B. L'APPLICATION DIFFICILE D'UNE LOI AUX OBJECTIFS DÉSORMAIS MIEUX ACCEPTÉS

1. Un objectif irréaliste depuis le départ

Les maires comme les préfets qui doivent appliquer la loi sont confrontés au caractère irréaliste de ses objectifs dans le cadre temporel qu'elle a défini, c'est-à-dire 20 à 25 ans, voire moins, pour les communes entrées en cours de route dans le dispositif sans pour autant bénéficier des triennats supplémentaires autorisés par la loi ELAN.

a) Comment changer en 25 ans un héritage séculaire ?

La loi SRU marque un véritable tournant dans les politiques d'urbanisme en France . En effet, jusqu'à la loi d'orientation pour la ville de 1991, confirmée par la loi SRU dix ans plus tard, les mouvements de fond de l'économie et de la société française ainsi que les politiques publiques allaient tous vers une plus grande spécialisation des espaces .

L'industrialisation de certaines régions, l'organisation des grandes villes avant et après la reconstruction n'ont fait que pousser vers une segmentation géographique croissante. Cette spécialisation a même été explicitement voulue et recherchée dans le cadre de l'aménagement planifié du territoire. De 1954 à 1973, 350 grands ensembles ont été construits comptabilisant six millions de logements dont la moitié de sociaux.

L'État est à l'origine des grands ensembles qui marquent la reconstruction du pays. Mais dès le début des années 1970, les pouvoirs publics commencent à percevoir leurs inconvénients croissants et stoppent le mouvement. L'arrêt s'opère en deux temps, dans les villes moyennes avec la circulaire Chalandon du 30 novembre 1971, puis dans les agglomérations avec la circulaire Guichard du 21 mars 1973.

Parallèlement, l'État est aussi à l'origine du développement des métropoles. C'est en 1964 que sont instituées huit métropoles d'équilibre devant contrebalancer le poids excessif de la capitale et vers lesquelles sont fléchés les grands investissements et les grands équipements notamment les infrastructures de transport. Selon Pierre Vermeren, cette politique associée à l'exode rural durant les Trente Glorieuses puis la désindustrialisation va conduire à une véritable tripartition de la France : celle des métropoles, celles des banlieues d'immigration et celle des périphéries plus ou moins dominées. « Cette partition n'est pas artificielle, mais structurante, dans la mesure où elle repose sur un partage des tâches, des espaces et des fonctions économiques principales » 6 ( * ) . Cette partition se conjugue avec l'émergence numérique de la classe sociale des cadres de l'économie tertiaire. À des élites peu nombreuses - 1 noble pour 200 habitants en 1789, 1 % de bacheliers en 1914, 550 000 cadres et professions libérales selon l'INSEE en 1954 sur 19,5 millions d'actifs - succède une véritable classe sociale forte de 4,7 millions de personnes en 2020 qui se concentre dans des métropoles. Et Pierre Vermeren, qui pointe tous les méfaits de ce modèle aussi bien au plan social qu'économique ou politique, de s'interroger : « Mais comment réparer une société dont les élites ont fait sécession ? »

Si la LOV, puis la loi SRU en instituant un « droit à la ville », voulait en finir avec la division fonctionnelle de l'espace et la ségrégation sociospatiale, il était illusoire qu'elle puisse renverser un héritage historique immobilier et urbain aussi lourd et des tendances de fond de la société française.

Christel Royer, Maire de Le Perreux-sur-Marne, Val-de-Marne, 12 % de LLS : « Fixer les objectifs sur le flux des nouveaux logements et non sur le stock. Si maintien du calcul sur le stock sortir les LS créés qui gonflent mécaniquement le stock prendre en considération le taux de logements sociaux au niveau intercommunal avec un plancher (30 %) et un plafond (40 %) dès que le taux dépasse les 30 % les villes carencées sortent de la carence et diminuent l'objectif de 25 à 20 %. Avoir une vision sur l'histoire de la ville (pavillonnaire, espace verts ...). Interdire le déconventionnement des LS dans les communes carencées. Aide d'État pour les infrastructures supplémentaires nécessaires (écoles, crèches équipements sportifs, culturels transports...). Équilibrer habitat supplémentaire et emploi. Donner plus de pouvoir au maire pour les attributions. Revoir l'exonération de TF pour les LS (en plus de la suppression de la TH). Repenser l'aménagement territorial national avec rééquilibrage de l'activité économique dans les régions hors métropole. »

Henri Baile, maire de Saint-Ismier, Isère, 11 % de LLS : « La loi SRU n'est pas applicable aux communes comme Saint-Ismier qui sont situées en dehors du périmètre immédiat de l'agglomération. Le prix du foncier est un frein pour les opérateurs et la commune n'a pas les moyens, seule, de porter et de financer le foncier qui serait nécessaire à une production significative de logements sociaux. Au regard de la carence et pour faire face aux objectifs SRU, il faudrait que soient construits 432 logements sociaux d'ici 2025. Cet objectif est totalement inatteignable pour de multiples raisons. En restant sur une part raisonnable de 30 % de social dans les programmes, cela impliquerait la construction de plus de 1 440 logements. Ceci sans compter les conséquences de la loi ALUR et la suppression du COS qui ont pour effet de multiplier les divisions parcellaires, réduisant ainsi le taux de logements sociaux de la commune. Cela représenterait une croissance de 60 % de la population. Cela engendrerait inévitablement une consommation importante de foncier agricole et naturel. Il est illusoire d'imaginer que la densification du bâti existant pourrait produire ce résultat. D'autant que la règle du « zéro artificialisation nette des sols » ne le permet pas. Si on suit la logique, il faudrait démolir des quartiers entiers dans le parc résidentiel privé et reconstruire des logements sociaux en masse. Ce n'est pas réaliste et déconnecté de toute réalité. Il n'est en aucun cas question de réserver la commune aux propriétaires, mais le cadre de vie est un élément majeur de la vie des Français. Il paraît inconcevable que des décisions technocratiques, à destination des villes et des banlieues puissent impacter le cadre de vie des Ismérusiens. Il en va de la responsabilité des élus locaux. Passer de 7 200 à 11 500 habitants, consommer du foncier agricole, ne pas avoir les moyens de financer les équipements publics nécessaires, ne pas avoir les moyens d'accueillir et d'intégrer cette population, telles sont les conséquences de la loi SRU pour Saint-Ismier. Faire porter une pénalité financière pour carence est totalement cynique, car c'est priver la commune d'une ressource qui lui permettrait d'acquérir du foncier pour proposer des baux à construction ou un autre montage, à des bailleurs sociaux et donc construire du logement. L'analyse et les décisions devraient être conduites au niveau local, par des acteurs locaux qui connaissent et maîtrisent le territoire. »

b) La loi SRU impose une transformation en profondeur

C'est sans doute d'ailleurs la dimension de la loi SRU qui reste la moins comprise, la moins admise et la plus ressentie comme une injustice.

En exigeant la présence de 20 à 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales dans la plupart des agglomérations françaises, la loi SRU oblige à une réelle transformation du paysage urbain et de la sociologie des communes concernées .

En 2016, dans une étude tirant un premier bilan de la loi SRU 7 ( * ) , Sandrine Levasseur faisait observer que les communes carencées avaient une structure urbaine très différente des autres puisque leur taux de propriétaires de leur résidence principale était de 68,8 % contre 61,1 % en France hors zone rurale. De même, hors Île-de-France, leur taux de résidences secondaires est bien supérieur. Il s'agissait également de communes dans lesquelles il existe une réelle tension puisque le taux de logements vacants y est plus faible (5,6 % contre 6,9 % en moyenne hors zone rurale). Enfin, elle observait déjà que les communes carencées sont plutôt de petites communes de moins de 9 000 habitants, tendance qui a été fortement accrue par les regroupements récents. Il en résulte un ensemble de difficultés objectives à développer du logement social .

Beaucoup de maires admettent aujourd'hui assez aisément qu'il faille construire des logements sociaux, voire beaucoup, pour répondre aux besoins de la population. Ils sont moins nombreux à accepter ce qu'implique réellement l'application de la loi. Ils souhaitent qu'elle ne s'applique qu'aux constructions nouvelles ou que les logements sociaux ne soient pas intégrés au décompte des résidences principales ou encore que seuls soient comptabilisés les logements construits après l'adoption de la loi ou une autre date récente.

Toutes ces demandes montrent en fait que l'un des principaux objectifs de la loi, c'est-à-dire non seulement de développer le logement social, mais également dans assurer une certaine homogénéité sur le territoire, n'est pas complètement accepté.

En effet, si dans quelques communes disposant de foncier et en croissance démographique, un rattrapage par la seule construction neuve est sans doute envisageable et réalisable dans l'horizon temporel de la loi, dans de très nombreuses communes déjà fortement urbanisées ou contraintes dans leur développement, c'est impossible.

La seule solution est pour elle de densifier et de transformer de l'habitat privé, parfois individuel, en habitat collectif et social par l'utilisation de dents creuses, par des programmes d'acquisition-amélioration ou de promotion immobilière. Or, c'est à la fois plus long, plus cher et souvent plus coûteux politiquement, car cela implique une évolution architecturale et sociologique importante de la commune.

Patrice Quittard, maire de Poulx, Gard : « La loi devrait s'adapter au cas par cas pour que les villages ne perdent pas leur identité et que les communes ne soient pas pénalisées (carence et pénalités financières) par la non-atteinte de cet objectif pour plusieurs raisons.

Poulx est une commune qui a fortement grandi depuis ½ siècle de 160 habitants en 1960 à 1 100 en 1990 et aujourd'hui 4 100 (soit environ 1 800 foyers). Ce qui fait qu'à ce jour nous devons réaliser 434 logements sociaux et que les objectifs triennaux sont inatteignables sauf à dénaturer notre village par la réalisation de barres de logements.

S'il s'agit de déplacer les barres actuelles de la ville centre vers les communes rurales, je ne pense pas que l'objectif de meilleures conditions de vie soit atteint et ce pour l'ensemble des habitants des communes concernées. D'autant que dans des communes comme la nôtre, les infrastructures des transports en commun ne permettent pas aux populations précaires de se déplacer pour chercher et exercer un emploi sur l'agglomération voire au-delà.

Lorsque nous sommes arrivés à la tête de la mairie de Poulx en 2014, il n'y avait que cinq logements sociaux, il y en a aujourd'hui 67 (dont 19 dans le cadre d'une maison en partage) ; nous pourrions être à 100 si un projet n'avait pas fait l'objet d'un recours. Ce recours montre aussi une certaine opposition des habitants à voir se réaliser des projets près de chez eux, le recours porte sur un programme de 33 logements sociaux.

Il nous semble donc particulièrement important de ne pas porter et voir mis en oeuvre des projets de plus de 20/25 logements sociaux qui puissent se fondre dans le cadre de vie de notre village. Nous avons par ailleurs actuellement trois programmes qui pourraient porter ce chiffre à 170 environ dans les 3/4 ans à venir. Mais nous serons encore loin de l'objectif qui lui aura encore augmenté entre temps du fait de l'apport de population.

Notre village, porte d'entrée de la réserve de biosphère Unesco et des Gorges du Gardon, poumon vert de l'agglomération nîmoise, avait fait le choix de garder un environnement et un cadre de vie « naturels » ; les constructions n'étaient possibles que sur des terrains de 1 250 m².

Ceci va complètement disparaître d'autant qu'avec les contraintes que nous avons : le camp militaire des garrigues à l'Ouest et au Nord, la zone Natura 2000 sur le Nord et l'Est, un PRIFF rouge ou bleu au Nord, Est et Sud.

La commune n'a pratiquement pas de zone d'extension possible et de fait les constructions nouvelles ne peuvent être réalisées qu'à travers une forte densification de l'habitat et donc une imperméabilisation des sols, ce qui est contraire à un objectif de non-artificialisation, axe majeur du plan biodiversité.
Même si nous n'avons que très peu de zone PPRI, certaines rues sont fortement pentues et nous avons déjà pu constater lors des derniers épisodes cévenols des dégradations de voiries ou de murs de clôture, sans oublier que l'eau qui s'écoule de Poulx se retrouve dans la plaine et vient aggraver les risques d'inondations en aval.

Je pense que les logements sociaux réalisés et les projets à venir montrent que la municipalité n'est pas opposée à la diversité sociale, mais un projet met 2 à 3 ans minimum avant de sortir de terre ou aboutir, lorsque tout se passe bien.
Les objectifs triennaux ne sont pas adaptés, notre équipe a trouvé une situation proche de zéro et oeuvre pour qu'une mixité sociale voie le jour dans de bonnes conditions, or nous nous retrouvons pénalisés par des objectifs qui, disons-le, sont en fait inatteignables dans les conditions qui nous sont imposées, sauf à faire n'importe quoi. »

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Louis Bonnet, maire de Mazan, Vaucluse, 5 % de LLS : « Supprimer les pénalités trop lourdes pour les communes carencées. Supprimer l'obligation de créer les logements sociaux basée sur les résidences principales existantes, ne créer l'obligation que sur la base des nouvelles constructions. Mettre en place des outils pour sanctionner les promoteurs, investisseurs qui ne respectent pas la production de logements sociaux. Plus on construit des logements sociaux et des logements libres, plus le quota manquant de logements sociaux augmente, prévoir un plafonnement. Incohérence sur la demande de l'État de tenir compte de la transition écologique sur l'habitat et l'éloignement de bassins d'emplois. En réduisant le foncier constructible dans les communes cela a eu pour conséquence une augmentation des prix des terrains. Cette loi SRU oblige les communes à créer des logements où il n'y a pas de bassins d'emplois À REVOIR. Il faut laisser l'attribution des logements sociaux exclusivement au Maire. Il ne faut pas carencer une commune située dans un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de 15 000 habitants. Il faut que les communes puissent maîtriser les constructions pour ne pas voir apparaître des ghettos et pour faire du social intelligent, et vivable pour tous. Cette loi est faite pour des mégapoles, mais pas pour des villages, il ne faut surtout pas généraliser cette loi dans les zones rurales. Il ne faut pas détruire nos jolis villages pour créer à tout prix du logement social. Il faut certes en faire, mais pas n'importe comment, il faut de la qualité, de la mixité ; pas de ghettos. Il ne faut pas défigurer nos villages. Il faut rappeler aux Parisiens que quand ils viennent en vacances chez nous ce n'est pas pour voir le même urbanisme que chez eux. Malgré, toute notre bonne volonté nous ne pourrons jamais atteindre le % demandé. Nous espérons que cette Loi va évoluer de sorte qu'elle ne soit applicable que dans les grandes villes. L'idéal ce serait de l'abroger, car pas réaliste pour nos petites communes. »

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Christian Mounier, maire de Chevalblanc, Vaucluse, 3 % de LLS : « Il ne doit pas y avoir d'obligation d'uniformisation du nombre de logements pour les communes, il y a des secteurs où il y a plus d'emplois et donc on peut comprendre le besoin de créer du logement. Lorsque vous avez 40 demandes, et qu'il faut réaliser 400 logements pour être dans les clous, ce n'est pas acceptable. Construire une nouvelle école coûte de l'argent, ensuite c'est toute la structure communale qui ne suit plus. D'un village rural, nous n'avons pas vocation à faire la course à l'habitant, mais satisfaire tous nos administrés en priorité qui ne comprennent pas pourquoi on loge des personnes étrangères au village et pas eux. Ensuite il faut trouver le bailleur qui en fonction des secteurs ne se pressera pas pour bâtir .En finalité la seule façon de faciliter le développement des logements c'est l'attribution quasi totale aux maires ».

c) Un rattrapage de très long terme inévitable et connu de tous

Cette évolution très profonde est en réalité impossible à réaliser en 20 ou 25 ans dans bien des cas comme l'ont montré plusieurs études et le rapport de la Commission nationale SRU.

Dans un article publié en juin 2020 sur le site internet Politiquedulogement.com et intitulé « Loi SRU : un objectif inaccessible ? », le chercheur Grégoire Fauconnier montre que les objectifs de la loi SRU sont inatteignables au terme fixé de celle-ci pour bon nombre de communes.

Il souligne ainsi qu'une commune ayant un taux initial de 10 % de logements sociaux et qui construirait deux fois plus de logements sociaux que de logements privés mettrait 35 ans pour atteindre le taux de 25 %. Dans l'hypothèse où elle construirait autant de logements sociaux que de logements privés, elle n'atteindrait pas le taux de 20 % au bout de 35 ans.

Appliquant ce modèle mathématique aux 70 communes des Yvelines déficitaires selon l'inventaire 2016, seules sept atteindraient les 25 % en 2025. Selon lui, en réalité, au bout de 45 ans, c'est-à-dire ici en 2060, seules 39 communes atteindraient l'objectif dans la première hypothèse la plus volontariste, et dix seulement dans la seconde !

Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, « le taux SRU est hors de portée pour la grande majorité des communes déficitaires yvelinoises, à moyen terme comme à long terme ».

Cette réalité n'est pas propre aux Yvelines et se retrouve sur tout le territoire. Elle n'est pas non plus nouvelle .

Comme le montrent les hypothèses retenues par Grégoire Fauconnier, cette impossibilité matérielle ne peut pas être imputée seulement à des maires récalcitrants. Ne pas en tenir compte, 20 ans après l'adoption de la loi serait faire preuve d'aveuglement et risquerait de faire basculer l'application de la loi dans l'absurde et le contentieux judiciaire.

Le rapport publié en janvier 2021 de la Commission nationale SRU apparaît comme un retour à la réalité.

Selon ce document, sur les 975 communes actuellement déficitaires non exemptées, 83, soit 9 % sont à deux points d'écart de l'objectif et 449, soit 46 % sont plus de 10 points d'écart. Sur ces 975 communes, seules 80 communes atteindraient le taux légal en 2025 selon le scénario de poursuite de leurs efforts actuels. Il faudrait 5 à 14 ans supplémentaires pour les autres communes soumises au taux de 20 % et 11 à 30 ans pour les communes soumises au taux de 25 % .

Damien Combet, maire de Chaponost, Rhône, 13 % de logements sociaux : « Des contrats d'objectifs territoriaux portés par les élus locaux seraient plus pertinents que le fait d'imposer unilatéralement une obligation nationale unique. Les outils actuels ne sont pas forcément adaptés aux particularités des territoires : les servitudes de mixité sociale par exemple ne sont pas adaptées dans le cas de production de logements sous forme de petites, voire très petites opérations. La durée des périodes triennales est par ailleurs trop courte au regard des délais pour monter les opérations d'urbanisme. Le système actuel est beaucoup trop rigide et il est totalement irréaliste compte tenu du fait que l'échéance de 2025 approche : même si 100 % de la production de logements se faisait en logement social sur les deux dernières périodes triennales, il serait totalement impossible pour la commune d'atteindre l'objectif fixé par la loi.

Le système est ainsi devenu extrêmement décourageant, voire désobligeant pour les communes qui font pourtant d'importants efforts de production de logement social et qui mettent en place les outils mis à disposition (servitudes de mixité sociale, conventions avec les Établissements Publics fonciers, aides directes aux bailleurs, utilisation du mécanisme des dépenses déductibles, etc.). Pour illustrer le propos : le nombre de logements sociaux manquants à ce jour pour respecter la loi (taux qui est passée entre temps de 20 à 25 %) est plus important qu'en 2000 alors que le taux d'évolution des logements locatifs sociaux (+ 50 %) a progressé plus vite que celui du total des résidences principales (+ 22,2 %).

Il est également fort désagréable d'être sanctionné sur des éléments non connus à l'avance : la commune a par exemple été sanctionnée pour non atteinte de l'objectif qualitatif à cause de logements en accession sociale (PSLA) qui, à l'époque où ils avaient été décidés, n'étaient pas comptabilisés en logement social. Le fait qu'ils le soient désormais est une bonne chose, mais on ignorait qu'ils seraient assimilés à des logements PLS et qu'ils viendraient plomber le bilan qualitatif auquel la commune avait pourtant été attentive dans le cadre de la délivrance de toutes ses autorisations d'urbanisme. Autre exemple, la commune a commencé la dernière période triennale sur la base d'un objectif quantitatif fixé au niveau du PLH, mais n'a pas été jugée sur la base de ce dernier (qui était pourtant atteint à 146 %), car entre temps, la loi Égalité et Citoyenneté a supprimé la possibilité de prévoir des objectifs mutualisés au niveau intercommunal, ce qui a eu pour effet de doubler l'objectif.

Ces changements fréquents de la règle du jeu créent d'ailleurs une instabilité qui a un impact sur les procédures longues et coûteuses que sont les élaborations de PLH ou de PLU par exemple, qui a peine approuvés, se retrouvent obsolètes et dont l'État ne tient pas compte pour juger de l'atteinte des objectifs.

Enfin, il y a un vrai déséquilibre entre les sanctions décidées unilatéralement par l'État et les obligations qui continuent de peser sur les communes. Une commune carencée par exemple, perd ses droits à réservation qui sont la contrepartie des garanties d'emprunt qu'elle octroie aux bailleurs alors même que l'on continue à lui demander de garantir ces emprunts. La reprise du droit de préemption par l'État génère en outre une lourdeur administrative totalement improductive et nuisible à l'image de l'administration ».

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Olivier Lebrun, maire de Viroflay, Yvelines, 17 % de LLS : « Mes simulations, partagées avec le préfet des Yvelines, montrent que, soit on crée des ghettos, soit il faut construire un nombre de logements disproportionné par rapport à la capacité foncière réelle de la commune. »

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Marc Boutruche, maire de Queven, Morbihan, 12 % de LLS : « Autant la loi SRU a été indispensable au début de sa promulgation pour obliger à produire du logement social dans toutes les communes de manière plus équilibrée et systématique, autant aujourd'hui un tel objectif est irréaliste au regard du nombre de logements produits versus le nombre de logements existants... Produire des LLS pour rattraper le retard conduirait à ne faire que du social dans de nouveaux espaces urbanisés... ghettos et autres en reconstitution... = stupide. (exemple : à Quéven, 3 800 logements, 461 LLS... et 60 logements nouveaux prévus dans le nouveau PLU. il faudrait construire près de 500 logements sociaux pour rattraper le retard soit 100 % de la production des dix prochaines années ! ! IMPOSSIBLE et peu vertueux). Il est en revanche indispensable d'obliger la mixité dans chaque réalisation nouvelle et donc d'imposer la loi SRU sur les constructions... MAIS nos PLH le prévoient... donc je propose que les agglos raisonnent en global sur leur territoire, diversifient leur offre de logements (PLAI, PLUS, PLAIA, PLS et autre peut-être, intermédiation locative, etc.) et que les pénalités SRU permettent aux communes d'équilibrer mieux les opérations LLS et autres... »

d) La rupture de 2013 et le passage tardif de 20 % à 25 %

Si la loi SRU d'origine marquait un tournant important et nécessitait pour sa pleine application une véritable transformation dans le long terme dont on a commencé à voir toute la difficulté, les changements édictés par la loi du 18 janvier 2013 ont « marqué une nette rupture » selon les mots mêmes de la Commission nationale SRU .

La loi de 2013 a imposé : une augmentation de cinq points du taux de logements sociaux avec un délai supplémentaire de seulement trois ans, une date fixe pour l'atteindre avec une pente contrainte et croissante de rattrapage. Elle a doublé cette obligation quantitative d'une obligation qualitative de 30 % minimum de PLAI, les logements les plus sociaux financés par un prêt locatif aidé d'intégration, et de 20 ou 30 % maximum de PLS, les logements les moins sociaux financés par un prêt locatif social 8 ( * ) .

Alors qu'il était déjà difficile pour beaucoup de communes d'atteindre leurs objectifs, les contraintes supplémentaires imposées dans un délai de temps bref, au regard des délais de mise en oeuvre des politiques du logement, paraissent aujourd'hui, à quatre ans de l'échéance, comme fragilisant le dispositif. Il présente le risque bien réel de démobiliser les territoires, y compris les plus volontaires, par rapport à des objectifs irréalistes . Compte tenu des objectifs qu'impliquent l'application de la loi dans ses deux derniers triennats, soit l'atteinte de 100 % de l'objectif, il est plus que probable que la part des communes ne les remplissant pas s'accroisse et devienne majoritaire.

Dès lors, pour la Commission nationale SRU, il est nécessaire d'adapter les objectifs et les modalités de rattrapage pour les rendre plus cohérents avec la réalité des territoires, tout en lui conservant un caractère à la fois ambitieux et soutenable .

Marlène Mourier, maire de Bourg-lès-Valence, Drôme, 16,5 % de LLS : « La ville de BLV avait l'objectif d'atteindre 20 % de LLS en 2025 et tout a été organisé pour atteindre cet objectif : le PLH et le PLU. Fin 2020, l'État nous enjoint d'atteindre 25 % de LLS en 2025 : il n'est pas possible de changer les règles du jeu de manière aussi brusque, cet objectif est inatteignable et ce type de politique est particulièrement déstabilisatrice et ne créera pas de la mixité sociale, mais du ghetto social. Puisque dans ces circonstances, la Ville est acculée à ne produire que du LLS = 100 % de sa production. Cela devient absurde.

La commune a mis les moyens depuis 2000 pour augmenter le parc LLS en passant de 10 % à 16,5 % en 2020 et du jour au lendemain la règle change sans temporisation avec un prélèvement conséquent qui n'a pu être anticipé ».

e) Une impossibilité pratique bientôt reconnue par les tribunaux ?

Le 20 juin 2019, la Cour administrative d'appel de Versailles a donné raison à la commune de Neuilly-sur-Seine contre l'État sur l'application de la loi SRU . Alors que Neuilly-sur-Seine apparaît comme le symbole de la commune réfractaire à la loi SRU, très riche, située dans l'Ouest parisien et dotée de 6 % de logements sociaux, un arrêt de cour d'appel reconnaît que les objectifs imposés par le ministre du logement sont irréalistes et constituent « une erreur manifeste d'appréciation ». De ce fait, la Cour a annulé l'arrêté du ministre et a condamné l'État aux dépens.

L'État s'est pourvu en cassation et l'arrêt du Conseil d'État est attendu dans les prochaines semaines, mais d'ores et déjà cette décision judiciaire brise un tabou : une commune carencée n'est pas forcément de mauvaise volonté et les objectifs assignés quoique légitimes peuvent être irréalistes dans les délais impartis .

La commune avait attaqué un arrêté ministériel de 2013 qui maintenait l'objectif de logements sociaux alors que la Commission nationale avait émis un avis proposant de ramener l'objectif à un niveau inférieur, soit 600 logements au lieu de 743. Le tribunal administratif avait donné raison à l'État en première instance, mais la cour d'appel a retenu les arguments suivants de Neuilly-sur-Seine :

- la situation spécifique de la commune : la rareté du foncier disponible sur son territoire, son coût anormalement élevé , l'épuisement du réservoir de logements potentiellement indignes , susceptibles d'être conventionnés au titre du logement social après rénovation, le faible nombre des emprises publiques (6 % de la surface du territoire) et leur indisponibilité ;

- la mobilisation de l'ensemble des moyens possibles par la commune : la mise en place d'un droit de préemption renforcé sur tout le territoire de la commune et de la majoration de 20 % du coefficient d'occupation des sols pour la réalisation de logements sociaux, l'échec de plusieurs procédures de préemption , l'utilisation de près d'un quart de son budget d'investissement pour le logement social , les constructions nouvelles sont presque exclusivement du logement social ;

- l'échec du préfet : « Il est ainsi constant que le préfet, à la suite du constat de carence, a exercé le droit de préemption autorisé par la loi du 25 mars 2009 et n'a pas réussi à faire aboutir les procédures engagées ».

À bien y regarder, beaucoup d'autres communes en France pourraient exciper de difficultés similaires. Elles n'ont pas les mêmes moyens juridiques et financiers qu'une ville comme Neuilly-sur-Seine et peuvent difficilement se lancer dans des procédures aussi longues et coûteuses. Mais beaucoup attendent avec intérêt l'arrêt du Conseil d'État, car elles sont confrontées à des objectifs inatteignables, imposés de manière aveugle et indépendamment des difficultés pratiques et temporelles.

L'irréalisme de la loi SRU telle qu'elle est appliquée aujourd'hui va être toujours plus criant au fur et à mesure que l'on s'approchera de 2025, car le retard accumulé conduit à des objectifs toujours moins atteignables et menace clairement l'acceptabilité de la loi.

Sans toutefois évoquer cette hypothèque judiciaire, la Commission nationale SRU ne disait pas autre chose dans son rapport : « Face à cette augmentation des objectifs, il est probable que la part des communes qui ne rempliront pas leurs objectifs quantitatifs s'accroisse, avec parmi celles-ci des communes réellement engagées dans des démarches volontaristes de production. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de préserver les effets vertueux du dispositif de l'article 55[...] L'objectif doit être adapté pour être rendu cohérent avec la réalité des territoires... Il en va de la crédibilité du dispositif SRU ».

Igor Trickovski, maire de Villejust, Essonne, 10 % de LLS : « Je suis un farouche opposant à la loi SRU, mais un réel défenseur de la mixité sociale. À mon sens la loi SRU a aggravé les disparités sociales en poussant à une surconcentration des logements sociaux dans certains secteurs aux seules fin de répondre aux exigences comptables de l'État, plus attaché à des contraintes de respect de calendrier qu'à une recherche de bien vivre ensemble. La mixité sociale verticale qui existait notamment en région parisienne et dans les grandes villes a quasiment disparu. Là où se côtoyaient ouvriers, employés et cadres, avec leurs familles, les regroupements par catégorie socioprofessionnelle sont désormais la règle. La création d'une véritable mixité sociale sur l'intégralité du territoire doit se faire sur la base d'autres présupposés afin de pouvoir en garantir l'acceptabilité des populations. Lorsqu'une commune de l'Essonne, à typologie rurale, peu dotée en transports en communs et en services, se voit flécher sur le premier logement attribué de son principal programme de logements sociaux livrés, une famille venant d'une commune de plus de 50.000 habitants du Val-d'Oise, sans aucune attache avec ni la ville ni le secteur, que ce soit à titre personnel ou professionnel... il y a là un véritable problème. Le logement et le lieu de vie sont subis. Que la marge de choix soit moindre dans le logement social on peut l'entendre, en revanche des aberrations comme celle-ci ne sont pas anecdotiques et nuisent à l'appropriation des nouveaux habitants de leur nouveau territoire et des résidents antérieurs à l'accessibilité.

Mais surtout c'est la question de la différenciation qui semble centrale. Qu'une commune dense, comptant plusieurs gares, des accès nombreux aux transports en commun, aux services et aux lieux d'activités compte un quota supérieur à 25 % (mais inférieur à 50, voire 40 % comme je le souhaite également) est cohérent. En revanche que de petites communes qui n'ont pas une caractéristique dense et avec peu de services et surtout de transports soient à un quota plus faible, cela mériterait d'être entendu. Pour faire simple, et malgré de nombreuses relances auprès de la population afin de les inciter pour leurs familles, leurs proches à s'inscrire pour obtenir des logements sociaux, le besoin pour les seuls habitants de notre commune et leurs entourages pourrait être satisfait avec un quota de 5 % de logements sociaux... autant dire que sur les 20 autres % à atteindre, une majorité ne connaîtront pas même l'existence de notre ville avant de se voir proposer d'y vivre... autant pour le logement choisi et la bonne adaptation à leur lieu de vie... Peut-être qu'un système à points, lié aux conditions et contraintes existantes, transports, accessibilité, présence de services, présence de lieux et zones d'activités, soient des éléments à prendre en compte dans le calcul du taux à viser et permette ainsi de différencier les situations. Par exemple présence d'une gare RER sur le Territoire, + 5 à 10 % de logements sociaux ; seuil de présence d'entreprises sur le territoire de la commune + X % ; majorité de terres agricoles sur le territoire communal - X %, survol des avions - X %, etc. Enfin, un point de base vaudrait sincèrement d'être revu, le mode de calcul en lui-même. À savoir que le taux à atteindre soit un pourcentage du nombre de logements de la commune hors logements sociaux, en termes de clarté cela n'est pas grand-chose, mais évite de donner le sentiment d'une course sans fin, tout logement social construit générant lui-même des droits à construire pour de nouveaux logements sociaux. »

2. La lettre et l'esprit de la loi

La loi SRU a donné lieu à de vifs débats. Des maires ont, dans un premier temps, refusé de l'appliquer et quoique minoritaires aujourd'hui, la consultation a montré que cette opposition n'avait pas encore disparu. Ces réticences ont aussi alimenté la volonté d'en atténuer les effets, d'en retenir plus la lettre que l'esprit. On a pu assister à des contournements voire des stratégies d'évitement qui sont aujourd'hui bien identifiées.

On peut se référer à la thèse que le géographe Grégoire Fauconnier a soutenu en juin 2019, qui fait référence sur le sujet, et qu'il a vulgarisée dans le livre intitulé Loi SRU et mixité sociale, le vivre ensemble en échec ? 9 ( * ) Il y a étudié plus particulièrement les stratégies menées par des communes déficitaires des Yvelines. Il a relevé une stratégie délibérée d'en respecter la lettre plutôt que l'esprit en favorisant la dilution des logements sociaux dans les constructions neuves, le développement des logements les moins sociaux et enfin les « logements-structures » apportant le moins de mixité.

a) Diluer le logement social dans les constructions neuves

Les données chiffrées montrent que la loi SRU a stimulé la réalisation de logements sociaux. Entre 2002 et 2016, elle a progressé de 42 %. Mais il n'en va pas de même du taux de logements sociaux sur l'ensemble des résidences principales. Sur la même période, il n'aurait progressé que de 4,7 points de 9,1 à 13,8 % dans les communes étudiées.

Cette situation « décourageante » au regard de « l'effort » réalisé en faveur du logement social s'explique par la construction parallèle de logements privés dans lesquels les logements sociaux sont « dilués ». Certains allant jusqu'à formuler le paradoxe que les communes construisent du logement social pour construire du logement privé compte tenu des contraintes légales. Concrètement ce phénomène est organisé dans le cadre de programmes de Vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) dans lesquels les bailleurs sociaux achètent une part minoritaire, souvent 30 ou 40 % dans les villes déficitaires. La VEFA représenterait désormais les deux tiers des nouveaux logements sociaux en zone tendue.

Ce phénomène a des effets bénéfiques. D'un côté il est le vecteur d'une certaine mixité, les logements sociaux et libres cohabitant dans la même résidence même si c'est le plus souvent dans des immeubles ou cages d'escalier différents. Il conduit à banaliser le logement social en termes esthétiques et qualitatifs. Il devient difficile de distinguer l'immeuble social de la promotion libre et permet donc de diminuer les préventions et les stéréotypes contre ces logements. Il présente enfin l'avantage d'apporter une sécurité financière aux promoteurs en leur permettant de placer à prix certains une part importante de leurs programmes. En revanche, il alimente la course sans fin du rattrapage pour les maires déficitaires et parfois carencés.

b) De petits logements en PLS plutôt que des PLAI familiaux

L'examen qualitatif des logements montre également bien souvent une volonté de contournement. La loi SRU n'a pas établi de pondération entre petits et grands logements pour ne retenir que leur nombre parmi les résidences principales. Elle n'a également introduit d'objectif qualitatif qu'à partir de 2013 en fixant un plafond de PLS, les logements les moins sociaux, et un plancher de PLAI, les logements les plus sociaux.

Dès lors, les maires qui souhaitent « faire du chiffre » et minimiser l'impact sociologique de la loi SRU sur leur commune ont intérêt à favoriser nettement les petites surfaces pour les populations les moins défavorisées. Ces petites surfaces de type F1 ou F2 (une ou deux pièces principales) vont accueillir des célibataires ou des couples actifs sans enfants ce qui a donc peu de conséquences en termes de services à fournir par la municipalité.

c) Les logements structures plutôt que les populations permanentes et les familles

La stratégie d'évitement est plus importante encore lorsque sont délibérément privilégiés les logements temporaires en structures collectives : logements étudiants, résidences pour jeunes actifs, logements foyers pour personnes âgées ou EHPAD dont les habitants ne participent que peu à la vie de la commune.

Sur ce point, Grégoire Fauconnier a montré que ce type de logements représentait plus du tiers des logements sociaux dans les communes déficitaires étudiées entre 2002 et 2016. Certaines l'ont fait de manière quasi exclusive et donc au-delà des besoins objectifs du territoire.

Grégoire Fauconnier donne l'exemple d'une commune qui a ainsi rempli ses obligations du triennat 2011-2013 en construisant une résidence étudiante de 210 logements. Il note qu'une soixantaine seulement de logements sociaux traditionnels auraient pu être construits sur cette parcelle mettant en évidence un vrai biais de la loi SRU dont se plaignent les maires de bonne foi .

Pour Grégoire Fauconnier l'analyse de cas montre l'incapacité de la loi SRU, à elle seule, à réduire les inégalités sociospatiales et que « si la lettre de loi est globalement respectée, son esprit est le plus souvent trahi ».

3. Le nécessaire accord des élus et des populations

20 ans après l'adoption de la loi, il apparaît également clairement que la loi ne peut s'appliquer sans rechercher l'accord des élus et l'adhésion des populations.

Or, au cours des 20 ans écoulés, les frontières traditionnelles sont tombées sans pour autant faciliter les choses.

a) Des résistances et difficultés qui transcendent couleurs politiques et territoires riches et pauvres

Les débats autour de la loi SRU ont bien souvent été l'occasion de caricaturer les maires et communes récalcitrantes. Il s'agirait de communes riches votant à droite de l'Ouest parisien ou de la Côte d'Azur plus préoccupées de préserver un ghetto privilégié que d'accueillir des populations indésirables. Ce serait le négatif des maires communistes de la « banlieue rouge » qui eux favoriseraient le logement social.

Ce cliché a la vie dure, mais les récents travaux de recherche ont montré qu'il n'était plus très fondé.

Selon Gérard Fauconnier, on a pu qualifier de « récalcitrantes » les communes initialement déficitaires, c'est-à-dire depuis l'origine de la loi, qui ont encore moins de 5 % de logements sociaux et ont vu leur taux baisser ou stagner. Or, selon les données INSEE, ces communes ne sont pas plus riches, mais plus pauvres que les communes qui ont « joué le jeu » au regard du revenu médian par unité de consommation (18 200 euros c/ 18 700 euros). À cet égard, à l'occasion de leur visite dans le Nord, sur la métropole de Valenciennes, les rapporteurs ont pu constater que la loi SRU posait également des difficultés d'application dans des territoires pauvres avec une forte culture du logement social.

De même, la couleur politique n'est pas déterminante. Parmi les communes « récalcitrantes », deux tiers des maires sont étiquetés à droite entre 2001 et 2014, un quart à un tiers sont étiquetés à gauche (24 puis 28 % sur les deux mandatures). Mais parmi les maires qui ont « joué le jeu », on compte également 58 % puis 49 % de maires étiquetés à droite sur les deux mandatures successives...

Il est d'ailleurs constaté que compte tenu de l'évolution du périmètre législatif, le nombre de communes déficitaires a augmenté passant de 728 en 2002 à 1 165 en 2018. Parallèlement, le profil des communes déficitaires a évolué. Elles sont plus petites, plus périurbaines et moins favorisées. Elles sont devenues éligibles du fait de la rurbanisation et parfois en raison de l'adhésion à une commune nouvelle ou à un ensemble plus large, agglomération ou métropole . C'est ce qu'ont constaté vos rapporteurs lors de leurs déplacements à Valenciennes et à Nice et ce qui ressort nettement de la consultation des élus. Cela n'avait d'ailleurs pas été anticipé dans le questionnaire qui ne demandait pas de préciser la population de la commune ou sa situation rurale ou périurbaine. Mais beaucoup de témoignages reçus montrent que les communes déficitaires et carencées sont souvent à la frange des grandes villes, parfois éloignées des bassins d'emploi, de vie et des transports. Le logement social et collectif n'est pas ou peu dans leur culture. Sans y être opposées, elles ont du mal à comprendre la pertinence de l'obligation qui leur est faite alors qu'elles ont peu de demandes de logements sociaux.

Si la loi SRU semble moins politisée, c'est peut-être aussi qu'un certain nombre d'obstacles pour atteindre les objectifs sont bien réels au regard de la transformation de la sociologie et de l'organisation des communes qu'elle implique .

b) L'enjeu de l'acceptation démocratique

Derrière les clichés visant à stigmatiser les récalcitrants, se cache la question bien réelle de l'acceptation démocratique des citoyens.

On oublie trop qu'un maire est élu par ses administrés pour s'occuper de leur commune. Il est trop facile de réduire leur action à des soucis électoralistes et clientélistes.

Aujourd'hui porter la construction de nouveaux logements et d'équipements, et encore plus un changement de configuration d'une commune pour accueillir du logement social, est devenu très complexe, voire franchement dangereux politiquement d'autant qu'il est très difficile, coûteux et long de mener des opérations d'amélioration-acquisition ou de conventionnement sur le parc existant.

La commune de La Gaude

6 400 habitants , commune carencée avec 4,32 % de logements sociaux et un prélèvement majoré de 293 261 euros.

Pourtant sur cette commune le maire, Bruno Bettati, mène un programme volontaire de constructions de 298 logements sociaux sur trois sites :

La Baronne : 560 logements, dont 35 % sociaux : soit 196 et 2 500 m² de commerces.

Opération pilotée par l'EPF, élaborée en collaboration avec la commune et la métropole de Nice-Côte-d'Azur. L'EPF intervient dans le cadre de la convention pour des acquisitions (hors emplacement réservés). L'opération est montée sous forme de ZAC. Elle permettra de financer des équipements publics : voirie, réseaux, extension du groupe scolaire pour partie, salle municipale, installation d'un service communal.

Financement communal à hauteur de 1 150 000 € sur 10 ans,

Les Vaquières : 120 logements, dont environ 100 sociaux, 40 BRS, 60 (voire plus) de logements sociaux purs (actifs de moins de 30 ans / étudiants) en raison de la présence d'une école d'infirmières. Opération pilotée par la commune et l'EPF en lien avec la Métropole NCA,

Fin 2020, Maison Familiale de Provence a été choisi comme opérateur,

Terrain ROSSI : 12 logements, dont 2 sociaux (Côte d'Azur habitat), opération privée réalisée par OGN Promotion (promoteur toulousain).

Pour ces communes se pose également la question des attributions qui sont centrales pour l'acceptation des habitants .

Si certains maires ne comprennent pas que la loi leur demande de construire plusieurs centaines de logements alors que la demande enregistrée sur leur commune n'est de quelques dizaines, d'autres acceptent d'accueillir de nouvelles populations. Ils finissent par être tout aussi rétifs dès lors qu'ils constatent que les nouveaux logements sont attribués à des ménages sans attache avec la commune et dont le bassin de vie se trouve ailleurs alors que la demande locale n'a pas été satisfaite !

Dans certaines petites communes périurbaines dépourvues de transport et où une voiture est absolument nécessaire, les attributions frisent parfois l'absurde lorsqu'un logement est affecté à une mère célibataire qui n'a pas le permis de conduire et dont l'enfant handicapé ne peut être conduit à l'école et a dû être temporairement déscolarisé...

c) Une politique trop descendante : « Les carencés pour l'exemple »

Dans le cadre de leurs déplacements, de leurs auditions et de la consultation, vos rapporteurs ont trop souvent rencontré des maires qui alors même qu'ils sont réellement engagés en faveur du logement social et prennent les mesures pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés, voire ont réalisé un niveau encore jamais atteint de logements sociaux sur leurs communes, voient augmenter leurs prélèvements et sont parfois carencés.

Ces sanctions sont complètement incomprises d'autant qu'elles ont été dans bien des cas imposées par Paris, qui lors du dernier bilan triennal a souhaité afficher une augmentation des pénalités et du nombre de villes carencées. Le bilan de la Commission nationale SRU en témoigne, il n'y est question que d'aggraver les pénalités et les sanctions.

Pour vos rapporteurs, sur le terrain on constate l'impact désastreux de ces « carencés pour l'exemple ».

Au rang de ceux-ci, on peut citer la petite commune d'Hergnies , comptant 4 400 habitants et située à la frontière belge au nord du Valenciennois et à plus d'une heure de la ville centre par les transports en commun. C'est une commune avec un fort aspect rural, trois exploitations agricoles sont encore actives. Elle a été carencée alors que son maire, Jacques Schneider, a indiqué à vos rapporteurs qu'un programme de 30 logements n'avait pu aboutir en raison des obligations de fusion des bailleurs sociaux suite à la loi ELAN et des conséquences de la RLS. 34 logements sociaux supplémentaires sont programmés sur le triennats et 30 autres devraient être réalisés avant 2025. Dans ce contexte, le passage de la pénalité de 26 000 euros à 44 000 euros annuels est à la fois incompréhensible et un handicap pour la commune qui doit financer des services pour faire face à l'augmentation de sa population comme le passage de 10 à 20 berceaux de la crèche ou l'extension de l'école.

On peut également s'interroger sur le cas de la ville de Mimet, 4 600 habitants, aux confins de l'agglomération marseillaise dans les Bouches-du-Rhône et qui se trouve également carencée. Son maire, Georges Cristani, a pourtant indiqué à vos rapporteurs qu'entre 2017 et 2019, il avait donné 52 permis pour des logements sociaux et seulement 14 pour des logements libres. En 2020, un seul permis de construire a été accordé sur la commune pour la construction de 51 logements sociaux. Selon la loi SRU, quelque 310 logements sociaux supplémentaires devraient être construits sur la commune d'ici 2025. Cette obligation paraît d'autant moins atteignable que la commune semble prise dans un carcan de contraintes entre zones naturelles classées, risque de feu de forêt, zone inondable, risques miniers et argileux (reconnue en état de catastrophe naturelle en 1993, 2005, 2008 et 2009...) alors que les zones urbaines ou à urbaniser ne représentent que 11 % du territoire communal ! Le maire fait également savoir que la zone identifiée par la préfecture pour installer des logements sociaux n'est pas reliée au réseau d'assainissement des eaux usées dans une commune au relief tourmenté où il est déjà insuffisant. Cette zone n'est pas non plus reliée par les transports en commun, qui se résument à une unique ligne de bus en direction d'Aix-en-Provence effectuant treize rotations en semaine et quatre le week-end.

Thierry Schaal, maire de Fegersheim, Bas-Rhin, 12 % de LLS : « Il faut conserver la délivrance des permis de construire au niveau communal. Mutualiser les objectifs de logements au niveau de la métropole, avoir une regard micro sur les objectifs et pas une règle unilatérale, disposer de vraies discussions avec les services de l'État et non la forme actuelle de ``tribunal'' qui stigmatise les communes qui font des efforts et ces efforts ne sont pas reconnus par l'État, avoir un accompagnement d'ingénierie des services de l'État plutôt que d'un simple contrôleur, supprimer les silos dans les services de l'État : exemple : la DDT regroupe l'habitat et le PPRI, or ces deux services ne s'accordent pas afin de prendre en considération la vraie situation du terrain. »

- - -

Françoise Louapre, maire de Laillé, Ille-et-Vilaine, 9 % de LLS : « Pour l'application des pénalités, il faudrait tenir compte des efforts de la commune à combler son retard. Notre commune historiquement pavillonnaire de banlieue de grande ville est pénalisée de la même manière que des communes récalcitrantes malgré les efforts de rattrapage. »

4. Une loi constamment débattue, mais finalement consolidée

Ce qu'on appelle aujourd'hui la loi SRU est en fait le fruit d'une histoire législative et politique mouvementée vieille de 30 ans. À travers une réelle instabilité du droit applicable, c'est pourtant une continuité et un début de compromis qui se dessine.

a) Les prémices, les débats autour de la LOV

Comme cela a été indiqué, la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, dite LOV, est le résultat de la prise de conscience à partir de la fin des années 1970 et surtout des années 1980 des méfaits des grands ensembles et de la volonté de mener des politiques contre la ségrégation et de redistribuer les logements sociaux sur le territoire. C'est donc la LOV qui instaure pour la première fois un quota de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants situées dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants et non couvertes par un PLH. Les communes qui ne respectaient pas cette obligation devaient s'acquitter d'une contribution financière annuelle de solidarité égale à 1 % de la valeur locative des immeubles soumis à la taxe foncière sans excéder 5 % des dépenses de fonctionnement.

Puis, par les lois du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et celle du 21 janvier 1995 relative à la diversité de l'habitat, le législateur a retenu une définition plus large des logements pris en compte en incluant : les logements en accession sociale achevée depuis moins de dix ans, les logements acquis grâce au prêt à taux zéro, les logements intermédiaires, l'hébergement des sans-domicile et les terrains d'accueil des gens du voyage. Par ailleurs, toutes les communes de moins de 3 500 habitants ont été exclues.

b) La loi SRU 1re mouture

À la fin des années 1990 reviennent en force dans le débat politique les questions de ségrégation, « d'apartheid territorial » selon une expression de Jean-Pierre Chevènement, et de risque de sécession urbaine. La loi de solidarité et de renouvellement urbain, dite SRU, du 13 décembre 2000, devait d'ailleurs dans son exposé des motifs souligner que ces mouvements qui s'amplifiaient remettaient en cause le lien social, les bases du contrat républicain et le fonctionnement de la démocratie. Raison pour laquelle, elle devait affirmer la volonté de « sortir d'un système dans lequel certaines communes peuvent continuer de refuser la construction de logements sociaux ».

L'article 55 de la loi SRU marque la volonté de rendre obligatoire ce qui n'était qu'une orientation dans la LOV. Elle introduit plusieurs évolutions importantes tout en en conservant l'idée générale.

Elle élargit le champ d'application de la loi aux communes de 1 500 habitants en Île-de-France, 3 500 ailleurs, qui appartiennent à des agglomérations de plus de 50 000 habitants et comportant une commune de 15 000 habitants. Ainsi, la loi concernait 114 agglomérations et 1 385 communes dont 764 déficitaires. Elle introduit toutefois des clauses d'exemption soit en raison du déclin démographique soit de l'inconstructibilité de la moitié du territoire urbanisé.

Elle recentre en revanche le champ du logement social sur le locatif social en excluant l'accession à la propriété et le logement intermédiaire, mais en conservant les logements privés conventionnés et les logements dits structures : foyers, résidences sociales et centres d'hébergement et de réinsertion.

L'article 55 fixait une pente de rattrapage de 5 % par an afin d'atteindre l'objectif en 2022.

Le respect des obligations est vérifié tous les trois ans par les préfets de département. Ces bilans triennaux peuvent entraîner une sanction à travers un arrêté de carence en cas de non-respect des objectifs.

Les communes déficitaires sont contraintes de s'acquitter d'un prélèvement calculé en fonction du nombre de logements sociaux manquants et de la richesse de la commune dans la limite de 5 % des dépenses de fonctionnement. En cas de carence, le préfet peut majorer le prélèvement. Cette majoration était à l'époque au maximum de 100 %.

c) Sa contestation et ses évolutions

Comme la LOV, la loi SRU a été fortement contestée notamment dans le cadre des débats de la loi portant engagement national pour le logement en 2006 où l'abbé Pierre était venu assister aux débats à l'Assemblée nationale pour s'opposer symboliquement à certaines modifications. La question de la prise en compte de l'accession sociale à la propriété a été vivement débattue, mais rejetée du fait de l'opposition du Sénat. Il l'a renouvelée, en 2009, à l'occasion de la discussion de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE). En revanche, les aires permanentes d'accueil des gens du voyage ont été réintroduites.

La loi sur le droit au logement opposable en 2007 a apporté de nouvelles évolutions, l'une d'entre elles a été de remplacer la notion d'agglomération dépendant de l'INSEE par celle d'EPCI.

d) Le durcissement, la loi Duflot de 2013

Mais c'est la loi du 18 janvier 2013, dite Loi Duflot 1, relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui va marquer l'évolution la plus importante.

Elle retient une proposition de la Fondation Abbé Pierre de porter le quota de logement social à 25 % dans les plus grandes villes en tension et exige de l'atteindre au plus tard en 2025 . Pour ce faire, elle fixe un rythme de rattrapage croissant et cumulant le retard de la commune au fur et à mesure que l'on s'approche de 2025.

Elle introduit ensuite des obligations qualitatives de production en imposant un taux de 30 % minimum des logements les plus sociaux, les PLAI, et de 30 % maximum des logements les moins sociaux, les PLS et de 20 % lorsque le taux de logements sociaux dans la commune est inférieure à 10 %.

Elle impose aux communes carencées de produire au moins 30 % de logements sociaux dans tous leurs programmes de plus de douze logements ou 800 m² de surface.

La loi alourdit les pénalités en permettant au préfet de les quintupler dans les communes carencées dans la limite de 7,5 % des dépenses de fonctionnement pour les communes les plus riches. Les prélèvements sont versés aux EPCI délégataires des aides à la pierre ou aux établissements publics fonciers de l'État et les majorations sont versées au Fonds national des aides à la pierre, le FNAP.

La loi égalité citoyenneté du 27 janvier 2017 apporte certains assouplissements pour tenir compte des difficultés d'application de loi Duflot. Elle fixe le régime actuel d'exemption en retenant trois critères : la faible demande de logements sociaux, l'inconstructibilité et l'absence de transport en commun. Par ailleurs, elle ajoute au décompte les logements en intermédiation locative et y réintroduit les terrains aménagés au profit des gens du voyage.

Mais elle durcit également les sanctions contre les communes. Déjà par la loi MOLLE, en 2009, les préfets reprenaient automatiquement le droit de préemption dans les communes carencées, puis, par la loi ALUR du 24 mars 2014, les autorisations d'urbanisme et pouvaient établir une convention avec une association d'intermédiation locative, mais la LEC y ajoute la reprise des attributions, la gestion du contingent municipal de logements sociaux.

e) La loi ELAN, le début d'un compromis ?

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, a ouvert la voie à de nouveaux assouplissements, mais peut-être aussi, aux termes de débats nourris, à la formation d'un certain compromis grâce à la conférence de consensus sur le logement voulue par le Président du Sénat Gérard Larcher.

La loi a modifié la liste des logements décomptés en y intégrant les logements à baux réels solidaires (BRS) et pour cinq ans ceux financés par un prêt social de location-accession (PSLA), les logements conventionnés APL cinq ans après l'échéance, et les logements HLM vendus à leurs occupants pendant dix ans.

La loi ELAN a aussi prolongé les dispositions de la loi NOTRe du 7 août 2015 en accordant cinq périodes triennales supplémentaires à toutes les communes entrées dans le dispositif à partir du 1 er janvier 2015 du fait des modifications des intercommunalités. De plus est institué une exonération de prélèvement les trois premières années pour toutes les communes qui entrent dans la loi SRU du fait d'une modification de périmètre de l'EPCI d'appartenance ou d'une fusion.

Elle exclut les communes d'Île-de-France de moins de 3 500 habitants dès lors qu'elle se situe hors de l'aire urbaine de Paris.

Enfin, elle instaure un dispositif expérimental, dit « expérimentation Daubresse », du nom du sénateur Marc-Philippe Daubresse, pour permettre la mutualisation des constructions de logements sociaux au niveau des EPCI dans des conditions très restrictives.

Au final, la juriste Alice Fuchs-Cessot 10 ( * ) a pu relever que la loi SRU reposait sur cinq principes, restés inchangés depuis l'an 2000 :

• La loi s'impose toujours aux communes et non aux EPCI malgré les évolutions de leurs responsabilités en termes d'urbanisme et de logement ;

• Les communes sont soumises à une obligation de résultat contrôlée tous les trois ans ;

• Les communes déficitaires doivent s'acquitter d'un prélèvement ;

• Celles qui ne s'inscrivent pas dans la perspective du rattrapage demandé peuvent être « carencées » et donc sanctionnées financièrement et perdre certaines de leurs compétences ;

• Le préfet et le Premier ministre jouent un rôle majeur du fait des pouvoirs discrétionnaires qui leur sont accordés en matière de carence ou d'exemption.


* 6 Pierre Vermeren, L'impasse de la métropolisation, op.cit.

* 7 La loi SRU et les quotas de logements sociaux : bilan et perspectives , Sandrine Levasseur, Revue française des affaires sociales 2016/3, pages 113 à 149.

* 8 Logements sociaux? PLAI, PLUS, PLS, PLI, quelles différences??

* 9 Éditions omniscience, mars 2020, 238 p.

* 10 Alice Fuchs-Cessot, « L'article 55 de la loi SRU : une main de velours dans un gant de fer », L'Actualité juridique. Droit administratif, N° 42, 2020, p. 2418.

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