Bureau et de la Commission permanente d'hiver

Du fait du contexte sanitaire, le Bureau et la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) se sont déroulés les 18 et 19 mars 2021 par visioconférence, en lieu et place des réunions envisagées à Berlin dans le cadre de la présidence allemande du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), président du groupe ADLE, et M. Olivier Becht (Haut-Rhin - UDI, Agir et Indépendants), président de la commission de la culture, de la science, des nouvelles technologies et de l'éducation , ont assisté à ces travaux, en leur qualité de membres de droit de ces deux instances.

Le jeudi 18 mars, le Bureau de l'Assemblée parlementaire a notamment évoqué plusieurs questions relatives à l'organisation des travaux futurs de l'APCE, à savoir l'ordre du jour de la session d'avril, l'envoi de missions d'observation électorale pour les élections législatives à venir en Bulgarie (4 avril), Albanie (25 avril), et Palestine (22 mai), ainsi que les renvois pour examen de propositions de résolutions et de recommandations aux commissions compétentes, de même que les ajustements dans la composition de ces commissions. Il a aussi, à cette occasion, établi le calendrier pour l'attribution du Prix 2021 des droits de l'Homme Václav Havel et pris acte du bilan de la participation des membres de l'APCE aux sessions plénières et réunions de commissions en 2020.

Le vendredi 19 mars, la Commission permanente a tout d'abord auditionné M. Michael Roth, ministre-adjoint chargé des Affaires européennes au sein du Gouvernement fédéral de l'Allemagne, lequel a notamment mis l'accent sur les discussions à venir, lors de la session ministérielle du Comité des Ministres du mois de mai, sur l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme et sur le lancement du processus d'élaboration d'une convention-cadre sur l'intelligence artificielle. Lors des échanges, M. Jacques Maire , orateur du groupe ADLE, a notamment abordé le cas de M. Alexeï Navalny, ainsi que la question des prisonniers de guerre arméniens détenus par l'Azerbaïdjan depuis le conflit armé au Haut-Karabakh à l'automne 2020, tandis que Mme Nicole Trisse s'est interrogée sur les discriminations liées aux mesures différenciées de contrôle des frontières mises en place par certains États membres dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, ainsi que sur les leçons à tirer des défauts de coopération constatés en Europe.

Puis, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, a prononcé une allocution sur le bilan des actions de l'Organisation pendant la pandémie de covid-19 : ont plus particulièrement été mentionnés à cet égard l'accès gratuit et temporaire des laboratoires engagés dans la recherche d'un vaccin aux standards de la Pharmacopée européenne, la fourniture de 52 000 équipements de protection aux systèmes pénitentiaires des États membres, l'engagement de 3 milliards d'euros de fonds de la Banque de développement du Conseil de l'Europe dans une vingtaine de projets orientés vers les victimes, ou encore l'assistance juridique de la Commission de Venise aux États membres.

Par la suite, la Commission permanente a, conformément à l'article 53 du Règlement de l'APCE, tenu un débat d'actualité sur le thème des démocraties face à la maladie du SARS-CoV-2, ainsi qu'un second débat d'actualité sur les développements récents en Turquie, justifié notamment par la menace d'interdiction du parti HDP, l'un des principaux partis d'opposition représentés à la Grande Assemblée nationale du pays, et auquel a participé M. Jacques Maire pour le compte du groupe ADLE.

Dans la foulée, elle a examiné et débattu de plusieurs rapports portant sur :

- la nécessité de renforcer d'urgence les cellules de renseignement financier afin de disposer d'outils plus efficaces pour améliorer la confiscation des avoirs illicites (Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir, Islande - SOC) ;

- les conséquences de la migration des travailleurs sur leurs enfants restés dans leur pays d'origine (M. Viorel Riceard Badea, Roumanie - PPE/DC) ;

- la protection des victimes de déplacement arbitraire ( M. Fabien Gouttefarde, Eure - La République en Marche ).

Le tableau ci-après récapitule les textes adoptés à l'occasion de cette réunion.

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

Nécessité de renforcer d'urgence les cellules de renseignement financier -Des outils plus efficaces requis pour améliorer la confiscation des avoirs illicites

Rapporteure : Mme Thorhildur SunnaÆvarsdóttir (Islande - SOC)

Recommandation n° 2195

Résolution n° 2365

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Les conséquences de la migration des travailleurs sur leurs enfants restés dans leur pays d'origine

Rapporteur : M. Viorel-Riceard Badea (Roumanie - PPE/DC)

Recommandation n° 2196

Résolution n° 2366

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

La protection des victimes de déplacement arbitraire

Rapporteur : M. Fabien Gouttefarde (France -ADLE)

Recommandation n° 2197

Résolution n° 2367

2. Les réunions de commissions

Du 2 février au 15 avril 2021, les commissions de l'APCE ont poursuivi leurs travaux par visioconférence, conformément à l'autorisation donnée à cet effet par le Bureau le 1 er février, selon les modalités en vigueur depuis mars 2020. Plusieurs membres de la délégation française ont assisté à leurs débats.

Ainsi, le 2 février, la commission sur l'égalité et la non-discrimination a-t-elle siégé, sous la présidence de Mme Petra Bayr (Autriche - SOC) et en présence de M. Didier Marie (Seine-Maritime - Socialiste, Écologiste et Républicain) ainsi que de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , afin notamment d'examiner plusieurs avant-projets de rapports sur la lutte contre l'afrophobie en Europe, les inégalités dans l'accès aux droits environnementaux et la participation des femmes issues de groupes sous-représentés à la prise de décision publique. La commission a aussi débattu d'une note d'information sur la fin des discriminations à l'égard des femmes dans le monde du sport et d'une note introductive sur la lutte contre la recrudescence de la haine à l'encontre des personnes LGBTI en Europe, avant de tenir une audition conjointe avec l'Alliance parlementaire contre la haine sur les discours de haine et l'intolérance et deux autres auditions portant, d'une part, sur la lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre et, d'autre part, sur la promotion du rôle des femmes issues de groupes vulnérables dans la prise de décision.

La commission sur l'égalité et la non-discrimination a tenu deux autres réunions sous la présidence de Mme Petra Bayr (Autriche - SOC), les 15 mars et 14 avril :

- le 15 mars, ses travaux, auxquels a participé Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) , ont notamment porté sur la lutte contre l'afrophobie et le racisme anti-noirs en Europe, thème sur lequel une résolution a été adoptée, ainsi que sur la promotion de la participation des femmes issues de groupes sous-représentés à la prise de décision politique et publique, sujet à propos duquel un rapport assorti d'une résolution a également été approuvé. La commission a aussi, à cette occasion, mené plusieurs auditions d'experts sur la dimension de genre et les effets de la pornographie sur les droits humains, le harcèlement contre les femmes et hommes militant pour le droit à l'avortement et, enfin, la justice et la sécurité pour les femmes dans les processus de paix et de réconciliation ;

- le 14 avril, la commission a adopté un rapport, assorti d'un projet de résolution, sur la situation des Tatars de Crimée, puis examiné un avant-projet de rapport sur la lutte contre les crimes dits d'« honneur », ainsi qu'une note d'information sur les violations alléguées des droits des personnes LGBTI dans le Caucase du Sud et, enfin, entendu deux communications sur, d'une part, le harcèlement des femmes et des hommes militant pour le droit à l'avortement, et d'autre part, la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul). Au cours de cette réunion, à laquelle participaient Mmes Isabelle Rauch (Moselle - La République en Marche) et Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) , la commission s'est aussi prononcée en faveur d'une adhésion de l'APCE à la coalition d'action sur la violence basée sur le genre dans la perspective de la tenue du Forum Génération Égalité 2021 - ONU Femmes, à Paris, du 30 juin au 2 juillet 2021.

La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) s'est quant à elle réunie le 3 février à huis clos, sous la présidence de M. Michael Aastrup Jensen (Danemark - ADLE). MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche) ainsi que M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), membre ex officio , ont assisté à cette réunion, au cours de laquelle la commission a notamment tenu plusieurs échanges de vues sur la situation en Hongrie et en Pologne, ainsi que sur les hostilités militaires entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Après avoir examiné une note d'information sur les réformes électorales en Albanie, elle a enfin procédé à une audition sur les défis démocratiques en Serbie après les élections de juin 2020.

La commission de suivi a ensuite tenu deux autres réunions, sous la présidence de M. Michael Aastrup Jensen (Danemark - ADLE) :

- le 9 mars tout d'abord, en présence de MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche), et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), membre ex officio . À cette occasion, elle a notamment complété son rapport sur le dialogue post-suivi avec le Monténégro puis tenu un échange de vues avec des experts sur les rapports de la Commission européenne concernant la situation de l'État de droit au sein de ses États membres. La commission a aussi débattu des prisonniers de guerre issus des hostilités militaires entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi que du respect de leurs obligations et engagements par la Fédération de Russie, d'une part, et la Turquie, d'autre part ;

- le 15 avril, ensuite, en présence de MM. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste). Elle a notamment tenu un échange de vues sur les réformes législatives en cours au Monténégro concernant le ministère public et le Procureur pour la criminalité organisée et la corruption, puis débattu des résultats des dernières élections législatives en Bulgarie et procédé à une audition d'experts sur les droits de l'opposition en Turquie.

Le 4 février, la commission des questions politiques et de la démocratie, sous la présidence de M. Andreas Nick (Allemagne - PPE/DC) et en présence de Mmes Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) , Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) , ainsi que de et M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) , a examiné un avant-projet de rapport sur la nécessité urgente d'une réforme électorale en Biélorussie puis tenu une audition sur le thème de la démocratie participative pour faire face au changement climatique. Au cours de cette même réunion, la commission a nommé Mme Marietta Karamanli rapporteure sur la protection des piliers de la démocratie en période de crises sanitaires, entendu plusieurs communications sur l'appel en faveur d'un processus politique national inclusif en Biélorussie, les rapports entre la majorité parlementaire et l'opposition dans une démocratie ainsi que les développements récents en Libye et au Moyen-Orient et leurs conséquences pour l'Europe et, enfin, examiné un avant-projet de rapport sur le travail de l'OCDE concernant l'imposition de l'économie numérique et la lutte contre l'injustice fiscale. En clôture de ses travaux, elle a évoqué la situation en Birmanie et le fonctionnement des institutions démocratiques sous état d'urgence face à la pandémie de coronavirus au sein du Conseil de l'Europe.

La commission des questions politiques et de la démocratie s'est aussi réunie ultérieurement, le 30 mars, cette fois sous la présidence de M. Andreas Nick (Allemagne - PPE/DC) puis de M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) . En présence de Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) et de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , membre ex officio , elle a notamment auditionné Mme Dubravka uica, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la démocratie et la démographie et M. Juan Fernando López Aguilar, président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, à propos du renforcement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, dix ans après le traité de Lisbonne. La commission a également, lors de cette réunion, adopté un rapport assorti d'une résolution et d'une recommandation concernant la vision de l'APCE sur les priorités stratégiques proposées par la Secrétaire générale pour le Conseil de l'Europe, un autre sur le travail de l'OCDE concernant l'imposition de l'économie numérique et un dernier rapport, contenant une résolution et une recommandation, sur la nécessité d'une réforme électorale en Biélorussie. Les membres de la commission ont aussi débattu de la transparence et la réglementation des dons de sources étrangères en faveur des partis politiques et des campagnes électorales, du cas d'Alexeï Navalny, ainsi que des développements récents en Ukraine, Lettonie et Turquie.

Le 5 février, la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias s'est réunie sous la présidence de M. Olivier Becht (Bas-Rhin - Agir Ensemble) , puis de M. Roberto Rampi (Italie - SOC). M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a assisté à cette réunion. Après avoir décidé de décerner le Prix du Musée 2021 au musée du Goulag de Moscou, la commission a tenu une audition sur l'impact de la pandémie de covid-19 sur l'éducation et la culture puis examiné une note d'information de M. Olivier Becht sur les politiques en matière de recherche et de protection de l'environnement, suivie d'une audition d'experts sur ce même thème.

La commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias s'est de nouveau réunie à deux reprises sous la présidence de M. Olivier Becht par la suite :

- le 26 mars tout d'abord, elle a tenu une audition d'experts sur le thème de l'observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe, en présence de M. Bertrand Bouyx (Calvados - La République en Marche) , rapporteur, et de M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) , puis tenu une autre audition sur l'impact de la pandémie de covid-19 sur l'éducation et la culture et examiné un avant-projet de rapport sur le renforcement du rôle joué par les jeunes dans la prévention et le règlement des conflits, ainsi qu'une note d'information sur les politiques du sport en temps de crise ;

- le 12 avril ensuite, en présence de M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) , elle a approuvé un rapport assorti d'un projet de résolution sur le renforcement du rôle joué par les jeunes dans la prévention et le règlement des conflits, puis tenu une audition sur la liberté des médias, la confiance du public et le droit de savoir des citoyens.

La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, quant à elle, a siégé sous la présidence de M. Boriss Cileviès (Lituanie - SOC), le 22 mars. Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche), M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , membre ex officio , et M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) ont participé à cette réunion, au cours de laquelle la première a présenté son rapport, assorti d'une résolution et d'une recommandation, sur la nécessité d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme en Biélorussie et le second a procédé à une communication sur l'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021, dans la perspective d'un débat d'urgence. Au cours de cette séance, la commission a également désigné Mme Alexandra Louis pour la représenter, comme titulaire, aux réunions de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), tenu deux auditions d'experts sur les prisonniers politiques en Fédération de Russie et la situation des défenseurs des droits de l'Homme dans les États membres du Conseil de l'Europe, puis entendu deux déclarations des rapporteurs sur le 70 ème anniversaire des conventions de Genève et les prisonniers politiques en Azerbaïdjan.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenu, quant à elle, deux réunions, les 12 mars et 12 avril, sous la présidence de M. Pierre-Alain Fridez (Suisse - SOC). Le 12 mars, ses travaux ont notamment concerné l'adoption de deux rapports assortis de résolutions et de recommandations en faveur d'une politique européenne relative aux diasporas, d'une part, et de l'action humanitaire pour les réfugiés et les migrants dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, d'autre part. La commission a aussi, à cette occasion, procédé à une audition d'experts sur les interactions entre le climat et les migrations puis eu un échange de vues sur les conséquences humanitaires du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Un mois plus tard, la commission a tenu un échange de vues sur le climat et les migrations, entendu un avant-projet de rapport et débattu de la perspective du genre dans les politiques migratoires, procédé à des auditions sur les pays tiers sûrs pour les demandeurs d'asile et, enfin, échangé sur les conséquences humanitaires du conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, d'une part, et la relocalisation volontaire de migrants, de demandeurs d'asile et de réfugiés pour des raisons humanitaires, d'autre part. En clôture de sa réunion, la commission a examiné un schéma de rapport de son président sur les renvois en mer et sur terre.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, présidée par M. Luís Leite Ramos (Portugal - PPE/DC), a siégé le 16 mars, en présence de Mmes Jennifer De Temmerman (Nord - Libertés et Territoires), Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) et Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) . Au cours de ses travaux, la commission a notamment adopté un rapport sur la crise climatique et l'État de droit, assorti d'une résolution et d'une recommandation, puis une déclaration sur l'urgence de rapatrier les enfants des zones de conflit, ainsi que deux avant-projets de rapports sur le droit à un environnement sain et les actions à prendre pour surmonter la crise socio-économique déclenchée par la pandémie de covid-19. Elle a également procédé, avec la participation de Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , rapporteure pour avis sur le sujet, à des auditions d'experts sur la désinstitutionnalisation des personnes handicapées. Lors de cette réunion, Mme Jennifer De Temmerman a aussi été désignée rapporteure sur la sécurisation de la chaîne d'approvisionnement en produits médicaux.

Le 15 avril, cette même commission, toujours présidée par M. Luís Leite Ramos (Portugal - PPE/DC), s'est de nouveau réunie en présence de M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , et Mmes Jennifer De Temmerman (Nord - Libertés et Territoires) et Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) . À cette occasion, elle a notamment entériné les différentes distinctions du Prix de l'Europe 2021 et approuvé deux avis : le premier sur la lutte contre les injustices fiscales ; le second, sur le rapport de Mme Jennifer De Temmerman, sur l'action humanitaire pour les réfugiés et les migrants dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Elle a ensuite décidé le dépôt d'une proposition de recommandation sur la prévention des comportements addictifs chez l'enfant et lancé une consultation auprès des Parlements des États membres sur la lutte contre la violence sexuelle à l'égard des enfants.

La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, sous la présidence de Mme Ingjerd Schou (Norvège - PPE/DC), s'est réunie le 25 mars. Mmes Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, et Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), ainsi que M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , membre ex officio , ont participé aux échanges, qui ont notamment concerné la représentation équilibrée des femmes et des hommes à l'APCE, Mme Nicole Trisse prononçant une communication sur l'avancement de ses travaux sur la question, puis le budget et les priorités du Conseil de l'Europe ainsi que les dépenses de l'Assemblée parlementaire pour la période 2022-2025, et enfin la portée des immunités parlementaires des membres de l'Assemblée parlementaire ainsi que le respect de l'État de droit et lutte contre la corruption au sein du Conseil de l'Europe.

En dernier lieu, la commission sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme a siégé le 9 avril, sous la présidence de M. Volker Ullrich (Allemagne - PPE/DC) et en présence de M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) , afin d'entendre les candidats présentés par la Belgique et la Pologne et d'émettre ensuite ses recommandations pour l'élection des juges de ces deux pays.

B. L'OBSERVATION DU BON DÉROULEMENT DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN BULGARIE, LE 4 AVRIL

En temps normal, l'APCE participe à l'observation du bon déroulement des élections dans les pays européens par l'intermédiaire de commissions ad hoc désignées par son Bureau, sur proposition des groupes politiques, une fois qu'elle y a été invitée à le faire par chaque pays concerné. En ces occasions, les participants effectuent leur mission de concert avec leurs homologues de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (BIDDH), du Parlement européen et, le cas échéant, de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).

Du fait de la pandémie de coronavirus - covid-19, la plupart des missions d'observation électorale ont été ajournées pour motifs sanitaires entre le printemps 2020 et la fin de l'hiver 2021, seule une mission restreinte ayant été conduite à l'occasion des dernières élections législatives en Géorgie le 31 octobre 2020. Dans le prolongement de la reprise, assortie d'un maximum de précautions sanitaires, des sessions plénières à Strasbourg, le Bureau de l'Assemblée parlementaire a considéré qu'il était possible de reprendre cette activité essentielle.

La première commission ad hoc d'observation d'élections déployée en 2021 par l'Assemblée parlementaire a été chargée de vérifier le déroulement des élections législatives bulgares, début avril. Deux membres de la délégation française figuraient parmi les dix-huit parlementaires dépêchés par l'APCE : M. Fabien Gouttefarde (Eure - La République en Marche) ainsi que Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) .

Quelque 6,7 millions d'électeurs inscrits étaient appelés à choisir, pour le renouvellement des 240 députés de l'Assemblée nationale bulgare 1 ( * ) , parmi les candidats de vingt-deux partis politiques et huit coalitions déclarés. Depuis 2020, le code électoral autorise le recours à un système mixte de vote, reposant sur des automates et des bulletins en papier dans les bureaux de vote de plus de 300 électeurs inscrits.

Les jours précédant le scrutin, du 31 mars au 2 avril, les membres de la mission d'observation ont procédé à plusieurs auditions, par visioconférence et non sur place en raison du contexte sanitaire. Ils ont ainsi entendu le président de la commission centrale électorale, M. Alexander Andreev, la présidente du conseil des médias électroniques, Mme Betina Joteva, ainsi que le président du bureau de l'audit national, M. Tsvetan Tsvetkov. Ils ont aussi, à cette occasion, recueilli les avis des partis et coalitions en lice, puis écouté les représentants des principaux médias nationaux.

Le dimanche 4 avril, les parlementaires de l'APCE se sont rendus dans différents bureaux de vote afin de mener leurs observations sur la tenue des opérations électorales. Selon les données de la commission électorale centrale, sur la base d'un taux de participation final de 50,6 %, le parti de centre-droit (GERB) du Premier ministre sortant, M. Boïko Borissov, a obtenu 25,8 % des voix (contre 33,5 %, il y a quatre ans), lui octroyant 75 sièges, tandis qu'un nouveau parti antisystème fondé par un animateur de télévision et chanteur populaire a atteint 17,4 % des suffrages et 51 sièges, devant l'opposition socialiste (14,8 % des voix, soit 43 sièges), la coalition « Bulgarie démocratique » (10,4 % des voix, 30 sièges) et la coalition « Debout ! Mafia dehors » (4,65 % des voix, 14 sièges).

Au lendemain du scrutin, la mission d'observation électorale a souligné que ces élections législatives avaient été concurrentielles et s'étaient bien déroulées malgré la pandémie. Le processus électoral lui a semblé transparent et le vote par automates s'est effectué de manière efficace, bien que certaines machines aient été parfois mal positionnées au détriment du secret du choix des électeurs. Les membres de la mission ont toutefois relevé que l'utilisation massive des ressources de l'État avait donné un avantage significatif au parti au pouvoir et pointé un manque préoccupant de diversité éditoriale. Ils ont aussi évoqué l'existence d'allégations d'achat de voix et d'intimidation des électeurs, appelant à la conduite d'investigations à ce sujet.

C. DEUX AUDITIONS PROPRES À LA DÉLÉGATION

Entre chaque partie de session, la délégation française a pour habitude de se réunir afin d'entendre des personnalités, des diplomates, des experts ou bien ses homologues d'autres délégations afin d'approfondir son appréciation de sujets à l'agenda de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Avec la pandémie de SARS-CoV-2, ces rencontres, que la délégation française considère indispensables à son action au sein de l'APCE, ont pris, depuis plus d'un an, la forme de visioconférences ou de réunions hybrides.

1. Un échange de vues, par visioconférence, avec la délégation ukrainienne

À l'initiative de Mme Mariia Mezentseva, présidente de la délégation ukrainienne, les délégations françaises et ukrainienne à l'APCE ont dialogué sur différents sujets d'intérêts réciproques au cours d'une visioconférence qui s'est déroulée le 7 avril 2021.

Au titre de la délégation française, ont pris part à ces échanges : Mmes Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), Martine Leguille-Balloy (Vendée - La République en Marche) Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche), M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) et Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) . S'agissant de la délégation ukrainienne, outre Mme Mariia Mezentseva sa présidente, ont participé à la réunion : Mmes Larysa Bilozir, Yevheniia Kravtchuk, Olena Khomenko et Inna Volokova, ainsi que MM. Serhii Kalchenko et Oleskii Goncharenko.

Les différents points évoqués à cette occasion ont plus particulièrement porté sur l'attitude des autorités de la Fédération de Russie à l'égard de ses obligations d'État membre du Conseil de l'Europe, l'affaire Navalny, ainsi que l'initiative de Plateforme internationale sur la Crimée, dont le sommet de lancement doit avoir lieu à Kiev le 23 août 2021 et qui comporte une dimension interparlementaire. D'autres questions, ayant trait à des dossiers pouvant être menés de concert au sein de l'Assemblée parlementaire, ont également été abordées, telle celle de l'enjeu de la transition écologique et de l'économie verte. Enfin, des possibilités de coopération bilatérale dans les champs de la protection des droits des femmes et des enfants, de l'énergie et de l'économie ont été envisagées lors de la discussion.

2. Une rencontre virtuelle avec Mme Marie Fontanel, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe

Le 14 avril, la délégation française a tenu une visioconférence avec Mme Marie Fontanel, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, dans la perspective de la session de printemps. Outre Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, plusieurs de ses membres ont assisté aux échanges, à savoir : M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche), M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) et Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains),

Les sujets évoqués ont surtout touché aux modalités d'organisation, à Strasbourg, de la réception des délégations nationales pour que les débats de la session de printemps se déroulent dans des conditions de sécurité sanitaire optimales, mais aussi aux principales thématiques de l'ordre du jour, l'accent étant particulièrement mis sur les personnalités appelées à s'exprimer devant l'Assemblée parlementaire, ainsi que sur les questions de la violation des droits de l'Homme en Biélorussie, de la vision stratégique à avoir pour le futur du Conseil de l'Europe, spécialement dans un contexte de recrudescence des tensions entre États membres, et enfin sur les débats d'urgence envisagés concernant l'arrestation et l'emprisonnement d'Alexeï Navalny ainsi que les dernières évolutions en Turquie.

Les échanges ont également porté sur la convention d'Istanbul, dans un contexte de retrait de la Turquie de cet instrument international concomitamment à la célébration de son dixième anniversaire et alors même que, parallèlement, des efforts sont engagés, à travers le Forum Génération Égalité 2021 notamment, pour inciter de nouveaux États à signer et ratifier rapidement ce texte majeur pour la protection des femmes contre les violences domestiques. En dernier lieu, il a été aussi question de l'avancement de l'observatoire de l'enseignement de l'Histoire en Europe, à la tête duquel M. Alain Lamassoure a été porté en février dernier, ainsi que de la situation inquiétante aux frontières de l'Ukraine, alors que les autorités ukrainiennes viennent de lancer une initiative en faveur de la mise en place d'une Plateforme internationale sur la Crimée.

I. II. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE L'APCE AU COURS DE LA 2ÈME PARTIE DE SESSION

Chaque partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à Strasbourg donne l'occasion de dresser un bilan de l'activité des instances de l'institution (Bureau et Commission permanente), de recenser les priorités poursuivies par les membres de l'APCE à travers les textes qu'ils ont adoptés en séance plénière, mais aussi de tirer certaines conclusions des prises de parole de la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, du Président en exercice du Comité des Ministres et de certains représentants des Exécutifs des États membres, invités à s'exprimer devant l'ensemble des parlementaires. En outre, la session de printemps se distingue généralement par la présentation du rapport annuel de la Commissaire aux droits de l'Homme ainsi que par l'attribution des Prix de l'Europe et du musée de l'Europe.

A. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA DEUXIÈME PARTIE DE SESSION 2021

Au long de cette session de printemps, les parlementaires membres de la délégation française ont pris part, soit physiquement sur place, soit à distance par connexion, à divers travaux des commissions de l'APCE et aux débats inscrits en séance plénière.

1. L'ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

La semaine de la deuxième partie de session s'est déroulée selon l'ordre du jour arrêté le vendredi 16 avril par le Bureau de l'APCE, à la réunion duquel participaient Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), en sa qualité de président du groupe ADLE , et M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir ensemble) , en sa qualité de président de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias .

Plusieurs membres de la délégation française se sont inscrits aux différents débats et y ont participé comme indiqué ci-dessous :

Lundi 19 avril

- Rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) ;

- Discours de Mme Maïa Sandu, Présidente de la République de Moldavie : M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) ;

- Préserver les minorités nationales en Europe : M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) .

Mardi 20 avril

- Débat d'actualité : Passeports ou certificats Covid, protection des droits fondamentaux et implications légales : M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ;

- Discours de Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale d'Allemagne : M. Olivier Becht (Bas-Rhin - Agir Ensemble), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche) ;

- La vision de l'Assemblée parlementaire sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe : Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains), Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés), M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain), M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) ;

- Questions à Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe ;

- Lutter contre l'injustice fiscale : le travail de l'OCDE sur l'imposition de l'économie numérique : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), M. André Vallini (Socialiste, Écologiste et Républicain) ;

- Débat d'actualité : Les Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées : M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche), M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) .

Mercredi 21 avril

- Discours de M. David Sassoli, Président du Parlement européen : Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche) ;

- Débat conjoint : Nécessité urgente d'une réforme électorale au Bélarus - Les violations des droits de l'Homme au Bélarus nécessitent une enquête internationale : Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche), M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) ;

- Rapport annuel d'activité 2020 de la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe : Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés), M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ;

- La discrimination à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée : Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires), Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés), Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains), M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains) ;

- Le dialogue post-suivi avec le Monténégro : M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains), Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche), Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) .

Jeudi 22 avril

- Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Michael Roth, ministre adjoint chargé des Affaires européennes au ministère fédéral des Affaires étrangères de l'Allemagne, Représentant spécial du Gouvernement fédéral pour la Présidence allemande du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe : Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) ;

- Débat d'urgence : L'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021 : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) ;

- Débat d'urgence : Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie .

Au cours de cette session de printemps, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , a présidé trois séances plénières, les lundi 19, mardi 20 et jeudi 22 avril.

Par ailleurs, le Bureau a désigné M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) , président de la commission ad hoc chargée d'observer les élections législatives en Palestine le 22 mai 2021, ainsi que Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés), membre suppléante de la commission sur l'élection des juges.

La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) a élu M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) , premier vice-président au titre du groupe PPE/DC.

La commission des questions politiques et de la démocratie a désigné M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , rapporteur sur l'examen du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement de la République kirghize.

2. Les textes adoptés

Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions.

Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'APCE par le Comité des Ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.

Aux termes de l'article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l'APCE adressée au Comité des Ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée parlementaire, mais relève des gouvernements.

Définie à l'article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l'APCE sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité.

Chaque semaine de session plénière donne lieu à l'adoption de plusieurs recommandations et résolutions sur des sujets souvent variés, mais liés tout à la fois aux droits de l'Homme et à la démocratie, d'une part, et à l'actualité, d'autre part. Le tableau ci-après énumère les textes votés du 19 au 22 avril 2021.

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission pour le respect des obligations et engagements
des États membres du Conseil de l'Europe

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie

Co-rapporteurs : M. Thomas Hammarberg (Suède - SOC) et M. John Howell (Royaume-Uni - CE/AD)

Résolution n° 2376

Le dialogue postsuivi avec le Monténégro

Co-rapporteurs : M. Damien Cottier (Suisse - ADLE) et M. Emanuelis Zingeris (Lituanie - PPE/DC)

Résolution n° 2374

Commission des questions politiques et de la démocratie

Nécessité urgente d'une réforme électorale au Bélarus

Rapporteur : Lord David Blencathra (Royaume-Uni - CE/AD)

Recommandation n° 2200

Résolution n° 2371

Lutter contre l'injustice fiscale: le travail de l'OCDE sur l'imposition de l'économie numérique

Rapporteur : M. Georgios Katrougkalos (Grèce - GUE)

Résolution n° 2370

La vision de l'Assemblée sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe

Rapporteur : M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE)

Recommandation n° 2199

Résolution n° 2369

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

L'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021

Rapporteur : M. Jacques Maire (France - ADLE)

Recommandation n° 2202

Résolution n° 2375

Les violations des droits de l'homme au Bélarus nécessitent une enquête internationale

Rapporteure : Mme Alexandra Louis (France - ADLE)

Recommandation n° 2201

Résolution n° 2372

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

La discrimination à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée

Rapporteure : Mme Martine Wonner (France - ADLE)

Résolution n° 2373

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Préserver les minorités nationales en Europe

Rapporteure : Mme Elvira Kovács (Serbie - PPE/DC)

Recommandation n° 2198

Résolution n° 2368

B. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE SON ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

Les sessions plénières de l'APCE donnent systématiquement l'occasion de faire le point sur l'actualité du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire. Elles donnent également régulièrement lieu à des votes permettant de désigner des responsables du Conseil de l'Europe ou des membres de la Cour européenne des droits de l'Homme. La session de printemps 2021 n'a, à cet égard, pas dérogé à la règle.

1. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente

À l'occasion de la première séance de la session de printemps, le lundi 19 avril, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a examiné le rapport de M. Aleksander Pociej (Pologne - PPE/DC), faisant office de rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente.

Au cours de la discussion générale, le rapporteur a souhaité plus particulièrement mettre en exergue les cinq priorités politiques que l'APCE poursuit actuellement.

La première de ces priorités est l'adaptation à l'impact de la pandémie de SARS-CoV-2. Grâce aux nouvelles technologies, comme la visioconférence, les Parlements et l'APCE ont ainsi pu continuer à exercer leur rôle législatif et de contrôle : on ne confine pas la démocratie mais on la fait vivre, y compris en pleine pandémie.

La deuxième priorité porte sur l'affaire Navalny, du nom de cet opposant russe victime d'une tentative d'empoisonnement puis d'une arrestation arbitraire et d'une détention dans un centre pénitentiaire dans des conditions inhumaines, suscitant de grandes inquiétudes quant à son état de santé. L'Assemblée parlementaire doit donc se montrer exigeante vis-à-vis de la Russie pour lui rappeler ses engagements internationaux, notamment au titre de la convention européenne des droits de l'Homme, et exiger la libération immédiate et sans condition d'Alexeï Navalny.

La troisième priorité concerne l'évolution préoccupante de la Turquie, notamment avec l'arrestation de plusieurs députés d'opposition et le retrait de la convention d'Istanbul. Là aussi, l'APCE doit appeler les autorités d'Ankara à respecter les conventions internationales et les valeurs de démocratie, d'État de droit et de respect des droits de l'Homme.

La quatrième priorité touche à la situation de la Biélorussie, où les autorités ont réprimé des manifestations de citoyens contestant l'élection du Président Loukachenko dans des conditions douteuses. Les autorités biélorusses doivent procéder à la libération immédiate des milliers de personnes arrêtées à la suite de ces manifestations et engager un véritable dialogue avec l'opposition.

Enfin, la dernière priorité à trait aux prisonniers arméniens détenus depuis le récent conflit au Haut-Karabakh. À cet effet, le 1 er février 2021, le Bureau de l'APCE a été saisi, sur la base d'un rapport pointant le manque de coopération des autorités de l'Azerbaïdjan, de la situation des prisonniers politiques dans ce pays.

Lors des échanges qui s'en sont suivis, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , s'exprimant au nom du groupe ADLE, a rejoint l'appréciation du rapporteur sur les priorités du moment. Il a souligné que le Président de l'APCE s'était rendu dernièrement à Moscou et à Ankara, en accord avec tous les groupes politiques, pas pour parler « de » ces pays mais pour parler « avec » eux : il ne s'agit pas de négocier les principes et les valeurs du Conseil de l'Europe, ni l'application des décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme ; il s'agit d'apprécier avec eux comment avancer concrètement et il serait souhaitable de procéder à la même démarche avec la Pologne.

M. Jacques Maire a ensuite estimé que la Biélorussie pose elle-aussi une difficulté particulière qui appelle à un dialogue, notamment sur la base du travail du rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie sur le sujet. De même, il a considéré que la concomitance de l'annonce du retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul avec la dernière réunion de la Commission permanente avait pu être perçue comme une provocation et que la poursuite des échanges à haut niveau devait permettre d'éviter d'en arriver à des mesures fortes, voire définitives.

En conclusion, il a fait part de son inquiétude concernant le regain des tensions à la frontière entre la Russie et l'Ukraine et sur la situation personnelle d'Alexeï Navalny, laquelle est absolument inacceptable et se dégrade jour après jour, raison pour laquelle l'APCE doit s'en saisir au cours de sa session de printemps.

2. La remise du Prix Vaclav Havel 2020, reportée jusqu'alors du fait du contexte sanitaire

Le Prix des droits de l'Homme Václav Havel, créé en 2013 à l'initiative de M. Jean-Claude Mignon, alors Président de l'APCE, récompense des actions exceptionnelles de la société civile pour la défense des droits de l'Homme. Chaque année, lors de la partie de session d'automne, l'Assemblée parlementaire, en partenariat avec la Bibliothèque Václav Havel et la Fondation Charte 77, remet ce Prix en mémoire du célèbre dramaturge tchèque, opposant au totalitarisme, artisan de la Révolution de Velours de 1989 en Tchécoslovaquie, symbole de la défense des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe. Il se décompose en une somme de 60 000 euros, un trophée et un diplôme.

Le calendrier de la cérémonie au cours de laquelle il est décerné a été quelque peu perturbé par la pandémie de coronavirus. L'Assemblée parlementaire n'ayant repris ses sessions au format hybride que depuis le début de l'année, il a été décidé que son édition 2020 serait exceptionnellement attribuée lors de la session de printemps 2021.

En 2019, le Prix des droits de l'Homme Václav Havel avait été remis conjointement à M. Ilham Tohti, intellectuel ouïghour oeuvrant à améliorer la situation de la minorité ouïghoure et à promouvoir le dialogue et la compréhension interethniques au sein de la République populaire de Chine, ainsi qu'à l'Initiative des jeunes pour les droits de l'Homme, créée en 2003 pour promouvoir la réconciliation entre les jeunes des Balkans.

Pour 2020, le jury, composé de personnalités indépendantes et présidé par M. Rik Daems (Belgique - ADLE), en sa qualité de Président de l'Assemblée parlementaire, avait retenu les candidatures :

- de Mme Loujain Alhathloul, l'une des dirigeantes du mouvement féministe saoudien, récemment libérée de prison ;

- des soeurs de l'Ordre Drukpa, groupe de jeunes nonnes bouddhistes au Népal, qui promeuvent l'égalité, la durabilité environnementale et la tolérance dans leurs villages d'Himalaya ;

- et de Mme Julienne Lusenge, militante des droits de l'Homme en République démocratique du Congo, qui a rassemblé des informations concernant des abus sexuels et des actes de violence contre des femmes dans son pays, malgré de fréquentes menaces de mort.

Mme Loujain Alhathloul a finalement été désignée lauréate du Prix des droits de l'Homme Václav Havel pour 2020 pour avoir fait campagne afin de mettre fin au système de tutelle masculine, ainsi qu'à l'interdiction de conduire pour les Saoudiennes et aux abus contre les femmes dans le Royaume d'Arabie Saoudite. Elle a passé plus de mille jours en prison et, libérée en février 2020, reste toujours soumise à une assignation à résidence ainsi qu'à d'autres restrictions dans son pays. C'est sa soeur, Mme Lina Alhathloul, qui a réceptionné son Prix lors de la cérémonie organisée à cet effet à l'ouverture de la session de printemps, le lundi 19 avril.

3. L'attribution du Prix du Musée de l'Europe et du Prix de l'Europe

Comme chaque année, deux autres récompenses symboliques ont été formellement octroyées lors de la session de printemps de l'APCE.

a) Le Prix du Musée de l'Europe

Le Prix du Musée de l'Europe est attribué chaque année depuis 1977 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il a pour but d'encourager la contribution des musées à une meilleure compréhension de la riche diversité de la culture européenne. Il est décerné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias sur la base de recommandations formulées par le Forum européen du musée.

L'établissement lauréat reçoit, lors de la session de printemps de l'APCE, une statuette en bronze de Joan Miró, qu'il conserve durant un an, ainsi qu'un diplôme. Les précédents récipiendaires de cette distinction étaient le musée de la communication de Berne, en Suisse (2019), le musée sur l'enfance en temps de guerre de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine (2018), le Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage de Guadeloupe, en France (2017), et le Centre européen de la solidarité de Gdansk, en Pologne (2016).

Alors que l'édition 2020 avait été attribuée au musée national de la surveillance secrète « Maison des Feuilles » de Tirana, le Prix du Musée 2021 a été décerné au musée d'histoire du Goulag, situé à Moscou. Le choix s'est porté sur ce musée car il documente la répression de masse et plaide pour la liberté politique.

En raison du contexte sanitaire, aucune cérémonie de remise du Prix du Musée ne s'est déroulée à l'Hôtel de Ville de Strasbourg.

b) Le Prix de l'Europe

Au cours de la partie de session de printemps, l'Assemblée parlementaire a aussi attribué le prix de l'Europe 2021. Créé par l'APCE en 1955, il s'agit de la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen (jumelages, manifestations, échanges, etc.). Ce Prix est constitué d'un trophée itinérant, d'une médaille, d'un diplôme et d'une bourse pour un voyage d'études auprès des institutions européennes de jeunes de la commune lauréate.

La sous-commission du Prix de l'Europe est chargée d'examiner les candidatures pour les quatre distinctions (Prix de l'Europe, Plaquette d'honneur, Drapeau d'honneur et Diplôme européen) et elle soumet ses choix à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour approbation.

La plus haute distinction du Prix, octroyée chaque année par l'Assemblée parlementaire pour récompenser la municipalité qui assure de manière particulièrement active la promotion de l'idéal européen, a été attribuée cette année à Khmelnitski, en Ukraine. Cinq Plaquettes d'honneur, quatre Drapeaux d'honneur et six Diplômes européens ont également été décernés : une ville française a été distinguée à cette occasion puisque le Drapeau d'honneur a été attribué à Bayeux.

4. L'élection d'un seul juge à la Cour européenne des droits de l'Homme

Il revient aux membres de l'APCE d'élire les juges proposés par les États membres pour un mandat de neuf ans au sein de la Cour européenne des droits de l'Homme. La session de printemps devait donner lieu à deux scrutins destinés à pourvoir les sièges des juges belge et polonais. Toutefois, seul le juge de la Belgique a été désigné par l'Assemblée parlementaire.

a) Le scrutin de désignation du juge de la Belgique

Lors de sa séance du matin du 20 avril, les membres de l'Assemblée parlementaire ont élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de la Belgique. Les suffrages ont été exprimés comme suit :

- Mme Maïté De Rue : 81 voix ;

- M. Frédéric Krenc : 148 voix ;

- Mme Sylvie Sarolea : 29 voix.

M. Frédéric Krenc a donc été élu juge à la Cour européenne des droits de l'Homme dès le premier tour de scrutin.

b) Le rejet de la liste de candidats présentée par la Pologne

En revanche, l'APCE n'a pas désigné de juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de la Pologne.

En effet, lors de sa réunion du 9 avril 2021, la commission de l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme, chargée de donner préalablement son avis sur les listes présentées par les États, a considéré que la liste présentée par les autorités polonaises dans la perspective de ce scrutin n'était pas conforme aux normes requises par l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres.

Lors de l'examen du rapport d'activité du Bureau en ouverture de la session de printemps, le 19 avril, M. Arkadiusz Mularczyk s'est opposé, au nom de la délégation polonaise, à la recommandation de la commission de l'élection des juges de rejeter la liste des candidats au titre de son pays. L'Assemblée parlementaire, par 54 voix contre 28, a conforté la décision de sa commission.

En conséquence, le Gouvernement polonais devra soumettre une nouvelle liste de candidats d'ici une prochaine session de l'APCE.

C. LES AUDITIONS ET ÉCHANGES DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE AVEC PLUSIEURS PERSONNALITÉS

L'APCE a pour habitude de recevoir, en séance plénière, les représentants du pouvoir exécutif de l'un ou de plusieurs États membres du Conseil de l'Europe sur les questions touchant aux droits de l'Homme et à la démocratie. Celle d'avril 2021 n'a pas dérogé à cette tradition, qui permet aux membres de l'Assemblée parlementaire de questionner les chefs d'État et de gouvernement en question au cours d'échanges très directs. De même, une part de l'ordre du jour a aussi été consacrée à l'audition des plus hauts représentants de l'organe exécutif du Conseil de l'Europe (à savoir le Président du Comité des Ministres) et des services de l'Organisation (à travers la Secrétaire générale et la Commissaire aux droits de l'Homme).

1. Les échanges de l'Assemblée parlementaire avec trois personnalités politiques européennes

Au cours de la session de printemps, trois responsables politiques européens ont été amenés à s'exprimer devant l'Assemblée parlementaire en séance plénière : Mme Maïa Sandu, Présidente de la République de Moldavie, récemment élue ; Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale de l'Allemagne, dont le pays assurait alors la présidence du Comité des Ministres ; enfin, M. David Sassoli, Président du Parlement européen.

a) L'allocution de Mme Maïa Sandu, Présidente de la République de Moldavie

Lundi 19 avril 2021, l'APCE a écouté un discours de Mme Maïa Sandu, Présidente de la République de Moldavie élue le 15 novembre 2020. Après avoir été Première ministre quelques mois en 2019, elle s'est présentée aux suffrages de ses concitoyens lors de l'élection présidentielle de l'automne dernier, où elle a recueilli 57,72 % des voix au deuxième tour, face au Président sortant. Elle est la première femme élue à cette fonction dans son pays.

La Présidente de la République de Moldavie a débuté son propos en insistant sur le rôle du Conseil de l'Europe dans l'établissement et le maintien des valeurs et des normes définissant les nations européennes d'aujourd'hui, dans la consolidation démocratique et la stabilité, ainsi que dans l'existence d'un dialogue sur le continent. Elle a relevé que la Moldavie est une petite nation européenne, qui fêtera ses trente ans d'indépendance en août 2021 et qui possède tous les ingrédients pour réussir depuis les dernières élections qui ont uni les Moldaves de toutes origines autour d'une demande centrale de gouvernement responsable, au service des intérêts nationaux et non d'intérêts personnels.

Mme Maïa Sandu a relevé que la perception de la population moldave en un avenir meilleur repose sur plusieurs éléments clés : une véritable lutte contre la corruption, des lois efficaces, un système judiciaire responsable et indépendant, un climat favorable au développement économique, un environnement de meilleure qualité, des infrastructures développées et de bons systèmes éducatif et de santé. Elle a estimé que ces objectifs coïncidaient avec ses priorités stratégiques.

Au premier rang de ces priorités figure la fin de la corruption généralisée, qui freine la démocratie, érode le secteur public et les entreprises d'État. Selon des évaluations internationales, la Moldavie est confrontée à près d'un milliard de dollars par an de flux financiers illicites dus à la corruption, au blanchiment d'argent et à la contrebande. Une fraction seulement de cet argent suffirait à doubler les salaires des enseignants ou à réparer la plupart des routes du pays.

Cet objectif ne peut être atteint par une seule institution : la Présidence, le Parlement et le gouvernement doivent avoir une vision commune de la lutte contre la corruption. C'est la raison pour laquelle les élections législatives anticipées, qui auront lieu prochainement, donneront l'occasion de poursuivre un programme de réforme sérieux, sur la voie de la démocratie et du rétablissement de la confiance entre le peuple et l'État.

La deuxième priorité stratégique concerne la réforme de la justice. C'est la base pour accroître les investissements dans l'économie et renforcer l'efficacité du secteur public. Un État moins corrompu doublé d'un système judiciaire impartial et indépendant créeront une base solide pour une économie fonctionnelle et la croissance économique, ce qui générera à son tour des recettes budgétaires pour reconstruire les infrastructures du pays et investir dans le capital humain.

La Présidente de la République de Moldavie a estimé que la poursuite de ces priorités pouvait reconnecter les institutions avec le peuple. Elle a jugé primordial le dévouement au service de la population des responsables du secteur public et de l'ensemble des fonctionnaires.

Rappelant que, ces vingt-six dernières années, le Conseil de l'Europe avait joué un rôle crucial en aidant la Moldavie à faire sa transition vers un système plus démocratique, elle a estimé que, par devers les lassitudes face aux réformes répétées, il fallait persévérer. Elle a espéré que cet appui allait se poursuivre, la Moldavie ayant encore besoin d'aide, même si la détermination populaire en faveur du changement est forte. Elle a conclu en insistant sur l'unité nécessaire pour réussir, tant au niveau de la Moldavie que de la « famille des nations » que représente le Conseil de l'Europe.

Lors des échanges qui ont suivi l'allocution de la Présidente de la République de Moldavie avec les membres de l'Assemblée parlementaire, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a souhaité savoir comment Mme Maïa Sandu entendait réaliser sa promesse de lutte renforcée contre la corruption en l'absence de majorité au Parlement moldave.

Mme Maïa Sandu lui a répondu que la Cour constitutionnelle venait de rendre une décision, quelques jours plus tôt, l'autorisant en sa qualité de Présidente de la République à dissoudre le Parlement national et ouvrant ainsi la voie à des élections législatives rapides. Dans cette perspective, elle s'est montrée confiante dans l'obtention d'une majorité de parlementaires soutenant un programme de lutte contre la corruption, lequel est avant tout le programme de l'ensemble du peuple moldave.

b) Le discours de Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale d'Allemagne

Mardi 20 avril 2021, l'Assemblée parlementaire a entendu Mme Angela Merkel, Chancelière fédérale d'Allemagne depuis le 22 novembre 2005, qui a annoncé mettre un terme à son mandat de cheffe du Gouvernement à l'occasion des prochaines élections législatives allemandes à l'automne prochain.

En ouverture de son propos la Chancelière fédérale a souligné qu'il y a 70 ans, la République fédérale d'Allemagne était devenue un membre à part entière du Conseil de l'Europe, voyant dans cette adhésion un pas important vers la possibilité d'assumer à nouveau des responsabilités internationales. Elle a estimé que quelques années seulement après la Seconde guerre mondiale et la violation de la civilisation commise par la Shoah, son pays avait reçu la main tendue de la réconciliation : le Conseil de l'Europe a ainsi été la première organisation intergouvernementale en Europe et la première organisation internationale à accueillir à nouveau l'Allemagne dans la communauté des Nations.

Se référant à la clairvoyance d'hommes d'État comme Winston Churchill, qui envisageaient déjà, au sortir de la guerre, l'avenir à travers une Europe unie, Mme Angela Merkel a considéré que la création du Conseil de l'Europe avait concrétisé cette vision, en apportant l'espoir d'un avenir meilleur, dans la paix, la liberté et la prospérité ; une promesse, toutefois, qui, pour les peuples d'Europe centrale et orientale, n'a pu être réalisée que des décennies plus tard, après la chute du rideau de fer.

Le Conseil de l'Europe s'est toujours engagé à renforcer les droits de l'Homme, la démocratie et l'État de droit. L'adoption de la convention européenne des droits de l'Homme, en 1950, a reflété une nouvelle conception de la personne humaine et du rôle de l'État : les citoyens ne sont pas des objets de leur État mais disposent de droits et de libertés étendus ; chaque État doit respecter et protéger ces droits, c'est pourquoi le Conseil de l'Europe doit tirer la sonnette d'alarme lorsqu'ils sont en danger dans un État membre. Le Conseil de l'Europe a même fait un pas de plus en permettant aux citoyens de poursuivre leur propre État pour le respect de leurs droits et libertés devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Ainsi, de Lisbonne à Vladivostok, cette Cour est devenue la juridiction de dernier recours pour les victimes de violations des droits fondamentaux.

La Chancelière fédérale a jugé qu'avec le recul, il était permis d'affirmer que de nombreux espoirs d'après-guerre s'étaient réalisés. Aujourd'hui, l'Europe est le continent où les normes en matière de droits de l'Homme sont les plus élevées au monde. Le modèle européen d'État providence démocratique et d'économie de marché garantit une qualité de vie qui fait l'envie de nombreux pays ; or c'est précisément grâce à l'existence et au travail du Conseil de l'Europe.

Elle a malgré tout souligné, en se référant à la situation aux frontières extérieures de l'Europe et en Europe orientale, que la paix et la sécurité, la stabilité et la protection sociale ne peuvent être considérées comme acquises. Elle a notamment jugé plus qu'inquiétante la situation en Biélorussie, dans l'Est de l'Ukraine et en Crimée, en Transnistrie, en Ossétie du Sud, en Abkhazie, au Nagorny-Karabakh ou encore en Syrie et en Libye.

Mme Angela Merkel a fait valoir que le sérieux accordé à la situation des droits de l'Homme dans d'autres pays reflète toujours le sérieux accordé à la préservation des valeurs dans nos propres pays. C'est la raison pour laquelle la priorité a été donnée à l'État de droit lors de la présidence allemande du Conseil de l'Union européenne, en 2020, puis à la présidence allemande du Comité des Ministres, en voie d'achèvement.

L'État de droit est une base indispensable à la confiance des citoyens dans l'État et ses institutions, elle-même essentielle au fonctionnement et donc à la stabilité d'une démocratie. Or, cette confiance est éphémère et elle doit être gagnée jour après jour par les représentants de l'État. D'ailleurs, ce n'est qu'avec une confiance suffisante des citoyens que des crises telles que la pandémie de coronavirus, qui s'apparentent à un test pour les démocraties, peuvent être surmontées. Aussi, les restrictions des libertés individuelles doivent répondre à des conditions strictes et nécessitent une justification particulière : elles doivent être temporaires, nécessaires, appropriées et proportionnées.

La coopération internationale, si elle doit servir le bien de tous les intéressés, ne peut, elle aussi, fonctionner que sur la base d'un ordre fondé sur des règles convenues et respectées en commun. Un ordre fiable est la base de relations pacifiques et également économiquement rentables entre les États.

La Chancelière fédérale a observé que, outre la promotion de l'État de droit, le Conseil de l'Europe apporte également une contribution essentielle en luttant contre la corruption. Un ordre fondé sur des règles est également une condition préalable essentielle à la coexistence pacifique. Il est contraire aux valeurs fondamentales communes que la souveraineté et l'intégrité des États soient remises en question et méprisées, comme en Crimée ou dans le Haut-Karabakh. Le Conseil de l'Europe peut jouer un rôle décisif à cet égard mais seulement si tous ses organes travaillent en étroite collaboration. Un bon signe de cette coopération est le nouveau mécanisme conjoint entre l'APCE et le Comité des Ministres, par lequel le Conseil de l'Europe peut réagir aux violations de ses principes fondamentaux dans le dialogue et de manière appropriée.

Mme Angela Merkel a relevé qu'un ordre international fondé sur des règles est également nécessaire au vu des grands défis de l'époque contemporaine, qu'aucun pays ne peut relever seul. C'est le cas en ce qui concerne la pandémie de coronavirus, la protection du climat ou les développements rapides du cyberespace avec toutes leurs opportunités mais aussi leurs risques. La sécurité des utilisateurs ne peut être garantie que sur une base transfrontalière. Cela signifie que le Conseil de l'Europe a également un rôle à jouer, par exemple dans l'application de l'intelligence artificielle.

Mais les droits de l'Homme ne peuvent surtout être pleinement protégés que dans un ordre constitutionnel dans lequel la séparation des pouvoirs et l'indépendance du pouvoir judiciaire sont respectées. À cet égard, il est d'autant plus inquiétant qu'aujourd'hui, même dans certains États membres de l'Union européenne, la séparation des pouvoirs soit remise en question et que l'indépendance des tribunaux soit réduite.

La Chancelière fédérale a regretté que les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme soient souvent mis en oeuvre lentement et partiellement, voire inexécutés dans les cas où des personnes sont injustement emprisonnées. Elle a indiqué que les obligations en matière de protection des droits de l'Homme ne sont pas sujettes à discussion, raison pour laquelle il ne peut y avoir de primauté du droit national sur les obligations découlant de la convention européenne des droits de l'Homme.

Elle a plaidé pour que le Conseil de l'Europe et l'Union européenne coopèrent efficacement sur les questions de valeurs et de droits fondamentaux et s'est réjouie de la reprise des négociations relatives à l'adhésion de l'Union à la convention européenne des droits de l'Homme. S'agissant de la convention d'Istanbul, dont le mois de mai marque le dixième anniversaire de la première signature, elle a profondément regretté que la Turquie se soit retirée de ce traité. Elle a formulé le voeu que les États membres qui n'ont pas encore ratifié cette convention le fassent prochainement car la violence à l'égard des femmes est un crime qui doit être dénoncé et puni.

En conclusion, Mme Angela Merkel a rappelé qu'en 1951, le Chancelier Konrad Adenauer avait comparé le Conseil de l'Europe à une « conscience européenne ». Si les temps ont changé, et avec eux de nouveaux défis sont apparus, les valeurs fondamentales sur lesquelles l'Europe est construite et qui constituent son identité sont restées les mêmes. Pour cette raison, les membres de l'Assemblée parlementaire doivent rester vigilants et engagés pour prêter attention aux violations des droits de l'Homme et faire respecter ces derniers.

S'exprimant au nom du groupe ADLE, M. Olivier Becht (Haut-Rhin - Agir Ensemble) a tout d'abord demandé à la Chancelière fédérale, le jour même où l'APCE débattait de la question d'un « pass » sanitaire sur le covid-19, quelle était sa position sur un tel dispositif et si elle jugeait utile que les États suivent les préconisations du Conseil de l'Europe. Il l'a également interrogée, du haut de son expérience de quinze années à la tête de la Chancellerie fédérale, sur les coopérations concrètes à créer pour que des États membres du Conseil de l'Europe, notamment la Russie et la Turquie, restent fidèles aux valeurs de l'Organisation.

La Chancelière fédérale a répondu, sur le second point, que le Conseil de l'Europe abrite des États aux caractéristiques politiques et visions des questions critiques très différentes. Il a donc pour mission de concilier des opinions et des attitudes différentes, ce qui suppose de surmonter les tensions existantes. L'APCE est à cet égard un organe approprié.

S'agissant des certificats de vaccination, Mme Angela Merkel a indiqué que l'Union européenne avait accepté leur développement au format numérique avec une interface qui les rende compatibles dans tout son ressort géographique. Elle a constaté que seules les questions techniques avaient jusqu'à présent été examinées et pas les aspects juridiques. En Allemagne, le débat s'engage sur la manière de traiter les personnes et les citoyens en matière de vaccination, y compris sous l'angle des variants du virus, mais cette question va se poser pendant de nombreuses années. En tout état de cause, le certificat de vaccination de l'Organisation mondiale de la santé, valable au niveau international, peut constituer une référence intéressante.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , après avoir salué l'engagement européen profond, sincère et déterminant de la Chancelière fédérale, a souligné qu'elle représentait un exemple pour beaucoup de femmes désireuses d'engagement en politique. Constatant que bien des « plafonds de verre » et des résistances subsistent encore en la matière, elle lui a demandé les conseils et propositions qu'elle était susceptible de donner pour favoriser l'émancipation féminine dans l'exercice des responsabilités sur l'ensemble du continent européen.

En réponse, la Chancelière fédérale a estimé, sur la base de sa propre expérience du « plafond de verre » auquel se heurtent les femmes pour leurs carrières, qu'il fallait poser des repères, y compris par le biais de normes juridiques. Ayant elle-même longuement défendu le volontariat en la matière, elle a reconnu qu'il s'était avéré nécessaire, en Allemagne, de réglementer par la loi la présence des femmes dans les conseils de surveillance ou d'administration des entreprises, afin qu'elles deviennent un exemple pour les autres membres de ces conseils.

c) Les échanges avec M. David Sassoli, Président du Parlement européen

Mercredi 21 avril 2021, les membres de l'APCE ont eu des échanges avec M. David Sassoli, Président depuis le 3 juillet 2019 du Parlement européen, dont le siège est comme l'APCE à Strasbourg mais qui n'y a plus tenu de réunions depuis le printemps 2020 en raison de la pandémie de coronavirus.

Lors de son propos liminaire, le Président du Parlement européen a plaidé en faveur d'une Union européenne plus efficace, plus flexible, plus résistante et plus démocratique. Se référant à la crise sanitaire qui frappe la planète, il a souligné que le seul moyen de la surmonter était la solidarité, au sein de l'Europe et avec le reste du monde, et rappelé l'adoption de politiques sans précédent qui, quelques mois plus tôt, auraient été impensables. Par la négociation et l'adoption de l'instrument de relance économique et du cadre financier pluriannuel, un véritable modèle de développement durable pour l'Union européenne, centré sur la justice sociale et environnementale, a ainsi été mis sur pied.

M. David Sassoli a souligné que c'est dans ce contexte que sera lancée la Conférence sur l'avenir de l'Europe, le 9 mai prochain. L'objectif de celle-ci est d'avoir un moment de réflexion sur les leçons de la crise, ainsi que sur la manière de renforcer la démocratie européenne. Malheureusement, a-t-il également averti, les valeurs qui guident l'Union et le Conseil de l'Europe ne sont pas indestructibles, de sorte que leur défense requiert toute la détermination et toute l'énergie des défenseurs de l'idéal européen. D'ailleurs, le retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul montre clairement que des reculs affectent actuellement le respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques ; de même, en Biélorussie, les crimes et violations des droits de l'Homme ne doivent pas rester impunis.

Se référant à la détention d'Alexeï Navalny, le Président du Parlement européen a appelé à travailler ensemble pour assurer que les autorités russes fournissent d'urgence l'assistance médicale dont cet opposant injustement emprisonné a besoin. Il a également affirmé que le Parlement européen continuera à exiger sa libération immédiate et inconditionnelle.

Quant au déploiement de troupes russes le long des frontières ukrainiennes et en Crimée, il a déclaré qu'un relâchement des tensions est essentiel, comme il est essentiel que la Russie prenne du recul et respecte ses engagements internationaux.

En conclusion, M. David Sassoli a déclaré attendre avec impatience le jour où les liens entre le Parlement européen et l'APCE seront encore renforcés, notamment à la suite de l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme. Il s'est réjoui de la reprise des négociations d'adhésion, traduction de la détermination des autorités communautaires à atteindre cet objectif dont le Parlement européen a été un promoteur actif.

Après avoir rappelé que la pandémie de coronavirus avait représenté un défi majeur pour les institutions parlementaires en général et que la plupart des Parlements avaient su trouver des solutions empiriques pour continuer à débattre et à émettre des votes sans mettre en péril la santé de leurs membres, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a déploré que le Parlement européen ne se soit pas inscrit dans les pas de l'APCE, qui a repris ses sessions plénières à Strasbourg au format hybride depuis le mois de janvier, et ce alors que les traités européens prévoient qu'il siège lui-aussi dans cette ville. Elle a donc demandé au Président du Parlement européen pourquoi celui-ci n'avait pas été capable de faire ce que l'APCE, pourtant dotée de moins de moyens, avait été en mesure d'accomplir sans pour autant mettre en danger la santé et la sécurité de ses membres.

En réponse, M. David Sassoli a insisté sur la difficulté à réunir vingt-sept représentations nationales. Il a indiqué avoir travaillé avec les autorités françaises sans pour autant être en mesure de tenir les sessions plénières à Strasbourg en raison de « problèmes objectifs », tels que le transfert de plusieurs milliers de membres du personnel du Parlement européen et leur retour dans leur pays de résidence. Il a remercié les autorités françaises pour leur compréhension à cet égard et souligné la volonté du Parlement européen de revenir siéger à Strasbourg, ville symbole de l'histoire européenne, tout en faisant remarquer que la priorité actuelle est de défendre la santé des députés européens et des personnels qui les assistent.

2. L'intervention en séance plénière de trois hauts responsables du Conseil de l'Europe

Lors de la session de printemps, les membres de l'Assemblée parlementaire ont pu interroger la Secrétaire générale de l'Organisation et entendre la traditionnelle allocution du Président en exercice du Comité des Ministres. Cette semaine de débats a aussi été marquée par la présentation du rapport annuel d'activité de la Commissaire aux droits de l'Homme, qui a donné lieu à des échanges nourris.

a) La séance de questions à Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe

La Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, a répondu à plusieurs questions orales de membres de l'APCE lors d'une séance spécifique sur le sujet, mardi 20 avril. À la différence des autres personnalités du Conseil de l'Europe, elle n'a pas prononcé de propos liminaire.

Au cours de cette séance, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a été interrogée sur le danger d'un conflit armé imminent entre la Russie et l'Ukraine, dans le contexte du renforcement des troupes russes près de la frontière ukrainienne. Elle a expliqué que si des organisations telles que l'ONU et l'OSCE étaient intéressées par la dimension sécuritaire de la crise, le rôle du Conseil de l'Europe était de veiller à ce que les droits de l'Homme soient respectés par toutes les parties. Elle a ajouté que le Conseil de l'Europe continuerait à soutenir pleinement la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

Interrogée sur la convention d'Istanbul, qui a récemment été dénoncée par la Turquie, la Secrétaire générale a reconnu qu'il s'agissait-là de la « référence » internationale en matière de protection des femmes contre toutes les formes de violence, y compris les violences domestiques. Elle a souligné le rôle du traité en tant qu'instrument normatif qui surpasse la plupart des législations nationales et qui dispose de son propre mécanisme de contrôle.

En réponse à une question sur le système conventionnel au sens large, la Secrétaire générale s'est félicitée de la convention européenne des droits de l'Homme, qu'elle a qualifiée de « mère de toutes les conventions », ainsi que de la Charte sociale européenne. Elle a appelé à mettre davantage en oeuvre ces traités au niveau national et a estimé que les deux principaux défis futurs pour l'Organisation sont les droits de l'Homme dans le contexte de l'intelligence artificielle et de l'environnement.

D'autres questions des parlementaires ont porté sur le retour des prisonniers de guerre arméniens détenus en Azerbaïdjan, la manière de mettre fin aux tensions persistantes entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, le financement futur de l'Organisation et la meilleure façon de faire face à la montée de la discrimination et du racisme en Europe.

b) La présentation du rapport annuel d'activité de la Commissaire aux droits de l'Homme, par Mme Dunja Mijatoviæ

Lors de la séance du mercredi 21 avril, l'APCE a examiné le troisième rapport annuel d'activité de la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Mme Dunja Mijatoviæ, cinquième titulaire de ce poste élue en janvier 2018.

Lors de son propos liminaire, la Commissaire aux droits de l'Homme a notamment observé que la pandémie de covid-19 a accéléré l'érosion du tissu démocratique de nos sociétés et révélé avec une clarté tragique les nombreuses inégalités qui existent dans nos pays, quand elle ne les a pas accrues. La pandémie a également mis en lumière les problèmes structurels qui affectent les systèmes de santé dans nombre d'États membres après des années de mesures d'austérité, de négligence et de corruption qui ont érodé les infrastructures, le personnel mais aussi les ressources de la santé publique.

Pour sortir de la crise, outre la découverte de vaccins et de thérapies, la mise au point d'une logistique permettant d'assurer une distribution rapide et équitable des médicaments et des vaccins au sein de la population et au niveau mondial sera déterminante. Mais la pandémie a aussi montré l'urgence d'une réforme des soins de santé mentale dans nombre d'États membres : les pratiques psychiatriques coercitives restent encore malheureusement largement utilisées malgré l'absence de preuves de leur réelle efficacité et le fait qu'elles contreviennent à la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. De ce point de vue, les États doivent accélérer leur transition d'un modèle biomédical de santé mentale basé sur l'institution et la coercition vers un modèle communautaire axé sur le rétablissement et fondé sur le consentement.

Mme Dunja Mijatoviæ a ensuite évoqué la violence persistante à l'encontre des femmes, les inégalités entre les sexes et les obstacles à l'accès des femmes aux soins de santé sexuelle et reproductive, en déplorant notamment la décision de la Turquie de se retirer de la convention d'Istanbul et les velléités polonaises en la matière. Elle a aussi regretté l'aggravation, en 2020, de la pression exercée sur les défenseurs des droits de l'Homme, dont l'aide est importante en ce qui concerne la lutte contre l'afrophobie, les efforts pour sauvegarder l'environnement et la protection des droits des personnes LGBTI.

Après avoir dénoncé l'exposition en Europe des personnes d'ascendance africaine à des formes particulièrement graves de racisme et de discrimination raciale, notamment les stéréotypes raciaux, la violence raciste, le profilage racial dans la police et la justice pénale, la Commissaire aux droits de l'Homme a constaté que de nombreux défenseurs des droits de l'Homme qui mettent à jour la vérité sur les questions environnementales le faisaient souvent en courant un risque considérable de violentes attaques physiques, verbales et cybernétiques. De même, l'affaiblissement de la société civile LGBTI se produit au moment même où redoublent les attaques contre l'égalité des droits de ces personnes sur notre continent.

Malheureusement, le recul de la protection de la vie et des droits des réfugiés et des migrants s'aggrave lui aussi, ce qui provoque chaque année des milliers de décès évitables. À cet égard, la situation est particulièrement déplorable en Méditerranée, où les États se sont désengagés des opérations de sauvetage et entravent le travail des ONG, renonçant ainsi à leur obligation légale de secourir les personnes en détresse en mer.

Reconnaissant qu'aucun de ces problèmes n'est nouveau, la Commissaire aux droits de l'Homme a appelé les membres de l'APCE à sensibiliser leurs gouvernements et à oeuvrer au plan législatif.

Elle a conclu en évoquant sa mission très récente en Ukraine, dans un contexte de recrudescence des tensions, au cours de laquelle plusieurs sujets importants ont été évoqués, tels la perspective de ratification de la convention d'Istanbul, les lois linguistiques et les droits des minorités ainsi que, bien sûr, la situation dans les zones non contrôlées par le gouvernement. Elle a indiqué que, même si elle pensait avoir peu de chances de se rendre en Crimée, elle continuerait à défendre les droits humains des personnes qui y vivent.

À l'occasion de la séance de questions posées à la Commissaire aux droits de l'Homme, Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) , s'exprimant au nom du groupe des Socialistes, démocrates et verts, a tout d'abord observé que le rapport annuel faisait une large place au droit et à la liberté d'information, en mentionnant des actes d'intimidation et de représailles, la législation de censure et l'engagement d'actions injustes contre les journalistes. Elle a donc souhaité la mise en place de mesures attirant l'attention de l'opinion publique sur ces manquements afin de protéger les journalistes, journaux et médias indépendants, ainsi que les lanceurs d'alerte.

Sur la question des migrations, elle a rappelé qu'au terme de l'accord de 2016, l'Union européenne s'était engagée à verser 6 milliards d'euros pour aider la Turquie. Elle a demandé à la Commissaire aux droits de l'Homme sa position sur les conditions dans lesquelles un tel accord doit préserver à la fois les droits des migrants et les obligations des États à exercer leurs obligations internationales en matière de droit d'asile mais aussi faire jouer la solidarité entre États, qu'ils soient membres du Conseil de l'Europe ou non.

En réponse, M me Dunja Mijatoviæ a notamment déploré le récent décès d'un journaliste en Grèce, illustrant par-là que l'Union européenne n'est plus l'endroit sûr, l'oasis de sécurité supposée des journalistes. Elle a donc plaidé pour une action vigoureuse auprès des États membres sur ce sujet.

Pour ce qui concerne la question migratoire, elle a indiqué être en contacts permanents avec la Commissaire européenne Ylva Johansson, tant sur la situation liée à la réponse de l'Union européenne, y compris en Turquie, que sur celle en Méditerranée ou dans de nombreux autres États, y compris les Balkans occidentaux. Elle a constaté que la solidarité et la volonté des dirigeants politiques de parvenir à une solution durable et conforme aux droits de l'Homme faisait défaut et fait valoir que, quant à elle, elle continuerait à se faire entendre sur cette question.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a souligné que, dans son rapport annuel, la Commissaire aux droits de l'Homme indiquait avoir écrit au Sénat français à propos de la proposition de loi sur la sécurité globale et il a tenu à l'informer que le texte finalement adopté intègre de nombreuses modifications apportées par le Sénat encadrant plus strictement certaines dispositions pour assurer une conciliation indispensable avec la protection des libertés publiques et individuelles.

Observant que le rapport annuel relevait également de manière générale que les principales menaces pour les droits de l'Homme sont des problèmes anciens mais qui ont été amplifiés par la pandémie de covid-19, telle l'érosion inquiétante de l'État de droit, il a ensuite demandé à la Commissaire aux droits de l'Homme comment elle comptait agir pour contrer ces tendances négatives.

M me Dunja Mijatoviæ lui a répondu qu'elle procédait à des évaluations particulièrement minutieuses de la situation des droits de l'Homme dans les États membres et décidait, ensuite, sur la base de ses évaluations, des modalités de sa réaction publique.

S'agissant de la proposition de loi sur la sécurité globale, elle a rappelé avoir fait entendre sa voix sur le sujet et soulevé la question particulière liée à la liberté d'expression. Elle a considéré que, ce faisant, elle remplissait pleinement son mandat au service des droits de l'Homme en Europe.

c) La communication du Président du Comité des Ministres, M. Michael Roth, ministre-adjoint chargé des affaires européennes au ministère fédéral des affaires étrangères de l'Allemagne

Deuxième session du semestre de présidence allemande du Comité des Ministres, cette session plénière de printemps de l'APCE a été l'occasion, pour M. Michael Roth, ministre-adjoint chargé des affaires européennes au ministère fédéral des affaires étrangères de l'Allemagne, de dresser un bilan de l'action de son pays en faveur du Conseil de l'Europe au cours des six mois écoulés. Il est intervenu à cet effet devant l'ensemble des membres de l'Assemblée parlementaire, le jeudi 22 avril, et a répondu à leurs questions.

Au cours de son allocution liminaire, M. Michael Roth a souligné que, dans un contexte de mise sous pression de la démocratie et de progression du nationalisme, du populisme et de l'autoritarisme, la présidence allemande s'était attachée à renforcer le Conseil de l'Europe dans ses missions essentielles, à savoir la défense de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'Homme. Il a évoqué différents volets de l'État de droit sur lesquels l'attention avait plus particulièrement été apportée au cours de ce semestre de présidence allemande : la protection de l'indépendance du pouvoir judiciaire, la protection des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, notamment les Roms, et une lutte efficace et résolue contre la corruption.

M. Michael Roth a déploré le retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul, alors même que le phénomène des violences domestiques s'était accru pendant la pandémie de coronavirus. Il a jugé essentiel de mettre des barrières pour que ces violences cessent, en appelant les États membres à soutenir résolument, et si besoin signer et ratifier, la convention d'Istanbul, qu'il a qualifié d'« instrument de protection » à renforcer.

Constatant avec préoccupation que beaucoup d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme n'étaient pas appliqués, il a rappelé que l'adhésion au Conseil de l'Europe impliquait que ces arrêts soient mis en oeuvre et que les missions de suivi du respect des obligations liées à l'adhésion aient accès à tous les endroits où elles souhaitent se rendre, afin de vérifier que les droits de l'Homme ne soient pas violés.

Enfin, M. Michael Roth a salué la relance des négociations sur l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme, en considérant que cette perspective serait bénéfique non seulement à l'Union et ses États membres mais également au Conseil de l'Europe, en montrant à quel point ce traité est un véritable cadeau pour les citoyens de toute l'Europe.

À l'issue de son intervention liminaire, Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) , oratrice du groupe ADLE, a interrogé le président du Comité des Ministres sur les droits environnementaux et la reconnaissance d'un droit à un environnement sain. Elle a notamment rappelé que, selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement, l'exercice des droits humains suppose obligatoirement l'existence d'un environnement sûr, sain et propre et qu'en 2009, l'APCE avait invité le Comité des Ministres à élaborer un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme reconnaissant le droit à un environnement sain et viable, sans que cette initiative aboutisse. Considérant que ce sujet a une résonance particulière pour l'Assemblée nationale française, qui a voté un projet de loi sur le climat et la résilience face au dérèglement climatique, elle a souhaité savoir si la présidence allemande serait favorable à l'élaboration d'une convention visant à assurer le droit à un environnement sain, sûr et durable pour la génération actuelle et les générations futures.

En réponse, M. Michael Roth s'est montré attaché à la défense de l'environnement, de la biodiversité, des écosystèmes et du climat, qu'il a qualifiée de condition essentielle pour la réalisation des droits de l'Homme. Il a indiqué qu'en mai 2020, l'Allemagne s'était jointe à la Géorgie et à la Grèce pour demander qu'un instrument international sur l'environnement et les droits de l'Homme soit adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, si possible d'ici la fin de 2021. Il a salué le travail du comité directeur pour les droits de l'Homme, qui a élaboré un projet et continue à y travailler, tout en s'interrogeant sur la portée juridique du texte proposé, à propos de laquelle les avis sont encore très divergents à l'heure actuelle.

III. DES DÉBATS AXÉS SUR DES ENJEUX DÉMOCRATIQUES, LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE CATÉGORIES VULNÉRABLES ET DES PRÉOCCUPATIONS D'ACTUALITÉ

La deuxième partie de la session ordinaire de 2021 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a été ponctuée par la discussion de plusieurs projets de résolutions et de recommandations portant sur des enjeux divers, mais essentiels et en lien direct avec l'actualité.

Nonobstant plusieurs débats ayant trait au respect de l'État de droit, des processus démocratiques et des droits de l'Homme dans certains États membres du Conseil de l'Europe ou situés à ses confins immédiats (à l'instar de la Biélorussie), l'APCE s'est préoccupée de la situation des personnes plus particulièrement vulnérables (les malades d'affections de longue durée, les minorités). De même, elle s'est prononcée sur des sujets en phase avec l'actualité, telle la question de la contribution fiscale des géants du numérique ou celle des certificats de vaccination contre le SARS-Cov-2.

Parmi ces débats, quatre ont été introduits par des membres de la délégation française, confirmant ainsi le haut degré d'implication de ceux-ci dans les sujets expertisés par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Les thématiques en question ont porté sur :

- la situation des Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées à la suite du dernier conflit au Haut-Karabakh, sur le propos liminaire de M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française ;

- la nécessité d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme en Biélorussie, sur le rapport de Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche) ;

- les discriminations à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longues durées, sur le rapport de Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) ;

- et l'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021, sur le rapport de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) .

A. UNE PRIORITÉ ET UNE VIGILANCE RÉAFFIRMÉES À L'ÉGARD DE LA DÉFENSE DE LA DÉMOCRATIE ET DE L'ÉTAT DE DROIT

Chaque session de l'APCE comporte des échanges et l'examen de textes sur ce qui constitue son « coeur de métier », à savoir l'analyse des évolutions constatées chez certains États membres - ou ayant vocation à le devenir - en matière de standards électoraux, démocratiques et judiciaires. La session de printemps 2021 s'est parfaitement inscrite dans ce cadre.

1. Une forte inquiétude au sujet de la situation en Biélorussie

Le 21 avril, l'Assemblée parlementaire a tenu un débat conjoint sur la Biélorussie, pays qui s'était vu décerner en 1993 le statut d'invité spécial en vue de rejoindre Conseil de l'Europe mais n'en est pas devenu membre en raison, notamment, de la persistance du recours à la peine de mort et de l'absence de progrès démocratiques. Si ce statut a été suspendu en 1997 et le processus d'adhésion gelé, le pays a entretenu des relations plus ou moins suivies avec la Commission de Venise : jusqu'en 2012, cette dernière a émis de nombreux avis sur des réformes constitutionnelles, législatives et électorales envisagées par les autorités. De surcroît, un plan d'action pour la Biélorussie a été adopté par le Comité des Ministres en juillet 2019 : instrument de programmation stratégique permettant une approche inclusive et structurée de la coopération, ce plan s'articule autour des trois piliers opérationnels de l'Organisation (à savoir les droits de l'Homme, l'État de droit et la démocratie), avec des activités basées sur les conventions et des coopérations.

a) L'affirmation de la nécessité urgente d'une réforme électorale dans ce pays

Sur le rapport de Lord David Blencathra (Royaume-Uni - CE/AD), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, l'Assemblée parlementaire a tout d'abord adopté une résolution et une recommandation actant la nécessité urgente d'une réforme électorale en Biélorussie.

Au cours de la discussion générale, le rapporteur a tout d'abord remarqué, sur la base des nombreuses observations d'élections sur place par l'APCE par le passé, que les élections en Biélorussie n'ont jamais respecté les normes internationales de liberté et d'équité. Il ne s'est pas montré surpris que, en août 2020, à la suite d'un énième scrutin similaire aux précédents, les citoyens biélorusses aient massivement contesté les résultats dans la rue.

L'objectif poursuivi par le travail de la commission des questions politiques a consisté à élaborer des recommandations neutres en vue d'une réforme de la loi électorale biélorusse afin que le système électoral devienne transparent, responsable et finalement crédible.

Lord David Blencathra a précisé que, dans la préparation de son rapport, il avait essayé d'entrer en contact avec toutes les parties prenantes, y compris les autorités biélorusses. Malheureusement, celles-ci ont ignoré cette démarche, à la différence des représentants de la société civile.

Balayant les critiques dont il a fait l'objet au cours de la préparation de son travail, le rapporteur a reconnu que l'APCE n'avait certes pas observé les dernières élections présidentielles en Biélorussie, en raison d'une invitation tardive dans un contexte sanitaire difficile, mais il a insisté sur le fait qu'elle avait observé les élections précédentes au cours des vingt années antérieures, avec à chaque fois le constat des mêmes défaillances. Il a ajouté que, bien que la Biélorussie ne soit pas un État membre du Conseil de l'Europe, l'Assemblée parlementaire pouvait fort bien, sur la base de sa grande expertise, formuler des conseils pratiques et techniques pour réformer le système électoral biélorusse.

Lord David Blencathra a estimé que la nécessaire objectivité des propositions de réformes formulées ne valait pas quitus pour les effroyables violations des droits de l'Homme et les graves défaillances du système électoral qui perdurent depuis plus de deux décennies. De ce point de vue, l'ambiguïté n'est pas permise : les élections d'août 2020 n'étaient ni libres, ni équitables.

Réitérant sa position sur la nécessité de procéder à une réforme électorale avant que de nouvelles élections puissent avoir lieu, il a reconnu qu'une réforme électorale prendrait du temps et ne pouvait pas servir de prétexte aux autorités pour reporter indéfiniment les élections. Il a toutefois estimé que des élections anticipées ne peuvent avoir lieu à n'importe quel prix, raison pour laquelle la commission des questions politiques et de la démocratie avait fixé des conditions à respecter.

En conclusion, le rapporteur a estimé que l'objectivité du travail de l'APCE était le meilleur gage pour pouvoir discuter d'une réforme électorale nécessaire avec les autorités biélorusses, quelles qu'elles soient à l'avenir, afin d'ouvrir la voie à une nouvelle Biélorussie, fondée sur les droits de l'Homme, la démocratie et l'État de droit.

b) La prescription d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme qui s'y trouvent perpétrées

Sur le rapport de Mme Alexandra Louis (Bouches du Rhône - La République en Marche) , au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, l'APCE a également adopté le même jour une résolution et une recommandation appelant à la tenue d'une enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme commises en Biélorussie.

En ouverture de la discussion générale, la rapporteure a salué le mouvement courageux de protestation et de résistance pacifique du peuple biélorusse après l'élection présidentielle truquée au mois d'août 2020, un mouvement de protestation dans lequel les femmes ont joué un rôle crucial, avec à leur tête la candidate d'opposition, Mme Svetlana Tikhanovskaya. Elle a également dénoncé les violences indicibles des forces de l'ordre pour supprimer le mouvement populaire, révélées par des images insoutenables de tortures et de violences à l'encontre des manifestants pacifiques, dont des femmes, des jeunes, des personnes handicapées, dans une totale impunité.

Mme Alexandra Louis a rappelé que, face à cette situation, l'APCE avait souhaité formuler des propositions concrètes pour combattre l'impunité des tortionnaires et de leurs responsables hiérarchiques. Combattre l'impunité est d'abord une question de principe, de justice universelle, mais c'est aussi une arme de dissuasion qui consiste à envoyer un signal fort aux violeurs des droits humains, afin qu'ils sachent qu'ils devront répondre de leurs actes.

Observant que l'appareil judiciaire biélorusse est, en l'état, incapable ou empêché politiquement de faire la justice dans de tels cas, la rapporteure a déploré l'absence de poursuites contre les agents publics violents, même en cas de mort d'homme, quand dans le même temps les médecins, avocats, défenseurs des droits humains et journalistes qui s'emploient à documenter et à rendre publiques les exactions se trouvent poursuivis pénalement sur la base de lois floues. La Commission de Venise a d'ailleurs adopté un avis sur la compatibilité de certaines de ces lois pénales avec les principes européens en la matière ; sans surprise, elle a conclu que ces bases légales des poursuites sont excessivement vagues.

Mme Alexandra Louis a appelé à reconnaître comme « prisonniers politiques », aux termes de la Résolution 1900 (2012), toutes les personnes emprisonnées pour avoir participé aux manifestations pacifiques ou pour avoir publié des informations sur ces manifestations et sur leur répression, ou encore pour avoir aidé les victimes de la répression en tant qu'avocats ou autres défenseurs des droits humains, ainsi que les chefs de l'opposition démocratique. La libération de toutes ces personnes doit en effet être la première des priorités.

La deuxième priorité doit consister à envoyer un signal fort contre l'impunité, notamment en s'appuyant sur l'initiative du Parlement européen créant une plate-forme de coordination qui recueille, analyse et évalue les informations et les éléments de preuve pertinents des exactions commises en Biélorussie. Les informations ainsi recueillies et évaluées pourront être mises à la disposition des autorités des États européens à une double fin : tout d'abord, pour faire usage de la compétence universelle de leurs tribunaux nationaux ; ensuite, pour aider les États et l'Union européenne à imposer des sanctions ciblées, via par exemple des dispositifs « Magnitsky », existants ou à créer.

En conclusion, la rapporteure a souhaité avoir une pensée pour la jeunesse biélorusse, qui comporte les ferments d'un avènement de la démocratie.

Lors de la discussion générale, M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) , s'exprimant au nom du groupe ADLE, a comptabilisé que cela faisait deux cent cinquante-six jours que les Biélorusses se battaient pour une nouvelle élection présidentielle libre. Il a souligné qu'ils se battaient entre autres pour leur nation, leur identité retrouvée, la fierté d'être citoyens d'un pays situé entre la Russie et l'Europe et qui doit s'inventer une place singulière et inédite dans le XXI ème siècle, mais aussi pour la vérité et la transparence. Il a relevé qu'ils étaient d'ailleurs descendus dans la rue bien avant le 9 août puisque les mensonges avaient commencé pendant la campagne, avec l'arrestation des candidats les plus populaires.

Les coups de matraque, la torture, les humiliations, les viols, les conditions épouvantables des prisons, le coronavirus rendent certes la mobilisation moins impressionnante que cet été ou que cet automne, mais les Biélorusses mènent des contestations locales et c'est la société civile qui est en train de naître en coordination étroite avec les équipes de Svetlana Tikhanovskaya, réfugiée à Vilnius, et de Pavel Latouchka, réfugié à Varsovie. Ces deux capitales ne sont pas un hasard : la Lituanie et la Pologne se montrent exemplaires dans le soutien à cette lutte.

Lorsque Svetlana Tikhanovskaya appelle les Européens à être plus courageux, elle pense aussi au dépassement des clivages et des divisions face à l'essentiel. Aujourd'hui, l'Europe ne fait pas assez pour la Biélorussie. Malgré le trucage des urnes, le Président Loukachenko est toujours là, ses fidèles aussi, et le nombre de prisonniers politiques augmente jour après jour, semaine après semaine, pour des raisons de plus en plus arbitraires, voire surréalistes.

M. Frédéric Petit en a appelé à un soutien plus direct aux associations humanitaires accueillant des réfugiés politiques, aux médias indépendants, aux comités de citoyens. Ce soutien est urgent car il existe des velléités des autorités russes d'utiliser le territoire biélorusse dans leur stratégie de pression autour de l'Ukraine. De plus, l'APCE doit pouvoir être reçue sur place car les enjeux sont fondamentaux et portent sur le rapport entre chaque citoyen et son gouvernement. En définitive, cette affaire est bien celle des membres du Conseil de l'Europe et l'oublier les menacerait tous, sans exception.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , a estimé que même si la Biélorussie n'est pas membre du Conseil de l'Europe, il n'était pas possible de rester indifférents et passifs devant les violations massives des droits humains et de l'État de droit perpétrées par le régime de ce pays, plus particulièrement depuis le 9 août 2020.

Elle a souligné que l'origine de la crise était à la fois politique et électorale. Politique, indiscutablement, parce que le peuple biélorusse n'en peut plus de ce régime autoritaire, corrompu et inefficace, qui est en place depuis 1994. Électorale, forcément, parce que le régime s'appuie sur des règles obsolètes et contraires aux standards internationaux en matière d'élections. Tout ce que souhaite ce régime en place, qui est illégitime, c'est de se maintenir coûte que coûte au pouvoir.

Le scrutin du 9 août 2020 a été marqué par de très graves irrégularités. Le peuple biélorusse ne s'y est pas trompé, lui qui a massivement bravé, des semaines et des mois durant, les persécutions du pouvoir et des forces de sécurité pour manifester pacifiquement. Ce courage, qui a conduit à des milliers d'arrestations et d'emprisonnements arbitraires, à plus de 500 cas de torture recensés, à des décès et à des milliers de plaintes restées sans suite, force le respect et oblige.

Mme Nicole Trisse a plaidé en faveur d'une aide à ce peuple, qui ne demande que des élections libres et démocratiques. Cela suppose de pouvoir recourir à la compétence juridictionnelle universelle. Il faut envoyer un signal fort aux bourreaux du régime qui doivent être poursuivis et sanctionnés. En outre, les organisations internationales, telles que l'Union européenne, devraient pouvoir agir à l'encontre des autorités via des mesures économiques renforcées. Enfin, la Biélorussie doit pouvoir sortir de ce cauchemar en refondant ses institutions et son système électoral. Et à cet égard, l'APCE doit aider ce pays, l'accompagner avec ses moyens, les conventions du Conseil de l'Europe et ses valeurs.

Pour conclure, elle a appelé l'Assemblée parlementaire à ne pas décevoir la société civile biélorusse, en condamnant les actes et les exactions intolérables d'un régime sclérosé et illégitime.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) a jugé que la Biélorussie fait tristement tache sur la carte de l'Europe car elle est le seul pays non signataire de la convention européenne des droits de l'Homme ; elle est également le seul pays qui n'a toujours pas aboli la peine de mort. Il s'agit aussi d'un pays où les trucages électoraux et les exactions du régime sont malheureusement réguliers.

Il a indiqué que, pas plus tard que le 20 avril 2021, l'ONG Reporters sans frontières venait de publier son classement sur la liberté de la presse dans le monde, dans lequel la Biélorussie recule encore et se situe au 158 ème rang sur 180 pays, soit le pire des rangs européens.

Depuis 1994, le pays est dirigé par un seul et même homme : M. Alexandre Loukachenko. Or, ce n'est pas la première fois que l'APCE se penche sur les pratiques inadmissibles qui ont cours en Biélorussie pour étouffer l'opposition démocratique. Déjà en 2004, M. Christos Pourgourides, avait, à la suite d'une enquête extrêmement approfondie et faisant référence, publié un excellent rapport sur les disparitions forcées en Biélorussie.

Rappelant qu'il était lui-même rapporteur de l'Assemblée parlementaire sur les disparitions forcées au sein du périmètre du Conseil de l'Europe et travaillait depuis deux ans avec M. Christos Pourgourides sur ces questions, M. André Gattolin a évoqué le rôle de M. Dmitri Pavlitchenko, ancien chef d'une unité spéciale de la police accusé de conduire un escadron de la mort qui a fait enlever et exécuter quatre opposants politiques à M. Loukachenko. Il a souligné que cet individu, qui avait disparu, était réapparu à l'occasion des manifestations postérieures à l'élection présidentielle pour mobiliser des forces obscures contre les militants. Il s'est aussi alarmé que des cas de disparitions forcées temporaires aient été recensés. Il a conclu en appelant tous les membres de l'APCE, et à travers eux tous les États membres du Conseil de l'Europe, à signer et ratifier la convention internationale contre les disparitions forcées.

2. Un focus sur la situation des Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées à la suite du dernier conflit au Haut-Karabakh

Sur proposition du groupe PPE/DC, le Bureau de l'APCE a inscrit à l'ordre du jour un débat d'actualité sur la situation des Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées. Ce type de débats, prévu à l'article 53 du Règlement de l'Assemblée parlementaire ne donne pas lieu à la présentation d'un rapport ni à un vote mais plutôt à une discussion générale libre. Il s'est tenu, en l'occurrence, le mardi 20 avril, en fin de journée.

En ouverture de la discussion, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, premier orateur désigné par le Bureau au nom du groupe PPE/DC, a tenu à préciser, en réponse à une objection formulée par le président de la délégation nationale d'Azerbaïdjan à l'ouverture de la partie de session, que le but du groupe PPE/DC n'était nullement d'exagérer la situation, ni de créer des obstacles à la paix. Prêter attention à un conflit qui met aux prises deux États membres du Conseil de l'Europe, suivre avec attention la situation des prisonniers de guerre, des détenus et des personnes déplacées, est pleinement en phase avec les finalités de l'APCE. Régler définitivement le différend qui oppose l'Arménie et l'Azerbaïdjan n'est pas l'objectif poursuivi, même si Strasbourg est elle-même un symbole de réconciliation et de paix ; en revanche, l'APCE doit aborder clairement cette question au nom des valeurs d'humanité qui fondent toute appartenance au Conseil de l'Europe.

Pendant le conflit, puis début 2021, la Cour européenne des droits de l'Homme a été saisie de requêtes interétatiques, tant par l'Arménie que par l'Azerbaïdjan. La Cour avait demandé le 29 septembre aux deux belligérants de s'abstenir de prendre toute mesure, en particulier des actions militaires, qui pourraient entraîner des violations des droits des populations civiles garantis par la convention européenne des droits de l'Homme. Elle leur avait aussi demandé de se conformer aux engagements découlant de ce traité, notamment concernant le droit à la vie ainsi que l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. La Cour avait ensuite appelé les États impliqués à respecter les droits garantis aux personnes capturées pendant le conflit, ainsi qu'à celles dont les droits sont méconnus de toute autre manière.

Rappelant que les populations civiles n'ont pas été épargnées au cours du conflit, Amnesty International recensant début janvier 2021 au moins 146 civils tués par les forces arméniennes et azerbaïdjanaises, M. Alain Milon a relevé que, le 2 décembre 2020, Human Rights Watch affirmait quant à elle que les forces azerbaïdjanaises avaient sévèrement maltraité plusieurs soldats arméniens capturés lors du conflit au Haut-Karabakh et les avaient filmés dans des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux. Le 11 décembre suivant, Amnesty International faisait état de vidéos montrant, de la part des deux camps, des exécutions et des traitements inhumains infligés à des prisonniers de guerre et d'autres captifs, ainsi que la profanation de cadavres de soldats ennemis.

M. Alain Milon a tenu à rappeler que les prisonniers de guerre sont protégés par la troisième convention de Genève et que la convention européenne des droits de l'Homme stipule que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Les faits rapportés par les ONG méritent assurément, de la part des deux camps, des investigations indépendantes et impartiales afin d'identifier les responsables et de les traduire en justice.

Il a également fait valoir que l'accord de cessez-le-feu, conclu sous l'égide de la Fédération de Russie le 9 novembre 2020, aborde spécifiquement la question des prisonniers de guerre, des otages, des personnes détenues et des corps des victimes du conflit, ainsi que des personnes déplacées. De fait, des échanges de prisonniers ont eu lieu mi-décembre, mais la question apparaît loin d'être réglée.

La Cour européenne des droits de l'Homme a indiqué avoir reçu de nombreuses demandes concernant des personnes captives, formulées soit par les gouvernements arménien et azerbaïdjanais, soit par les proches des personnes captives. La Cour invitait les gouvernements concernés à fournir des informations sur ces personnes.

Le 9 mars 2021, la Cour européenne des droits de l'Homme a décidé d'informer le Comité des Ministres de mesures provisoires au titre de l'article 39 de son Règlement : 58 des Arméniens mentionnés par la Cour ont été rapatriés entre décembre 2020 et février 2021 et sept d'entre eux ont été retrouvés décédés, selon le gouvernement arménien. La Cour a précisé que 72 Arméniens sont toujours en Azerbaïdjan, leur captivité et leur détention ayant été reconnues par le gouvernement azerbaïdjanais ; en ce qui concerne les 112 autres personnes, le gouvernement azerbaïdjanais affirme qu'il n'a pas été en mesure de les identifier parmi les captifs. Les mesures provisoires restent donc en vigueur à l'égard de 188 Arméniens qui auraient été capturés par l'Azerbaïdjan.

La Cour a notifié au Comité des Ministres les mesures qu'elle avait prises, eu égard « au non-respect par le gouvernement azerbaïdjanais des délais fixés (...) pour la communication d'informations sur les personnes concernées et des informations assez générales et limitées fournies par celui-ci ».

La Cour européenne des droits de l'Homme a aussi reçu des demandes au titre de l'article 39, introduites par le gouvernement d'Azerbaïdjan, concernant 16 Azerbaïdjanais qui auraient été capturés par l'Arménie : 12 personnes de ce groupe ont été reconnues captives par le gouvernement arménien et rapatriées en décembre 2020 ; les quatre autres personnes n'ont pas été reconnues captives par l'Arménie. Compte tenu de la nature des informations reçues du gouvernement arménien, la Cour a décidé de ne pas appliquer l'article 39 de son Règlement dans ces affaires.

M. Alain Milon a également évoqué le cas de quelques civils qui seraient détenus en Azerbaïdjan, notamment d'un ressortissant libanais d'origine arménienne, que le gouvernement d'Azerbaïdjan considère comme un mercenaire.

En conclusion, au regard des éléments fournis par la Cour européenne des droits de l'Homme, il a souhaité que ce débat incite le gouvernement azerbaïdjanais à répondre avec précision aux demandes de la Cour, à se conformer strictement aux droits européen et international et à libérer les prisonniers de guerre arméniens. Déplorant les déclarations qualifiant les soldats arméniens de terroristes, la publication de vidéos insoutenables, la mise en scène du parc des trophées de guerre inauguré dernièrement à Bakou, il a appelé à oeuvrer pour les droits des prisonniers de guerre, des détenus en captivité et des personnes déplacées, en soulignant que par-delà les chiffres évoqués, il y a des destins.

Intervenant comme oratrice du groupe ADLE, Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en Marche) a soutenu que le drame du Haut-Karabakh n'est pas clos et ne le sera pas tant qu'un seul citoyen restera indûment prisonnier. Les droits humains ne sont pas des abstractions. Ils ne se négocient pas, ils ne s'instrumentalisent pas mais, surtout, ils engagent chaque État membre, non pas par de simples déclarations mais surtout par des actes.

Elle a rappelé que, le 9 novembre 2020, la convention tripartite censée mettre fin aux hostilités au Haut-Karabakh aurait dû conduire, au titre du paragraphe 8, à « la libération de tous les prisonniers de guerre et de tous les civils ». Or, si l'Arménie a respecté cet engagement, l'Azerbaïdjan a non seulement continué, après la signature de l'accord, à capturer des femmes et des hommes arméniens, dont quatre civils, mais refuse de libérer tous les prisonniers.

Il y aurait au total plus de 200 prisonniers arméniens autour desquels l'Azerbaïdjan entretient une certaine opacité. Cette entrave au rapatriement des citoyens arméniens est une violation du droit humanitaire international, et notamment de l'article 118 de la troisième convention de Genève qui prévoit que « les prisonniers de guerre seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités ».

Se référant au principe selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu, Mme Alexandra Louis a fait valoir qu'après l'arrêt des hostilités, aucune justification de détention n'est légitime. Pour refuser le rapatriement des citoyens arméniens, l'Azerbaïdjan leur dénie le statut de prisonniers de guerre, indique qu'ils auraient été capturés après la signature de l'accord de cessez-le-feu et les qualifie de terroristes. Or, ces derniers, le jour de la signature de l'accord, ont été pris au piège dans la poche d'Hadrout, encerclée mais non encore occupée par les forces turco-azerbaïdjanaises. Compte tenu de ce contexte, ces personnes relèvent donc pleinement du statut de prisonniers de guerre et doivent être rapatriées.

Elle a ajouté qu'il existe en outre de sérieux soupçons quant au traitement inhumain dont pourraient être victimes les prisonniers, fondés notamment sur des vidéos particulièrement édifiantes et des rapports d'ONG, dont celui du 19 mars 2021 de Human Rights Watch qui affirme que ces crimes peuvent être classés et qualifiés en tant que crimes de guerre. La Cour européenne des droits de l'Homme a demandé des informations sur les conditions de détention, sans obtenir de réponse, ce qui, malheureusement, ne peut que conforter ces soupçons. L'inauguration très récente du parc des trophées à Bakou par le Président Aliyev, qui expose des casques de soldats morts et des mannequins de cire représentant des soldats arméniens dans des postures dégradantes, témoigne également du climat d'hostilité et de haine qui perdure. Il est donc urgent d'appliquer le droit, de libérer ces prisonniers et de rétablir une paix pérenne.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a jugé nécessaire que l'APCE tienne ce débat d'actualité. Il a rappelé, à l'instar de l'orateur principal, que la Cour européenne des droits de l'Homme avait été saisie à plusieurs reprises, pendant et après le conflit, et qu'elle avait notamment appelé tous les États impliqués à respecter les droits garantis par la convention européenne des droits de l'Homme aux personnes capturées pendant le conflit ainsi qu'à celles dont les droits sont méconnus de toute autre manière.

Si le gouvernement arménien a répondu aux demandes de la Cour, le gouvernement de l'Azerbaïdjan n'a pas respecté les délais qu'elle lui avait fixés et il n'a fourni que des informations assez générales et limitées. Alors que l'APCE a affirmé que les droits humains doivent rester au coeur du cadre stratégique du Conseil de l'Europe et que la priorité absolue doit être la mise en oeuvre de la convention européenne des droits de l'Homme dans tous les États membres, il est indispensable de rester cohérents avec cette prise de position s'agissant des Arméniens prisonniers de guerre, détenus en captivité et personnes déplacées.

M. Bernard Fournier a appelé l'Azerbaïdjan à répondre complètement aux demandes de la Cour européenne des droits de l'Homme et à appliquer pleinement la convention éponyme, qui affirme le droit à la vie et interdit la torture ainsi que les peines ou traitements inhumains et dégradants. Il s'est étonné de l'écart entre le nombre de requêtes reçues par la Cour et le nombre de captifs reconnus par l'Azerbaïdjan, s'interrogeant sur le sort des 112 personnes mentionnées par la Cour que le gouvernement azerbaïdjanais affirme ne pas être en mesure d'identifier.

En conclusion, il a solennellement appelé le gouvernement d'Azerbaïdjan à libérer les prisonniers de guerre arméniens et les autres captifs, estimant cette démarche indispensable pour aller vers un règlement durable du conflit et pour respecter les valeurs défendues dans l'enceinte de l'APCE.

3. L'examen, à l'occasion d'un débat d'urgence, de la question de l'arrestation et de la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021

Sur le fondement de l'article 51 de son Règlement et sur proposition unanime des groupes politiques, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a tenu, dans la matinée du jeudi 22 avril, un débat d'urgence sur l'arrestation et de la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021. Introduits par le rapport de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, les échanges ont débouché sur l'adoption en plénière d'une résolution et d'une recommandation au Comité des Ministres, seuls les débats d'actualité ne donnant lieu à aucune prise de position formelle de l'APCE.

Jugeant ce débat d'une importance cruciale tant pour le principal intéressé que pour la Russie, le rapporteur a rappelé qu'Alexeï Navalny est emprisonné à la suite d'une condamnation que la Cour européenne des droits de l'Homme a jugée illégale. Pourtant, il est toujours en prison, malgré l'adoption en février par la Cour d'une mesure provisoire contraignante demandant sa libération, malgré la demande du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de l'annulation de sa condamnation et de sa libération, malgré l'appel également lancé en ce sens en janvier 2020 par l'APCE.

M. Jacques Maire a observé que le dossier est solide et clair. La position de l'Assemblée parlementaire et des autres institutions du Conseil de l'Europe est donc fondée sur des faits établis et des conclusions sans ambiguïté. Il a rappelé à cet égard qu'en 2014, M. Alexeï Navalny a été condamné dans l'affaire dite « Yves Rocher » à une peine de trois ans et demi avec sursis, assortie d'une période de probation de cinq ans. En 2017, la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé que cette condamnation et cette peine violaient la convention européenne des droits de l'Homme, notamment en son article 6, qui impose le droit à un procès équitable, et son article 7, qui interdit de punir sans loi, puisque les tribunaux russes ont appliqué le code pénal d'une manière si arbitraire que M. Navalny était incapable de prévoir que sa conduite serait considérée comme criminelle. La Cour de Strasbourg a, dès lors, ordonné à la Russie d'agir sur deux plans : rouvrir la procédure pénale et s'assurer que les tribunaux nationaux remédient aux violations constatées.

En 2018, la Cour suprême russe a effectivement rouvert la procédure. Elle a certes procédé aux compensations financières demandées mais elle a maintenu la condamnation et la peine. Elle n'a donc pas remédié aux violations constatées par la Cour européenne des droits de l'Homme.

En janvier dernier, M. Alexeï Navalny est rentré en Russie après avoir reçu des soins médicaux en Allemagne du fait d'un possible empoisonnement. Il a immédiatement été arrêté car il n'aurait pas respecté les conditions de sa liberté conditionnelle dans l'affaire « Yves Rocher ». Deux semaines plus tard, un tribunal a confirmé le non-respect de son contrôle judiciaire et l'a envoyé en prison pour le reste de sa peine avec sursis, soit deux ans et huit mois.

Le rapporteur a estimé souhaitable de réitérer les obligations de la Russie énoncées dans l'arrêt de la Cour européenne et sa mesure provisoire, ainsi que dans la récente décision du Comité des Ministres. Cet appui de l'Assemblée parlementaire a une immense importance politique pour Alexeï Navalny et la société civile russe. Il a également jugé nécessaire d'aborder l'état de santé de M. Alexeï Navalny, lequel rend encore plus urgente l'obligation de le libérer. À cet égard, le problème réside d'abord dans l'absence de soins médicaux appropriés et l'attitude apparemment indifférente des autorités russes.

Commentant les informations reçues de l'administration pénitentiaire russe, M. Jacques Maire a trouvé étonnant qu'une personne souffrant de multiples hernies discales et de protrusions vertébrales, qui n'a plus l'usage complet de ses jambes, des problèmes respiratoires, des reins qui dysfonctionneraient gravement, qui a perdu plus de quinze kilos en raison d'une grève de la faim, et qui vient d'être hospitalisé, soit considérée dans un état de santé « satisfaisant ».

Alors que M. Alexeï Navalny a le droit de consulter le médecin de son choix, en vertu de la loi russe, les autorités auraient fait un autre choix puisque quatre médecins non pénitentiaires ont été missionnés par l'État pour vérifier sa santé. Cet empêchement de voir le médecin de son choix ne peut qu'entraîner des suspicions sur la motivation de l'administration pénitentiaire.

Le rapporteur a considéré que M. Alexeï Navalny doit être libéré immédiatement. S'il meurt en prison, ce sera la décision, en toute conscience, des autorités russes car assurer sa santé et sa sécurité en prison n'est pas une alternative à sa libération. Sur la même base, le Comité de prévention de la torture devrait visiter le lieu de détention de M. Navalny pour s'assurer que, s'il n'est pas libéré, ses conditions de détention sont compatibles avec les normes européennes.

En conclusion, M. Jacques Maire a regretté que ses efforts pour coopérer avec les autorités russes n'aient pas reçu la réponse espérée. Précisant qu'il avait tenu compte de toutes les informations officielles reçues par écrit du ministère de la Justice russe, il a défendu l'objectivité de ses conclusions dont il a espéré qu'elles soient entendues à Moscou, dans l'intérêt de M. Alexeï Navalny et de tous les prisonniers dans sa situation mais aussi pour tous les citoyens russes silencieux que l'APCE a aussi pour mission de défendre.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) a salué la tonalité critique et équilibrée du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, dont il a partagé les conclusions. En effet, l'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021 entrent en contradiction flagrante avec les valeurs défendues au sein de l'APCE, avec les engagements découlant de l'adhésion au Conseil de l'Europe et avec les décisions et les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Rappelant avoir soutenu, en 2019, la réintégration de la délégation russe au sein de l'Assemblée parlementaire, il a souligné qu'il ne s'agissait pas pour autant d'un blanc-seing : la Russie doit respecter ses engagements. La Cour européenne des droits de l'Homme a conclu que la condamnation de M. Alexeï Navalny dans l'affaire « Yves Rocher » portait atteinte à son droit à un procès équitable et à l'interdiction de toute peine infligée sans la loi. Malgré cela, la Cour suprême russe a confirmé le verdict et la peine infligée.

M. André Gattolin a donc demandé avec force l'annulation de la condamnation de M. Alexeï Navalny, sa libération sans délai et le respect de son droit à des soins.

Lors de son intervention du 21 avril 2021 devant la Douma et le Conseil de la Fédération, le Président Vladimir Poutine a peu parlé de sujets internationaux mais il a néanmoins, de manière très elliptique, défini le fait qu'il fixerait, de manière ad hoc , un certain nombre de lignes rouges. Or, la Fédération de Russie s'est déjà fixée une ligne rouge : celle d'avoir adhéré à la convention européenne des droits de l'Homme et, par conséquent, d'en accepter les règles et les conséquences contentieuses. En matière de coopération réelle, on ne peut accepter qu'un des partenaires s'arc-boute sur une approche unilatérale, selon laquelle « ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable ». Le bilatéralisme, le multilatéralisme et, surtout, l'esprit de coopération, ne peuvent être enfermés dans ces principes-là.

4. Des préoccupations au sujet du fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie

Toujours sur le fondement de l'article 51 de son Règlement et sur proposition unanime des groupes politiques, l'APCE a mené un second débat d'urgence, dans la matinée du jeudi 22 avril, sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie. Introduit par le rapport de MM. Thomas Hammarberg (Suède - SOC) et John Howell (Royaume-Uni - CE/AD), au nom de la commission de suivi, les discussions ont là-aussi débouché sur l'adoption en plénière d'une résolution.

En introduction de la discussion générale, M. Thomas Hammarberg, co-rapporteur, a souligné avoir travaillé dans un esprit de dialogue et de coopération. Il a justifié la tenue de ce débat par les développements récents et inquiétants constatés en Turquie, où des tentatives de saper la démocratie, l'État de droit et les droits humains ont eu lieu. À cet égard, une procédure a été lancée et pourrait conduire à la fermeture du deuxième plus grand parti d'opposition à la Grande Assemblée nationale turque ; par ailleurs, un tiers des parlementaires sont susceptibles d'être poursuivis en justice et de voir leur immunité levée.

La liberté d'expression se trouve également menacée, les journalistes étant souvent empêchés de faire leur travail, tandis que les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits humains, tels ceux de l'Association pour les droits de l'Homme ou d'Amnesty International, voient leurs droits remis en cause. Pour toutes ces raisons, une réaction urgente de l'APCE s'avère nécessaire.

M. John Howell, autre co-rapporteur, a quant à lui souhaité soulever deux points en particulier. Il est tout d'abord revenu sur la décision du Président Erdogan de retirer son pays de la convention d'Istanbul sans aucun débat parlementaire, jugeant dévastatrice une telle initiative. Il a regretté que des récits trompeurs aient été utilisés pour priver les femmes et les jeunes filles de Turquie d'un traité international considéré aujourd'hui comme la référence en matière de lutte contre la violence envers les femmes. Le Royaume-Uni, pour sa part, poursuit le processus de ratification et il serait souhaitable que la Turquie reconsidère sa décision.

Le co-rapporteur a ensuite soulevé la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire, en dénonçant le manque de séparation des pouvoirs consacré par les amendements constitutionnels de 2017. Les décisions juridictionnelles doivent être exemptes d'ingérence politique et conformes aux normes du Conseil de l'Europe. Les autorités turques peuvent inverser ces tendances inquiétantes en saisissant l'occasion de la mise en oeuvre de leur plan d'action pour les droits de l'Homme et de la révision de la législation sur les élections et les partis politiques pour prendre des mesures significatives afin de mettre un terme au harcèlement judiciaire des membres de l'opposition et des voix dissidentes. Elles devraient aussi améliorer la liberté d'expression et des médias.

5. Le bilan du dialogue post-suivi avec le Monténégro

L'Assemblée parlementaire analyse régulièrement les développements qui concernent la situation des pays faisant l'objet d'un suivi continu en matière de droits de l'Homme. Dans ce cadre, elle a débattu, le mercredi 21 avril, du rapport de M. Damien Cottier (Suisse - ADLE) et M. Emanuelis Zingeris (Lituanie - PPE/DC), au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, sur le dialogue post-suivi engagé avec le Monténégro. Une résolution sur le sujet a été votée à l'issue des échanges intervenus en plénière.

Ouvrant la discussion générale, M. Damien Cottier, co-rapporteur, a indiqué que l'APCE a initié un processus de dialogue post-suivi avec le Monténégro en 2015. Un rapport a été établi début 2020 et aurait dû être débattu il y a un an mais la pandémie de coronavirus en a décidé autrement.

Outre l'observation des progrès s'agissant de l'indépendance de la justice, de la confiance dans le processus électoral, de la lutte contre la corruption et de la liberté des médias, la commission de suivi a porté son attention sur trois autres dimensions : la situation des minorités, celle des réfugiés et des personnes déplacées et la liberté de religion. Or, après six ans, le bilan est en demi-teinte.

Il y a, d'un côté, des évolutions positives, notamment s'agissant de la situation des minorités et des droits des personnes LGBTI ou encore de l'alternance démocratique au pouvoir, suite aux élections législatives d'août 2020. De l'autre côté, certaines attentes ont été déçues.

Ainsi, l'essentiel des réformes du système électoral n'ont pas été faites. La lutte contre la corruption n'a pas enregistré de progrès réels alors qu'il s'agit d'un domaine pourtant essentiel. En matière de liberté des médias, des journalistes restent sous la pression de procédures judiciaires, quand leur vie n'est pas directement menacée. Quant à l'indépendance de la justice, la question des nominations de présidents de tribunaux demeure pendante tandis que la réforme du ministère public et du bureau du Procureur pour la criminalité organisée et la corruption a fait l'objet d'un avis critique de la Commission de Venise.

Les co-rapporteurs attendent des autorités du Monténégro qu'elles donnent un signal clair sur ces différents sujets. S'il y a de bons signaux, un long chemin reste à parcourir, en partenaires et dans le dialogue, ce qui plaide pour le maintien du dialogue post-suivi.

Orateur du groupe PPE/DC, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a rappelé que le Monténégro est membre du Conseil de l'Europe depuis 2007. En 2015, l'APCE avait décidé de clore sa procédure de suivi et d'engager un dialogue post-suivi. Certes, des progrès ont été accomplis au cours des dix dernières années, notamment pour garantir le droit des minorités et lutter contre les discriminations, mais un certain nombre de difficultés demeurent.

En effet, la situation politique dans le pays est loin d'être apaisée. La forte polarisation de la scène politique, exacerbée par des doutes sur l'intégrité des scrutins électoraux, ne permet pas un exercice serein de la démocratie pour mener à bien les réformes attendues. Ainsi, à la suite des élections législatives d'octobre 2016, l'opposition a refusé de siéger au Parlement, estimant que de nombreuses fraudes et irrégularités avaient été relevées lors de ce scrutin. De plus, un groupe prévoyant de mener une action terroriste contre les institutions politiques a été arrêté le jour des élections. Si les législatives de 2020 ont bien permis la première alternance démocratique depuis l'indépendance du pays, il apparaît nécessaire de mettre en place un processus global et inclusif pour réformer le cadre électoral.

De plus, l'indépendance de la justice et la lutte contre la corruption sont des thèmes sur lesquels le Monténégro doit encore progresser. Les co-rapporteurs le soulignent et les autorités monténégrines le reconnaissent elles-mêmes.

Enfin, la question de l'indépendance des médias revêt une importance capitale pour garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques. Sur ce sujet également, les progrès sont limités : les médias continuent de subir des pressions économiques et politiques, les journalistes continuent d'être victimes d'agressions dont les commanditaires sont rarement identifiés et les organes de régulation des médias subissent des ingérences politiques. La poursuite du dialogue post-suivi s'avère donc souhaitable.

S'exprimant au nom du groupe ADLE, Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) a salué la qualité des travaux des deux co-rapporteurs, qui donnent un éclairage complet sur les événements ayant marqué la vie politique du Monténégro ces dernières années et identifient avec précision les défis à venir en matière d'État de droit pour ce pays qui joue un rôle positif dans la stabilisation de la région des Balkans occidentaux. La commission de suivi estime que le Monténégro a fait quelques progrès en matière d'indépendance du pouvoir judiciaire mais qu'un important chemin reste à parcourir, dans le respect notamment des avis de la Commission de Venise.

Il semble malgré tout que le pays ait atteint un plafond de verre et la nouvelle coalition au pouvoir devra démontrer une réelle volonté politique pour obtenir des résultats plus tangibles dans la lutte contre la corruption et la situation des médias, domaines dans lesquels aucun progrès majeur n'a été observé alors que la pression sur les journalistes reste forte. La Commission européenne note elle-même, dans sa communication de 2020, que des problèmes persistent s'agissant de l'indépendance du pouvoir judiciaire, du déroulé des élections, de la liberté de la presse et que le Monténégro devrait se montrer plus proactif dans ses efforts de réforme.

Mme Liliana Tanguy a rappelé les quatre domaines dans lesquels l'APCE souhaite poursuivre le dialogue post-suivi, à savoir l'indépendance du pouvoir judiciaire, la lutte contre la corruption, la situation des médias et la loi sur la liberté de religion. Elle a fait valoir qu'en la matière, le nouveau gouvernement entré en fonction fin 2020 devra accomplir des réformes ambitieuses, d'autant que le pays s'est parfois appuyé pour son développement économique sur le soutien de bailleurs de fonds bafouant quelques-unes des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe.

Or, le respect des obligations et engagements nés de l'adhésion au Conseil de l'Europe est d'une importance capitale si le Monténégro veut que le dialogue post-suivi prenne fin. C'est également une condition essentielle à satisfaire dans les négociations en vue de l'adhésion de ce pays à l'Union européenne, qui reste une priorité de ses autorités et doit pouvoir se refléter dans les politiques engagées.

B. LA FORMULATION D'AMBITIONS ET D'EXIGENCES EN PHASE AVEC L'ACTUALITÉ

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ne se borne pas à porter une appréciation sur certaines situations particulières, d'États ou de catégories de personnes. Elle porte aussi politiquement des ambitions plus transversales, dans une logique d'intérêt général européen. Plusieurs échanges menés lors de ses travaux en plénière, au mois d'avril, se sont inscrits dans cette logique.

1. Une interrogation sur les certificats ou passeports de vaccination contre le SARS-Cov-2 : comment concilier les implications légales de ces dispositifs avec la protection des droits fondamentaux ?

En ouverture de la séance du mardi 20 avril au matin, sur proposition du groupe ADLE, l'Assemblée parlementaire a tenu un débat d'actualité sur les certificats de vaccination contre le SARS-Cov-2, en s'interrogeant sur la meilleure manière de protéger la santé en respectant les droits humains.

En introduction de la discussion, M. Damien Cottier (Suisse - ADLE), premier orateur au nom du groupe ADLE, a relevé que la sortie de la crise née de la pandémie en cours passait par la vaccination, qui se réalise de manière échelonnée dans les pays et à un rythme variable d'une région à l'autre. Il a noté que le projet de certificats ou de « pass » permettant de certifier son statut vaccinal faisait son chemin, de nombreux États planifiant son utilisation.

Cette perspective offre des opportunités car le fait de lever les restrictions aux droits fondamentaux lorsqu'elles ne sont plus justifiées par des considérations de santé publique pour certains segments de la population est, en soi, une finalité importante et réjouissante. Elle pose toutefois aussi de nombreuses questions, éthiques et juridiques : en effet, la possibilité de se faire vacciner ne repose pas encore sur un choix individuel, en de nombreux endroits, mais sur la possibilité d'accéder aux vaccins qui sont réservés, pour des raisons de santé publique, en priorité à certaines catégories de populations ; il y a donc un risque de discrimination et de société à deux vitesses si l'on n'y prend pas garde.

Il faut donc s'assurer que les critères de choix sont objectifs et veiller aux risques de stigmatisation des groupes non vaccinés. L'accès aux prestations et services de l'État doit être garanti ; celui aux prestations de prestataires privés est plus complexe, puisque les acteurs économiques privés jouissent en principe d'une liberté économique et contractuelle assez large, mais tout aussi essentiel lorsqu'il concerne les biens ou services de première nécessité.

M. Damien Cottier a fait valoir que des questions importantes se posent aussi en lien avec la protection des données et avec la sécurité des certificats et des circuits de distribution des vaccins. Il a aussi pointé la nécessité de traiter de manière similaire les différents moyens qui conduisent à une immunité ou à une absence de risque de transmission (vaccination, guérison et test de non contamination), ainsi que la préoccupation de ne pas instaurer des barrières technologiques à travers la systématisation du recours au smartphone pour ces certificats.

En conclusion, il a estimé que, dans ce contexte, les États membres devront plus que jamais s'inspirer des conventions et principes du Conseil de l'Europe comme boussole. De même, les Parlements nationaux et l'APCE auront aussi un rôle à jouer, en veillant à la manière dont les États traiteront ces questions et trouveront les bons équilibres.

Au cours de la discussion, M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a observé que, pour limiter la propagation du coronavirus responsable de la pandémie de covid-19, des restrictions à la libre circulation ont déjà été mises en place entre États membres au sein de l'Union européenne, telle la présentation par les voyageurs de divers types d'attestations comme des certificats médicaux ou des résultats négatifs de tests. Certains proposent de généraliser ce système pour permettre l'accès aux restaurants, aux équipements sportifs ou aux musées, par exemple, à l'instar d'Israël, alors que pour continuer à lutter contre le virus dans les mois à venir, des restrictions pourraient malheureusement apparaître encore nécessaires.

À cet égard, M. Claude Kern s'est demandé s'il fallait imposer la vaccination ou le rétablissement à la suite d'une infection par le virus comme condition pour lever les restrictions, ce qui reviendrait dans les faits à rendre la vaccination obligatoire. Or, imposer la vaccination heurte les droits et libertés de l'individu, notamment le droit à l'intégrité physique, qui relève du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme, ainsi que l'exigence d'un consentement libre et éclairé prévu par l'article 5 de la convention d'Oviedo. De même, quand elle est amenée à se prononcer sur une obligation vaccinale, la Cour européenne des droits de l'Homme elle-même apprécie la situation in concreto , en tenant compte de la gravité de la maladie, des effets secondaires des vaccins et des conséquences de la non-vaccination pour le plaignant. Dès lors, il apparaît impossible de contraindre légalement des citoyens à se faire vacciner en restreignant leur liberté de circulation s'ils ne le font pas.

M. Claude Kern a ajouté que l'influence de la vaccination sur la contagiosité était actuellement mal connue. Il en a déduit que, dès lors que cette incertitude scientifique demeure et pour garantir le respect des libertés individuelles de chacun, aucun passeport ou certificat ne devrait être délivré sur la base de la seule vaccination. En conclusion, il a exprimé son accord avec le choix de la Commission européenne en faveur d'un certificat vert numérique permettant de justifier soit de la vaccination, soit du rétablissement de la maladie, soit d'un résultat négatif à un test. Il lui a semblé qu'un tel certificat offrait des perspectives qui pourraient intéresser l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe.

2. La vision de l'Assemblée parlementaire sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe pour les quatre années à venir

Lors de cette même première séance du 20 avril, l'APCE approuvé, sur le rapport de M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation sur la vision de l'Assemblée parlementaire concernant les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe.

En ouverture de la discussion générale, le rapporteur a souligné que le Comité des Ministres devait examiner le cadre stratégique du Conseil de l'Europe lors de sa réunion en mai 2021, justifiant ainsi que l'APCE apporte au préalable sa propre contribution à ce processus très important.

Il a jugé évident que toutes les options stratégiques doivent contribuer à la réalisation de l'objectif statutaire du Conseil de l'Europe, tel qu'il est inscrit à l'article 1 er de son acte fondateur de 1949, à savoir parvenir à une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social. La priorité générale de l'Organisation devrait donc être, en ces temps difficiles et parfois dangereux, de rester le pilier de la sécurité démocratique et du véritable multilatéralisme en Europe et de préserver son identité en tant que forum indépendant de dialogue politique et de coopération.

Dans le même ordre d'idées, le système conventionnel du Conseil de l'Europe, dont la convention européenne des droits de l'Homme et la Charte sociale européenne constituent le coeur, doit être renforcé et soutenu par de nouveaux instruments destinés à répondre aux nouveaux défis. À cet égard, l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme ne pourrait que renforcer cet édifice et elle doit donc rester une priorité.

Le rapporteur a fait valoir que, dans le contexte de la pandémie actuelle, le Conseil de l'Europe doit plus que jamais mettre l'accent sur la protection des droits sociaux et économiques, promouvoir une véritable égalité et le respect de la dignité humaine, lutter contre toute discrimination, quel qu'en soit le motif. Des conventions novatrices telles que la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique sont déjà devenues une référence mondiale, de sorte que l'élargissement de leur mise en oeuvre doit être assurée.

M. Tiny Kox a ensuite considéré de la plus haute importance de travailler à l'élaboration de nouveaux instruments juridiques visant à garantir le droit à un environnement sûr, sain et durable pour les générations actuelles et futures. L'importance primordiale des objectifs de développement durable des Nations Unies exige l'amélioration de la coopération avec l'ONU.

En matière de nouvelles technologies, le Conseil de l'Europe devrait veiller à fixer des orientations et à contribuer à l'élaboration de cadres réglementaires mondiaux pour l'intelligence artificielle. Le renforcement du rôle des organisations de la société civile et des institutions nationales des droits de l'Homme apparaît tout aussi primordial, en mettant l'accent sur les jeunes et les enfants.

Naturellement, le Conseil de l'Europe doit poursuivre son travail de recherche de réponses communes aux défis sociétaux, aux problèmes qui mettent en cause l'État de droit tels la corruption, le blanchiment d'argent, le terrorisme et l'extrémisme violent, par la mise en oeuvre d'instruments et de mécanismes juridiques pertinents, voire l'édiction de nouveaux le cas échéant. Dans ce cadre, le suivi des obligations et des engagements des États membres constitue un moyen très important pour que ceux-ci se conforment à leurs devoirs. En la matière, une coordination plus structurée est nécessaire, tant au sein du Conseil de l'Europe qu'avec d'autres organisations internationales.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur le rôle des Parlements nationaux, ainsi que sur le dialogue et les synergies entre l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, notant sur ce dernier point que la nouvelle procédure conjointe permettant une réaction commune en cas de violation flagrante par un État membre de ses obligations statutaires constituait une avancée reconnue.

S'exprimant au nom du groupe PPE/DC, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a jugé ce débat d'une grande importance puisqu'il constitue la contribution de l'APCE à la prochaine session ministérielle du Comité des Ministres prévue en mai 2021, au cours de laquelle les ministres devraient examiner le cadre stratégique du Conseil de l'Europe, fondé sur les propositions de la Secrétaire générale.

En tant qu'organe statutaire rassemblant les représentants de tous les Parlements nationaux des États membres et reflétant toutes les opinions politiques, y compris les oppositions, l'Assemblée parlementaire se doit de participer à cette réflexion. Les priorités stratégiques devront prioritairement contribuer à défendre le socle des valeurs historiques de la convention européenne des droits de l'Homme. Tous les États membres s'étant engagés à respecter cette convention, il incombe à l'Organisation de continuer à s'assurer de sa mise en oeuvre au sein de chaque pays, en restant le garant des quatre piliers que sont les droits humains, l'État de droit, l'indépendance de la justice et la sécurité démocratique.

De fait, l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme doit rester une priorité stratégique du Conseil de l'Europe. De même, les procédures de suivi sont nécessaires mais elles entraînent parfois une impression de sanction ou un sentiment de lassitude. Une meilleure coordination de ces procédures serait une évolution souhaitable mais elle doit s'accompagner d'un cadre plus structuré et plus transparent pour écarter toute demande de procédure reposant sur des motivations purement politiques.

Rappelant qu'au cours de ses 70 ans d'existence, le Conseil de l'Europe s'était doté d'un système conventionnel unique et juridiquement contraignant, reposant sur plus de 220 conventions, Mme Marie-Christine Dalloz a observé que certains de ces textes ont acquis un statut de référence mondiale et insisté sur leur mise en oeuvre effective. Elle a constaté, à cet égard, que le retrait annoncé de la Turquie de la convention d'Istanbul illustrait que rien n'était jamais acquis.

En conclusion, elle a salué la nouvelle procédure conjointe et attiré l'attention sur les risques de fragilisation de l'écosystème par un accent trop prononcé sur la protection des droits économiques et sociaux. Elle s'est également félicitée du rôle du Conseil de l'Europe dans l'élaboration d'un cadre réglementaire mondial pour l'intelligence artificielle, absolument nécessaire pour prévenir toute dérive.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a qualifié elle aussi d'important ce débat, suscitant trois observations de sa part.

La première est que le Conseil de l'Europe, cet espace de discussion porté par l'idée d'une synthèse raisonnable en faveur des libertés mais aussi d'élaboration du droit démocratique et des personnes dans un espace géographique donné, vise à inspirer plus largement les États et les autres organisations internationales du monde. Cette ambition suppose la mise en exergue des atouts de l'Organisation, à savoir son corpus juridique dans lequel les États et gouvernements acceptent de voir leurs pouvoirs limités et les droits des personnes garantis par l'idée de justice.

La deuxième observation porte sur le contexte. La pandémie de coronavirus a changé la vie des citoyens et modifié le fonctionnement des institutions démocratiques. Partout, les libertés d'aller et venir, de se réunir, le droit d'accéder à l'école ou de travailler, ont été remis en question au nom de la protection commune. Néanmoins, bien des restrictions demeurent après le temps de crise, ce qui implique une bonne expertise des décisions prises pendant la crise. À ce titre, le Conseil de l'Europe aura un rôle à jouer, en évaluant l'impact de la crise sur les piliers du système démocratique, y compris le fonctionnement des Parlements, et sur les droits sociaux.

La troisième observation concerne les libertés sociales. Partout, la question de l'égalité réelle est désormais concurrencée par celle des identités. De ce point de vue, le Conseil de l'Europe doit donner la priorité aux droits des migrants confrontés à la guerre, à la persécution, aux inégalités économiques et climatiques et renouveler ses idées et propositions pour que la lutte contre les inégalités soit le socle des libertés et des droits.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , se référant à l'article 3 du Statut de 1949, a relevé que tout le monde, au Conseil de l'Europe, reconnaît le principe de la prééminence du droit et celui en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Il a estimé que cet idéal oblige et se montre exigeant ; il vient parfois contrarier certaines décisions nationales et sert la démocratie et les citoyens. À cet égard, la convention européenne des droits de l'Homme est un texte de rassemblement et non un facteur de division. Les quelques 220 conventions développées sous l'égide du Conseil de l'Europe concourent à sauvegarder et à promouvoir les idéaux et les principes communs ; elles favorisent le progrès économique et social des États parties, comme l'affirme l'article 1 er du Statut.

Déclarant souscrire à l'appel aux États membres ne l'ayant déjà fait à signer ou ratifier la Charte sociale européenne révisée, ainsi que son protocole additionnel prévoyant un système de réclamation collective, M. Alain Milon a jugé important que le Conseil de l'Europe mette l'accent sur la protection des droits économiques et sociaux, comme le demandait le Comité des Ministres à Helsinki.

Affichant son soutien aux nombreuses conventions qui contribuent à promouvoir une véritable égalité et le respect de la dignité humaine ainsi qu'à combattre les discriminations, il a exprimé son regret que la Turquie ait annoncé son retrait de la convention d'Istanbul, après avoir été le premier pays à la ratifier. L'égalité, l'inclusion et le respect de la dignité humaine lui ont paru devoir impérativement rester des priorités du Conseil de l'Europe.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, s'est félicitée que l'Assemblée parlementaire puisse débattre et se prononcer, elle aussi, sur sa vision des priorités du Conseil de l'Europe. Elle a jugé ce débat d'autant plus crucial que les valeurs de l'Organisation subissent, ces temps-ci, de véritables coups de boutoir illustrant que les progrès en faveur des droits humains ne sont jamais des acquis définitifs. Elle s'est référée en cela à la décision de certains États membres de revenir sur leurs engagements pris dans certaines conventions emblématiques, telles la convention européenne des droits de l'Homme ou la convention d'Istanbul.

La triste réalité est que le Conseil de l'Europe doit d'abord, avant même de réfléchir à de nouveaux champs d'action, s'attacher à préserver la mise en oeuvre des quelques 220 conventions juridiquement contraignantes qui ont été adoptées sous son égide pour le plus grand bénéfice des 800 millions de personnes vivant sur le continent. La résolution en débat souligne à juste titre que le « coeur du métier » de l'Organisation reste d'actualité. Pour autant, le Conseil de l'Europe doit aussi s'adapter et se projeter dans l'avenir.

De ce point de vue, le respect des droits humains, et notamment la protection des femmes et des enfants, la promotion des droits économiques et sociaux, la lutte contre toutes les discriminations, la prise en compte des nouveaux défis technologiques et l'affirmation du droit des nouvelles générations à vivre dans un environnement sûr, sain et durable sont autant de défis pour l'Organisation. Mais pour rester incontournable et audible, notamment face à des organisations internationales qui se préoccupent elles aussi des droits humains et de l'État de droit, le Conseil de l'Europe doit évoluer pour se montrer plus efficient et cohérent. À cet égard, une coordination plus structurée des différentes instances de suivi semble fondamentale, tout comme le développement des coopérations avec d'autres organisations internationales comme l'Union européenne.

Mme Nicole Trisse s'est néanmoins voulue optimiste car le Conseil de l'Europe, qui n'a pas été épargné par les crises ces dernières années, a su s'adapter et se moderniser sans pour autant perdre son âme. De nouvelles procédures, telles celles pour l'enclenchement des sanctions conjointes à l'encontre d'États manquant à leurs obligations ou encore le « trialogue », ont vu le jour en quelques mois à peine. Elle a ainsi considéré que ces changements démontrent que, loin d'être vénérable, du haut de ses soixante-dix ans d'existence, le Conseil de l'Europe reste une organisation qui se veut agile et qui a toute sa place dans le monde d'aujourd'hui et de demain.

M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) a relevé que le rapport de M. Tiny Kox soulignait les nombreux enjeux auxquels le Conseil de l'Europe est aujourd'hui confronté, ainsi que la nécessité pour l'APCE de rester garante des droits humains et de l'État de droit, tout en favorisant le multilatéralisme effectif en Europe. Il a considéré un tel programme très ambitieux dans un contexte de repli sur soi et de tensions exacerbées entre les États.

Se félicitant du fait qu'en 70 ans, le Conseil de l'Europe soit devenu l'organisation rassemblant tous les États européens, à l'exception de la Biélorussie et du Saint-Siège, autour de valeurs essentielles affirmées par la convention européenne des droits de l'Homme, il s'est réjoui de la conclusion de quelques 220 conventions aussi majeures que la Charte sociale européenne ou les conventions d'Istanbul et de Budapest.

Il a estimé que le Conseil de l'Europe devra s'attaquer aux défis croissants et aux menaces nouvelles qui pèsent sur les libertés d'expression et de réunion, en promouvant une vision contemporaine, actualisée et globale des droits humains. Cependant, le principal enjeu aujourd'hui est la mise en oeuvre des textes fondamentaux et l'exécution fondamentale des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il est essentiel de le rappeler avec force à l'attention de tous les États membres, notamment la Russie et la Turquie.

De ce point de vue, il est primordial que l'Organisation, dans toutes ses composantes, s'approprie et mette le cas échéant en oeuvre la nouvelle procédure complémentaire conjointe, qui permet aux organes statutaires d'agir de concert en cas de violation flagrante, par un État membre, de ses obligations. Dans ces temps troublés, le Conseil de l'Europe ne peut pas, ne doit pas se contenter de déclarations. Il doit agir et s'affirmer comme une Organisation crédible et efficace.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), tout en rejoignant les constats du rapporteur sur les défis croissants posés à la liberté d'expression et à la liberté de réunion, ainsi que sur l'émergence de menaces nouvelles appelant à une adaptation du cadre juridique, a estimé que le Conseil de l'Europe, fort de son activité et reconnu en matière de négociation de conventions internationales, est assurément bien placé pour permettre de répondre à ces nouveaux enjeux.

Il a toutefois souhaité insister également sur l'enjeu de la cohésion de l'Organisation, avec pour corollaire, la question de l'appropriation des valeurs qui forgent son identité. La déclaration d'Athènes, adoptée en novembre 2020 par la présidence du Comité des Ministres, a réaffirmé l'engagement pour l'unité en Europe et pour une plus grande solidarité entre les Nations, ainsi que l'attachement aux principes de l'État de droit et de la pleine jouissance des droits humains et libertés fondamentales. Ce texte n'a malheureusement pas été soutenu par tous les États, ce qui traduit une fragmentation et des tensions.

M. Claude Kern a soutenu que la convention européenne des droits de l'Homme et les autres conventions du Conseil de l'Europe ne sont pas des instruments utilisés contre tel ou tel État. Ce sont des références exigeantes qui ne sauraient être prises en otage et l'Assemblée parlementaire, notamment à travers sa commission de suivi et sa nouvelle procédure de sanction conjointe avec le Comité des Ministres, a un rôle essentiel à jouer en la matière.

Le Conseil de l'Europe est et doit rester le pilier de la sécurité démocratique, le garant des droits humains et de l'État de droit, ainsi que la plate-forme favorisant un multilatéralisme effectif en Europe. Mais il faut pour cela renforcer encore la crédibilité de l'Organisation et promouvoir davantage la protection et la promotion de l'État de droit, des droits humains et de la démocratie.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'il ait été présent dans l'hémicycle, M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE.

Il y montre son accord avec le rapporteur sur le fait que les droits humains doivent rester au coeur du cadre stratégique du Conseil de l'Europe. Cette raison d'être de l'Organisation implique la bonne mise en oeuvre de la convention européenne des droits de l'Homme dans tous les États membres, et donc une exécution convenable des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Cette raison d'être, les membres de l'APCE la cultivent-ils suffisamment ? L'Assemblée parlementaire n'est pas seule assemblée interparlementaire et à force d'y élargir les thèmes de débats, elle se rapproche parfois de sujets relevant des responsabilités d'autres organisations, comme l'assemblée parlementaire de l'OTAN ou celle de l'OSCE dont il est également membre, notamment en matière géostratégique et militaire. De ce point de vue, une réflexion sur l'articulation entre les travaux des différentes organisations s'avérerait utile, ce qui permettrait d'affirmer davantage les spécificités du Conseil de l'Europe.

Il en va de même pour les 220 conventions internationales négociées sous l'égide du Conseil de l'Europe. Elles forment un corpus juridique essentiel, même si l'ensemble des États membres ne les ont pas toutes signées ni ratifiées. Mais d'autres conventions existent et il semble possible de davantage mettre en valeur les conventions du Conseil de l'Europe et de travailler à améliorer leur mise en oeuvre.

Des nouvelles menaces pesant sur les droits humains imposent de s'y adapter. À cet égard, si elle présente de nombreuses opportunités positives, l'intelligence artificielle peut aussi faire courir des risques. La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme y travaille mais, à partir des réflexions qu'il mène sur les développements de l'informatique quantique, M. André Gattolin a estimé qu'il serait possible d'approfondir davantage le sujet de ses risques potentiels pour les États et le cadre démocratique.

Enfin, il apparaît souhaitable de formuler une nuance au sujet les droits environnementaux et sociaux. Certes, on peut les affirmer et améliorer les cadres juridiques mais ces droits supposent, pour leur mise en oeuvre, de véritables politiques publiques impliquant des moyens souvent importants. Ce fait doit être bien compris, sans quoi les principes adoptés en la matière auront peu de traductions concrètes.

3. Un appui apporté à la lutte contre l'injustice fiscale et au travail de l'OCDE sur l'imposition de l'économie numérique

Au cours de la même journée du 20 avril, en fin d'après-midi, l'Assemblée parlementaire a débattu de la lutte contre l'injustice fiscale et du travail de l'OCDE concernant l'imposition de l'économie numérique, avec la participation du Secrétaire général de l'Organisation, M. Ángel Gurría. Sur le rapport de M. Georgios Katrougkalos (Grèce - GUE), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution a été adoptée à l'issue des échanges sur ce thème.

En ouverture de la discussion, après avoir salué l'action du Secrétaire général de l'OCDE dont le mandat est en voie d'achèvement, le rapporteur a constaté que près de 40 % des bénéfices des multinationales sont détournés vers les paradis fiscaux, les pays européens étant parmi les plus grands perdants. Ainsi, les pays perdent globalement plus de 427 milliards de dollars chaque année à cause des abus fiscaux des entreprises. La numérisation de l'économie et la montée en puissance des géants de la technologie, les fameux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), ont exacerbé cette situation par le biais d'une planification fiscale agressive, de l'évasion fiscale et de pratiques artificielles de transfert de bénéfices. Les bénéfices des multinationales du numérique ont atteint des records historiques. Par exemple, les ventes d'Apple ont bondi de plus de 1 200 % au cours de la dernière décennie. Désormais, la valeur nette des GAFA est supérieure à la valeur cumulée de toutes les entreprises présentes sur les places boursières européennes, y compris celles de l'Union européenne, de la City et de Zurich.

M. Georgios Katrougkalos a estimé que la justice fiscale est particulièrement importante en période de crise comme celle de la pandémie, tant en ce qui concerne la nécessité de renforcer la résilience des finances publiques que pour la protection des plus vulnérables. Un récent rapport d'Oxfam qualifie le SARS-CoV-2 de « virus de l'inégalité ». Les bénéfices des GAFA sont donc devenus encore plus importants alors que les recettes fiscales ont chuté dans l'ensemble des pays de l'OCDE pour la première fois en une décennie.

En raison des mesures extraordinaires nécessaires pour faire face aux défis économiques et sociaux de la pandémie, les États accumulent désormais des dettes colossales : leur augmentation moyenne est estimée à environ 20 % du produit intérieur brut dans les économies avancées.

Pour faire face à cette situation, les propositions de l'OCDE reposent sur une approche holistique, autour de deux piliers. Le premier aborde les questions plus générales de la fiscalité de l'économie numérique et se concentre sur la manière dont les bénéfices sont répartis entre les États. Selon les nouvelles règles proposées, les entreprises numériques multinationales seraient imposées en fonction de l'endroit où elles fournissent leurs services, et pas seulement en fonction du pays dans lequel elles sont légalement établies. Le deuxième pilier est axé sur la création d'un impôt minimum mondial, réduisant ainsi les incitations à déplacer les bénéfices vers des États à faible imposition.

Les travaux de l'APCE appellent les États à soutenir un accord basé sur le consensus multilatéral. Le 5 avril 2021, la Secrétaire américaine au Trésor, Mme Yellen, s'est déclarée favorable à un impôt minimum mondial sur les sociétés pour empêcher les entreprises d'échapper à l'impôt. Les ministres des Finances du G20 ont suivi de près cette prise de position motivée par la volonté de mettre un coup d'arrêt à un nivellement général vers le bas.

En conclusion, le rapporteur est convenu que de nombreuses questions restent malgré tout pendantes, à commencer par le taux d'imposition retenu sur lequel des divergences existent entre les États-Unis et l'Europe. Il s'est néanmoins déclaré confiant dans l'obtention d'un compromis juste et large.

Intervenant après le rapporteur, le Secrétaire général de l'OCDE, M. Ángel Gurría, après avoir esquissé les perspectives de croissance mondiale sur les prochaines années encore soumises à d'importants aléas liés à la pandémie, a indiqué que la reprise serait l'occasion de rendre la croissance plus verte, à travers notamment une taxe carbone sur les 60 % d'émissions de CO 2 liées à l'énergie dans les économies avancées et émergentes non tarifées et un nouveau Programme international pour l'action sur le climat (IPAC) dirigé par la France. Il a également souhaité que la reprise soit plus inclusive en résolvant les défis fiscaux liés à la numérisation de l'économie, cet enjeu se trouvant à un moment critique puisque les négociations sur le cadre inclusif sur le BEPS ( Base Erosion and Profit Shifting ) pourraient aboutir grâce à l'évolution des États-Unis sur le sujet.

M. Ángel Gurría a indiqué que l'OCDE continuera de s'attaquer à la fraude et à l'évasion fiscales internationales, ses efforts sur la question de la transparence - à travers l'élaboration de la convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale - ayant déjà permis aux États de percevoir 107 milliards d'euros de recettes supplémentaires en impôts, intérêts et pénalités au cours des dix dernières années et aux juridictions nationales d'échanger des informations automatiquement sur 84 millions de comptes financiers, impliquant des actifs totaux d'environ 10 000 milliards d'euros.

En conclusion, le secrétaire général de l'OCDE a considéré que la pandémie de coronavirus a été une source de difficultés mais aussi une occasion unique de construire un avenir meilleur, comme l'esquisse le dernier rapport de l'Organisation, intitulé « Objectif croissance 2021 ». Il a réitéré la disponibilité de l'OCDE à travailler avec l'APCE, pour façonner un monde post-covid-19 plus inclusif, plus équitable et plus vert.

Intervenant au nom du groupe ADLE, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) a souligné l'impact délétère de la course au moins-disant fiscal sur la démocratie et sur les finances publiques, citant plus particulièrement l'exemple de la fraude fiscale des sociétés internationales qui représente une perte pour les particuliers de 427 milliards de dollars. Avec la pandémie, l'enjeu s'est renforcé et effectivement complexifié par l'accélération de la numérisation de l'économie. À cet égard, l'action de l'OCDE en ce domaine, comme dans celui du changement climatique d'ailleurs, mérite d'être saluée.

La négociation en cours porte sur cadre fiscal numérique inclusif en deux piliers : d'abord, l'instauration d'un nouveau droit d'imposition sur les sociétés, indépendamment de leur présence physique dans le pays où elles opèrent, et ensuite, un taux plancher d'imposition limitant l'évasion fiscale des sociétés. Comme l'a rappelé récemment M. Bruno Le Maire, le ministre français de l'économie, des finances et de la relance, il semble qu'un accord historique soit à portée de main et le groupe ADLE l'appelle de ses voeux, d'autant que l'administration Biden vient d'annoncer son intention d'établir un taux minimum d'imposition de 21 % pour les entreprises à travers le monde, afin de lutter contre les effets de dumping des pays à faible imposition.

Relevant que l'approche proposée par les États-Unis est un peu différente de celle de l'OCDE, M. Jacques Maire y a néanmoins vu une avancée notable et il s'est interrogé sur les conséquences de ces nouvelles prises de position américaines sur la dynamique développée au sein de l'OCDE. Il a souligné, en conclusion, que le cadre inclusif de l'OCDE, qui regroupe 137 pays, est le meilleur pour aboutir à un seuil mondial d'imposition minimale et éviter les actions décidées pays par pays, qui débouchent sur un dumping social et fiscal désorganisant l'économie mondiale.

M. André Vallini (Isère - Socialiste, Écologiste et Républicain) a relevé que la fiscalité permet aux États de financer des politiques et des services publics essentiels pour l'exercice des droits fondamentaux. Si les États venaient à manquer de ces ressources, on imagine les difficultés qu'ils pourraient avoir à assurer leurs missions régaliennes et les conséquences que cela entraînerait sur la démocratie et l'État de droit. La crise de 2008 et la pandémie actuelle ont contribué à dégrader les finances publiques. Les États doivent donc plus que jamais s'assurer qu'aucune entreprise ne cherche à se soustraire à l'impôt, un impôt qui doit évidemment être juste et équitable.

Aujourd'hui, l'essor du libre-échange et de la libre circulation des capitaux s'accompagne d'un développement inédit du numérique dans l'économie. Cette situation a permis aux plus grandes entreprises de délocaliser non seulement leurs lieux de production mais aussi leurs lieux de vente, qui peuvent parfois être éloignés du consommateur final. De même, la notion d'« établissement stable », sur laquelle se fonde le modèle classique de répartition de la base fiscale internationale, est remise en cause. Ceci est vrai notamment pour les géants du numérique, dont l'imposition ne correspond pas du tout aux bénéfices qu'ils réalisent.

Se félicitant que l'OCDE se soit saisie de la question et distingue, à raison, deux piliers relatifs, d'une part, à la fiscalité de l'économie numérique et à la répartition des recettes imposables entre les pays, et d'autre part, à la lutte contre l'optimisation fiscale avec une réflexion sur l'établissement d'un impôt minimum mondial, M. André Vallini a jugé important que l'APCE apporte son soutien à ces travaux. En effet, une concurrence fiscale entre les États ne sera à terme bénéfique pour personne ; il est donc nécessaire d'adopter des mesures coordonnées pour s'assurer que les géants du numérique n'échappent pas à l'impôt.

Après avoir noté que la nouvelle administration américaine de Joe Biden affirme désormais être prête et déterminée à travailler avec ses partenaires commerciaux pour traiter de cette question et des enjeux plus larges de fiscalité internationale, sans exclure pour autant d'imposer des droits de douane supplémentaires, il a rappelé que la France avait été le premier pays à avoir instauré une taxe sur les services numériques. Il a considéré que cette initiative, qui fera sans doute l'objet d'ajustements en fonction des négociations en cours au sein de l'OCDE et du G20, avait le mérite de marquer une détermination : celle d'adapter la fiscalité aux nouveaux enjeux et d'instaurer plus d'équité.

C. L'EXPRESSION DE PRÉOCCUPATIONS PRÉGNANTES S'AGISSANT DE CATÉGORIES DE POPULATIONS TRÈS VULNÉRABLES

La défense des personnes les plus exposées aux menaces de tous ordres a toujours constitué l'une des raisons d'être du Conseil de l'Europe. Si la Cour européenne des droits de l'Homme et les différentes conventions adoptées par l'Organisation jouent un rôle primordial en la matière, l'Assemblée parlementaire apporte régulièrement sa propre contribution sur ces enjeux, en attirant l'attention sur des situations spécifiques qu'il convient de prendre en compte. Au cours de sa session de printemps, l'APCE s'est plus particulièrement emparée de sujets touchant les minorités nationales et les malades d'affections de longue durée.

1. La préservation des minorités nationales en Europe

Lors de sa séance du 19 avril, l'APCE a adopté, sur le rapport de Mme Elvira Kovács (Serbie - PPE/DC), au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution et une recommandation visant à préserver les minorités nationales en Europe.

En ouverture de la discussion générale, la rapporteure a observé que, vingt-trois ans après l'entrée en vigueur de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, il n'était pas inutile d'en revenir aux fondamentaux de ce traité international, à savoir la dignité humaine, l'inclusion, le respect et la reconnaissance des droits des minorités dans un environnement en mutation, car la valeur fondamentale de cette convention-cadre repose sur la compréhension partagée que la préservation de la stabilité, de la sécurité démocratique et de la paix en Europe passe par la protection des minorités nationales.

Mme Elvira Kovács a considéré que les minorités enrichissent les sociétés de tous les pays du monde et qu'il était temps de réaffirmer que le respect de la diversité linguistique, ethnique et culturelle est une pierre angulaire du système de protection des droits de l'Homme en Europe.

Relevant que la stabilité des États et des institutions européennes a été ébranlée par des tensions intra et interétatiques, que les flux migratoires ont également eu un impact profond sur les minorités nationales et, enfin, que la pandémie de covid-19 a mis en évidence la vulnérabilité de ces mêmes minorités, souvent confrontées à la discrimination, aux discours de haine, à la stigmatisation, au manque d'informations intelligibles pendant les confinements, la rapporteure a estimé que plusieurs défis ont été lancés aux droits des minorités ces dernières années. Elle les a alors énumérés, en indiquant que :

- la mise en conformité formelle des législations nationales avec la convention-cadre ne suffit pas à assurer la mise en oeuvre effective des droits des minorités ;

- il existe une tendance claire à la re-sécurisation des questions relatives aux minorités ;

- les groupes minoritaires sont les plus visés par les crimes de haine, les attaques fondées sur l'origine ethnique, le déni de citoyenneté et la restriction de l'accès à l'éducation dans la langue originelle ;

- une production médiatique insuffisante dans les langues minoritaires peut inciter les personnes appartenant à une minorité nationale à rechercher des sources alternatives d'information ;

- enfin, l'absence de mécanismes de consultation efficaces, permanents et suffisamment représentatifs, auxquels les minorités peuvent participer de manière substantielle, sape leur confiance.

En conclusion, Mme Elvira Kovács s'est appuyé sur l'exemple de trois situations spécifiques, celles de la Lettonie, de l'Ukraine et du Pays de Galles, principalement axées sur les droits linguistiques, pour mettre en évidence certaines bonnes pratiques existantes qui pourraient être applicables à d'autres pays, en conformité avec le principe de non-discrimination, mais aussi pour révéler tout le potentiel de la convention-cadre en tant qu'instrument vivant, reposant sur un engagement institutionnel du Conseil de l'Europe et la volonté politique des États membres.

Au cours du débat, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a rappelé que la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, sans définir précisément la notion de minorité nationale, visait à protéger les minorités ethniques, linguistiques, culturelles ou religieuses qui vivent sur le territoire des États membres, parfois présentes sur leur sol depuis des siècles sans pour autant s'assimiler à la population majoritaire. Il a estimé que ces populations ont gardé des spécificités culturelles et linguistiques qui doivent être respectées et que leur intégration est, dès lors, essentielle pour garantir la stabilité sociale et la paix.

Considérant que la définition de minorité nationale reste problématique, il a fait valoir qu'en France, il n'existe pas de minorité nationale car la République transcende les particularismes éventuels ; la France n'a pas signé la convention-cadre pour la protection des minorités nationales car, selon l'avis du Conseil d'État, ce traité remet en cause des principes constitutionnels du droit français et, de surcroît, l'usage des langues minoritaires dans les rapports avec l'administration contrevient à l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958.

M. Bernard Fournier a jugé qu'au-delà de ces considérations juridiques, opérer des distinctions sur des critères ethniques ou religieux revient à segmenter la population au lieu de la rassembler. Il a observé que les populations immigrées ne devraient pas être considérées comme des minorités nationales car elles ont vocation à s'intégrer ou à s'assimiler à l'État d'accueil.

En conclusion, il a souligné que, sans avoir ratifié la convention-cadre ni reconnu de quelconques minorités sur son territoire, la France garantit à travers sa Constitution des droits égaux à chacun et que l'enseignement des langues régionales a été développé. Il a relevé que le Parlement venait d'adopter une proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. Les objectifs de la convention sont ainsi bien atteints.

2. Le refus des discriminations à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée

Lors de sa dernière séance du 21 avril, l'Assemblée parlementaire a approuvé, sur le rapport de Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - Libertés et Territoires) , au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution dénonçant les discriminations à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée et proposant des mesures pour y remédier, sans oublier les maladies psychiatriques.

Lors de la discussion générale, la rapporteure a rappelé que tout le monde a une connaissance dont la vie a été bouleversée par une maladie chronique ou de longue durée, qu'il s'agisse d'insuffisances cardiaques graves, de la maladie d'Alzheimer, de la maladie de Parkinson, de la mucoviscidose, de la maladie de Crohn évolutive ou encore de la sclérose en plaques. Elle a indiqué que, toutes les quinze secondes, une femme se fait dépister un cancer du sein quelque part dans le monde. Quelque 60 millions de personnes subissent le diabète en Europe et, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 9,6 % des femmes et 10,3 % des hommes âgés de 25 ans et plus en souffrent. Ces maladies abîment la qualité de vie. Une femme sur dix souffre d'endométriose ; 80 % des femmes atteintes de cette maladie ressentent des limitations dans leurs tâches quotidiennes et 40 % ont des troubles de la fertilité.

Ces maladies nécessitent parfois des traitements à vie. Si certaines sont guéries, leurs effets peuvent continuer à peser sur les individus, à l'instar du covid-19 ou du cancer.

La rapporteure a constaté que les populations européennes vieillissent et que le nombre de maladies chroniques augmente. Elles s'additionnent et aggravent la morbidité, à cause du vieillissement mais aussi sous les effets conjugués de la pauvreté, de la pollution, du réchauffement climatique et maintenant, partout dans le monde, du coronavirus. Or, en raison de leurs effets directs et indirects, ces maladies nuisent à la pleine et égale jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales.

Selon l'OMS, la bonne santé est un état de complet bien-être, physique, mental et social. Il ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. Par conséquent, toutes les maladies chroniques de longue durée entrent dans le champ de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et impliquent des obligations de la part des États et des employeurs du secteur privé. Ce n'est pas aux malades de s'adapter à la société mais bien à la société à s'adapter à ces malades chroniques.

Sur la base de ces constats, Mme Martine Wonner a invité les États à poursuivre leurs efforts dans la lutte contre l'exclusion et à garantir un accès universel à la santé, afin de lutter contre l'errance diagnostique et tout ce qui éloigne de l'approche de la CDPH. Elle a donc proposé que les États renforcent leurs capacités de dépistage et de prévention, allouent des moyens et des crédits suffisants et soient capables de sanctionner les entraves à la dignité, au bien-être et à l'épanouissement individuel des malades. Elle a aussi espéré que l'approche de la CDPH se diffuse dans toute la société, en particulier le secteur privé : il n'est pas normal que des individus se voient reprocher leur statut de malade, au travail ou ailleurs.

En conclusion, la rapporteure a demandé aux parlementaires de promouvoir les principes de la CDPH dans leurs pays et souhaité que le Liechtenstein adhère à cette convention, afin qu'aucun pays européen ne reste en dehors.

Au cours de la discussion générale, Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) , s'exprimant au nom du groupe des Socialistes, démocrates et verts, a formulé trois observations.

Tout d'abord, les maladies chroniques et de longue durée, si elles sont cause de mortalité générale et prématurée, sont aussi la contrepartie de l'allongement de la durée de vie en Europe. Pour ne prendre que la situation de la France, un tiers de la population aura plus de 60 ans en 2050, contre un cinquième en 2015. L'enjeu est donc bien celui d'une espérance de vie en bonne santé et en autonomie. Si l'espérance de vie est un progrès, il convient d'apprendre à mieux lutter contre les maladies dégénératives ou environnementales.

Ensuite, prévenir ces situations trop souvent sources de discriminations et vécues comme discriminatoires implique de faire de la santé un axe prioritaire de la recherche publique et privée. Outre la recherche fondamentale, indispensable, il faut appuyer la recherche expérimentale, clinique et dans les sciences humaines et sociales, qui vise justement à améliorer la qualité de vie des malades et l'interface entre les patients et la société. À côté de l'approfondissement de la connaissance, l'accent doit être porté sur le dépistage précoce et l'accompagnement des personnes.

Enfin, pour prévenir et diminuer les discriminations, il faut développer le droit à la formation initiale et continue, l'adaptation à l'emploi, l'accès aux services financiers, ainsi que la compensation de la perte d'autonomie, qu'elle soit partielle ou complète, temporaire ou durable. Devant la grande diversité des situations, il semble nécessaire de poursuivre la réflexion et le travail, au sein de l'APCE, en vue de définir des objectifs convergents et partagés de bonnes pratiques. Il faut aussi faire émerger des initiatives innovantes et demander aux États de porter des appels à projets dans tous les domaines de la vie des personnes concernées. Il est temps, en effet, de faire des personnes atteintes une partie prenante des politiques à mener.

Prenant la parole au nom du groupe PPE/DC, Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) , a estimé que les discriminations à l'égard des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée sont un problème grave et préoccupant, inacceptable au XXI ème siècle. Comment accepter que ces maladies soient parfois mal connues des professionnels de santé ? Comment accepter, par exemple, que certaines femmes atteintes d'endométriose, maladie dont souffre une femme sur dix et qui limite 80 % d'entre elles dans leurs tâches quotidiennes, recourent à des stratégies pour cacher leur affection dans leur travail ? Comment tolérer l'errance de diagnostic qui fait perdre des chances de traitement, voire de guérison pour tant de patients ?

Il faut mettre un terme à la double peine que constituent la maladie et les obstacles financiers et sociaux qui s'ensuivent. Il faut autoriser, dans le cas d'un emprunt par exemple, à ne pas mentionner la pathologie. Chacun doit pouvoir vivre en se construisant un avenir et en se protégeant, sans qu'on lui rappelle constamment qu'il est malade.

L'Assemblée parlementaire a raison de se saisir de ce sujet. La réponse sera collective, en assurant des campagnes de sensibilisation de grande ampleur sur ces maladies chroniques et de longue durée. Le droit à la vie n'est pas un simple principe : c'est une réalité qui doit prendre corps dans les politiques de santé, afin d'assurer à tous une pleine jouissance des droits.

Le Conseil de l'Europe peut agir avec l'ensemble de ses États membres. Les membres de l'APCE doivent inciter les gouvernants à coopérer davantage dans la lutte contre les maladies chroniques et de longue durée mais également face aux discriminations dont les malades font l'objet. La victoire contre cette injustice passera par une action collective en vue de rétablir l'égalité pour ces malades.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains), s'est réjoui de ce débat, qui permet d'attirer l'attention sur une situation relativement peu prise en compte dans les politiques publiques alors qu'elle touche un tiers de la population européenne. Les maladies chroniques et de longue durée sont les principales causes de mortalité et constituent des obstacles à la dignité, au bien-être et à l'épanouissement individuel des malades, ce qui est évidemment inacceptable.

Avec la ratification de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, les États membres du Conseil de l'Europe ont pris des engagements en matière de lutte contre les désavantages sociaux touchant les malades. L'APCE invite tous les États membres à renforcer leurs mesures nationales destinées à lutter contre l'exclusion des malades chroniques ou de longue durée. Si l'État n'a pas vocation à tout organiser, la mise en place d'un environnement protecteur pour les populations vulnérables relève incontestablement de ses obligations.

De même, le maintien ou le retour dans le monde du travail devrait être un droit et une réalité pour tous les malades. Travailler contribue au bien-être financier et psychologique des individus ; être privé de travail constitue une stigmatisation sociale injustifiable. Par ailleurs, le droit à l'oubli, c'est-à-dire celui de ne pas avoir à mentionner indéfiniment sa maladie auprès de certains acteurs comme les banques dans le cadre d'une demande de prêt, devrait être généralisé car il est anormal et même inhumain qu'une personne soit privée de toute perspective d'avenir.

M. Frédéric Reiss a souhaité plus particulièrement insister sur l'impact de la pandémie de coronavirus sur la situation des malades chroniques ou de longue durée. La pandémie touche singulièrement les malades, à travers notamment la déprogrammation de diagnostics et de soins qui nourrit un fort sentiment d'injustice, voire de colère, dans les cas les plus dramatiques. Pour cette raison, les responsables politiques doivent prendre en compte ce risque : ne pas le faire pèserait très lourdement sur les capacités de redressement de la société et compromettrait dangereusement l'avenir.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, s'est réjouie que l'APCE tienne un débat sur les discriminations, hélas bien réelles et douloureuses pour les intéressés, à l'encontre des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée. Ces affections, le plus souvent lourdes et invalidantes, concernent au moins un tiers de la population vivant en Europe, soit un nombre considérable de plusieurs dizaines de millions de personnes.

Après avoir relevé que les maladies chroniques et de longue durée sont très variées, elle a insisté sur le fait que toutes engendrent des troubles physiques handicapants au quotidien. Aux symptômes de la maladie, s'ajoutent bien souvent d'autres conséquences très négatives pour les personnes qui en sont victimes, lesquelles impactent leur vie sociale et professionnelle, voire très directement leurs revenus et moyens de subsistance. Cette « double peine » est hélas fréquente et place ces malades dans une situation discriminatoire, voire les stigmatise.

Prenant l'exemple des victimes de la borréliose de Lyme, Zoonose la plus courante d'Europe avec 650 000 à 850 000 nouveaux cas par an dans la seule Union européenne, elle a regretté que cette maladie demeure trop souvent mal-identifiée, plaçant les personnes atteintes dans une situation d'« errance diagnostique », ce qui se traduit parfois ultérieurement par des complications significatives. Beaucoup de patients se sentent démunis et ignorés face à cette affection dont le coût de prise en charge est conséquent. Mais le cas des malades de la borréliose de Lyme ne fait malheureusement pas figure d'exception.

Certes, des avancées ont été enregistrées dans plusieurs pays pour la prise en charge médicale et sociale de toutes les victimes d'affections de longue durée. Le droit à l'oubli pour les patients en rémission constitue également un acquis précieux pour leur permettre de bâtir des projets à l'instar de leurs compatriotes non malades. Il faut néanmoins faire plus, comme le préconise le travail de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable.

Mme Nicole Trisse a conclu en se déclarant en accord total avec les pistes proposées par la rapporteure, jugeant effectivement important de renforcer les capacités de dépistage et de prévention, de développer l'offre de soins et de services destinés à ces malades, de mieux garantir les droits des intéressés, de mener des campagnes de sensibilisation et d'avoir une approche globale, qui ne mette pas de côté le rôle des familles.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, s'est félicité de la mise en lumière de ce problème majeur en Europe, les maladies chroniques et de longue durée altérant la vie et limitant la pleine jouissance de tous les droits humains et de toutes les libertés fondamentales d'au moins un tiers de la population européenne. Les traitements peuvent être lourds et les discriminations dont souffrent les malades bouleversent à jamais leur vie et celle de leur famille, malgré des rémissions ou guérisons.

Pour répondre au mieux aux besoins des personnes atteintes de maladies chroniques et de longue durée, les politiques publiques doivent se concentrer sur l'effort de recherche et sur la mise à disposition des malades de traitements et de diagnostics adéquats. Le dépistage est souvent primordial : plus le diagnostic sera réalisé tôt, plus les traitements et les solutions thérapeutiques permettront de soulager ou de guérir. Naturellement, tout ceci nécessite des moyens financiers considérables et tous les États ne disposent pas des mêmes ressources, d'où des différences importantes dans la prise en charge des patients. Le programme santé de l'Union européenne a été doté d'un budget de 5,1 milliards d'euros et la Commission européenne a annoncé un vaste plan de lutte contre le cancer. Il serait bienvenu que ces fonds puissent servir les malades dans les États aux systèmes de santé moins protecteurs.

Mais les politiques publiques doivent également faciliter l'intégration des malades. Tous les États membres du Conseil de l'Europe, sauf le Liechtenstein, ont signé la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Les États sont donc tenus de mettre en place des politiques pour lutter contre les discriminations et favoriser l'égalité des chances, ce qui passe par l'accès à l'emploi, l'accessibilité des lieux publics mais aussi l'éducation. De même, les Parlements nationaux ont un rôle important à jouer en la matière, à l'instar du Sénat français qui a imposé au gouvernement de développer davantage l'accessibilité des bâtiments publics.

En conclusion, M. Alain Milon a appelé les États membres qui ne l'ont pas encore fait, ainsi que l'Union européenne, à ratifier la Charte sociale européenne révisée.


* 1 Élus pour quatre ans au scrutin proportionnel plurinominal avec listes fermées dans trente-et-une circonscriptions électorales de quatre à seize sièges.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page