EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 7 juillet 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport d'information, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de Mme Monique Lubin et M. René-Paul Savary, sur les réserves des régimes de retraites.

Mme Monique Lubin , rapporteure . - La mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale a souhaité inscrire à son programme de travail une mission relative aux réserves des régimes de retraite. En effet, pendant la crise sanitaire, ces réserves ont été utilisées par plusieurs caisses de retraite pour mettre en oeuvre des mesures de soutien à leurs cotisants. Ces usages sont certes louables, mais ne nous semblaient pas correspondre aux objectifs premiers de la constitution de réserves par les différents régimes, d'autant qu'elles se cumulaient avec différents dispositifs de soutien à l'activité économique déployés par les pouvoirs publics. D'autre part, les discussions actuellement en cours entre les partenaires sociaux au sujet des niveaux de réserves de certains régimes, à commencer par celui des salariés du secteur privé, l'Agirc-Arrco, nous ont mené à établir un état des lieux de ces provisions au lendemain de la crise sanitaire afin d'en mesurer pleinement les conséquences sur les caisses de retraite.

Avant toute chose, il convient de rappeler que les régimes de retraite constituent des réserves en pratiquant la « sur-cotisation », c'est-à-dire en fixant des taux de cotisation supérieurs à ceux qui seraient nécessaires pour assurer strictement le versement des pensions des retraités actuels.

Ces efforts consentis par les actifs cotisants de chaque régime visent premièrement à assurer aux caisses un fonds de roulement leur permettant d'absorber le décalage entre la perception des cotisations et le versement des pensions sans recourir à un ajustement brutal de leurs paramètres financiers ni recourir au marché privé de la dette. En effet, contrairement aux régimes de base, les régimes complémentaires ne disposent pas de la possibilité de solliciter des avances de trésorerie auprès de l'Acoss.

Toutefois, la majeure partie des réserves ainsi accumulées sont placées sur les marchés en contrepartie d'actifs financiers, ce qui leur permet de dégager des rendements venant les alimenter. Dans cette perspective de long terme, les réserves visent d'abord et surtout à préserver l'équilibre financier des régimes auxquels elles appartiennent face aux conséquences des crises économiques, comme la chute brutale du produit des cotisations sociales générée par la crise sanitaire, et des bouleversements démographiques, à commencer par le « papy-boom ».

Ce phénomène, qui se traduit, dans la plupart des pays industrialisés, par une forte augmentation des effectifs de retraités, alourdira, dans les décennies à venir, la charge supportée par les cotisants dans le cadre du système par répartition. Ainsi, il n'y aura plus, d'ici 2070, que 1,3 cotisant par retraité, contre 1,7 aujourd'hui. Dès lors, la solidarité intergénérationnelle appelle les actifs à constituer des réserves aujourd'hui pour alléger la charge de financement du système de retraite qui pèsera sur les générations futures.

Avant la survenue de la crise sanitaire, l'ensemble des régimes de retraite disposaient de 157,5 milliards d'euros de réserves. Seuls deux régimes de base avaient constitué des réserves, ceux des avocats, géré par la CNBF, et des professionnels libéraux, géré par la CNAVPL, de même que trois régimes intégrés, c'est-à-dire qu'ils couvrent à la fois les cotisations et les prestations de base et complémentaires, ceux des agents des collectivités locales, géré par la CNRACL, des clercs de notaires, géré par la CRPCEN, et des personnels de la SNCF, géré par la CPRPSNCF.

Différents facteurs expliquent que les principaux régimes de base ne disposent pas de réserves :

- premièrement, à l'exception des exercices 2016 et 2017, le régime général, géré par la CNAV, est en déficit depuis 2005. Cette situation ne lui permet évidemment pas de dégager des provisions en dehors du Fonds de réserve pour les retraites, attributaire des excédents du régime général jusqu'en 2005 ;

- en ce qui concerne la branche vieillesse de la Mutualité sociale agricole, le régime des exploitants agricoles a accumulé les déficits jusqu'en 2018, tandis que le régime des salariés agricoles, excédentaire depuis 2013, est adossé au régime général, auquel il transfère ses déficits comme ses excédents ;

- enfin, le régime des fonctionnaires de l'État, dont la gestion est assurée par le Service des Retraites de l'État, est équilibré chaque année par la contribution employeur de l'État et n'est donc pas structurellement conçu de manière à pouvoir constituer des réserves.

En revanche, toujours à fin 2019, 98 % des réserves du système de retraite sont détenus par des régimes complémentaires, ceux-ci ne bénéficiant pas, comme nous l'avons vu, des mêmes facilités de trésorerie auprès de l'Acoss que les régimes de base. Les niveaux de réserves varient fortement en valeur absolue, de 100 millions d'euros pour le régime complémentaire de la MSA à plus de 84 milliards d'euros pour l'Agirc-Arrco.

Néanmoins, ces comparaisons ne veulent rien dire, dans la mesure où chaque régime a constitué des réserves en fonction des perspectives d'évolution de sa propre situation démographique et des horizons de décaissement qui en découlent. Il convient donc de rapporter le montant des réserves détenues par chaque régime aux charges qui incombent à celui-ci. Sous cet angle, il apparaît nettement que les caisses disposant des réserves les plus conséquentes en volume ne sont pas celles qui pourraient financer le versement de leurs pensions le plus longtemps à partir de leurs seules réserves.

Ainsi, avant la crise, l'Agirc-Arrco ne pouvait couvrir qu'une seule année de versement des pensions avec ses 84 milliards d'euros de réserves, tandis que les 5,5 milliards de réserves de la CRPNPAC, qui gère le régime des personnels navigants, représentaient près de neuf années de pensions.

M. René-Paul Savary . - L'examen des réserves des régimes de retraite conduit nécessairement à se pencher sur la question du Fonds de réserve pour les retraites. Créé par le gouvernement de Lionel Jospin en 1999, géré par la Caisse des dépôts et consignations et alimenté par une dotation initiale et des abondements annuels, celui-ci devait atteindre 1 000 milliards de francs en 2020, soit 150 milliards d'euros, pour faire face à la « bosse démographique ».

Toutefois, les conséquences de la crise de 2008 ont eu raison de cet objectif initial. En effet, à partir de 2011, alors qu'il représentait 37 milliards d'euros, le FRR a été consacré au remboursement de la dette née des déficits successifs de la branche vieillesse du régime général et les abondements annuels ont cessé. Depuis lors, le Fonds verse 2,1 milliards par an à la CADES jusqu'en 2024. En outre, la soulte versée par le régime de retraite des industries électriques et gazières en contrepartie de son adossement au régime général, confiée au FRR, a été rétrocédée à la CNAV en 2020 à un niveau de 5 milliards d'euros.

Ainsi, le FRR, qui représentait encore près de 34 milliards d'euros en 2019, ne disposait plus que de 27 milliards à fin mars 2021. La forte performance financière des placements du Fonds, qui s'est élevée en moyenne à 4 % depuis 2004, a permis de limiter l'impact de la réforme de 2010.

En suscitant une forte diminution du produit des cotisations sociales du fait de la contraction de la masse salariale ou des mesures de report de paiement prises par les pouvoirs publics, la crise sanitaire qui a éclaté l'an dernier a directement impacté les réserves des régimes de retraite. En effet, de nombreuses caisses se sont trouvées contraintes de recourir à celles-ci pour assurer la continuité du versement des pensions. En parallèle, la crise financière du premier semestre 2020 a conduit à une forte dépréciation des actifs financiers en contrepartie desquels sont placées les réserves des régimes sur les marchés.

Dans un tel contexte, le déficit de la branche vieillesse du régime général s'est considérablement creusé, atteignant 6,2 milliards. Sans la rétrocession de la soulte CNIEG par le FRR, ce déficit aurait dépassé les 11 milliards d'euros. La loi du 7 août 2020 a donc prévu de nouvelles reprises de déficits par la Cades à hauteur de 92 milliards au titre des branches vieillesse, maladie et famille du régime général et de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, entraînant la mobilisation du FRR jusqu'en 2033, et non plus 2024. Celui-ci procédera ainsi à neuf décaissements annuels de 1,45 milliard d'euros au profit de la Cades entre 2025 et 2033.

À l'inverse, certains des régimes les mieux dotés en réserves se sont reposés sur celles-ci pour apporter à leurs affiliés des aides exceptionnelles. Ainsi, avec l'aval du législateur, le régime complémentaire des travailleurs indépendants, géré par le CPSTI, a financé sur ses réserves une aide d'un milliard d'euros consistant en un remboursement des cotisations versées en 2018, dans la limite de 1 250 euros.

Les régimes complémentaires des professions libérales ont également mis en oeuvre de tels dispositifs de soutien, de même que le régime des personnels navigants, qui permet à ses affiliés de valider leurs services au titre des périodes d'activité partielle sans appel de cotisations employeur.

En conséquence de la crise et des mesures prises pour y faire face, les réserves des régimes de retraite se sont amenuisées de 5 milliards d'euros en 2020, pour s'établir à 152 milliards. Compte tenu de cette diminution et des nouveaux décaissements prévisionnels du FRR au profit de la CADES jusqu'en 2023, la situation patrimoniale nette du système de retraite, c'est-à-dire la somme des réserves détenues par les régimes et de l'actif résiduel du FRR après le dernier décaissement prévu, s'est plus fortement dégradée, passant de 179 à 161 milliards d'euros entre 2019 et 2020, en recul de 10 %.

Certains régimes se sont avérés particulièrement solides pendant la crise et n'ont que peu ou pas recouru à leurs réserves, notamment les régimes dits « jeunes », dont la population de cotisants excède largement les effectifs de retraités, c'est-à-dire les régimes des avocats et des professionnels libéraux. Il en va de même du régime des contractuels de droit public, géré par l'IRCANTEC, qui n'a pas été concerné par l'activité partielle, à l'instar des autres régimes du secteur public. À l'inverse, plusieurs régimes ont été fortement fragilisés, à commencer par l'Agirc-Arrco, dont les réserves ont diminué de 4,5 milliards d'euros. Les réserves du régime complémentaire des indépendants, quant à lui, ne représentaient plus que 7,8 années de versement des pensions à fin 2020, contre 9,4 un an auparavant. Ce délai a également diminué d'un an dans le cas du régime des personnels navigants.

Cette situation invite à reconsidérer avec plus de circonspection encore le projet de loi visant à instaurer un système universel de retraite déposé par le Gouvernement et dont l'examen a été suspendu l'an dernier. En contrepartie de la mission de gestion de la trésorerie du futur régime universel confiée à l'Acoss, le texte prévoyait l'affectation à cette dernière des réserves de fonds de roulement des régimes, dans la limite de trois mois de versement des prestations dues par chaque caisse. Or, la conformité d'un tel transfert à la Constitution et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme demeure incertaine. En effet, comme l'a rappelé le Conseil d'État sur le fondement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si le transfert de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ne porte pas en lui-même atteinte au droit de propriété de l'organisme qui l'assurait, l'affectation d'une partie des réserves des régimes à l'Acoss serait susceptible de leur faire subir un préjudice, dans la mesure où les réserves accumulées au prix des efforts de leurs affiliés leur appartiennent. Le Conseil d'État avait donc introduit dans le projet de loi une disposition prévoyant l'indemnisation de ce préjudice.

Forts de ces constats, nous formulons huit préconisations.

Compte tenu de la qualité de sa gestion et de l'absolue nécessité de disposer de réserves pour amortir les conséquences à venir du vieillissement de la population, il nous paraît d'abord indispensable de clarifier l'objectif du FRR, en réaffirmant sa vocation à constituer des provisions en vue d'assurer l'équilibre financier de la branche vieillesse du régime général au cours des prochaines décennies.

Nous proposons donc que le Fonds se voie prioritairement attribuer le produit de toutes recettes exceptionnelles que l'État pourrait percevoir à l'avenir.

D'autre part, nous appelons les caisses de retraite à mettre en oeuvre les efforts nécessaires à la reconstitution des niveaux de réserves nécessaires à la couverture de leurs engagements futurs et, pour celles qui n'en disposaient pas, à l'apurement de leurs déficits. En vue d'atteindre cet objectif, les régimes disposant de marges de manoeuvre gagneraient, de notre point de vue, à élargir la part des actions, dont la performance financière reste élevée, dans le total de leurs actifs, à l'heure où le rendement des obligations tend à s'aplatir. Les réserves du régime de retraite des personnels de la SNCF, quant à elles, bien que relativement faibles, pourraient être affectées à la CNAV, comme les réserves de leur régime de prévoyance l'ont été cette année à la CNAM, dès lors que l'Acoss couvre les besoins de trésorerie du régime depuis 2019.

Dans la perspective des chocs économiques à venir, il nous semble important d'autoriser les caisses gérant un régime complémentaire de retraite à solliciter des avances de trésorerie auprès de l'Acoss en cas de chute du produit des cotisations, comme celles-ci ont pu le faire à titre exceptionnel entre mars et juillet 2020, dans le cas où le recours à leurs réserves serait de mauvaise gestion. En effet, les actifs admis en représentation des réserves subissant de graves dépréciations en cas de crise financière, y recourir présente un fort coût d'opportunité, dans la mesure où cela revient à enregistrer des pertes importantes, qui auraient pu se résorber durant la reprise si les actifs n'avaient pas été liquidés. Or, en 2020, le Gouvernement a rejeté la demande d'avance de trésorerie émise par l'Agirc-Arrco afin d'éviter de recourir à ses réserves dans un contexte dégradé, au prétexte que le recours aux réserves devait être prioritaire sur les demandes d'avances. Cette décision a contraint le régime à emprunter auprès des institutions financières, ce qui présente un coût non négligeable. Il nous semble important de prévenir une telle situation à l'avenir.

Quid , au total, de l'avenir de la solidarité inter-régimes ? Nous suggérons d'abord de maintenir pour l'heure les régimes complémentaires en dehors du mécanisme de compensation démographique, qui ne concerne aujourd'hui que les régimes de base, dans la mesure où, si ces régimes disposent de réserves parfois conséquentes, celles-ci elles-mêmes ne sont pas suffisantes à l'amortissement du vieillissement démographique à long terme.

Une telle solution améliorerait la situation présente des régimes de base qui en bénéficieraient, alors que ces derniers disposent de facilités de trésorerie auprès de l'Acoss, en raccourcissant le délai d'épuisement des réserves des régimes complémentaires contributeurs. Ces derniers seront alors contraints à recourir à des ajustements paramétriques brutaux ou à l'emprunt. Néanmoins, nous estimons qu'il conviendrait de confier aux partenaires sociaux la charge de mener une réflexion à ce sujet au regard de leur attachement au principe de solidarité, dans la mesure où le paritarisme revêt à nos yeux une importance particulière.

Enfin, nous nous opposons à toute mesure tendant à la mutualisation des réserves des régimes de retraite. Une telle orientation reviendrait à porter atteinte à leur droit de propriété et aux efforts réalisés par leurs affiliés et serait donc juridiquement fragile. En outre, elle ne ferait que reporter à plus tard la question de l'équilibrage du système de retraite : les régimes disposant de réserves devant de toute manière consommer intégralement celles-ci à terme ; dès lors, recourir à celles-ci pour couvrir les déficits du régime général poserait, à l'avenir, la question du financement de ces régimes précautionneux.

Toutefois, la détention de réserves s'accompagne nécessairement d'une responsabilité capitale, celle de n'utiliser celles-ci qu'en vue de préserver l'équilibre financier des régimes qui les détiennent face aux conséquences des chocs économiques et démographiques. Le recours aux réserves aux fins de soutien à l'économie, tel que nous l'avons observé en 2020, devrait donc être proscrit à l'avenir.

Tels sont, mes chers collègues, les constats que nous souhaitions partager avec vous et les propositions que nous soumettons à votre sagesse. Celles-ci nous paraissent à même de favoriser, toutes choses égales par ailleurs, les efforts devant être collectivement consentis pour relever ensemble le défi du vieillissement démographique.

Je vous remercie.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci à tous les deux pour ce rapport essentiel au regard des enjeux de la transition démographique.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Le montant des réserves s'établissait à 157 milliards d'euros avant la crise. Par définition, elles sont destinées à être mobilisées en cas de crise économique ou de bosse démographique. Cinq milliards d'euros ont ainsi été perdus du fait de l'impact de la crise sanitaire.

À la question de savoir si les réserves sont nécessaires, nous répondons : oui. Dans un régime par répartition, elles sont indispensables. Quand on fait appel à la dette, le coût de celle-ci est supporté par les générations futures. C'est l'inverse du principe de répartition, selon lequel les actifs, par leurs cotisations de l'année, financent les pensions des retraités de l'année. Si le coût des pensions de l'année est basculé sur les cotisations de l'année suivante, le système de répartition se trouve remis en cause.

Dans des périodes difficiles, on peut s'interroger : faut-il mobiliser les réserves ou vaut-il mieux emprunter compte tenu des taux bas ? Nous estimons qu'il est préférable de conserver les réserves et de s'en servir. Pour rappel, le FRR a rapporté pendant des années 4 % par an. Nous écartons en outre la piste de la mutualisation.

Nous nous sommes également penchés sur les mécanismes de la compensation démographique au niveau des régimes de base : des soultes sont versées annuellement en fonction de la démographie de chacun des régimes. La CNAV, actuellement déficitaire, contribue à la compensation démographique. Les régimes qui ont une démographie dynamique paient et les régimes qui ont une démographie défavorable, avec plus de pensionnés que d'actifs, sont compensés.

Nous ne pensons pas que l'extension aux régimes complémentaires de ce mécanisme de compensation soit une bonne idée.

Le FRR doit retrouver sa vocation et être conforté : il n'est pas fait pour payer la dette sociale, il a été institué par précaution pour amortir la bosse démographique.

M. Jean-Luc Fichet . - J'aurais besoin d'une précision sur un passage de votre présentation : vous avez indiqué que « la solidarité intergénérationnelle appelle les actifs à constituer des réserves aujourd'hui pour alléger la charge de financement du système de retraite qui pèsera sur les générations futures ». Pourriez-vous nous expliquer plus exactement ce que vous entendez par là ?

Mme Monique Lubin , rapporteure . - Compte tenu du déclin démographique, avec le « papy-boom », une masse importante de retraites sera à payer par moins d'actifs. Afin de ne pas ponctionner de manière drastique et exceptionnelle les actifs au moment où la bosse atteindra son sommet, il est préférable que les salariés paient aujourd'hui des surcotisations pour alimenter des réserves qui pourront être mobilisées.

M. Jean-Luc Fichet . - Le passage en question pourrait être interprété comme invitant à constituer des retraites privées...

Mme Monique Lubin , rapporteure . - Absolument pas. Il s'agit d'appeler les caisses de retraite à continuer de faire surcotiser pour alimenter des réserves.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Ce rapport cotisants/retraités continuera d'aller dans le mauvais sens. Dans les projections du COR, le niveau moyen des revenus des retraités représente 103 % à 105 % du niveau du revenu moyen. En moyenne, les retraites en France sont globalement plus généreuses que dans d'autres pays européens. Les simulations tirées du système actuel montrent que, progressivement, le niveau moyen des revenus des retraités diminuera pour se situer à 85 % du revenu moyen à l'horizon 2030. La revalorisation des pensions étant indexée sur l'inflation, et non sur les salaires, le pouvoir d'achat des retraités diminuera mécaniquement. Cela ne signifie pas que les pensions de retraite baisseront, mais elles augmenteront moins vite que le salaire moyen.

Mme Monique Lubin , rapporteure . - L'un des critères principaux retenus est en effet la part des dépenses de retraite dans le PIB : elle a fortement augmenté dans la période récente en raison de la crise. Selon les prévisions du COR, d'ici à trente ans, cette part diminuera. On pourrait en déduire qu'il n'y a pas de problème au niveau des différents régimes de retraite, mais les dépenses augmenteront en volume. Or, comme le niveau des salaires augmentera plus fortement, le risque est celui d'un décrochage du niveau des retraites par rapport au niveau national.

Mme Annick Jacquemet . - Vous avez évoqué des montants de réserves importants. Sont-ils bien ajustés aux prévisions ? Sont-ils sous ou surestimés ? Ils reposent sur une surcotisation des actifs : cette situation vous semble-t-elle justifiée ?

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Les réserves ne reposent pas uniquement sur des surcotisations. Des régimes « jeunes » peuvent prévoir des cotisations plus élevées en raison d'un nombre important de cotisants par rapport au nombre de retraités. Ils enregistrent donc plus de recettes que de dépenses.

Le chiffrage de 157 milliards d'euros peut sembler important, il pourrait même être rehaussé à 179 milliards d'euros si l'on comptabilise l'ensemble des actifs. Gardons toutefois à l'esprit que les dépenses des régimes de retraite représentent 320 milliards d'euros par an.

Les quelque 79 milliards d'euros de réserves de l'Agirc-Arrco ne représentent que onze mois de prestations. Certes, pour certains régimes, les réserves couvriraient plusieurs années de pensions. Il reste néanmoins délicat d'inviter un régime à constituer des réserves pour couvrir six mois ou un an de pensions, puisque ces réserves reposent sur un équilibre entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés. Les caisses de retraite gérées par les partenaires sociaux sont souvent excédentaires, quand celles gérées par l'État sont souvent déficitaires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Je souhaiterais ajouter une précision. L'Agirc-Arrco s'est fixée comme objectif de maintenir le niveau de ses réserves au-dessus de 50 % du montant de ses dépenses annuelles. A ce stade, il se situe largement au-dessus de ce seuil.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Leur objectif est de disposer d'un montant de réserves équivalent au versement des pensions pendant six mois. Certains considèrent que cela ne pose pas de difficultés quand d'autres disent que ce n'est pas faisable!

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Dans le cadre du projet de réforme systémique des retraites, il était envisagé de fixer un objectif de réserves à 50 % des dépenses annuelles mais ce niveau était contesté, notamment par Pierre-Louis Bras, président du COR.

M. René-Paul Savary , rapporteur . - Oui, Monsieur Bras considérait même que la constitution de réserves n'était pas indispensable. Dans notre rapport, nous disons le contraire, nous considérons qu'il faut disposer de réserves.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Je renouvelle mes remerciements aux rapporteurs pour leur rapport, qu'ils présentent au nom de la mission d'évaluation et de contrôle d'évaluation de la sécurité sociale. Je vous propose d'en autoriser la publication.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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