B. UN RÉGIME AVANTAGEUX POUR LES ENTREPRISES DE PRESSE

1. La réduction de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises de presse

L'article 39 bis A du code général des impôts prévoit un régime spécial de provisions réglementées pour l'investissement (PPI) en faveur des entreprises de presse.

Aux termes de celui-ci, les entreprises de presse éligibles peuvent constituer une provision déductible de leur résultat imposable en vue de faire face aux dépenses suivantes :

- acquisition d'éléments d'actif (mobiliers, matériels, terrains, constructions) nécessaires à l'exploitation de la publication ou service de presse ;

- prise de participation dans des entreprises ayant pour activité principale l'édition d'un journal ou d'une publication, ou l'exploitation d'un service de presse en ligne exerçant dans un domaine similaire ou au sein d'entreprises assurant des prestations de service dans les domaines de l'information, de l'approvisionnement en papier, de l'impression ou de la distribution ;

- constitution de bases de données et acquisition du matériel nécessaire à leur exploitation ou à la transmission de ces données ;

- immobilisations liées à la recherche, au développement technologique et à l'innovation, au profit de leurs publications.

Sont éligibles au bénéfice de la provision spéciale les entreprises qui exploitent :

- un journal quotidien ;

- une publication au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l'information politique et générale (IPG) ;

- un service de presse en ligne consacré pour une large part à l'information politique et générale.

Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour les publications autres que quotidiennes et pour les services de presse en ligne. Ce seuil est porté à 60 % pour les quotidiens.

Créé à compter de l'exercice 1997, le dispositif a régulièrement été prorogé en loi de finances. L'article 91 de la loi de finances pour 2018 prévoit de prolonger le régime jusqu'au 31 décembre 2020.

Bénéficiaires et coût du dispositif prévu à l'article 39 bis A
du code général des impôts

Année

Montant

(en millions d'euros)

Bénéficiaires (en nombre)

2010

0

0

2011

1

76

2012

7

83

2013

2

93

2014

2

87

2015*

0

82

2016

1

78

2017

1

73

2018

1

68

2019

1

nc.

2020

1

nc.

Source : Direction générale Médias et industries culturelles, réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Créé en loi de finances pour 2017, l'article 39 bis B du code général des impôts étend les dispositions de l'article 39 bis A aux entreprises de presse en ligne centrées sur l'information professionnelle ou censées favoriser l'accès au savoir et à `la formation et la diffusion de la pensée, du débat d'idées, de la culture générale et de la recherche scientifique. Le mécanisme couvre également les exercices clos jusqu'au 31 décembre 2020 . Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné.

Le montant de la dépense fiscale s'est établi à 1 million d'euros en 2019, 63 entreprises en ayant bénéficié 25 ( * ) .

La loi de finances pour 2021 proroge ces deux dispositifs de provisions jusqu'au 31 décembre 2023 26 ( * ) . La prorogation du régime spécial de provisions réglementées pour l'investissement doit permettre de continuer à procurer un avantage de trésorerie aux entreprises de presse. Le bénéfice de la provision doit être subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013. Celui-ci encadre les aides d'État de faible montant (aides de minimis ), qui sont exemptées de contrôle, le plafond d'exemption de l'aide étant établi à 200 000 euros par entreprise pour une période de trois ans.

2. La réduction d'impôt pour souscription au capital des entreprises de presse
a) Les souscriptions des particuliers

Issu de l'article 19 de la loi n° 2015-443 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, l'article 199 terdecies -0 du code général des impôts prévoit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d'entreprises de presse . Ces entreprises doivent éditer une ou plusieurs publications ou services de presse en ligne d'information politique et générale ou consacrées pour une large part à l'information politique et générale. Les éditeurs de quotidiens sont également éligibles au dispositif.

Le dispositif vise à renforcer l'investissement des particuliers au sein des entreprises de presse et, par conséquent, l'indépendance de celles-ci.

La réduction d'impôt atteint 30 % du montant des versements effectués. Elle peut être portée à 50 % si les versements sont effectués en faveur d'une entreprise solidaire de presse d'information (ESPI) . La loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias a élargi le bénéfice de la réduction d'impôt aux versements effectués au profit d'une société dont l'objet statutaire est de détenir des participations au capital de sociétés de presse, à l'instar des sociétés d'amis ou de lecteurs.

Les versements ouvrant droit à cette réduction d'impôt sont plafonnés à 5 000 euros par an pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés. Ce plafond est porté à 10 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

La réduction d'impôt ne s'applique pas aux titres déjà contenus dans un plan d'épargne en actions ou dans un plan d'épargne salarial.

Initialement borné jusqu'au 31 décembre 2018, le dispositif a été prolongé en loi de finances pour 2019 jusqu'au 31 décembre 2021 27 ( * ) . La même loi de finances prévoit que les titres souscrits soient conservés pendant cinq ans.

La dépense fiscale a été évaluée à moins de 500 000 euros annuels depuis sa mise en oeuvre en 2016. Seuls 274 bénéficiaires ont été relevés en 2019, soit 17,5 % de moins qu'en 2018 . Cette faiblesse de la dépense fiscale comme le nombre réduit des contribuables usant de ce dispositif interroge quant à son efficacité.

Coût et nombre de bénéficiaires de la réduction d'impôt sur le revenu
en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d'entreprises de presse

Année

Montant

(en millions d'euros)

Bénéficiaires

2016

<0,5

158

2017

<0,5

261

2018

<0,5

332

2019

<0,5

nc.

2020

<0,5

nc.

Source : Direction générale Médias et industries culturelles, réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La loi de finances pour 2021 prévoit néanmoins de doubler les plafonds applicables pour les versements effectués à partir du 1 er janvier 2021 28 ( * ) . Le doublement du plafond constitue une sorte de dernière chance pour un mécanisme par ailleurs concurrencé par le dispositif également mis en place dans le cadre de la loi de 2015 sur la modernisation de la presse qui élargit le régime fiscal du mécénat prévu à l'article 200 du code général des impôts aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse ( cf infra ).

Le dispositif a eu surtout pour conséquence d'encourager les éditeurs à adopter le statut d'ESPI à l'image de Charlie Hebdo , Les Jours , L'Humanité ou Alternatives économiques .

b) Les souscriptions des entreprises

Introduit par la loi de finances pour 2007 29 ( * ) , l'article 220 undecies du code général des impôts prévoit que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.

Ces entreprises doivent exploiter un journal quotidien ou une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée à l'information politique et générale.

Les souscriptions doivent avoir été réalisées entre le 1 er janvier 2007 et le 31 décembre 2013 . Les entreprises doivent s'engager à conserver les titres auxquels elles souscrivent pendant une durée de cinq ans.

Aucun lien de dépendance ne doit par ailleurs être établi entre l'entreprise souscriptrice et l'entité qui bénéficie de cet investissement. L'entreprise souscriptrice ne doit pas, par ailleurs, bénéficier d'une souscription équivalente de la part d'une autre entreprise, ouvrant ainsi droit à une réduction d'impôt équivalente.

La loi de finances pour 2021 rétablit le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse, qui interviendrait entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 30 ( * ) . Il s'agit ainsi de favoriser la reprise de l'investissement au sein des entreprises de presse. Cette souscription ne peut concerner que des publications ou des services de presse en ligne d'information politique et générale 31 ( * ) ou consacrés pour une large part à l'information politique et générale 32 ( * ) . Le bénéfice de la réduction d'impôt doit, par ailleurs, respecter le droit européen applicable aux aides de minimis .

Le rétablissement de ce dispositif n'est pas sans susciter d`interrogation. tant l'efficience du mécanisme original a été rapidement remise en question puisqu'il n'a pas été prorogé au-delà de 2013. La Cour des comptes avait ainsi relevé que la réduction d'impôt pouvait apparaître peu pertinente au regard du faible montant de la dépense fiscale et du nombre réduit de bénéficiaires. Ainsi, en 2013, seules 18 entreprises avaient bénéficié de cette réduction, le montant de la dépense fiscale étant estimé à 1 million d'euros.

Évolution de la dépense fiscale liée à la réduction de l'impôt sur les sociétés
au titre des souscriptions au capital des entreprises de presse

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Nombre d'entreprises bénéficiaires

Non déterminé

Non déterminé

2

47

50

26

18

Montant de la dépense fiscale

(en millions d'euros)

Non significatif

Non significatif

1

Non significatif

Non significatif

Non significatif

1

Source : commission des finances d'après les Rapports Évaluation des voies et moyens tome II (2008-2014)

3. Un mécénat particulier : l'amendement « Charb »

La loi du 17 avril 2015 élargit également le régime fiscal du mécénat prévu à l'article 200 du code général des impôts aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse (« amendement Charb »). L'article ouvre également la possibilité pour des fonds de dotation de soutenir des associations ou fondations agissant dans le soutien du pluralisme de la presse. Les organismes éligibles sont les associations d'intérêt général, les fonds de dotation d'intérêt général qui exercent des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse et les fonds de dotation qui financent des associations d'intérêt général en faveur du pluralisme de la presse.

À l'heure actuelle, deux associations gèrent des dons dans ce cadre :

- Presse et Pluralisme, pour les publications, créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Elle vise à oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France ;

- J'aime l'info, pour les sites de presse en ligne, créée en 2011.

Les donateurs peuvent affecter leurs dons au financement d'une entreprise ou d'un service de presse en ligne spécifique. Cet éditeur doit être, lui-même, éligible au régime de l'article 39 bis A du code général des impôts et donc bénéficier de la qualification IPG. Cependant, pour bénéficier de cette réduction, il ne faut pas qu'il existe de lien économique et financier, direct et indirect, entre le donateur et le bénéficiaire.

Dons aux entreprises de presse éligibles au régime fiscal du mécénat

Dons gérés par l'association Presse et pluralisme

Dons gérés par l'association J'aime l'info

Nombre de bénéficiaires

Montant des dons (en euros)

Nombre de bénéficiaires

Montant des dons (en euros)

2011

19

1 900 000

17

11 629

2012

24

1 700 000

14

95 508

2013

23

2 787 000

30

81 888

2014

39

3 267 000

22

147 402

2015

46

7 370 000 33 ( * )

42

757 340 34 ( * )

2016

49

5 640 000

42

308 593

2017

40

4 223 000

48

469 724

2018

49

4 024 000

55

1 014 897

2019

46

4 855 000

73

1 793 053

2020

48

2 972 000

65

2 043 446

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial


* 25 Annexe au projet de loi de finances 2021, Évaluation des voies et moyens, tome II - Les dépenses fiscales.

* 26 Article 10 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 27 Article 157 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 28 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 29 Article 14 de loi de n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.

* 30 Article 147 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021.

* 31 Conformément à l'article 4 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques dite loi « Bichet » et à l'article 1 er de la loi n° 86-897 du 1 er août portant réforme du régime juridique de la presse.

* 32 Au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts.

* 33 Ce montant inclut la collecte réalisée au profit de Charlie Hebdo : plus de 40 000 dons ont été versés en 2015 au seul bénéfice de Charlie Hebdo pour un montant total de 2,7 millions d'euros.

* 34 Ce montant inclut les collectes exceptionnelles réalisées en fin d'année pour Mediapart et Arrêt sur image, à l'occasion de leur redressement fiscal. Hors ces collectes, le montant des dons versés est de 120 750 euros.

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