PREMIÈRE PARTIE :
BILAN QUANTITATIF ET SYNTHÈSE

I. MALGRÉ UN TAUX D'APPLICATION DES LOIS EN AUGMENTATION, LE QUART DES MESURES PRÉVUES RESTE EN ATTENTE DE PUBLICATION

A. UNE ACTIVITÉ DE LA COMMISSION DES LOIS TOUJOURS SOUTENUE AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE

1. Une proportion des lois promulguées, hors conventions internationales, sans égale parmi les commissions permanentes

Au cours de la période de référence, soit entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020, 23 lois examinées au fond par la commission des lois ont été promulguées, un niveau supérieur à celui de l'année précédente (19 lois promulguées avaient alors été examinées au fond par notre commission).

Liste des 23 lois promulguées entre le 1 er octobre 2019
et le 30 septembre 2020 et examinées au fond par la commission des lois

1. Loi organique n° 2019-1268 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ;

2. Loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ;

3. Loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019 tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes ;

4. Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ;

5. Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille ;

6. Loi n° 2020-146 du 21 février 2020 ratifiant l'ordonnance n° 2019-235 du 27 mars 2019 relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l'urbanisme de Saint-Martin ;

7. Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;

8. Loi organique n° 2020-364 du 30 mars 2020 modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;

9. Loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ;

10. Loi n° 2020-366 du 30 mars 2020 modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet ;

11. Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

12. Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ;

13. Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires ;

14. Loi n° 2020-766 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ;

15. Loi n° 2020-833 du 2 juillet 2020 relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;

16. Loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent ;

17. Loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ;

18. Loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux ;

19. Loi n° 2020-909 du 27 juillet 2020 visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie ;

20. Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ;

21. Loi organique n° 2020-976 du 3 août 2020 portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France ;

22. Loi organique n° 2020-1022 du 10 août 2020 prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental ;

23. Loi n° 2020-1023 du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

Le nombre de lois examinées au fond par la commission des lois et promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 est légèrement supérieur à la moyenne constatée ces dernières années , qui s'établit à un peu plus de 21,6 lois par année parlementaire depuis 2007-2008. Il traduit une activité extrêmement dense au cours de l'année car les textes concernés ont été pour certains volumineux et comportent un nombre de mesures d'application, prévues ou non, très élevé, en particulier du fait de l'état d'urgence sanitaire, lequel a généré un travail, tant législatif que de suivi des mesures, particulièrement conséquent.

Nombre de lois promulguées par année parlementaire
et examinées au fond par la commission des lois

2019-2020

2018-2019

2017-2018

2016-2017

2015-2016

2014-2015

2013-2014

2012-2013

2011-2012 (1)

2010-2011 (2)

2009-2010

2008-2009

2007-2008

Nombre de lois

23

19

19

24

30

18

27

14

24

23

23

15

22

(1) entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012.

(2) entre le 1 er octobre 2010 et le 13 juillet 2011.

Exception faite des lois de ratification de conventions, traités et accords internationaux, la commission des lois a examiné plus de 53 % de l'ensemble des lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 443 ( * ) , niveau le plus élevé, cette année encore, de l'ensemble des commissions permanentes et proportion se situant dans une fourchette haute des années parlementaires précédentes (42 % en 2014-2015, 55 % en 2015-2016, 52 % en 2016-2017, 46 % en 2017-2018 et 40 % en 2018-2019).

Outre les 23 lois examinées et promulguées , qui seules sont prises en compte statistiquement dans le cadre de ce rapport, la commission des lois a examiné au fond, au cours de l'année parlementaire 2019-2020 :

- 1 projet de loi qui a donné lieu à une loi promulguée après le 30 septembre 2020 ;

- 1 proposition de loi qui a été rejetée en séance publique ;

- 8 propositions de loi en instance d'examen à l'Assemblée nationale.

La commission des lois a donc examiné au fond, au total, 33 textes législatifs au cours de l'année parlementaire 2019-2020 , contre 38 en 2018-2019 tout comme en 2017-2018, 31 en 2016-2017, 55 en 2015-2016, 34 en 2014-2015, 44 en 2013-2014, 41 en 2012-2013 et 33 entre le 14 juillet 2011 et le 30 septembre 2012.

Les tableaux suivants récapitulent la liste des projets et propositions de loi examinés au fond par la commission des lois mais qui n'ont pas fait l'objet d'une promulgation au cours de l'année parlementaire 2019-2020.

1 projet de loi examiné par la commission des lois
entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020
et ayant donné lieu à une loi promulguée ultérieurement

• Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (émanant d'un projet de loi) .

8 propositions de loi examinées par la commission des lois
entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020
en instance d'examen à l'Assemblée nationale

• Proposition de loi tendant à renforcer l'encadrement des rave-parties et les sanctions à l'encontre de leurs organisateurs (adoptée par le Sénat le 22 octobre 2019) ;

• Proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art (adoptée par le Sénat le 23 octobre 2019, puis en commission à l'Assemblée nationale le 26 février 2020, en instance d'examen en séance publique) ;

• Proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l'officier d'état civil du lieu de résidence des parents (adoptée par le Sénat le 16 janvier 2020) ;

• Proposition de loi visant à créer un droit à l'erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale (adoptée par le Sénat le 16 janvier 2020) ;

• Proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale (adoptée par le Sénat le 6 février 2020) ;

• Proposition de loi relative aux Français établis hors de France (adoptée par le Sénat le 19 mai 2020) ;

• Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français (adoptée par le Sénat le 28 mai 2020) ;

• Proposition de loi tendant à sécuriser l'établissement des procurations électorales (adoptée par le Sénat le 2 juin 2020) .

1 proposition de loi examinée par la commission
entre le 1 er octobre 2019 et le 30 septembre 2020
ayant été rejetée en séance publique

• Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants (rejetée en commission le 13 novembre 2019 et rejetée en séance publique le 20 novembre 2019).

Un autre élément doit être pris en compte pour mesurer la très forte charge d'activité supportée par la commission des lois : le coefficient multiplicateur des lois au cours de la navette parlementaire . Les 23 lois examinées au fond par la commission des lois et promulguées en 2019-2020 comportaient au total 369 articles 444 ( * ) alors qu'au stade du dépôt, le nombre total d'articles dans les 23 textes initiaux s'élevait à 134. La navette parlementaire a donc conduit, par voie d'amendements de toutes origines confondues 445 ( * ) , à multiplier le nombre d'articles par 2,75 .

2. Une part substantielle des lois d'origine parlementaire dans les lois promulguées : une tendance qui se confirme

Sur les 23 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 et renvoyées au fond à la commission des lois, 11 sont d'origine parlementaire, soit une proportion de 48 % . Certes, cette proportion est inférieure à ce qui avait été constaté en 2018-2019, qui avait vu les propositions de loi aboutissant représentant la proportion parmi l'ensemble des lois promulguées la plus élevée jamais atteinte depuis l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (63 %) . Cette proportion confirme néanmoins une tendance observée depuis 2015 (elle était de 42 % en 2017-2018, de 50 % en 2016-2017 et de 60 % en 2015-2016) alors que jusqu'au 30 septembre 2015, le nombre de lois d'origine parlementaire envoyées au fond à la commission des lois était resté inférieur à 10 et ne représentait pas plus du tiers environ des lois promulguées au cours de la période de référence. Il semble donc que, progressivement, la revalorisation du Parlement dans la maîtrise de l'ordre du jour, décidée en 2008, porte ses fruits, même si, pour certaines d'entre elles, les propositions de loi, notamment issues de l'Assemblée nationale, peuvent être inspirées très directement par le Gouvernement.

En revanche, la part des lois d'origine sénatoriale dans le total des lois d'origine parlementaire, qui avait connu l'an dernier une ascension sans précédent est retombée à un niveau plus mesuré, mais néanmoins non négligeable (en 2018-2019, 7 des 12 lois d'origine parlementaire étaient issues d'une proposition de loi sénatoriale) : sur l'année parlementaire 2019-2020, 3 lois promulguées sont d'origine sénatoriale, soit 27 % du total des lois d'origine parlementaire promulguées sur la période concernée et examinées au fond par la commission des lois.

Progressivement, le regret, exprimé par le passé par la commission, relatif à la difficulté pour les propositions de loi d'origine sénatoriale à être inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, semble donc s'atténuer alors même que le nombre de propositions de loi déposées par l'Assemblée nationale sur la même période demeure considérablement plus important que le nombre de propositions de loi sénatoriales : 533 446 ( * ) contre 160 447 ( * ) sur l'année parlementaire 2019-2020 (contre respectivement 429 448 ( * ) et 162 449 ( * ) sur la période précédente). Depuis 2018, les échanges entre les groupes politiques des deux chambres et le Gouvernement ont permis d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale un nombre de texte émanant du Sénat un peu plus important qu'à l'accoutumée.

Cette tendance ne concerne pas que les textes examinés au fond par la commission des lois, mais bien l'ensemble des commissions. Si l'on fait exception de la commission des finances, d'une part, et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'autre part, dont les domaines de compétence constituent par nature un terreau davantage favorable aux projets de loi, les cinq autres commissions permanentes du Sénat connaissent ce phénomène. Au final, en 2019-2020, sur les 42 lois examinées par le Parlement et promulguées, 18 sont d'origine parlementaire, soit 43 %.

Nombre et part des lois d'origine parlementaire parmi les lois promulguées
au cours de la période de référence et envoyées au fond à la commission des lois

Période de référence
des lois promulguées

Nombre de lois
d'origine parlementaire

Part des lois
d'origine parlementaire

1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020

11

48 %

1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019

12

63 %

1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018

8

42 %

1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017

12

50 %

1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016

18

60 %

1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015

7

38,9 %

1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014

9

33,3 %

1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013

4

28,6 %

14 juillet 2011 au 30 septembre 2012

9

42,8 %

1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011

7

30,4 %

1 er octobre 2009 au 30 septembre 2010

6

34,8 %

Liste des 11 lois d'origine parlementaire promulguées
au cours de l'année parlementaire 2019-2020
et envoyées au fond à la commission des lois

Assemblée d'origine
de la proposition de loi

Loi organique n° 2019-1268 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral

Sénat

Loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral

Sénat

Loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019 tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes

Sénat

Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille

Assemblée nationale

Loi n° 2020-766 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet

Assemblée nationale

Loi n° 2020-833 du 2 juillet 2020 relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

Assemblée nationale

Loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent

Assemblée nationale

Loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

Assemblée nationale

Loi n° 2020-909 du 27 juillet 2020 visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie

Assemblée nationale

Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales

Assemblée nationale

Loi n° 2020-1023 du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine

Assemblée nationale

Toutefois, cette donnée doit être croisée avec la tendance de plus en plus forte des gouvernements successifs à recourir aux ordonnances plutôt qu'à une navette législative ordinaire : le recul partiel du Gouvernement dans la détermination de l'ordre du jour législatif des assemblées ne doit donc pas masquer l'augmentation du nombre de mesures adoptées par voie d'ordonnances, et ne traduit donc pas nécessairement un renforcement global des pouvoirs législatifs du Parlement. Rappelons que de 2012 à 2018, si l'on fait exception des lois mentionnées à l'article 53 de la Constitution, visant à la ratification d'un traité, ont été adoptées un nombre plus important d'ordonnances que de lois par la procédure ordinaire. Marc Fesneau, ministre des relations avec le Parlement, l'avait d'ailleurs confirmé, le 12 juin 2019, devant les sénateurs lors du débat annuel de l'application des lois : « De 2012 à 2018, pour 346 lois votées, 350 ordonnances ont été publiées. »

Le processus législatif ordinaire n'est donc paradoxalement plus le principal mécanisme d'adoption de la loi et la période d'urgence sanitaire n'a fait qu'accentuer cette tendance : sur l'année parlementaire 2019-2020, parmi les 23 lois promulguées examinées au fond par la commission des lois, trois lois habilitaient le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance, conférant au Gouvernement un total de 66 habilitations , dont 59 ont été utilisées, donnant lieu à la publication de 74 ordonnances .

À cet égard, la commission des lois s'est toujours efforcée, soit de substituer aux habilitations demandées par le Gouvernement des modifications directes des dispositions législatives , soit à tout le moins de les encadrer strictement, afin que la faculté accordée au pouvoir réglementaire d'intervenir dans le domaine de la loi ne constitue pas un blanc-seing. Sa position n'est malheureusement pas toujours suivie par l'Assemblée nationale, lorsque celle-ci adopte la loi après lecture définitive.

Habilitations prévues à légiférer par ordonnance

Habilitations utilisées à légiférer par ordonnance

Nombre d'ordonnances prises

Loi n°2019-1461

4

2

3

Loi n°2020-290

54

51

63

Loi n°2020-734

8

6

8

Total

66

59

74

3. Un recours de nouveau plus marqué à la procédure accélérée

L'engagement de la procédure accélérée (article 45, alinéa 2, de la Constitution), qui s'est substitué depuis le 1 er mars 2009 à la déclaration d'urgence, a un double effet, particulièrement contraignant sur les conditions d'examen des textes par les assemblées parlementaires :

- le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire après une seule lecture devant chaque assemblée, comme c'était le cas avec la déclaration d'urgence ;

- les délais d'examen en première lecture prescrits à l'article 42, alinéa 3, de la Constitution (six semaines entre le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi devant la première assemblée saisie et le début de sa discussion en séance publique, quatre semaines entre la transmission du texte à la seconde assemblée saisie et sa discussion en séance) ne s'imposent plus.

Sur les 23 lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2019-2020 et envoyées au fond à la commission des lois, 17 ont été adoptées après engagement de la procédure accélérée, soit 74 % contre 58 % l'an dernier .

Comme à l'accoutumée, cette donnée n'a de sens que si on la croise avec l'origine des textes : la totalité des 12 projets de loi, contre 36 % des propositions de loi (4 sur 11), dont 50 % des lois issues d'initiative de députés (4 sur 8) et aucune des lois issues d'initiatives sénatoriales (0 sur 3), a fait l'objet de la procédure accélérée.

Pour le dire autrement, la part des lois ayant fait l'objet de la procédure accélérée s'explique, en premier lieu, par la volatilité du nombre de propositions de loi aboutissant, mais aussi par le recours plus ou moins marqué à cette procédure par certains gouvernements sur des propositions de loi qu'ils ont parfois eux-mêmes suggérées pour contourner des contraintes constitutionnelles ou organiques d'ordre du jour, ou des règles de recevabilité plus chronophages pour les projets de loi 450 ( * ) que pour les propositions de loi.

Trois constantes se confirment donc cette année encore : les projets de loi continuent à faire presque systémiquement l'objet de la procédure accélérée, quelques propositions de loi émanant de l'Assemblée nationale sont concernées chaque année tandis que cette procédure demeure exceptionnelle pour les propositions de loi sénatoriales.

S'agissant des projets de loi, en dehors de l'année 2012-2013 où « seuls » 5 projets de loi sur 10 (50 %) relevant de la compétence au fond de la commission des lois avaient fait l'objet de cette procédure, entre 90 % et 100 % des projets de loi sont, depuis, concernés chaque année (10 sur 11
- soit 91 % - en 2014-2015, 12 projets de loi sur 12 en 2015-2016 comme en 2016-2017 et la totalité des 7 projets de loi en 2018-2019) .

S'agissant des propositions de lois, jusqu'à l'an dernier, entre la moitié et les deux-tiers des propositions de loi faisaient l'objet de la procédure accélérée (la moitié - 6 sur 12 - en 2016-2017 , 67 % - 12 sur 18 - en 2015-2016 , 57 % - 6 sur 9 - en 2014-2015, 59 % - 16 sur 27 - en 2013-2014 ) : ce taux n'a été que de 33 % en 2018-2019 et de 36 % en 2019-2020.

Le tableau suivant récapitule la propension des gouvernements à engager la procédure accélérée depuis 2010 :

Période de référence des lois promulguées

Part du total des lois
ayant fait l'objet
de la procédure accélérée

1 er octobre 2019 au 30 septembre 2020

74 %

1 er octobre 2018 au 30 septembre 2019

58 %

1 er octobre 2017 au 30 septembre 2018

79 %

1 er octobre 2016 au 30 septembre 2017

75 %

1 er octobre 2015 au 30 septembre 2016

80 %

1 er octobre 2014 au 30 septembre 2015

78 %

1 er octobre 2013 au 30 septembre 2014

59 %

1 er octobre 2012 au 30 septembre 2013

50 %

14 juillet 2011 au 30 septembre 2012

85,8 %

1 er octobre 2010 au 13 juillet 2011

17,4 %

Surtout, la période se caractérise par une réduction particulièrement forte des délais imposés au Parlement pour se prononcer . Ainsi, à trois reprises, la navette parlementaire sur des projets de loi s'est déroulée en moins de huit jours, et à sept reprises en moins de 35 jours, démontrant la capacité du Sénat et de l'Assemblée nationale de délibérer dans des conditions d'extrême célérité, remettant ainsi en cause l'argument de l'urgence souvent mis en avant par le Gouvernement pour solliciter des habilitations à légiférer par ordonnances. En moyenne, la navette parlementaire sur les 12 projets de loi examinés au fond par la commission des lois en 2019-2020 s'est achevée en 56 jours au total. Cette statistique est plus parlante encore si l'on se focalise sur les 7 projets de loi consécutifs à la situation sanitaire, examinés en 2019-2020, qui l'ont été en 18 jours en moyenne .

Durée de la navette parlementaire lors de l'examen des 12 projets de loi
ayant donné lieu à une loi promulguée en 2019-2020
et examinés au fond par la commission des lois

Numéro
de la loi promulguée

Projet de loi consécutif à l'état d'urgence sanitaire

Date de dépôt
du projet de loi

(ou date de transmission d'une lettre rectificative)

devant la première assemblée saisie

Date d'adoption définitive par le Parlement

Durée
de la navette parlementaire (en jours)

2019-1461

Non

11/09/2019

19/12/2019

99

2020-146

Non

25/06/2019

11/02/2020

232

2020-290

Oui

18/03/2020

22/03/2020

5

2020-364

Non

13/11/2019

26/02/2020

95

2020-365

Oui

18/03/2020

21/03/2020

4

2020-366

Non

13/11/2019

26/02/2020

95

2020-546

Oui

02/05/2020

09/05/2020

8

2020-734

Oui

07/05/2020

10/06/2020

35

2020-760

Oui

27/05/2020

17/06/2020

22

2020-856

Oui

10/06/2020

02/07/2020

23

2020-976

Oui

27/05/2020

29/06/2020

34

2020-1022

Non

07/07/2020

27/07/2020

22

Il n'en résulte pas moins que ce raccourcissement des délais de la procédure parlementaire ne saurait se généraliser , la qualité de la loi nécessitant, quoi qu'on en dise, un délai d'examen suffisant pour mener à bien des travaux préparatoires (auditions, déplacements, etc. ) permettant d'éclairer au mieux les parlementaires sur les effets induits par les réformes proposées au vote des représentants de la Nation.


* 443 23 lois sur les 43 promulguées au cours de la période, soit 53,5 %.

* 444 Ce total inclut néanmoins quelques articles intégralement censurés par le Conseil constitutionnel : on soulignera en particulier que sept articles de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ont été intégralement censurés (décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020).

* 445 Qu'il s'agisse d'amendements du Gouvernement, du rapporteur ou de tout autre parlementaire de la chambre qui a examiné le texte.

* 446 https://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire/(session)/2019-2020%20(1er%20octobre%202019%20-%2030%20septembre%202020)

* 447 https://data.senat.fr/dosleg/ . Une partie des propositions de loi examinées en 2019-2020 a néanmoins été déposée avant cette période.

* 448 http://www2.assemblee-nationale.fr/15/statistiques-de-l-activite-parlementaire/(session)/2018-2019%20(1er%20octobre%202018%20-%2030%20septembre%202019)

* 449 https://data.senat.fr/dosleg/

* 450 Contrairement, aux propositions de loi, tout avant-projet de loi doit être examiné par le Conseil d'État, puis adopté en Conseil des ministres et assorti d'une étude d'impact dès lors qu'il est déposé devant l'une des assemblées parlementaires.

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