B. LÀ OÙ ELLE S'APPLIQUE, LA PARITÉ ÉCONOMIQUE N'A PAS INVESTI TOUS LES CERCLES DU POUVOIR DÉCISIONNAIRE DES ENTREPRISES

Autre constat lié à l'application de la loi de 2011, l'effet de ruissellement attendu dans les instances décisionnaires autres que les conseils d'administration et de surveillance n'a pas eu lieu .

Les quotas imposés dans les conseils d'administration n'ont ainsi pas encore aidé les femmes à pousser la porte des comités exécutifs (Comex) ou des comités de direction (Codir) des entreprises. En France, dans ces lieux de pouvoir qui ne sont soumis à aucune contrainte légale, les femmes occupent 22,4 % des postes dans les Comex et les Codir du SBF 120 en 2021 d'après les derniers chiffres fournis par Ethics & Boards le 8 mars 2021.

Ainsi que le soulignait devant la délégation, le 21 janvier 2021, Anne-Françoise Bender, maîtresse de conférences au CNAM, « en France, le risque de plafonnement existe (...), même si dans les comités de direction la présence des femmes est passée de 7 % en 2014 à 18 % aujourd'hui. Ce bond n'aurait sans doute pas eu lieu sans la loi de 2011 et sans les agences de notation extra financière, puisque les bourses observent à la loupe cet indicateur ».

Si l'on constate une amélioration du taux de représentation des femmes au sein des Comex et des Codir des grandes entreprises (+ 15 points entre 2011 et 2021), cette amélioration est sans commune mesure avec celle constatée dans les conseils d'administration et de surveillance pour lesquels des quotas ont été imposés par la loi (+ 31 points).

Source : Ethics &Boards (8 mars 2021)

Toujours d'après les derniers chiffres publiés par Ethics & Boards le 8 mars 2021, 11,6 % des Comex/Codir du SBF 120 ne comptent aucune femme en 2021 et 43 % en comptent moins de 20 %.

Source : Ethics & Boards (8 mars 2021)

En outre, d'après des données publiées par le journal Le Figaro dans un article de février 2021 9 ( * ) , sur les 60 premières sociétés cotées à la Bourse de Paris, cinq seulement recensaient plus de quatre femmes au sein de leur comité exécutif.

De même, au sein des comités exécutifs des grandes entreprises françaises, on constate encore une répartition genrée et « stéréotypée » des postes de direction , les femmes occupant majoritairement les fonctions de directrice de la communication ou de directrice des ressources humaines.

Source : Le Figaro (1 er février 2021)

L'enjeu aujourd'hui est donc celui de l'accès des femmes aux postes de direction, à tous les postes de direction .

Les femmes sont encore rares à la tête des grandes entreprises françaises : d'après les derniers chiffres publiés par Ethics&Boards le 8 mars 2021, seules deux femmes étaient présidentes de conseil d'administration au sein des grandes entreprises du CAC 40 (Angela Garcia-Poveda chez Legrand et Barbara Dalibard chez Michelin ) et une femme était présidente directrice générale (Catherine Macgregor chez Engie ). S'agissant du SBF 120, ces chiffres s'élèvent en 2021 à 12 femmes présidentes de conseil et 11 femmes PDG.

Source : Ethics & Boards (8 mars 2021)

Pour autant, et de façon plutôt optimiste, Laurence Parisot faisait valoir devant la délégation le 21 janvier 2021, « ce n'est pas rien qu'en France, une femme soit directrice générale d'un des plus grands groupes énergétiques au monde - je pense à Catherine MacGregor, directrice générale d' Engie . C'est même tout à fait exceptionnel. Il est encore plus symbolique, peut-être, et historique, que dans quelques semaines, une femme, Barbara Dalibard, devienne présidente de Michelin , un groupe qui fait partie intégrante du patrimoine économique français mais qui, historiquement, a toujours été exclusivement masculin. Cette nomination illustre, à mon avis, parfaitement les progrès accomplis par notre pays ».

Il n'en demeure pas moins que le plafond de verre est bien là et que le taux actuel de présence des femmes à des postes d'encadrement dans les entreprises françaises impose sans doute d'en passer à nouveau par la loi pour débloquer l'accès des femmes à toutes les instances dirigeantes des entreprises et aboutir enfin à une réelle féminisation de l'ensemble de la direction opérationnelle des entreprises.

Ce constat faisait ainsi dire à Laurence Parisot lors de la table ronde précitée du 21 janvier 2021 : « je pense que l'étape naturelle prochaine est évidemment l'introduction des quotas dans les comités exécutifs et comités de direction. Pour moi, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Je dirais que cette étape devra probablement être introduite dans un outil législatif, même si des recommandations existent déjà. Il est évident que, d'une part, les quotas ont un effet bénéfique et que, d'autre part, on ne peut avancer sur les grands sujets qu'à partir du moment où on peut les mesurer. Si l'on entre dans cette logique consistant à mesurer la part des femmes dans les comités exécutifs, il est évident que les progrès suivront, même si certains, je le redis, sont réalisés actuellement ».

Dans le même esprit, Brigitte Grésy, présidente du HCE, déclarait devant la délégation le 1 er juillet 2021 « les quotas sont le seul antidote à la cooptation masculine ».

La délégation considère, en effet, que les quotas, s'ils ont pu être décriés par le passé, font aujourd'hui l'objet d'un large consensus au sein de notre société. Ils sont un outil incontournable pour faire avancer la parité .


* 9 « Les femmes sont-elles vraiment absentes de la direction des entreprises ? » - Le Figaro (Frédéric de Monicault) - 1 er février 2021

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page