V. PARTENARIATS MILITAIRES ET COMPLEXIFICATION DES CONFLITS

Le conflit du Haut-Karabagh a mis en évidence l'efficacité du partenariat militaire entre l'Azerbaïdjan et la Turquie. Les Turcs ont su amener un partenaire au meilleur niveau, dans un contexte de haute intensité. Certains enseignements positifs pourraient probablement en être tirés au profit des actions de coopération conduites par la France pour contribuer à la montée en puissance des armées de pays partenaires.

Mais les partenariats entre l'Azerbaïdjan et la Turquie et, dans une moindre mesure, entre l'Azerbaïdjan et Israël, illustrent plus généralement une tendance à la complexification des conflits, du fait de la multiplication des acteurs et des intérêts présents directement ou indirectement sur le terrain.

Cette complexification peut être un facteur d'aggravation des conflits. Nous en donnerons ici deux exemples, dans le cadre du conflit du Haut-Karabagh : d'une part, la résurgence confirmée du mercenariat et, d'autre part, la persistance du commerce d'armement à destination de zones en conflit, malgré les embargos existants. La communauté internationale peine à réguler ces questions.

A. LE MERCENARIAT, UNE COMPOSANTE DE L'HYBRIDATION DES CONFLITS

1. Le retour d'un phénomène ancien, facteur d'aggravation de la violence

La France a dénoncé, très tôt dans le conflit, l'envoi par la Turquie de mercenaires djihadistes, en appui des forces azerbaïdjanaises. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), leur nombre se serait élevé à environ 1 500 - 2 000, chiffre qui est difficile à confirmer précisément mais semble communément admis. Les autorités azerbaïdjanaises dénoncent, quant à elles, la présence de combattants français et libanais d'origine arménienne au Haut-Karabagh.

Si le conflit du Haut-Karabagh illustre la possibilité de conflits classiques, symétriques, d'État à État, il montre aussi que ce type de conflit n'est pas exclusif d'une composante hybride, sous forme d'interférences, de la part d'autres États ou d'acteurs dont la présence contribue à complexifier la situation.

Les conflits contemporains se caractérisent en effet par une complexité accrue, qui est la conséquence d'une multiplication des parties en présence, avec de nombreux groupes armés présents sur le terrain, défendant des intérêts différents et parfois soutenus par des États tiers différents, se confrontant en quelque sorte par procuration.

Dans ce contexte, le recours à des mercenaires ou à des sociétés militaires privées est devenu fréquent. Au cours de ces dernières années, les activités du groupe russe « Wagner », en Syrie et sur le continent africain, ont particulièrement retenu l'attention.

Le mercenariat n'a toutefois rien de nouveau. Il est apparu dès l'Antiquité pour connaître son apogée, en Occident, de la fin du Moyen-Âge jusqu'au XVII e siècle.

2. Un phénomène contre lequel la France doit rester mobilisée

D'après l'article 47 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève, est un mercenaire toute personne :

1. qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé ;

2. qui, de fait, prend une part directe aux hostilités... ;

3. ... essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel, et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie ;

4. qui n'est ni ressortissant d'une partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une partie au conflit ;

5. qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit ;

6. et qui n'a pas été envoyée par un État autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État.

Le droit international humanitaire n'interdit pas le recours aux mercenaires mais ceux-ci ne bénéficient pas des garanties de protection octroyées aux combattants, s'agissant par exemple du statut de prisonnier de guerre.

En France, la loi du 14 avril 2003 réprime l'activité de mercenaire , au motif que l'utilisation de mercenaires dans des conflits armés ou des situations troublées est un phénomène qui aggrave la violence, déstabilise les États et se traduit par des atteintes aux droits de l'homme.

Depuis 2008, la France est, par ailleurs, signataire du Document de Montreux sur les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) qui vise à promouvoir le respect du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l'homme dans tous les conflits armés où interviennent des EMSP.

Il convient de rester pleinement mobilisé sur ce sujet qui monte en puissance.

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