E. PRÉVENIR LES RISQUES ET RENFORCER LA CONNAISSANCE DE LA MÉTHANISATION PAR LE GRAND PUBLIC

1. Élaborer un cadre « risques » approprié et accompagner le secteur dans le développement d'une culture de la prévention des risques

L'innocuité de la méthanisation constitue la condition sine qua non de l'adhésion des populations aux projets de méthanisation , prérequis au développement de la filière et à la valorisation de ses externalités positives. En d'autres termes, le succès futur de la méthanisation dépendra pour partie de sa capacité à prévenir les risques industriels qui lui sont spécifiques .

Bien qu'elle doive être nuancée, l'augmentation des accidents et incidents survenus au sein d'installations (voir supra ) suscite des interrogations légitimes , auxquelles la filière et les pouvoirs publics doivent répondre pour garantir l'acceptabilité de la méthanisation dans les territoires. Le renforcement des prescriptions applicables au titre de la législation des ICPE , intervenu par trois arrêtés de juin 2021, semblait dès lors inévitable .

Ces évolutions semblent suivre une approche empirique , fondée sur les précédents. L'instauration d'une surveillance permanente du site au moyen d'une astreinte de personnel offre à ce titre une réponse directe aux manquements ayant conduit à certains accidents , comme celui survenu sur le site de Châteaulin (Finistère) en août 2020.

54. Continuer à développer une approche empirique, fondée sur les précédents, pour faire évoluer le cadre règlementaire relatif aux risques. Développer une culture de la prévention des risques pour prévenir les difficultés en amont.

Le groupe de travail sur la méthanisation de 2018 avait préconisé, pour sa part, la simplification de la règlementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), s'agissant des méthaniseurs .

Cette simplification est intervenue avec le décret n° 2018-458 du 6 juin 2018 345 ( * ) , qui a appliqué le régime de l'enregistrement, plus souple que celui de l'autorisation, aux installations de méthanisation de matière végétale brute ou d'autres déchets non dangereux de moins de 100 tonnes par jour.

Ce groupe de travail avait aussi préconisé, s'agissant là encore des méthaniseurs, une simplification de la règlementation sur les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l'eau 346 ( * ) (IOTA).

Elle a été rendue possible par le décret n° 2021-147 du 11 février 2021 347 ( * ) , qui a exclu les effluents d'élevage bruts ou transformés du champ de cette autorisation, pour ne les soumettre qu'à l'autorisation ICPE.

Dans le détail, certains services préfectoraux 348 ( * ) ont fait valoir les bénéfices de cette réforme : « une décision plus rapide du préfet (délai de 5 mois pour un enregistrement à comparer aux 10 mois pour une autorisation) ; le redéploiement des unités d'oeuvre des services d'inspection sur d'autres missions du fait du caractère moins chronophage de la phase d'instruction ; une sécurisation pour les porteurs de projet (soumis en enregistrement) dans la définition (technique et financière) même de leur projet par la connaissance, dès le début de la procédure, des prescriptions qui leur seront appliquées ; une connaissance pour un public averti dès l'amont du projet sur les obligations auxquelles l'exploitant sera soumis. »

Pour autant, cette réforme est ambivalente, tant du point de vue des porteurs de projets que de celui des services de l'État .

Les représentants de la filière ont ainsi rappelé que cette réforme :

- est affectée par une nouvelle réforme de la réglementation ICPE , mais aussi par d'autres réformes réglementaires, sur les digestats ou les matières fertilisantes 349 ( * ) ;

- est restée au milieu du gué quant à une fusion de l'autorisation ICPE et du permis de construire , comme cela est le cas pour l'éolien terrestre depuis 2017 350 ( * ) .

D'un autre côté, certains services préfectoraux 351 ( * ) ont précisé que la réforme avait pu avoir un impact négatif du point de vue de la participation du public : « Ce régime peut être perçu négativement par nos concitoyens avec : une phase de concertation du public réduite du fait de la substitution de l'enquête publique (durée d'un mois) par une consultation du public (15 jours) ; une méconnaissance des impacts et des dangers liés au projet du fait de la fourniture d'un examen de conformité du projet aux prescriptions générales applicables au lieu de la production d'une étude d'impact (ou d'incidence environnementale) et d'une étude de dangers ».

Pour ce qui la concerne, la mission d'information considère qu'une évaluation de la réforme ICPE devrait être conduite .

55. Évaluer la simplification du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

La mission d'information ne peut être qu'interpellée par les surcoûts , estimés par la filière, qui découleraient du renforcement des prescriptions intervenues en 2021. Si le relèvement des obligations règlementaires semblait nécessaire et inévitable, ne risque-t-il pas pour autant de freiner le dynamisme de la filière et d'obérer les chances d'atteinte des objectifs de développement de la méthanisation que s'est fixé notre pays ?

À cet égard, la réalisation d'une expertise serait particulièrement opportune , pour évaluer la réalité des surcoûts supportés par la filière. Il reviendrait alors à l'État d'évaluer l'impact de ces surcoûts sur la trajectoire de développement de la méthanisation. S'il venait à être constaté que le nouveau régime réglementaire nuit à l'atteinte de nos objectifs énergétiques, une compensation financière devrait nécessairement être envisagée si l'État veut maintenir et atteindre les objectifs visés .

56. Évaluer l'impact économique du nouveau régime ICPE et en tirer les conclusions en termes de compensation dans le cadre d'un maintien des objectifs.

La prévention des risques ne saurait cependant reposer uniquement sur des normes contraignantes et des systèmes de contrôle.

Elle doit également passer par une amélioration de la conception des installations par la diffusion des bonnes pratiques et la valorisation des entreprises les plus vertueuses en la matière : c'est le sens du label Qualimétha , mis en place en 2020 et soutenu par l'Ademe, dont 26 entreprises étaient titulaires en juin 2021. Le travail de certification doit désormais être étendu et pourrait concerner une centaine de structures d'ici la fin de l'année 2021, ce qui équivaudrait à environ 50 % des sociétés du secteur 352 ( * ) .

Le label doit donc continuer à faire l'objet d'un soutien et d'un contrôle des pouvoirs publics , afin d'engager les entreprises du secteur dans un processus de renouvellement continu du référentiel fondant le label.

57. Continuer à améliorer la conception des installations pour prévenir les risques, en pérennisant notamment le label Qualimétha.

Parallèlement, il convient d'accélérer le développement d'une culture de la prévention des risques chez l'ensemble des acteurs de la méthanisation , tout particulièrement pour ceux relevant du monde agricole, pour qui ces préoccupations d'ordre industriel sont souvent nouvelles.

De l'avis de l'Ineris, pour les opérateurs intervenant sur l'installation, une formation certifiante élaborée avec la profession pourrait être proposée : « ce type de formation certifiante a été déjà expérimenté pour le risque d'atmosphère explosible pour d'autres types d'installations classées et a permis d'améliorer la sécurité en rassurant les intervenants ». GrDF suggère pour se faire l'établissement d'une association professionnelle ad hoc , dont la mission serait de développer la formation, la sensibilisation et la culture sécurité des opérateurs des unités de méthanisation.

Ces efforts en matière de formation continue doivent s'accompagner d'une acculturation aux enjeux de la méthanisation dès la formation initiale au sein des établissements d'enseignement agricole.

58. Développer une culture de la prévention des risques parmi l'ensemble des acteurs de la méthanisation en renforçant les offres de formation continue. Familiariser les étudiants aux enjeux de la méthanisation dès la formation initiale au sein des établissements d'enseignement agricole.

2. Renforcer les outils de concertation, tant à l'échelle des unités de méthanisation qu'à l'échelle des territoires

La mission d'information appelle par ailleurs au renforcement des outils de concertation , tant à l'échelle des unités de méthanisation qu'à l'échelle régionale (ou infrarégionale).

Le manque de dialogue local est souvent préjudiciable au développement des plus petites installations, soumises à une simple déclaration au titre de la réglementation ICPE qui n'impose alors aucun cadre obligatoire en matière de concertation. Une communication en amont du projet gagnerait à être généralisée pour les installations relevant de ce régime. L'Ademe note d'ailleurs que « certaines régions réfléchissent aujourd'hui à imposer aux porteurs de projet bénéficiant d'une subvention à communiquer en amont de leur projet pour favoriser une meilleure intégration locale ».

59. Renforcer le cadre de concertation locale, notamment pour les installations simplement soumises à déclaration. Généraliser la communication en amont des projets, y compris pour ceux simplement soumis à déclaration.

Le dialogue autour de la méthanisation peut également être renforcé à l'échelle des territoires . Certaines régions (Grand Est, Occitanie Hauts-de-France, Normandie...) ont ainsi mis en place des outils de concertation locale visant le renforcement de l'acceptabilité des projets. S'il est en encore trop tôt pour mesurer leur efficacité, la mission d'information porte un regard favorable à ces initiatives , dont d'autres régions (ou départements) pourraient s'inspirer.

60. Inciter les régions (ou les départements) à la mise en place d'outils de concertation locale visant à renforcer l'acceptabilité des projets.

3. Développer une information pour une meilleure compréhension de la méthanisation

La mission d'information juge important d'apporter au public une compréhension de la méthanisation présentant ses enjeux et ses impacts. Elle appelle ainsi à développer une information nationale « grand public » pour renforcer la connaissance de la filière.

Dans la même perspective, et afin de prévenir les oppositions locales pouvant surgir dans les territoires, des programmes d'information sur la méthanisation agricole dans les territoires, par exemple par l'organisation de journées portes ouvertes , pourraient être menés.

61. Développer une information nationale « grand public » pour diffuser une connaissance générale minimale de la méthanisation. Soutenir des programmes d'information sur la méthanisation agricole dans les territoires, par exemple par l'organisation de journées portes ouvertes.


* 345 Décret n° 2018-458 du 6 juin 2018 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 346 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.

* 347 Décret n° 2021-147 du 11 février 2021 relatif au mélange de boues issues de l'assainissement des eaux usées urbaines et à la rubrique 2.1.4.0 de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumises à la loi sur l'eau.

* 348 En l'espèce la sous-préfecture de Gourdon.

* 349 Association d'initiatives locales pour l'énergie et l'environnement (AILE), Gaz réseau distribution France (GrDF), Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 350 Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 351 Idem .

* 352 Source : ATEE.

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