B. LE GROUPE DE MINSK, UN CADRE QUI RESTE PERTINENT

La fragilité du compromis trouvé sous l'égide de la Russie et la multiplicité des questions en suspens appellent la mise en place d'un cadre de négociations en vue d'un règlement global. Une relance du Groupe de Minsk et un accroissement de ses moyens sont nécessaires.

1. Une nécessaire relance du Groupe de Minsk...

Le 30 septembre 2020, quelques jours après le début des combats, le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé, dans une déclaration unanime, à un arrêt immédiat des combats et au retour à un processus de négociations. Dans cette déclaration, le CSNU affirmait son soutien au « rôle central des coprésidents (États-Unis, Russie, France) du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) ».

Le Conseil de sécurité des Nations unies est ainsi venu légitimer l'action de la co-présidence du Groupe de Minsk, en exprimant son soutien au processus et en affirmant la pertinence du cadre OSCE.

La co-présidence du Groupe de Minsk par trois membres permanents du CSNU permet d'envisager une action cohérente et complémentaire des deux institutions fondamentales pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale que sont l'ONU et l'OSCE, dans l'esprit d'une plus grande cohérence, voire de partenariats, entre l'action de l'ONU et celle des organisations régionales de sécurité.

La paix est éminemment fragile. La sécurité de la région du Haut-Karabagh repose sur la présence des forces russes, selon un schéma qui expirera dans moins de cinq ans. En l'absence d'évolution, on peut imaginer que la situation actuelle sera reconduite à l'issue du délai de cinq ans prévu par l'accord, mais les Arméniens, qui craignent de nouvelles offensives azerbaïdjanaises, n'en ont aucune garantie.

La Russie a bien sûr un rôle particulier et irremplaçable à jouer, en raison de sa proximité géographique et historique avec les parties en conflit. Mais la Russie défend aussi ses propres intérêts. A l'heure actuelle, elle a probablement plus à gagner du côté de l'Azerbaïdjan, pour contrebalancer l'influence croissante de la Turquie, que du côté de l'Arménie, déjà entièrement acquise à sa cause.

Une nouvelle dynamique du groupe de Minsk est nécessaire pour redonner de l'oxygène à la négociation. Est-ce possible ? Le réengagement du groupe de Minsk nécessite une volonté conjointe des deux parties et des trois co-présidents. Le groupe de Minsk n'est jamais qu'un cadre de médiation, non contraignant, qui a besoin pour fonctionner de l'engagement et de la bonne foi de tous les participants.

Sa redynamisation semble toutefois dans l'intérêt de tous :

- elle serait dans l'intérêt évident de l'Arménie, qui gagnerait à une multilatéralisation du processus ;

- l'Azerbaïdjan pourrait également y trouver son compte , la situation actuelle étant peu propice à l'atteinte de ses objectifs, s'agissant du retour des réfugiés et du désenclavement économique des territoires. La guerre n'a pas réglé la question du Haut-Karabagh, qui échappe encore en grande partie à son contrôle. La présence russe est un facteur d'inquiétude, alors que les forces russes n'étaient plus présentes sur le territoire azerbaïdjanais depuis la fermeture du radar de Gabala, dernière base militaire russe en Azerbaïdjan, en 2012. L'Azerbaïdjan pourrait, en outre, avoir intérêt à améliorer une image internationale, fortement écornée, et à ne pas rester dans une relation trop exclusive avec son « grand frère » turc ;

- s'agissant de la Russie, ses moyens ne sont pas illimités : déjà engagée sur de multiples théâtres, elle pourrait ne pas souhaiter mobiliser durablement ses forces dans un conflit qu'elle n'a pas souhaité ;

- enfin, depuis l'élection de Joe Biden, le contexte est également favorable à un réengagement de la diplomatie américaine . Les positions prises au cours des dernières semaines par le département d'État, sur la question des prisonniers et sur celle des frontières, sont en phase avec les positions françaises. Les États-Unis se sont dits prêts à soutenir un processus de négociation en vue d'un règlement politique durable, dans le cadre du groupe de Minsk.

Le temps joue donc probablement en faveur d'une relance du Groupe de Minsk.

2. ... dans le cadre d'un mandat renouvelé et de moyens accrus

La relance du Groupe de Minsk serait facilitée par un réajustement du mandat des coprésidents, qui date de 1995, afin de prendre en compte la situation issue du récent conflit, sensiblement différente de celle qui prévalait en 1994.

Ce mandat de 1995 porte notamment sur la consolidation du cessez-le-feu, le développement d'une base commune de négociations, la conduite des négociations en vue d'un accord politique, la promotion de mesures de confiance, en particulier dans le domaine humanitaire et le développement d'un plan en vue du déploiement éventuel de forces multinationales de maintien de la paix de l'OSCE.

Un renforcement des moyens de l'OSCE dans ce conflit serait, par ailleurs, souhaitable. Le processus de Minsk repose en effet sur un format allégé. Il ne s'agit pas d'une mission de l'OSCE.

Par comparaison, la Mission spéciale d'observation de l'OSCE en Ukraine est beaucoup plus substantielle. Elle compte en effet 1 300 personnes dont 715 observateurs sur le terrain. Cette mission contribue à observer de façon précise l'évolution de la situation et à accompagner les parties dans la mise en oeuvre du processus de règlement (accords de Minsk). Quant à la mission de l'OSCE au Kosovo, elle compte environ 500 personnes sur le terrain.

Les moyens du Groupe de Minsk se résument quant à eux aux trois ambassadeurs de la coprésidence, au Représentant personnel de la présidence en exercice de l'OSCE et à quelques collaborateurs, soit en tout une quinzaine de personnes. Le Groupe de Minsk ne dispose pas d'observateurs sur place pour élaborer sa propre évaluation de la situation. Par ailleurs, les bureaux de l'OSCE à Bakou et Erevan ont fermé, respectivement en 2015 et 2017.

Le mandat des coprésidents comporte l'éventualité d'un déploiement d'une force de maintien de la paix. Il conviendrait d'examiner de nouveau cette possibilité. Un renforcement significatif des moyens est, à tout le moins, nécessaire, de même qu'une clarification des voies d'accès et de la liberté de mouvement au Haut-Karabagh pour les représentants de l'OSCE.

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