B. LES SUITES DONNÉES AUX RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT

Sur l'année parlementaire écoulée, dans 83 % des cas, les positions exprimées par le Sénat dans ses résolutions européennes ont été prises en compte au cours des négociations et influent donc directement sur le contenu des directives et règlements finalement adoptés.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues :

1°) dans près de 30 % des cas, les résolutions européennes du Sénat ont été prises totalement ou très largement en compte.

- la volonté de garantir, au sein de la PAC, le système d'autorisation préalable de plantation viticole jusqu'en 2050 : la France a obtenu que le système d'autorisation préalable de plantation viticole soit certes prolongé, mais sans doute seulement jusqu'au 31 décembre 2045 ;

- le mandat de négociation du nouveau partenariat Union européenne-Royaume-Uni : l'accord conclu en décembre 2020 avec ce pays prévoit notamment une période de cinq ans et demi pendant laquelle la continuité des accès aux eaux britanniques est garantie, avec une diminution progressive des quotas européens de 25 % ;

- l'amélioration de la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage : des règles ont été définies sur la coopération entre l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et le nouveau Parquet européen ;

- l'évaluation des technologies de santé : les États membres restent libres de faire leurs évaluations nationales, sans se voir imposer l'évaluation européenne ;

- la lutte contre la cybercriminalité : un accord a été trouvé sur le retrait des contenus terroristes en ligne, et le renforcement du mandat d'Europol est en cours de négociations ;

2°) dans 53 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies .

- les enfants privés de tout lien avec leur parent européen à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais : le 31 janvier 2020, lors de la deuxième réunion du comité mixte institué par l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Japon, l'Union a invité le Japon à améliorer son cadre juridique et l'application effective de celui-ci afin de garantir le respect des décisions judiciaires et de ses engagements internationaux, en particulier la convention de La Haye, auxquels le pays est partie. L'Union a également insisté sur la nécessité de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant et de respecter les droits de visite accordés aux parents. En revanche, n'ont pas été satisfaites les demandes du Sénat sur l'établissement d'une liste européenne de pays ne se conformant pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye ou sur l'amélioration de l'accès des ressortissants européens et japonais à une information claire, transparente et objective en matière de droit de la famille ;

- le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de l'Union européenne et le plan de relance européen : sur cette période, le Gouvernement fait valoir que la PAC sort finalement renforcée, avec une enveloppe en augmentation de 1,5 % en valeur par rapport à la période 2014-2020. Le montant des aides consacrées au développement rural est en hausse, à 11,4 milliards d'euros, mais celui des aides directes diminue. Les autorités françaises disent également s'être attachées à défendre les montants initialement proposés par la Commission pour le Fonds européen de défense et le programme spatial, mais les négociations n'ont pas permis d'atteindre les objectifs initiaux. Par ailleurs, la suppression des rabais, qui figurait parmi les objectifs tant des autorités françaises que du Sénat, n'a malheureusement pas abouti au cours des négociations ;

- le Fonds européen de la défense : un accord a été trouvé sur la création de ce fonds, avec un montant de 8 milliards d'euros pour la période 2021-2027, mais la France visait davantage : 10, voire 13 milliards. Le Sénat a par ailleurs obtenu satisfaction quant au maintien du ratio entre les crédits alloués à la recherche (un tiers du budget total) et ceux alloués au développement capacitaire (deux tiers) ;

- la lutte contre la fraude sociale transfrontalière et l'amélioration de la coopération européenne en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales : les négociations sur la révision des règlements de coordination de sécurité sociale ont été nombreuses et se sont concentrées sur plusieurs sujets, dont la question de la notification préalable du détachement auprès de l'organisme de sécurité sociale de l'État d'envoi. Les cas de dérogation doivent rester limités, mais c'est précisément sur ce point que la négociation achoppe, les États membres d'Europe centrale souhaitant que les dérogations s'appliquent à l'ensemble des voyages d'affaires et pour une durée allant jusqu'à trente jours. La France a obtenu satisfaction sur la numérisation des procédures, même si des défis techniques demeurent. Elle promeut également la mise en place d'un numéro de sécurité sociale européen, mais les négociations n'ont pas porté sur ce sujet ;

- le programme de travail de la Commission européenne pour 2020 : les négociations sur le Pacte vert sont en cours, mais les autorités françaises disent porter certaines positions sénatoriales, par exemple sur l'énergie, telles que les rénovations dans le secteur du bâtiment à des fins d'efficacité énergétique ou la rénovation de bâtiments publics. De même, les récentes propositions de la Commission sur le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA) sont globalement alignées sur les priorités françaises pour ce qui concerne le renforcement de la responsabilité des plateformes dans la diffusion de contenus et produits illégaux ou encore la régulation ex ante , même s'il serait préférable que la réglementation appréhende l'ensemble de la fonction de modération, sans se limiter aux seuls contenus illicites. Le Sénat a également obtenu gain de cause sur la nouvelle méthodologie de l'élargissement et sur la politique de voisinage, de même que sur la nouvelle stratégie de l'union de la sécurité. En revanche, la demande de création d'un « carton vert », c'est-à-dire d'un droit d'initiative pour les parlements nationaux, reste vaine ;

- la modernisation de la politique européenne de la concurrence : sur ce dossier, la résolution européenne du Sénat était intervenue très en amont, alors que plusieurs propositions de nature législative restent attendues pour les prochains mois. Toutefois, Clément Beaune a indiqué que le gouvernement soutenait la demande sénatoriale de révision de la définition du marché pertinent, qui date de 1997. Par ailleurs, le projet de règlement DMA prend partiellement en compte plusieurs positions du Sénat, par exemple sur la nécessité de disposer d'analyses sectorielles systématiques de l'état de la concurrence, sur le nécessaire renforcement de la flexibilité dans l'application du droit européen de la concurrence, grâce à des mesures conservatoires, et sur l'intégration de nouveaux concepts d'analyse adaptés au numérique afin d'assurer un suivi préventif des comportements des acteurs. En revanche, à ce stade, le Sénat n'a pas obtenu satisfaction sur l'indispensable enrichissement de la notion-clef de bien-être du consommateur ni sur la nécessité d'une évaluation a posteriori et transparente des décisions prises en matière de concurrence ;

- la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Union européenne : sur ce dossier, les avancées sont réduites, en dépit de l'appui des autorités françaises. Ainsi, pour les professions de santé, qui devraient absolument maîtriser la langue du pays d'accueil, le contrôle de la maîtrise de la langue française n'intervient encore que s'il est nécessaire et reste à distinguer de la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

- la préservation de la souveraineté de l'Union européenne dans le domaine énergétique : le champ d'application du règlement dit « de blocage » de 1996 a été élargi pour y ajouter le régime de sanctions américain à l'encontre de l'Iran de manière à lutter contre l'extraterritorialité des sanctions américaines ;

3°) enfin, dans trois cas seulement, la résolution européenne du Sénat n'a, jusqu'à présent, reçu aucune suite effective : la préservation de la pérennité des compagnies aériennes immatriculées dans l'Union européenne, tout en garantissant les droits des passagers aériens ; le renforcement des mesures exceptionnelles de la PAC, pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, et l'affirmation de la primauté effective des objectifs de la PAC sur les règles européennes de concurrence ; et enfin l'adaptation du régime de protection dont bénéficie le loup en application de la convention de Berne et de la législation européenne.

Ce bilan est très largement positif. Il constitue un encouragement à poursuivre l'action de la commission des affaires européennes.

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