Rapport d'information n° 874 (2020-2021) de Mme Nathalie DELATTRE , fait au nom de la MI Enseignement agricole, déposé le 30 septembre 2021

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N° 874

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 septembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur l' enseignement agricole , outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires ,

Président
M. Jean-Marc BOYER

Rapporteure
Mme Nathalie DELATTRE

(1) Cette mission est composée de : M. Jean-Marc Boyer, président ; Mme Nathalie Delattre, rapporteure ; MM. Max Brisson, Serge Mérillou, Mmes Marie-Pierre Monier, Nadia Sollogoub, M. Frédéric Marchand, Mme Céline Brulin, MM. Jean-Pierre Decool, Joël Labbé, vice-présidents ; Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Louault, secrétaires ; M. Pascal Allizard, Mmes Annick Billon, Catherine Conconne, Patricia Demas, M. Gilbert Favreau, Mmes Françoise Férat, Pascale Gruny, M. Olivier Jacquin, Mme Marie-Pierre Richer, M. Vincent Segouin, Mme Anne Ventalon.

AVANT-PROPOS

La mission d'information sur « l'enseignement agricole, un outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires », demandée par le groupe RDSE dans le cadre de son droit de tirage annuel, s'inscrit à la fois dans le prolongement direct de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, qui avait vu le Sénat rejeter les crédits proposés par le Gouvernement au profit de l'enseignement agricole, considérant qu'ils étaient largement insuffisants, et dans l'attachement profond que le Sénat porte à cet enseignement si important pour l'avenir de l'agriculture et des territoires ruraux.

Déjà, en 2006, Françoise Férat, au nom de la commission des affaires culturelles, soulignait que l'enseignement agricole était une chance pour l'avenir des jeunes et des territoires 1 ( * ) . Tous les ans, les sénateurs posent au Gouvernement de nombreuses questions écrites ou orales concernant l'enseignement agricole et, le 30 octobre 2019, un débat sur l'avenir de l'enseignement agricole avait été organisé 2 ( * ) .

Pourtant, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat a considéré que l'avenir de l'enseignement agricole était désormais en danger. C'est dans ce contexte qu'ont été menés les travaux de cette mission d'information qui s'est attachée à auditionner les acteurs de l'enseignement agricole, mais aussi aller sur le terrain, à la rencontre des responsables d'établissements, des apprenants, des professeurs.

Ces échanges ont permis de faire ressortir plusieurs enjeux, en particulier :

- l'orientation et la connaissance ou la reconnaissance de l'enseignement agricole ;

- la concurrence, à la fois au sein de l'enseignement agricole mais aussi entre les structures de l'enseignement agricole et l'Éducation nationale, et son impact sur le maillage territorial de l'enseignement agricole ;

- les moyens budgétaires consacrés à l'enseignement agricole ;

- la capacité de l'enseignement agricole à répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires, mais aussi, au-delà, aux enjeux des territoires ruraux, dans un contexte de fort renouvellement des générations d'agriculteurs ;

- la place des filles ou des jeunes femmes au sein de l'enseignement agricole.

Au terme de ses travaux, la mission est convaincue de la pertinence du modèle de l'enseignement agricole, de sa qualité qui se traduit par d'excellents résultats aux examens et des taux d'insertion très élevés. Elle a été marquée par les échanges avec les apprenants, qui font preuve d'un dynamisme enthousiasmant pour l'avenir de l'agriculture et des filières agroalimentaires, même si l'enseignement agricole ne se résume pas à l'agriculture.

Elle est convaincue de l'importance de maintenir et de développer le réseau de l'enseignement agricole pour répondre aux défis de la transition agro-écologique et du renouvellement des générations d'agriculteurs.

Mais elle est convaincue que cette perspective n'aboutira que si l'enseignement agricole bénéficie, au cours des prochaines années, d'un soutien au plus haut niveau de l'État. Elle appelle donc à une véritable « transition agro-politique » afin de redonner une stratégie et des objectifs clairs à l'enseignement agricole. C'est le sens des propositions qu'elle formule.

PROPOSITIONS DE LA MISSION

Premier axe : Réaffirmer le rôle de pilotage du ministère de l'agriculture et établir un nouveau projet stratégique pour l'enseignement agricole.

Proposition n° 1 : réaffirmer la spécificité de l'enseignement agricole ainsi que le rôle de pilotage de l'enseignement agricole dévolu au ministère chargé de l'agriculture, en confortant son positionnement au sein de la maquette gouvernementale ;

Proposition n° 2 : exiger la participation du ministre chargé de l'agriculture aux débats au Parlement portant sur l'examen du budget de l'enseignement agricole, tant technique que supérieur ;

Proposition n° 3 : développer les moyens de pilotage du ministère en renforçant la cellule d'appui au pilotage au sein de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) ;

Proposition n° 4 : élaborer, en associant l'Éducation nationale, les régions et les branches professionnelles, un nouveau projet stratégique clair et ambitieux pour l'enseignement agricole pour la période 2022-2027, assorti d'indicateurs de suivi et de performance ;

Proposition n° 5 : inviter l'ensemble des régions et des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) à signer des protocoles d'accord pour valoriser l'enseignement agricole et à les décliner en contrats d'objectifs tripartite avec chaque établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA), mais aussi dans la mesure du possible avec les établissements de l'enseignement agricole privé ;

Proposition n° 6 : à titre conservatoire, annuler au titre de 2022 les suppressions d'emploi prévues dans le schéma prévisionnel d'emplois pluriannuel 2019-2022 ;

Proposition n° 7 : dans le cadre du nouveau projet stratégique et afin de renforcer son attractivité, réévaluer et augmenter les moyens humains de l'enseignement agricole ;

Proposition n° 8 : grâce aux nouveaux outils de suivi et de pilotage dont devra se doter la DGER, objectiver les coûts de fonctionnement des établissements d'enseignement agricole afin d'intégrer dans les coûts pédagogiques de fonctionnement d'un établissement l'ensemble des missions que leur confère la loi ;

Proposition n° 9 : mener, dans le cadre d'un étroit partenariat entre les autorités académiques, une politique offensive de développement et d'accompagnement des initiatives pour valoriser et consolider le maillage territorial de l'enseignement agricole.

Deuxième axe : Consolider les fondamentaux de l'enseignement agricole pour qu'il contribue à relever les défis de l'agriculture et des territoires ruraux.

Proposition n° 10 : simplifier et adapter la cartographie des formations proposées par l'enseignement agricole autour d'un tronc commun enrichi de spécialisations, afin de la rendre plus attractive et mieux en phase avec les attentes du monde agricole et, plus largement, des besoins des territoires ruraux ;

Proposition n° 11 : évaluer les demandes de reconversions professionnelles vers les métiers de l'agriculture et prévoir les moyens budgétaires nécessaires à l'accompagnement de ces futurs agriculteurs ;

Proposition n° 12 : revoir l'équilibre des référentiels de formation pour mieux valoriser les enseignements économiques et de gestion, mais aussi réglementaires et de santé-sécurité au travail ;

Proposition n° 13 : utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle et de s'adapter en cours de vie professionnelle ;

Proposition n° 14 : nommer un représentant des chambres d'agriculture au sein de la commission professionnelle consultative « agriculture, agroalimentaire et aménagement des espaces » (CPCAAA) ;

Proposition n° 15 : associer davantage les représentants des employeurs des entreprises de la transformation alimentaire à l'élaboration de la carte des formations, afin de mieux répondre à leurs besoins, et renforcer l'information autour des métiers proposés par la transformation agroalimentaire au sein de l'enseignement agricole ;

Proposition n° 16 : inciter les représentants professionnels participant aux instances consultatives nationales et locales relatives à l'enseignement agricole à mieux se coordonner pour peser davantage ;

Proposition n° 17 : renforcer les interactions entre organismes de recherche et établissements de l'enseignement supérieur agricole au travers de partenariats bilatéraux ou multilatéraux ;

Proposition n° 18 : expérimenter un enrichissement du rôle de l'alliance Agreenium d'une mission de coordination au niveau national entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique agricole ;

Proposition n° 19 : renforcer les aides à la recherche en matière agronomique et agricole, notamment par la création de postes pérennes dans ce domaine ainsi que par des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et à travers le dispositif « jeune chercheur-jeune chercheuse » ;

Proposition n° 20 : accroître la diffusion des pratiques innovantes dans les exploitations agricoles au sein des établissements d'enseignement agricole, en renforçant le dispositif de suivi de ces exploitations ;

Proposition n° 21 : mieux associer les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur à l'élaboration des référentiels de formation des enseignements techniques agricoles ;

Proposition n° 22 : valoriser le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) pour mieux prendre en compte les spécificités de l'enseignement agricole dans la formation des enseignants et des personnels d'éducation, notamment dans la transposition de la loi pour une école de la confiance ;

Proposition n° 23 : au sein des réseaux mixtes technologiques, augmenter les moyens affectés aux tiers temps des enseignants y participant, en envisageant un passage à un mi-temps, ou en augmentant le nombre d'enseignants éligibles ;

Proposition n° 24 : poursuivre et renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre sur la base des recommandations formulées par le Sénat dans son rapport « Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires » ;

Proposition n° 25 : envisager le recours à la voie Fontanet au sein des différentes écoles de l'enseignement supérieur agricole afin de permettre un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long ;

Proposition n° 26 : ajuster le nombre de vétérinaires formés aux besoins des territoires ; assurer le bon déploiement du dispositif d'incitation à l'installation dans les territoires ruraux adopté à l'initiative du Sénat, en veillant au respect des engagements pris ; mener systématiquement une étude auprès des sortants afin de mieux analyser les raisons de ces évolutions de carrière et d'être en mesure d'en tirer toutes les conséquences ;

Proposition n° 27 : Mobiliser l'enseignement agricole sur la thématique du bien-être de l'agriculteur.

Troisième axe : Renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole pour les apprenants, pour les familles et pour les personnels.

Proposition n° 28 : renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole, y compris hors champ agricole, en prévoyant, par exemple une présentation systématique de l'enseignement agricole, voire en fonction des territoires, une association directe de l'enseignement agricole par le biais des conseils d'administration des collèges et lycées ;

Proposition n° 29 : prévoir en 4 ème et en 3 ème , dans le cadre des heures annuelles d'orientation, la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale rurale devant les élèves des collèges relevant de l'Éducation nationale pour permettre une présentation de l'enseignement agricole ;

Proposition n° 30 : expérimenter une anticipation de cette présentation en 5 ème , dans le cadre d'un partenariat entre un rectorat et une DRAAF devant faire l'objet d'une évaluation circonstanciée ;

Proposition n° 31 : rapprocher la plateforme Chlorofil de la plateforme numérique de l'ONISEP, tel que préconisé par le CGAAER ;

Proposition n° 32 : utiliser pleinement l'obligation de stage en troisième pour mieux faire connaître les métiers du vivant et l'enseignement agricole, en proposant des stages de proximité aux élèves des collèges du bassin, en lien avec les chambres consulaires ;

Proposition n° 33 : développer un réseau « d'ambassadeurs métiers » ;

Proposition n° 34 : instaurer un correspondant de l'enseignement agricole à l'échelle du département pour faire pendant au DASEN ;

Proposition n° 35 : lancer une nouvelle campagne ambitieuse de promotion de l'enseignement agricole à destination du grand public, à l'image d'autres secteurs souhaitant recruter comme l'artisanat ou l'armée de terre, en tirant les leçons des résultats mitigés des campagnes précédentes et en tirant le meilleur parti des opportunités en cours d'année ;

Proposition n° 36 : faire des élèves, apprentis et étudiants de l'enseignement agricole des acteurs de la promotion de cette voie de formation (concours de promotion de l'enseignement agricole par exemple, recueil dynamique de témoignages...) ;

Proposition n° 37 : sanctuariser dans chaque DRAAF une enveloppe dédiée afin d'aider les établissements publics et privés sous contrat de l'enseignement agricole à se faire connaître des élèves, par exemple en leur apportant un soutien financier pour participer à un salon d'information et d'orientation ;

Proposition n° 38 : encourager les établissements agricoles à s'ouvrir au maximum au grand public (colonies de vacances dans les internats, visite des exploitations, fermes, filière hippique) ;

Proposition n° 39 : encourager les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole à s'engager dans le service national universel (SNU) ;

Proposition n° 40 : renommer l'enseignement agricole « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires » ;

Proposition n° 41 : revoir la dénomination des diplômes pour mettre fin à l'utilisation d'acronymes peu parlants et peu attractifs ;

Proposition n° 42 : augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les lycées agricoles, notamment par des coopérations avec les lycées de l'Éducation nationale du secteur et le développement de l'enseignement mixte (présentiel/visioconférence), tout en s'assurant de la qualité de l'enseignement ainsi délivrée ;

Proposition n° 43 : Engager une action au niveau des DRAAF afin de s'assurer de la correcte prise en compte des établissements d'enseignement agricole dans l'élaboration de la carte des transports scolaires et des horaires de desserte par les transports en commun ;

Proposition n° 44 : dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales, inviter celles-ci, et en particulier les régions, à mobiliser en faveur de l'enseignement agricole, à le soutenir, qu'il soit public ou privé, et à accroître le partage d'informations avec le ministère de l'agriculture afin d'éviter de trop grandes disparités entre les territoires ;

Proposition n° 45 : affirmer la nécessité de respecter le principe de parité salariale entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole posé par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche et revaloriser en particulier rapidement les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

I. L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE, UN OUTIL ESSENTIEL POUR PERMETTRE À L'AGRICULTURE DE RELEVER LES DÉFIS AUXQUELS ELLE EST CONFRONTÉE

A. UN ENSEIGNEMENT HISTORIQUEMENT SPÉCIALISÉ MAIS DÉSORMAIS DIVERSIFIÉ

1. Un enseignement professionnel spécifique, fruit de l'histoire
a) Un enseignement lié à l'ambition agricole de la France

L'enseignement agricole a près de 200 ans. Son histoire est liée à l'ambition économique et géopolitique de la France d'être la principale puissance agricole européenne.

Par-delà plusieurs expériences pré-révolutionnaires aboutissant à la création d'écoles spécialisées comme l'École nationale vétérinaire de Lyon ou l'École nationale vétérinaire d'Alfort, respectivement créées en 1761 et 1765, un débat traverse le courant républicain en 1792 sur l'opportunité de créer un enseignement agricole spécifique ou de l'intégrer pleinement au sein d'un grand ministère de l'éducation nationale.

C'est finalement le décret-loi du 3 octobre 1848 qui crée l'enseignement agricole au travers d'un système intégré à trois strates : des fermes écoles au niveau départemental, des écoles régionales et un institut national agronomique.

Comme le rappelait Charles Gilbert Tourret, ministre de l'agriculture et du commerce, en présentant le projet de décret, « cet enseignement, avons-nous dit, doit être en rapport avec les besoins de l'industrie rurale ; or, il faut à celle-ci, pour être prospère, 1° des travailleurs habiles ; 2° des chefs d'exploitation, propriétaires ou fermiers, moraux, capables et instruits ; 3° enfin des hommes qui, versés dans la science et la pratique agricoles, se vouent à la carrière de l'enseignement, et propagent, par la parole et par l'exemple, les hautes connaissances qu'ils auront acquises par l'expérience et le travail. -- Des fermes-écoles rempliront le premier but ; des écoles régionales répondront au second ; et le troisième enfin sera atteint par la création d'un Institut national agronomique, véritable école normale ou faculté de l'agriculture. 3 ( * ) »

Pour François Purseigle, professeur des universités, spécialiste du monde agricole, « l'enseignement agricole a été pensé et construit à la fin du XIX e siècle pour répondre à un triple projet. Un projet tout d'abord politique, car ce dispositif inédit visait à promouvoir un groupe social relativement homogène et numériquement important dans la société française de l'époque. Un projet professionnel ensuite, destiné à favoriser les mutations d'un secteur agricole appelé à se moderniser. Un projet social enfin, pour permettre aux familles rurales de bénéficier de l'effort global de scolarisation . 4 ( * ) »

Surtout, le décret confie la création de cet enseignement professionnel, ainsi que les crédits budgétaires en découlant, au ministre chargé de l'agriculture, reconnaissant ainsi pour la première fois la spécificité de cet enseignement : l'enseignement agricole devient le premier enseignement professionnel français . Sont ainsi connectées la politique agricole et la politique de formation des professionnels agricoles, afin de faciliter la modernisation et le développement du monde rural.

Cette spécificité est entérinée par la loi Debré-Pisani du 2 août 1960 5 ( * ) . Véritable « acte de naissance » de l'enseignement agricole moderne, à une époque où l'agriculture française doit entrer dans le Marché commun européen, cette loi rappelle, sans ambages, la spécificité de cet enseignement professionnel en établissant que « l'enseignement et la formation professionnelle agricoles relèvent du ministère de l'agriculture » (article 2). Le législateur souhaite alors promouvoir un enseignement attaché aux réalités territoriales : des comités de l'enseignement et de la formation professionnelle agricoles, au sein desquels siègent les représentants des organisations professionnelles, sont ainsi créés dans les départements ou les régions. Le contenu de l'enseignement est profondément revu pour promouvoir une pédagogie plus professionnalisante et moins générale, permettant en parallèle des passerelles vers l'ensemble des autres pans du système scolaire, dans le but de désenclaver l'enseignement agricole. L'enseignement agricole n'est plus uniquement réservé aux enfants d'agriculteurs mais ouvert à tous. Enfin, le rôle particulier, hérité de l'histoire, de l'enseignement privé dans le milieu agricole est pleinement reconnu.

Plus récemment les lois de 1984 portant organisation de l'enseignement agricole 6 ( * ) , dites « lois Rocard », ainsi que la loi d'orientation agricole de 1999 7 ( * ) ont confirmé ce rôle en conférant à l'enseignement agricole, au même titre que la mission de formation initiale scolaire, par apprentissage et continue, les missions d'animation du milieu rural, de coopération internationale, d'insertion scolaire des jeunes, sociale et professionnelle de ces derniers et des adultes, d'expérimentation, de recherche et de développement agricole.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 8 ( * ) a également mis l'accent sur l'importance de l'enseignement agricole comme « levier stratégique pour l'avenir de l'agriculture française » 9 ( * ) .

Ces grandes lois fondatrices de l'enseignement agricole interviennent à des moments charnières de l'histoire agricole de notre pays. Elles ont, en leur temps, été considérées comme une des principales réponses à la crise agricole contemporaine et comme le témoignage de la volonté politique de mieux adapter l'agriculture française aux nécessités de son temps. Elles illustrent, à bien des égards, le fait que la sortie de la crise agricole actuelle ne pourra se faire qu'avec l'appui de l'enseignement agricole.

b) Des missions identifiées et importantes
(1) Les cinq missions de l'enseignement technique agricole

Il résulte de cette sédimentation législative historique que l'enseignement technique agricole a pour objet, aux termes de l'article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime « d'assurer, en les associant, une formation générale et une formation technologique et professionnelle dans les métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ainsi que dans d'autres métiers concourant au développement de ceux-ci, notamment dans les domaines des services et de l'aménagement de l'espace agricole, rural et forestier, de la gestion de l'eau et de l'environnement. »

Ce même article fixe les cinq missions suivantes à l'enseignement technique agricole :

• assurer une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;

• participer à l'animation et au développement des territoires ;

• contribuer à l'insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l'insertion sociale et professionnelle des adultes ;

• contribuer aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovation agricoles et agroalimentaires ;

• participer à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l'accueil d'élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.

Lors des cinq déplacements effectués en Gironde, dans le Nord, dans la Drôme, dans le Puy-de-Dôme et à l'École nationale vétérinaire d'Alfort, ainsi que dans tous les établissements visités par ses membres, la mission d'information a pu constater l'attachement de l'ensemble de l'enseignement agricole à ces missions et les actions mises en place par chacun des établissements pour les faire vivre.

La rapporteure relève que la Cour des comptes, dans ses observations définitives sur les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole 10 ( * ) , souligne la réalité du portage de ces missions par l'enseignement agricole, en indiquant que « les documents du ministère de l'agriculture et les visites de terrain effectuées par les rapporteurs confirment que les activités au titre de ces missions sont réelles et significatives » .

(2) Les dix missions de l'enseignement supérieur agricole long

Les missions de l'enseignement supérieur agricole long sont pour leur part précisées par l'article L. 812-1 du code rural et de la pêche, visant les établissements publics, qui sont une composante du service public de l'enseignement supérieur. Cet article dispose qu'il a pour objet d'assurer la formation d'ingénieurs, de vétérinaires, de paysagistes, de cadres spécialisés, d'enseignants et de chercheurs. Dix missions sont ainsi confiées à l'enseignement supérieur agricole long :

• dispenser des formations en matière de production agricole, forestière, aquacole et des produits de la mer, de transformation et de commercialisation de ces productions, d'industrie agroalimentaire et d'alimentation, d'industries liées à l'agriculture, de santé et de protection animales et végétales, d'hygiène, de qualité et de sécurité de l'alimentation, d'aménagement, de développement, de gestion et de protection de l'espace rural, de la forêt, de l'eau, des milieux naturels et du paysage ;

• contribuer à l'éducation à l'environnement et au développement durable et à la mise en oeuvre de ses principes ;

• participer à la politique de développement scientifique par des activités de recherche fondamentale, appliquée et clinique ;

• conduire des actions de recherche, d'innovation et d'ingénierie dans les domaines de l'éducation et de la formation ;

• contribuer, en collaboration avec les organismes compétents, à la veille scientifique et technique, à l'innovation technologique et au développement ainsi qu'à la valorisation des résultats de la recherche, en se fondant notamment sur des expérimentations conduites dans ses exploitations, centres hospitaliers universitaires vétérinaires et installations techniques et sur des travaux de recherche menés avec l'implication des partenaires ;

• participer à la diffusion de l'information scientifique et technique ;

• concourir à la mise en oeuvre de la coopération scientifique, technique et pédagogique internationale, notamment par la conclusion de conventions d'échanges d'étudiants, d'enseignants-chercheurs, d'enseignants et de chercheurs ;

• contribuer à la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche et à l'attractivité du territoire national, notamment par la conclusion de conventions ;

• promouvoir la diversité des recrutements et la mixité et contribuer à l'insertion sociale et professionnelle des étudiants ;

• assurer un appui à l'enseignement technique agricole, notamment par la formation initiale et continue de ses personnels et par le transfert des résultats de la recherche, en particulier dans le domaine de l'agro-écologie.

Devant la mission, Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), a ainsi souligné que, « parmi les crédits consacrés à l'enseignement supérieur agricole, une grande partie finance des activités de recherche ». Elle précisait que ces crédits, inscrits sur le programme 142, s'élevaient à 225 millions d'euros pour 2 800 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et, hors titre 2, à 135 millions d'euros, dont 25 millions d'euros destinés à l'enseignement supérieur agricole privé, 17 millions d'euros à l'aide sociale et 32 millions d'euros aux opérateurs de recherche.

Ainsi que l'a précisé la Fédération France Agro 3 à la mission d'information, les établissements associatifs (privés) d'enseignement supérieur agricole bénéficient d'une aide financière dès lors qu'ils souscrivent avec l'État, sur le fondement de l'article L. 813-1 du code rural, un contrat leur permettant de participer à l'exercice du service public de l'enseignement supérieur agricole. C'est le cas des écoles de France Agro 3 , tout comme d'UniLaSalle et de l'École supérieure du bois. Cette aide prend la forme d'une subvention financée par le programme 142 « enseignement supérieur et recherche agricoles ».

2. Une spécificité historique qui demeure mais qui intègre aussi de nouvelles aspirations et de nouveaux débouchés

L'enseignement agricole propose une large gamme de formations, en accueillant des jeunes allant de la 4 ème jusqu'au doctorat et en délivrant de nombreux diplômes et certifications : CAP agricoles ; bacs professionnels, technologiques et généraux ; BTS agricoles ; licences professionnelles, masters, diplômes d'ingénieurs ou de vétérinaires et doctorats.

Fidèle à sa vocation historique, l'enseignement agricole est le sas de formation principal des nouveaux agriculteurs, leur proposant des formations adaptées pour préparer et réaliser leur installation dans les meilleures conditions.

Toutefois, cette spécificité historique de l'enseignement agricole a été bousculée, ces dernières années, par un triple phénomène.

Les formations initiales suivies par les jeunes agriculteurs sont de plus en plus longues.

La proportion des bacheliers chez les exploitants est passée de 11 % en 1988 à près de 53 % en 2015. En 2016, 25 % des exploitants ont un diplôme supérieur au baccalauréat 11 ( * ) .

Désormais, les installations en sortie d'études secondaires sont minoritaires. Les chiffres de la Mutualité sociale agricole (MSA) relatifs à l'installation en 2019 mettent en avant, selon les informations recueillies par la rapporteure, que seules 470 installations ont été réalisées par des personnes entre 18 et 20 ans et 2 172 par des personnes entre 21 et 25 ans, sur 13 406 installations au total. De même, seules 4 % des personnes s'étant présentées aux points « accueil installation » en 2017 étaient des étudiants.

La rapporteure a ainsi pu constater, lors d'un déplacement dans la Drôme, que nombre de jeunes en formation continue « maraîchage » ne souhaitaient pas directement s'installer au sortir de leur formation, mais appelaient unanimement à la poursuite de leur apprentissage théorique ou au travers d'un stage ou d'une expérience transitoire sur une exploitation déjà existante.

Dès lors, l'âge moyen des agricultrices et agriculteurs qui s'installent recule pour atteindre 32 ans pour les femmes et 29 ans pour les hommes 12 ( * ) .

Cet allongement de la formation s'inscrit dans une dynamique modifiant le métier d'exploitant agricole, qui induit une diversification du métier et requiert une nécessaire professionnalisation ainsi qu'une formation accrue des professionnels aux fins de mobiliser des savoirs très étendus dans tous les domaines (production, transformation, commercialisation, service environnementaux...).

L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), dans sa contribution écrite, constate d'ailleurs que la demande de formations plus longues s'inscrit y compris dans les parcours d'installation des jeunes agriculteurs, qui peuvent inclure des formations ou stages complémentaires définis lors de l'entretien avec le conseiller du centre d'élaboration du plan de professionnalisation personnalisé, agréé par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), et requis pour obtenir le droit de s'installer. Ainsi, si « la rénovation de la voie professionnelle (RVP) s'est fixée comme objectif prioritaire l'élévation des niveaux de qualification et la poursuite d'études au détriment de l'insertion professionnelle, aujourd'hui, le [brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA)] n'est plus reconnu comme ayant une valeur d'insertion professionnelle et le Bac pro ne suffit pas pour prétendre à l'installation par manque, chez les jeunes, de savoir-faire pratique, leur jeune âge et le manque de maturité. Des formations complémentaires sont nécessaires et elles peuvent se dérouler pendant le parcours à l'installation. Sauf que, les formations préconisées pendant le parcours d'installation s'inscrivent dans le dispositif de la formation continue et ne peuvent être financées que pour les jeunes ayant déjà acquis des droits à la formation . »

Un phénomène structurant vient, en parallèle, remettre en question cette vocation historique de l'enseignement agricole à former tous les jeunes agriculteurs : l'arrivée de nombreuses personnes non issues du milieu agricole (NIMA) dans les dossiers d'installation , un constat qui se vérifie de manière encore plus importante après la période de confinement liée à la covid-19.

La place de plus en plus importante des NIMA parmi les personnes à installer pose un défi majeur en matière de transmission des entreprises et des savoirs, auquel l'enseignement agricole doit s'adapter.

Si pour certaines personnes auditionnées, comme Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs, « le modèle de transmission familial est aujourd'hui devenu minoritaire », les dernières données disponibles prouvent que le renouvellement des générations se fait prioritairement au sein du milieu agricole (plus de 80 % des hommes et 50 % des femmes exploitants sont des fils ou filles d'agriculteurs) mais que les installations hors cadre familial progressent de façon continue ces dernières années, pour représenter désormais 31 % des installations.

C'est à ce stade que la formation continue joue un rôle essentiel dans la transmission des savoirs. Les données recueillies par les chambres d'agriculture témoignent par exemple qu'en 2016, 27 % des stagiaires VIVEA sortaient d'écoles d'ingénieurs, contre 18 % en 2013, ce pourcentage ayant encore augmenté depuis.

Bien entendu, ces changements de profils entraînent l'installation de personnes arrivant d'autres univers professionnels, s'installant souvent à un âge plus avancé : les plus de 40 ans représentent, en 2018, 25 % des installations, ce taux ayant tendance à augmenter.

La baisse continue depuis les années 1960 du nombre d'agriculteurs a considérablement modifié l'équilibre de formation des établissements d'enseignement agricole.

Selon les derniers chiffres de l'INSEE, la France ne compte plus, en 2019, qu'environ 400 000 chefs d'exploitation agricole, ce qui représente 1,5 % de l'emploi total, alors que ce taux était de 7,1 % en 1982. En 40 ans, le nombre d'exploitants agricoles a été divisé par quatre 13 ( * ) .

Comme l'a relevé auprès de la rapporteure le sénateur Laurent Duplomb, président du groupe d'études sur l'agriculture et l'alimentation, la trajectoire d'évolution des effectifs d'agriculteurs entraînait deux possibilités quant au devenir des établissements de formation : soit maintenir une orientation de formation spécifiquement dédiée à l'agriculture et réduire en conséquence le nombre d'établissements ; soit préserver le maillage et ouvrir les enseignements pour former des jeunes à d'autres métiers que ceux relevant strictement du champ agricole, au risque d'en diluer la spécificité. De fait, c'est cette deuxième voie qui a été choisie par les professionnels.

La raréfaction potentielle des élèves de l'enseignement agricole a en effet abouti à une diversification des enseignements pour que les établissements subsistent, en ouvrant l'enseignement agricole à des profils voulant évoluer en milieu rural et non dans le seul monde agricole .

L'enseignement agricole comprend parfois des filières générales et prépare à quelque 163 diplômes relevant des secteurs agricoles, mais aussi de l'agroéquipement, de l'aménagement paysager, de la forêt, de la gestion de la nature, des services aux personnes et aux territoires et de la transformation alimentaire.

Si de nombreuses antennes ont fermé leurs portes ces dernières années, la diversification des profils des élèves par l'augmentation du nombre de formations proposées, vue comme une nécessité pour pérenniser l'enseignement agricole, a abouti à une modification sociologique profonde de l'enseignement agricole et à un changement majeur dans sa vocation historique de former les agriculteurs de demain.

C'est ce qui explique que depuis 1975, en dépit de la chute du nombre d'exploitants, l'enseignement agricole a vu ses effectifs progresser de plus de 65 %.

La palette de formations est aujourd'hui très variée et non limitée aux secteurs agricoles : services en milieu rural, aménagement de l'espace et protection de l'environnement, production agricole, transformation alimentaire, ventes, formation généraliste, préparation à la santé et au bien-être des animaux...

Cette palette est également sujette à certaines adaptations. Ainsi, parmi les effectifs de la voie professionnelle (intégrant les élèves des CAP, du bac pro et du BTS), le nombre d'élèves a été réduit de 27 % dans les spécialités « services à la personne » entre 2007 et 2019 alors qu'il a augmenté de 136 % pour les spécialités « ventes », les spécialités productives liées au monde agricole ayant connu un léger déclin (- 2,5 %) 14 ( * ) .

Finalement, comme le précise la directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), « si le nombre de jeunes issus du monde agricole décroît chaque année au sein des filières de formation de l'enseignement agricole [...], des jeunes issus des zones urbaines ou péri urbaines s'intéressent de plus en plus à ces filières de formation tournées vers l'avenir, vers la nature et l'environnement . »

Aujourd'hui, les élèves de la formation par voie initiale scolaire sont inscrits à 35 % dans des filières de formation destinées à la production agricole. La majorité des formations de l'enseignement technique agricole est aujourd'hui liée aux services (42 % des élèves) et à l'aménagement de l'espace et la protection de l'environnement (19 % des élèves).

Si cette diversification est aujourd'hui indispensable et source d'enrichissements pour l'ensemble des apprenants, il importe de ne pas perdre de vue la vocation historique de l'enseignement agricole, à savoir la formation des exploitants et salariés des fermes de demain. Cet équilibre est indispensable à l'attractivité comme à la survie de l'enseignement agricole.

3. Un enseignement à taille humaine, ancré dans les territoires ruraux, en métropole comme dans les outre-mer

En 2019, l'enseignement agricole accueille et forme plus de 190 000 élèves et apprentis (au nombre de 37 425), auxquels s'ajoutent plus de 16 000 étudiants dans l'enseignement supérieur long au sein de 806 établissements scolaires dont 217 lycées agricoles publics, 368 maisons familiales rurales, 210 lycées agricoles privés, 11 centres médico-éducatifs.

Il comprend, pour le cycle supérieur, 17 établissements d'enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et de paysage (11 établissements publics et 6 établissements privés) ainsi que 2 établissements d'enseignement à distance 15 ( * ) .

Au sein de l'enseignement agricole secondaire et supérieur court, les établissements privés sous contrat avec l'État représentent près des trois quarts des établissements scolaires, ayant la responsabilité de près de 60 % des élèves et étudiants. Les établissements publics accueillent la majorité des apprentis (70 %) et des étudiants (60 %).

Au sein de l'enseignement public, 174 établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) regroupent diverses entités, comme les lycées, les centres de formation des apprentis (CFA) et les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) ainsi que des exploitations agricoles ou des ateliers technologiques à vocation pédagogique et des centres équestres.

Certains EPLEFPA atteignent ainsi des tailles importantes. L'EPLEFPA de Bordeaux-Gironde, dans lequel la mission s'est rendue, considéré comme le plus grand de France, rassemble ainsi quatre lycées (1 000 élèves), un CFA (750 apprentis), un CFPPA (200 000 heures/stagiaires), trois exploitations viticoles et s'appuie pour cela sur 400 personnels et 20 millions d'euros de budget. La plupart des EPLEFPA sont toutefois de taille bien plus modeste, comme le lycée agricole de Rochefort-Montagne, dans lequel la mission s'est également rendue, et qui accueille quelque 180 apprenants, de la seconde au BTSA. La mission a aussi pu constater cette grande diversité au sein du réseau CNEAP, par exemple en se rendant au lycée Charles Brasseur de Bourbourg, orienté sur les services à la personne, l'agroéquipement et la mécanique agricole, puis à l'institut de Genech, qui regroupe un collège, un lycée professionnel, un lycée technologique, un lycée d'enseignement général, un pôle d'enseignement supérieur, une exploitation, un CFA régional, un centre de formation en alternance et un centre de formation intra et inter-entreprises.

Pour encadrer ces apprenants, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation emploie plus de 18 800 agents dans le secteur de l'enseignement agricole et 500 personnes exerçant des activités dans la gestion de l'enseignement agricole.

Enseignement technique agricole : quatre familles, deux rythmes et des modalités de financement qui diffèrent

Fruit de l'histoire, l'enseignement secondaire et supérieur court agricole est structuré en quatre « familles » :

- les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) ;

- les établissements privés relevant du Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) ;

- les maisons familiales rurales (MFR), chacune étant une association placée sous l'égide de l'Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation (UNMFREO) ;

- les établissements privés relevant de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP).

Les EPLEFPA, les établissements relevant du CNEAP et de l'UNREP accueillent des élèves en formation temps plein. Les MFR accueillent des élèves en rythme dit « approprié » (alternance), tout comme les établissements relevant de l'UNREP pour une partie de leurs élèves.

Cette différence de statut et de mode de fonctionnement emporte des conséquences sur le soutien qui leur est apporté par l'État.

Les dotations en faveur des établissements d'enseignement privé du temps plein et du rythme approprié sont régies par des protocoles. Ces derniers sont au nombre de trois et fixent des plafonds de dotations ou des dotations fixes pour une période comprise entre trois et quatre ans :

- Protocole du temps plein entre l'État, l'UNREP et le CNEAP : dotation plafonnée à 131,7 millions d'euros par an pour une période de quatre ans ;

- Protocole du rythme approprié entre l'État et l'UNREP : dotation plafonnée à 10,35 millions d'euros par an pour une durée de quatre ans ;

- Protocole du rythme approprié entre l'État et l'UNMFREO : dotation fixée à 208,5 millions d'euros par an pour une durée de trois ans.

En sus de ces dotations, les agents contractuels de droit public de l'enseignement agricole privé du temps plein sont financés par le ministère de l'agriculture et comptabilisés sous son plafond d'emplois. L'État met ainsi à disposition de ces établissements 4 799 ETPT, pour un coût d'environ 230 millions d'euros en 2021. Il accorde enfin des subventions aux fédérations du privé (0,6 million d'euros en loi de finances pour 2021) et aux organismes de formation (3,2 millions d'euros en loi de finances pour 2021).

Quant aux établissements publics, ils bénéficient de subventions au titre de leurs frais de fonctionnement (56 millions d'euros) et des emplois qui leur sont mis à disposition (10 467 ETPT, soit environ 510 millions d'euros). Ils emploient des personnels rémunérés sur leur budget propre : à la fois des agents de droit public qui exercent dans les centres de formation d'apprentis (CFA) et centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) et des agents de droit privé qui travaillent dans les exploitations et les ateliers et centres équestres.

L'accueil des apprentis et des personnes en formation professionnelle, au sein des CFA et des CFPPA, répond à des modes de financement différents ( cf . infra).

Source : à partir des éléments transmis par la direction du budget
et l'association des directeurs d'EPLEFPA

La mission d'information souhaite souligner le rôle essentiel que joue l'enseignement privé dans l'enseignement agricole, du fait de son histoire.

Les maisons familiales rurales, inspirées par les idées du Sillon de Marc Sangnier comme par celles du Secrétariat central d'initiative rurale (SCIR), se sont développées à partir de la fin des années 1930 sous forme d'associations portées par des familles d'agriculteurs afin d'offrir une formation et des perspectives d'émancipation aux jeunes ruraux. Il en résulte une vitalité associative particulière et l'on compte désormais 430 MFR en métropole et dans les outre-mer, dont 356 ayant un contrat avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. L'Union nationale rurale d'éducation et de promotion trouve pour sa part son origine dans l'association pour le développement de l'apprentissage agricole et horticole des petits métiers ruraux, créée en 1925 par Louis Ferdinand Dreyfus. D'autres établissements ont des racines encore plus anciennes, comme l'Institut de Genech, relevant du CNEAP, qui découle de l'École pratique libre d'agriculture fondée en 1894.

Cette part importante de l'enseignement privé, spécificité de l'enseignement agricole, contribue à l'attractivité de l'enseignement agricole par son maillage, ses établissements à taille humaine et l'animation des territoires ruraux. Or, plusieurs responsables de l'enseignement privé agricole ont indiqué à la mission ressentir un traitement inégal en défaveur des établissements privés, notamment dans les aides financières attribuées à l'occasion de la crise de la covid-19 du fait d'une méthodologie jugée peu claire 16 ( * ) , ainsi que dans les attributions de subventions à l'échelle locale.

La rapporteure a d'ailleurs relayé ces inquiétudes auprès du ministre de l'agriculture et de l'alimentation lors de son audition du 30 juin dernier : « fragilité [institutionnelle] encore quand, parallèlement, le président du Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) regrette devant nous que vous ne l'ayez pas reçu, ce qui pourrait laisser penser que le ministère aurait un problème avec l'enseignement agricole privé » .

La mission d'information rappelle le rôle historique joué par l'enseignement agricole privé. Elle souligne son attachement au maintien d'un enseignement agricole privé dynamique, aux côtés d'un enseignement agricole public qu'elle souhaite également fort : c'est l'intérêt de l'enseignement agricole dans son ensemble.

L'enseignement agricole dans les outre-mer : un atout décisif pour répondre aux besoins spécifiques de ces territoires et parvenir à l'autonomie alimentaire

Plus de 65 établissements d'enseignement et de formation agricoles sont présents dans les territoires ultramarins. Tout comme leurs homologues situés en métropole, ils ont pour mission de former les futures générations qui interviendront dans tous les secteurs d'emploi en lien avec le vivant, de participer à l'animation et au développement des territoires, mais aussi de contribuer à l'objectif d'autonomie alimentaire des outre-mer à l'horizon 2030, fixé par le Président de la République.

L'enseignement agricole contribue également au développement de formations répondant de manière très spécifique aux besoins des outre-mer. Les établissements et centres de formation participent ainsi pleinement, en Martinique et en Guadeloupe, à la mobilisation contre la chlordécone et ses effets. Les établissements de l'enseignement technique agricole ont, à cet égard, pu bénéficier des compétences de l'enseignement supérieur agricole, grâce à un livret ressources élaboré par AgroSup Dijon qui s'adresse aux enseignants et formateurs, afin de leur apporter des repères et références de ressources pédagogiques pour leur permettre d'aborder le sujet de la chlordécone avec leurs élèves, étudiants, apprentis et stagiaires.

L'enseignement agricole dans les outre-mer est dynamique : à l'exception de Mayotte, tous les territoires ultramarins connaissent une augmentation de leurs effectifs. Celle-ci est d'ailleurs supérieure à 5 % en Guyane, Guadeloupe et Polynésie française. Un lycée agricole - John Doom - y a d'ailleurs été ouvert en août 2018, pour des formations de bac pro BIT-Bio-industries de transformation et d'Aquaculture. Il accueille en 2020-2021 91 élèves - juin 2021 a été pour ce lycée la première promotion de bacheliers. Au contraire, d'autres établissements sont anciens, à l'image de l'EPLEFPA de Saint-Joseph à la Réunion, dont l'origine remonte à 1955.

De très nombreux établissements d'enseignement agricole ultramarins, souvent dans le cadre européen, s'inscrivent dans des partenariats ou des réseaux avec les territoires voisins. Ainsi dans le cadre du programme Interreg, l'EPLEFPA Forma-Terra de Saint-Paul de la Réunion participe à une coopération réunissant plus de 80 établissements de formation agricole de 9 pays et îles de la zone Afrique Australe-Océan indien. La Guadeloupe, la Guyane et la Martinique ont pour leur part créé le consortium Erasmus + réseau des établissements d'enseignement supérieur et de la formation dans la Caraïbes (REEF Caraïbes supérieur), qui réunit de façon inédite 2 centres de recherches (CIRAD, INRAE), 2 universités (Antilles et Guyane) et 3 EPLEFPA (Guadeloupe, Guyane et Martinique).

Carte des établissements d'enseignement agricole (secondaire et supérieur court)

Source : Panorama de l'enseignement agricole 2021

Carte des établissements d'enseignement agricole supérieur long

Source : Panorama de l'enseignement agricole 2021

B. UN ENSEIGNEMENT INNOVANT ET PERFORMANT

1. L'innovation au coeur de l'enseignement agricole

L'enseignement agricole se caractérise par une pédagogie innovante reconnue et saluée par l'ensemble des acteurs du monde agricole et de l'éducation. L'innovation est dans l'ADN même de l'enseignement agricole, qui puise sa source dans les cinq missions que lui a confiées le législateur.

Comme l'a rappelé Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), l'enseignement agricole « s'appuie sur une pédagogie pratique et concrète. On forme par les gestes. Dans les établissements publics, des exploitations agricoles et des ateliers technologiques favorisent l'expérimentation pédagogique » 17 ( * ) .

Cette dimension n'est pas réservée à l'enseignement public. La mission d'information a pu constater sur le terrain que certains établissements privés, comme l'Institut de Genech qu'elle a visité, disposent également d'exploitations agricoles et d'ateliers technologiques.

Elle souhaite insister sur l'atout que représentent ces exploitations, qui permettent de mener des expérimentations et de mettre en oeuvre les orientations définies par le ministère en matière de transition agro-écologique, notamment dans le cadre de partenariats nationaux ou territoriaux innovants avec les acteurs de la recherche et du développement agricole et rural. Selon les données communiquées par la DGER, dans les exploitations et ateliers de transformation à vocation économique, à fin 2020, 25 % de la surface agricole utile était convertie en agriculture biologique, 70 % des exploitations n'utilisaient plus de glyphosate et 70 % d'entre elles étaient partenaires d'au moins un dispositif ECOPHYTO.

Gilles Trystram, directeur général d'AgroParisTech, a confirmé l'importance de l'innovation dans l'enseignement technique agricole : « nous mettons peut-être beaucoup en avant l'innovation dans les études bac+5. En réalité, dans le domaine agricole et dans le domaine de l'alimentation, beaucoup d'innovations viennent des lycées agricoles et des BTS. L'activité en la matière est significative . 18 ( * ) »

Depuis de nombreuses années, l'enseignement agricole est présenté comme un laboratoire d'expérimentation , à l'avant-garde de l'éducation nationale. Celui-ci a ainsi été qualifié par le ministère de l'agriculture de « poisson-pilote » 19 ( * ) de l'éducation nationale.

L'internat joue un rôle majeur. Au moment où le Gouvernement, à travers le plan de relance, souhaite relancer l'internat via le plan « internat d'excellence », la mission d'information rappelle l'une des spécificités de l'enseignement agricole : le pourcentage important d'internes , en raison notamment de la situation géographique des établissements d'enseignement, puisque 50 % des apprenants sont internes, cette proportion pouvant atteindre 80 % dans certains établissements, contre une moyenne de 10 % pour les établissements de l'Éducation nationale. L'enseignement agricole a su utiliser pleinement l'internat et en tirer une valeur ajoutée dans son projet pédagogique , en mettant en place une action éducative au-delà du seul temps scolaire. Ainsi, dans les maisons familiales rurales, où plus de 85 % des élèves et apprentis sont internes, l'internat est devenu un atout éducatif, citoyen, qui permet au jeune de développer sa capacité à vivre en société. Selon les informations transmises par l'union nationale des MFR, 8 000 élèves de ces établissements sont impliqués dans des actions collectives qui ont touché plus de 25 000 personnes. La vie associative - sportive et culturelle - y est souvent active. Signe d'un climat scolaire apaisé et d'une maturité de ses apprenants, les établissements de l'enseignement agricole sont moins touchés par le phénomène de violence en milieu scolaire .

La très forte réussite d'insertion professionnelle des maisons familiales rurales (MFR) - et d'épanouissement des jeunes souvent en échec scolaire lorsqu'ils y arrivent - reposant sur un modèle pédagogique original suscite, selon la directrice générale de l'enseignement et de la recherche, une curiosité et de l'intérêt pour cette pédagogie fondée sur l'internat obligatoire, et l'alternance entre semaines de formation théorique en MFR et semaines de formation en entreprise.

L'enseignement agricole a été précurseur dans le développement de l'apprentissage. Aujourd'hui, avec près de 37 000 apprentis, un jeune sur six en formation initiale dans l'enseignement agricole est un apprenti. Pendant longtemps perçu comme une voie de formation réservée aux jeunes en échec scolaire et jouissant d'une mauvaise image, l'apprentissage dans l'enseignement agricole a démontré son rôle et sa capacité d'insertion. L'enseignement agricole a fortement contribué au changement de regard sur l'apprentissage - maintenant également proposé dans des formations d'ingénieurs.

L'enseignement agricole est également un modèle sur le plan de l'inclusion des élèves en situation de handicap . Comme l'a souligné la directrice générale de l'enseignement et de la recherche dans la réponse qu'elle a apportée au questionnaire de la rapporteure, « l'enseignement agricole accueille un grand nombre de jeunes en situation de handicap , comme le montre le nombre de projets personnalisés de scolarisation toujours plus nombreux, en augmentation de plus de 20 % par an depuis quatre ans. C'est ainsi que depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l'enseignement agricole et bénéficiant d'une aide humaine augmente de plus de 15 % par an. »

Dans l'enseignement supérieur court a été conduite la réforme de la semestrialisation du BTS agricole . Cette réforme, qui répond à la mise en oeuvre du processus de Bologne 20 ( * ) , permet de mieux inscrire les diplômes de l'enseignement supérieur court dans l'architecture européenne LMD (licence, master, doctorat), avec la mise en place « d'unités d'enseignement », ainsi qu'une meilleure reconnaissance du diplôme au niveau européen et un rapprochement de l'organisation du BTSA avec celle d'autres diplômes de l'enseignement supérieur. Elle peut également être source d'innovation et de création pédagogique, en s'appuyant sur des blocs de compétences ou encore la mise en place d'une approche pluridisciplinaire au sein d'une unité d'enseignement. Après une expérimentation menée dans 17 établissements publics et privés, la semestrialisation des BTSA se fera progressivement, au fur et à mesure de la rénovation des diplômes, en commençant dès la rentrée 2022 pour s'étaler jusqu'à la rentrée 2024 ou 2025. Enfin, les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) se caractérisent par la présence sur un même site de formation initiale par des voies diversifiées (scolaire, alternance, apprentissage), des centres de formation tout au long de la vie avec un ou plusieurs centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) ou centres de formation d'apprentis (CFA) et un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles à vocation pédagogique. Ceux-ci dispensent une formation pratique basée sur les réalités techniques et économiques du territoire. Ces centres sont également des lieux de démonstration, d''expérimentation et de diffusion des techniques nouvelles.

Certains établissements, à l'image de maisons familiales rurales, ont su utiliser pleinement les potentialités offertes par la présence sur un même site de plusieurs voies de formation. Ainsi, des jeunes en alternance et en apprentissage peuvent être rassemblés au sein d'un même groupe : un jeune initialement en apprentissage, mais rencontrant des difficultés pour signer un contrat d'apprentissage, pourra rester dans la voie scolaire au sein de l'établissement en changeant son statut. Il passera en apprentissage au moment où il aura trouvé une entreprise pour l'accueillir. Les MFR offrent déjà ces possibilités pour les formations du ministère de l'agriculture. Cette modification de statut est malheureusement encore aujourd'hui impossible pour les formations de l'éducation nationale.

De nombreux établissements de formation agricole ont saisi l'opportunité de la mise en oeuvre du plan 2014-2018 « enseigner à produire autrement » pour remettre leur exploitation agricole ou atelier technologique au centre de leur projet et activer le continuum de leurs missions d'expérimentation, innovation, formation et d'animation des territoires.

Une performance soulignée par la Cour des comptes

« En l'état actuel des données et tenant compte d'écarts de composition des populations scolarisées limités (seule la part des enfants d'exploitants agricoles est sans surprise nettement supérieure), la performance globale de l'enseignement technique agricole semble un peu meilleure que celle de l'Éducation nationale. Tous les taux de réussite aux examens sont supérieurs à ceux du dispositif scolaire (sauf pour le diplôme national du brevet (DNB), très nettement pour les CAP (9 points) et les BEP (5 points). Quant à l'insertion professionnelle, mesurée par les taux d'emploi à 7 et 33 mois, elle est équivalente ou un peu meilleure selon les niveaux de diplômes que ceux de l'Éducation nationale. [...]

Les facteurs explicatifs d'une performance globale de qualité sont certainement à rechercher dans les spécificités sociologiques de cet enseignement : une motivation plus forte de certains élèves qui ont volontairement choisi ce modèle d'enseignement, un encadrement plus personnalisé en raison de la petite taille des établissements et des particularités de certaines structures, une pédagogie « professionnalisante » adaptée aux attentes tant des élèves que des futurs employeurs, une adhésion des enseignants au modèle scolaire dans des établissements assez autonomes, une intrication forte avec les milieux professionnels et sociaux de proximité, une offre importante d'internat. »

Source : Cour des comptes, 3 ème chambre, observations définitives sur les coûts et
la performance de l'enseignement technique agricole, juin 2021

2. Au-delà de l'élève : l'ambition de former de futurs citoyens

L'enseignement agricole se distingue par l'accent mis de longue date sur l'éducation socio-culturelle des jeunes , qui occupe une place à part entière dans leurs formations depuis la circulaire du 23 février 1965.

Une étude de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole, de l'Inspection de l'enseignement agricole et de chercheurs externes en sciences sociales et du réseau « animation et développement culturel » sur les pratiques socio-culturelles des lycéens de l'enseignement agricole a permis de démontrer que l'éducation socio-culturelle garde toute sa pertinence dans le système éducatif compte tenu du rôle fondamental qu'elle joue dans le développement personnel du jeune et l'apprentissage de la citoyenneté.

Lors de leurs visites d'établissement et leurs rencontres avec des chefs d'établissements, des enseignants ou des jeunes, les membres de la mission ont constaté l'importance et l'attachement de l'ensemble des acteurs à cet enseignement. Il participe, notamment pour des élèves en difficulté scolaire et en perte de confiance, à les remobiliser , se construire en tant qu'individu, citoyen, et s'épanouir dans leur formation.

Enfin, la mission souligne la tradition d'interdisciplinarité de l'enseignement agricole et sa capacité, y compris dans des matières généralistes, à prendre en compte les grands enjeux de l'agriculture et des sciences du vivant de demain. L'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (Ensfea) est en charge de la formation des futurs enseignants et conseillers principaux d'éducation (CPE) de l'enseignement technique agricole, de sorte que les enseignants présents dans les lycées agricoles bénéficient d'une culture commune correspondant aux valeurs et aux objectifs de l'enseignement agricole. Comme l'a expliqué Emmanuel Delmotte, ancien directeur de l'Ensfea, « il s'agit de faire exister un tronc commun qui permette d'intégrer un certain nombre d'enseignements pour que l'ensemble des enseignants possèdent une culture commune. Il ne s'agit pas, par exemple pour un enseignant en mathématiques, de devenir un spécialiste en agroécologie. En revanche, lorsqu'il enseignera les mathématiques dans le lycée agricole, il pourra partager un certain nombre de références avec les élèves et ses collègues des autres disciplines » .

3. Un enseignement ouvert sur l'Europe et sur le monde

Lors de ses visites d'établissement et en se rendant au siège de l'Agence Erasmus+ France, situé à Bordeaux, la mission a pu constater que l'enseignement agricole met pleinement en oeuvre sa cinquième mission, qui consiste à participer à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l'accueil d'apprenants et d'enseignants.

Sur la période 2014-2020, 37 300 apprenants de l'enseignement agricole sont partis en stage ou en études à l'étranger dans le cadre du programme Erasmus +, avec un financement à hauteur de 97 millions d'euros sur l'ensemble de la programmation (8,4 % du budget Erasmus + national). Ils représentent 10 % des mobilités Erasmus + au niveau national, alors que les apprenants de l'enseignement agricole ne représentent que 2 % des élèves de l'Éducation nationale. Le bilan établi par l'Agence Erasmus + France souligne que, sur la période 2014-2019, les mobilités de l'enseignement agricole ont plus que doublé, ce qui traduit à la fois un fort investissement des enseignants et des personnels, tout au long de la programmation, ainsi qu'une forte progression des taux de sélection des projets (performance de 93 % en 2019). La mission a notamment constaté cet engagement lors des échanges qu'elle a eus à la maison familiale rurale de Vayres.

Alors que la politique agricole commune est une politique structurante de l'Union européenne et que le commerce international de produits agricoles se développe, cette ouverture sur l'Europe et sur le monde apparaît absolument essentielle. Là encore, l'enseignement agricole se révèle précurseur et performant.

Les systèmes d'enseignement agricole dans les autres pays d'Europe

Les systèmes d'enseignement dans le secteur de l'agriculture (qui n'est qu'une partie des secteurs couverts par l'enseignement agricole français) en Europe présentent globalement des similitudes en termes de gouvernance.

La formation initiale scolaire est majoritairement de statut public ou privé, financée en règle générale (sauf aux Pays-Bas) au niveau régional. La formation supérieure est de statut public, relevant du niveau national ou fédéral. Les systèmes de formation par apprentissage et continue ont des modes de gouvernance et de financement plus hétérogènes selon les pays. Les partenariats entre le public et le privé tiennent une place généralement importante et le degré de coordination nationale est assez faible. Les modèles allemands dépendent fortement des « Bundesländern » avec une faible coordination nationale, tandis que le système le plus fragmenté est le système italien.

Une grande partie de la formation continue et de l'apprentissage est aux mains d'entreprises d'aval et d'autres organisations professionnelles dans les États européens. Les organisations professionnelles sont aussi en charge du conseil réglementaire et du montage de dossiers administratifs ainsi que de l'animation de projets de développement local.

La présence des acteurs professionnels au sein des appareils de formation agricoles européens varie de positions « fortes » (au Danemark par exemple, la profession a une fonction de coordination entre la recherche appliquée, la formation, la vulgarisation et le conseil technique), à des positions « faibles » où l'action de la profession agricole n'est perceptible qu'à travers le mécanisme d'offre et de demande d'un système de formation par apprentissage et continue privé.

Dans l'enseignement supérieur, les diplômes d'ingénieur agronome s'inscrivent dans le processus dit de Bologne et sont dans tous les pays européens de niveau Master (5 ans d'études après le bac).

Concernant les diplômes de vétérinaires, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation oeuvre, notamment à travers de l'ouverture d'un cursus post-bac, au rapprochement de la durée des études pour devenir vétérinaire en France de la durée rencontrée dans d'autres pays de l'Union européenne. En effet, la durée des études pour devenir vétérinaire en France est incontestablement plus longue que dans les autres pays européens, ce qui explique en partie l'attrait de l'étranger pour les élèves vétérinaires, comme le montre le tableau qui suit.

Tableau comparatif de la durée théorique des études vétérinaires en Europe

Pays

Durée théorique des études vétérinaires

Espagne

5 ans

Irlande

5 ans

Italie

5 ans

Royaume-Uni

5 ans

Suède

5 ans

Allemagne

5,5 ans

Danemark

5,5 ans

Hongrie

5,5 ans

Norvège

5,5 ans

Autriche

6 ans

Belgique

6 ans

Finlande

6 ans

Pays-Bas

6 ans

République Tchèque

6 ans

Slovaquie

6 ans

Suisse

6 ans

France

durée théorique 7 ans,
durée constatée > 7,5 ans (y compris BCPST)

Source : à partir de la réponse de la DGER au questionnaire de la rapporteure

4. De très bons résultats et des taux d'insertion élevés

L'enseignement agricole se distingue par des taux de réussite aux examens et d'insertion professionnelle très élevés .

Pour la session 2019, le taux de réussite était de 85 %, soit plus que la moyenne nationale des baccalauréats professionnels. Il était de 88,6 % pour le bac technologique STAV - 0,5 point supérieur à la moyenne nationale des bacs technologiques -, 92,9 % pour le bac S - 1,5 point de plus que la moyenne nationale de cette série.

Quant aux certificats d'aptitude professionnelle (CAP) agricole, avec 95,6 % de réussite, son taux est supérieur de plus de 17 points à la moyenne nationale des CAP. Pour le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), plus de 91 % des étudiants l'ont obtenu en 2019.

Les résultats 2020, à l'issue d'une année particulière liée à la covid-19, confirment cette excellence : le taux de réussite s'élève à 96 % pour le CAPA, tandis que les résultats enregistrés au baccalauréat sont supérieurs à ceux obtenus par l'Éducation nationale.

Résultats au baccalauréat (session 2020)

Éducation nationale

Enseignement agricole

Bac professionnel

90,7 %

92,9 %

Bac technologique

95,7 %

98,4 %

Bac S

98,4 %

98,9 %

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation réalise tous les trois ans une enquête sur l'insertion des diplômés de l'enseignement agricole. Là encore les taux d'insertion sont très élevés . En post-bac, trois ans après l'obtention de leurs diplômes, 76% des titulaires d'un CAP agricole, 82 % des bacheliers et 90% des diplômes de BTSA sont en emploi. Quant aux diplômés de l'enseignement agricole supérieur long, 79,5% des ingénieurs, 85,7% des vétérinaires et 82,4% des paysagistes ont un emploi un an après leurs diplômes. À ces taux déjà très élevés, il est nécessaire de préciser que 7 à 10 % des jeunes diplômés optent pour une poursuite d'études.

S'il n'est pas possible de faire des comparaisons sur les taux de réussite des BTS et BTSA, les chiffres laissent penser que ceux des BTSA sont - en moyenne - supérieurs à ceux des BTS. En effet, une récente étude conjointe DARES-DEPP montre qu'en 2019 les taux d'emploi pour les titulaires de BTS à 12 mois sont de 71 % pour ceux ayant suivi un apprentissage et de 57 %pour les lycéens professionnels 21 ( * ) , ces moyennes cachant de fortes disparités selon les BTS.

Enfin, la rapporteure relève que le taux de réussite au diplôme national du brevet est similaire à la moyenne nationale, alors même que nombre des jeunes accueillis en 4 ème et 3 ème dans l'enseignement agricole étaient en difficulté voire en échec au cours de leur scolarité antérieure .

C. UN ENSEIGNEMENT EN PRISE AVEC LES DÉFIS DU MONDE AGRICOLE

1. La question de la souveraineté alimentaire remise au goût du jour avec la covid-19

La crise de la covid-19 a rappelé l'importance d'avoir une agriculture forte pour relever le défi de la souveraineté alimentaire.

Or, comme le rappelle le rapport du sénateur Laurent Duplomb 22 ( * ) ou, plus récemment, le rapport sénatorial du groupe de travail sur l'alimentation durable et locale 23 ( * ) , la souveraineté alimentaire française n'a jamais été autant menacée, comme en témoigne le taux de pénétration des importations dans la consommation des Français.

Les importations alimentaires représentent une part devenue incontournable dans l'assiette des Français

Les chiffres en la matière sont implacables . Si les taux d'auto-approvisionnements peuvent paraître peu alarmants dans la mesure où une partie de la production est exportée, il n'en demeure pas moins qu'une part significative de la consommation française est aujourd'hui couverte par des importations . Ce fait avéré témoigne de la difficulté pour l'agriculture française d'exister sur certains segments de marché importants en volume, notamment dans la restauration hors domicile ou l'industrie agro-alimentaire, où la contrainte du prix est plus forte.

Rien qu'en retenant les chiffres de l'élevage, la situation est préoccupante :

- 56 % de la viande ovine consommée en France est d'origine importée, en provenance des pays anglo-saxons ;

- 22 % de la consommation française en viande bovine est couverte par les importations, notamment pour les approvisionnements des préparations de viandes et des conserves ;

- 45 % de notre consommation de poulet en 2019 est importée , contre 25 % en 2000, en raison de la hausse des importations de volailles d'Europe de l'Est, en lien avec la croissance de la consommation hors domicile dont l'approvisionnement repose sur l'importation de découpes de volaille ;

- 26 % de notre consommation de porc, notamment ses jambons, majoritairement d'Espagne ou d'Allemagne, principalement comme matière première destinée à l'industrie de transformation ;

- 30 % de notre consommation de produits laitiers , en provenance de l'Union européenne, à la fois sur les achats de fromages mais surtout en matières grasses laitières (beurres et autres matières grasses solides), à destination de l'industrie agroalimentaire et de la restauration hors domicile ;

- entre 70 et 80 % de nos besoins de miel pour répondre à la demande des consommateurs selon les données de FranceAgrimer, les trois principaux fournisseurs de la France étant l'Ukraine, l'Espagne et la Chine.

Mais le phénomène concerne également les cultures végétales :

- 28 % de notre consommation de légumes et 71 % de sa consommation de fruits ;

- Près de 63 % des protéines que nous consommons issues d'oléagineux à destination des élevages.

En outre, cette photographie pourrait évoluer si les tendances à l'oeuvre depuis 2000 venaient à se poursuivre : en effet, entre 2000 et 2018, les importations françaises de produits agricoles et alimentaires ont enregistré un bond de + 96 %, soit un quasi-doublement .

Extrait du rapport d'information « Vers une alimentation durable et locale :
corriger les faiblesses et consolider les forces de notre modèle agricole », n° 620 (2020-2021) précité

L'impératif de souveraineté alimentaire est revenu au premier plan ces dernières années, rappelant l'importance d'avoir une agriculture nationale forte, capable de fournir à l'ensemble des citoyens une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, tout en étant capable d'exporter ses savoir-faire.

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets 24 ( * ) , dite loi « climat et résilience », l'a d'ailleurs souligné. À l'initiative du Sénat, un article a été adopté érigeant, à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, en premier objectif de la politique alimentaire le fait de « sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et de promouvoir l'indépendance alimentaire de la France à l'international, en préservant son modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de son alimentation et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la règlementation européenne ».

Dans cette perspective, dès lors que la souveraineté alimentaire redevient une priorité politique, l'enseignement agricole a un rôle éminent à jouer , comme il l'a fait dans le passé, comme le rappelle Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA : « les lois de 1960 à 1962 ont permis la montée en puissance de l'enseignement agricole. Il était alors déjà question d'autosuffisance alimentaire, de compétitivité, d'efficacité économique de nos entreprises et des conditions de vie des agriculteurs. Il est heureux que l'enseignement agricole ait été mis en place. Je ne suis pas certaine en effet que, dans le cas contraire, nous pourrions aujourd'hui parler de souveraineté alimentaire. Nous n'aurions certainement pas pu répondre aux attentes des consommateurs durant le confinement. »

Ce défi devra irriguer tout l'écosystème éducatif agricole dans les années à venir, notamment face à l'ampleur du défi du renouvellement des générations.

2. L'enseignement agricole doit être aujourd'hui au coeur des dispositifs visant à assurer le renouvellement des générations en agriculture et à combler les fragilités de certaines filières
a) Le renouvellement des générations : un enjeu majeur

L'autre défi à relever pour le monde agricole, et donc pour l'enseignement agricole, sera celui du renouvellement des générations d'exploitants dans les années à venir, notamment pour les filières qui sont en crise .

En effet, si la tendance à la baisse du nombre d'exploitants en France, proche de - 1,1 % chaque année, est déjà préoccupante, elle devrait s'accélérer sur la période de la prochaine programmation de la politique agricole commune (PAC), entre 2021 et 2027, pour atteindre un rythme compris entre 1,7 et 3,3 %.

Cette mécanique est liée au fait qu'il y a plus de départs que d'installations, aboutissant à un taux de remplacement-renouvellement des chefs d'exploitation de 67 % en 2018.

Ce nombre de départs est induit par une pyramide des âges très défavorable, entraînant une vague de départs à la retraite dans les années à venir très importante, qualifiée par François Beaupère, deuxième vice-président de l'APCA, de « véritable papy-boom » affectant « non seulement l'ensemble des métiers, tant les chefs d'exploitation que les salariés, mais aussi l'ensemble des secteurs, à savoir la production, l'exploitation et les services ».

Dans les faits, en 2016, l'âge moyen de ses exploitants français était de 52 ans, contre 40,5 ans pour les autres actifs français. Autrement dit, selon certaines estimations de la MSA, dans 10 ans, près de la moitié des exploitants partiront à la retraite. C'est ce que rappelle Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs : « la démographie agricole est à un tournant. En 2026, 215 000 exploitants (45 % de la population d'agriculteurs de 2016) auront cessé leur activité. Face à cet effondrement, nous avons un défi à relever au niveau des jeunes, d'autant que la diminution de la part des ménages agricoles dans la population rurale est également significative . »

Au total, malgré des installations stables autour de 13 000 nouveaux exploitants par an, le nombre de départs est tel que près d'un exploitant sur trois ne sera pas remplacé si la tendance actuelle n'est pas infléchie.

À cet égard, la mission s'inquiète vivement de la multiplication des anathèmes lancés à la profession agricole, qui pourrait dégrader encore un peu plus la tendance au non remplacement des exploitants partant à la retraite.

Pour relever ce défi global du renouvellement des générations, tous les outils à la disposition de l'État et des filières doivent être mobilisés pour favoriser les transmissions et permettre aux jeunes qui le souhaitent de s'installer et de se lancer dans la grande Aventure du vivant. Cela passe par une réflexion générale sur le métier d'agriculteur, sa revalorisation dans la société, ses conditions d'exploitation, notamment pour lui permettre de vivre dignement de son travail... Cela nécessite une refonte du cadre de la transmission familiale, pour faciliter les transmissions et les portages fonciers.

Cela requiert aussi, et surtout, une mobilisation forte de l'enseignement agricole pour relever ce défi. À défaut, une politique insuffisamment ambitieuse aboutira à la mise en péril de nombreux établissements, réduisant encore plus l'attractivité de la filière.

Cette mobilisation doit s'adresser à tous, aux jeunes enfants de familles agricoles mais aussi et surtout aux jeunes qui ne viennent pas directement du milieu agricole.

À cet égard, si le taux d'élèves issus du milieu agricole inscrits au sein d'un établissement de l'enseignement agricole était de 35 % en 1990, il est aujourd'hui inférieur à 10 %. Cette tendance se poursuivra.

Pierre Thomas, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) estime par exemple qu' « aujourd'hui, pour assurer le renouvellement des générations en agriculture, je pense que nous devons chercher ailleurs que chez les enfants d'agriculteurs. Nous devons ouvrir plus encore l'enseignement agricole aux personnes du monde urbain et périurbain et leur donner envie de s'intéresser aux métiers du vivant, sous peine de rencontrer des difficultés d'une part à installer un nombre suffisant de jeunes permettant le renouvellement des générations, d'autre part à assurer la mission de nourrir la population. »

b) Une réponse aux fragilités de certaines filières

L'enseignement agricole apparaît également comme une réponse aux fragilités de certaines filières.

La mission a été interpellée, tant en audition par Victor Grammatyka, président de l'UNREP, que lors des visites d'établissement sur le terrain, sur les difficultés de recrutement rencontrées par les filières horticoles.

La sénatrice Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », et le sénateur Daniel Gremillet ont également appelé l'attention de la rapporteure sur l'importance de l'enseignement agricole pour le maintien et le développement d'une filière bois dynamique, qui requiert des compétences pointues, tout comme la filière viti-vinicole, confrontée à d'importants défis du fait du changement climatique, ainsi que l'a souligné le sénateur Daniel Laurent, président du groupe d'études « vigne et vin ».

Enfin, une autre source d'inquiétudes, fréquemment évoquée lors des auditions de la mission d'information, est la fragilité structurelle de l'agriculture française compte tenu de sa dépendance à la main d'oeuvre saisonnière, témoignant de la tension rencontrée sur le marché de l'emploi par les exploitants. Là encore, l'enseignement agricole peut être une réponse à cet enjeu.

3. Une féminisation croissante des apprenants mais des disparités entre filières et des préjugés qui demeurent
a) Une parité dans l'enseignement technique agricole, qui cache des différences importantes suivant les filières, et une majorité de filles dans le supérieur long

Pour l'année scolaire 2020-2021, les filles représentent 49 % des élèves en formation initiale scolaire au sein de l'enseignement technique agricole. Cette proportion est en constante augmentation puisque la part des filles dans les effectifs était alors de 41 % en 1995. Cette moyenne cache des différences importantes en fonction des filières de formation et du niveau d'étude. Elles sont ainsi beaucoup plus nombreuses dans le secteur des services à la personne et les métiers en lien avec les animaux. Elles représentent 77 % des effectifs de la filière des services à la personne, 57 % pour la transformation alimentaire, 42 % de la voie générale et technologique, 39 % pour la production agricole et 17 % pour l'aménagement de l'espace et la protection de l'environnement.

Les écarts se creusent pour l'apprentissage et, en sens inverse, pour les établissements de l'enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et de paysage. On dénombre environ 9 000 apprenties, soit près de trois fois moins que de garçons. D'ailleurs, comme le montre le graphique suivant, le nombre de filles en apprentissage n'a que peu évolué depuis 2010-2011.

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En revanche, alors qu'elles ne représentaient que 20 % des étudiants dans les établissements de l'enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et de paysage , elles y sont désormais largement majoritaires : à la rentrée 2019 on y dénombre 62 % de femmes et 38 % d'hommes.

En ce qui concerne la formation continue, 37 % des stagiaires de la formation continue sont des femmes. Ces chiffres sont à mettre en rapport avec la féminisation du secteur - elles représentent 30 % des actifs permanents agricoles. Les formations qu'elles suivent sont généralement plus longues (138 heures de formation en moyenne contre 114 heures pour les hommes). Enfin, 42 % des stagiaires ayant préparé le brevet professionnel « responsable d'exploitation agricole », participant à l'obtention de la capacité professionnelle agricole - l'une des conditions d'éligibilité aux aides à l'installation en agriculture - sont des femmes. Cela traduit une féminisation de la profession de chefs d'exploitation agricole : alors que seulement 8 % des chefs d'exploitation étaient des femmes en 1970, elles représentent désormais un quart des chefs d'exploitation, co-exploitation ou associées.

b) Des préjugés de genre qui demeurent

Comme d'autres filières, l'enseignement agricole souffre des stéréotypes de genre, même si l'on constate des évolutions ces dernières années. Deux axes d'action sont nécessaires.

Envers les jeunes et les familles tout d'abord, au moment du choix d'orientation, pour casser les préjugés qui existent sur les métiers auxquels forme l'enseignement agricole. Comme l'exprime François Beaupère, deuxième vice-président de l'APCA, « de nombreux efforts restent en outre à fournir en vue d'oeuvrer à la formation des jeunes filles qui, à mon sens, représentent en partie l'avenir de l'agriculture. Si l'on constate un faible taux de féminisation au sein de la profession des chefs d'exploitation par exemple, je précise que 45 % des effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole sont des jeunes filles. Ces dernières occupent ainsi des postes, parfois à hautes responsabilités, principalement dans le secteur des services gravitant autour du milieu agricole, à l'exemple de la distribution, de la commercialisation ou de la finance. L'agriculture bénéficie d'un fort taux de féminisation qui est significativement plus élevé, il me semble, que dans certains milieux industriels ».

Envers le monde professionnel ensuite, pour changer certaines représentations. Comme a pu le déclarer Pierre Thomas, président du Modef, « il est parfois difficile pour les filles de rejoindre un certain nombre de stages. Nous avons vu encore récemment des maîtres de stage et des maîtres d'apprentissage cantonner les filles à la vaisselle. Ils sont évidemment écartés très rapidement, dès qu'on s'en aperçoit. Il n'en demeure pas moins que ce constat pose la question de la formation des maîtres d'apprentissage et des maîtres de stage ». Ces situations - qui existent - restent heureusement limitées. Ainsi « le genre n'est pas rédhibitoire pour les professionnels. Une fois l'a priori passé, la diversité des genres est en général approuvée ». Néanmoins, les taux d'insertion des filles - tout en restant excellents - sont légèrement inférieurs à ceux des garçons, comme le montrent les tableaux suivants.

Taux net d'emploi trois ans après l'obtention du diplôme (hors diplômés ayant obtenu un diplôme de niveau supérieur au cours des trois ans)

CAP agricole

Bac professionnel agricole

BTSA

Filles

71,8 %

83,5 %

87,8 %

Garçons

78,2 %

88,9 %

94,6 %

Enseignement supérieur long : taux net d'emploi un an après l'obtention du diplôme

Ingénieurs

Vétérinaires

Paysagistes

Filles

90,4 %

97,7 %

89,6 %

Garçons

92,4 %

98,6 %

87,1 %

Source : Portrait de l'enseignement agricole 2021

4. Une diversité de formation qui doit intégrer les enjeux d'aujourd'hui et de demain
a) Un triple défi économique, social et environnemental

Comme l'a souligné Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine, représentant de Régions de France à la table ronde sur l'orientation, « aujourd'hui, il n'y a pas de jeune qui ne soit préoccupé par l'environnement, par la pollution, par le bien-manger, etc. Il faut donc raccorder les métiers de l'agriculture aux exigences de la société actuelle » 25 ( * ) .

Lors de son déplacement dans la Drôme, la mission d'information a pu s'entretenir au lycée agricole du Valentin avec des jeunes en reconversion professionnelle « maraîchage ». L'envie d'avoir un métier « qui a du sens », « conforme à ses valeurs » a été mis en avant par ces jeunes adultes.

Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA, rappelle à cet égard que « l'agriculture est une solution au changement climatique et à l'ensemble des défis qui se posent, en termes économiques, en termes d'emplois salariés ou non-salariés et en termes de renouvellement des générations. Se posent également les défis de la compétitivité, de la résilience, de l'environnement, de la neutralité carbone. Il s'agit enfin de répondre aux attentes objectives des consommateurs et des citoyens, dans le contexte de la notion de souveraineté alimentaire. Nous ne pourrons relever l'ensemble de ces défis que par des mutations dans nos métiers. Ces mutations supposent des qualifications nouvelles, des qualifications rénovées et des compétences plus grandes en termes de gestion de nos entreprises et en termes d'employabilité de nos salariés . »

Schématiquement, le défi du développement durable requiert de poursuivre le renouvellement des approches en matière de pratiques agricoles sur trois volets.

Le défi économique tout d'abord, en rappelant que l'agriculteur, comme ses salariés, doivent « gagner leur vie ». Mais il doit être relevé avec deux autres défis, le défi social et le défi environnemental .

Philippe Mauguin, président-directeur général de l'Inrae, l'a résumé en introduction de son propos devant la mission, en rappelant que, d'un côté, « on a souvent tendance à parler du réchauffement à venir, d'ici 2050, et des degrés de température que nous gagnerons. Chaque année qui passe montre toutefois que le changement climatique a déjà lieu. Il présente déjà un impact fort sur les productions agricoles, dans notre pays et dans le monde. On a longtemps pensé que les pays tempérés d'Europe occidentale étaient davantage préservés que d'autres régions de la planète des effets du changement climatique. C'est de moins en moins vrai. Il s'agit de l'une des transitions les plus fortes et les plus évidentes, auxquelles nos agriculteurs doivent faire face. » D'un autre côté, « on attend en effet de l'agriculture qu'elle continue de remplir sa fonction première nourricière et alimentaire, et de faire face à l'augmentation de la population mondiale. Elle doit continuer à assurer la sécurité alimentaire. » Enfin, « l'attente de nos concitoyens est en outre de plus en plus forte en termes de santé et de protection de l'environnement, avec des traductions concrètes qui sont de plus en plus pressantes, notamment dans le champ de la protection des cultures, avec les alternatives aux produits phytosanitaires. Des attentes s'expriment aussi vis-à-vis de l'élevage, qui est beaucoup questionné, parfois justement, parfois injustement. Il est en tout cas important de répondre aux questions qui sont posées, en termes de bien-être animal ou d'impact sur les gaz à effet de serre ou sur les écosystèmes. »

Il semble donc nécessaire de sensibiliser les apprenants en formation agricole à ces enjeux afin qu'ils s'engagent en toute connaissance de cause.

Outre l'adaptation des formations aux nouveaux enjeux - la prise en compte de l'agro-écologie comme évoqué précédemment, ou encore des problématiques spécifiques liées à la ruralité dans le bac « services aux personnes et aux territoires » (SAPAT) -, de nouvelles spécialités et certifications professionnelles ont été instaurées : productions aquacoles, forêt, ou encore gestion des milieux naturels et de la faune pour les spécialités du baccalauréat général ; certification de spécialisation professionnelle en agriculture urbaine ou en génie écologique. C'est également le cas de développement de formation en herboristerie et plantes médicinales faisant directement écho aux recommandations de la mission d'information du Sénat sur ce sujet en 2018 26 ( * ) . Son rapporteur Joël Labbé préconisait notamment le développement de formations agricoles spécialisées dans la culture des plantes à parfum, aromatiques et médicinales.

La formation en production horticole est un exemple intéressant de formation considérée par les élèves et les étudiants comme peu attractive mais pourtant essentielle en matière d'enjeux environnementaux : agriculture urbaine, verdissement, mise en place d'îlots de chaleur...

b) Une profonde refonte de l'enseignement de l'agriculture pour prendre en compte la transition agro-écologique : le plan « enseigner à produire autrement »

L'enseignement agricole s'est engagé depuis plusieurs années dans une démarche de transformation de l'agriculture. Le plan « enseigner à produire autrement », lancé en 2014, traduit la mobilisation de l'enseignement agricole en faveur de l'agro-écologie et des transitions . Partant du constat que « la transition vers de nouveaux systèmes de production plus durables repose sur une modification majeure des cadres de pensée et des modes d'acquisition des savoirs et des pratiques » 27 ( * ) , le ministère de l'agriculture, à travers ce plan, a estimé que « l'enseignement agricole doit assumer un rôle majeur pour adapter et anticiper l'évolution des connaissances et des modes de raisonnement » . Il a conduit à une modification en profondeur du contenu du bac professionnel « conduite et gestion de l'exploitation agricole» et du BTSA « Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole » pour y introduire l'agro-écologie.

Outre la modification des référentiels de formation, les exploitations des établissements d'enseignement agricole ont également pris le virage de la transformation écologique : 20 % de la surface agricole utile de ces exploitations est désormais certifié en agriculture biologique, soit une augmentation de 74 % entre 2014 et 2018. Par ailleurs, 130 des 192 exploitations des EPLFPA publics ont des actions techniques et pédagogiques en biodiversité et 70 sont impliquées dans l'Observatoire agricole de la biodiversité. Enfin, les deux tiers des exploitations sont mobilisées dans les plans Ecophyto successifs et partenaires du réseau de fermes de démonstration DEPHY.

Un nouveau plan 2020-2024, intitulé « enseigner à produire autrement, pour la transition et l'agro-écologie », a été lancé en janvier 2020. Articulé autour de quatre axes, il a notamment pour objectifs :

- avoir 100 % des établissements engagés dans une démarche éco-responsable en 2022 ;

- avoir 100 % des référentiels de formation rénovés pour y intégrer les enjeux des transitions, de l'agroécologie et du bien-être animal en 2025 ;

- avoir 90 % des exploitations ayant arrêté l'utilisation du glyphosate d'ici fin 2021 et pour les 10 % restantes avoir défini une stratégie pour l'arrêter ;

- en 2025, 100 % des établissements disposant d'une ou plusieurs exploitations agricoles et ateliers devront avoir au moins un de leurs ateliers de production en agriculture biologique représentant 20 % ou plus de la surface agricole utile de l'établissement ; 100 % de la surface agricole utile des exploitations agricoles de l'enseignement agricole est conduite en agriculture biologique, haute valeur environnementale ou SIQO (sous signes d'identification de la qualité et de l'origine) ; 100 % des ateliers technologiques ont une certification AB.

Des objectifs de partenariat sont également fixés : organisation d'une demi-journée dans les établissements, ouverte à des partenaires ou des parties prenantes, en lien avec l'agroécologie et les transitions ou encore d'ici fin 2022, signature par chaque établissement d'au moins deux partenariats ou projets formalisés avec des acteurs du territoire (GIEE, groupes Ecophyto, projet alimentaire territorial (PAT), charte de riverains...).

Lors de ses déplacements, la mission d'information a pu constater l'implication de l'enseignement agricole en faveur de la transition éco-écologique. Ainsi, à Gotheron, dans la Drôme, en partenariat avec le lycée agricole du Valentin à Valence, les chambres d'agriculture, Agribio Ardèche et Agribiodrôme, l'INRAE a imaginé un verger multi-espèces et circulaire, où les différentes espèces d'arbres présentes, la conception d'abris naturels pour oiseaux, chauve-souris, batraciens, reptiles doivent permettre de réduire à zéro l'utilisation de pesticides. Il s'agit de mobiliser tous les leviers propices à une biorégulation des maladies et ravageurs.

Le lycée Terre d'horizon de Romans-sur-Isère, pour sa part, développe un « archipel des plantes gourmandes » : il s'agit d'identifier des variétés de plantes avec un intérêt alimentaire patrimonial et pouvant s'adapter au changement climatique. La deuxième phase de ce projet vise à mettre en culture ses variétés : il ne s'agit en effet pas de créer un conservatoire mais des plantes pouvant être ensuite diffusées sur le territoire. Ce projet bénéficie d'un financement européen LEADER.

Dans le Nord, l'Institut de Genech dispose d'un laboratoire biotechnologique où est réalisé un travail sur la génétique des plantes avec des partenaires semenciers. Un projet de développement de nouvelles variétés de betterave résistant à la jaunisse est ainsi en cours.

S'agissant des projets alimentaires territoriaux (PAT), le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a souligné la forte croissance du soutien budgétaire accordé par l'État, passé de 6 millions d'euros sur quatre ans à 80 millions d'euros sur deux ans. Les acteurs de l'enseignement agricole et de la recherche ont souligné leur implication dans ces dispositifs. Philippe Mauguin de l'INRAE, a ainsi souligné que « les outils comme les PAT, qui réunissent des acteurs de l'agriculture, de la transformation alimentaire et les collectivités territoriales, pour se projeter dans les quatre à cinq années à venir apparaissent très intéressants. Nous y participons, mais il faut aussi que des jeunes puissent y contribuer, car cela nous projette de façon non théorique dans la nécessité de repenser globalement le système alimentaire . » Patrick Delage, directeur de l'EPLEFPA de Laval, a ainsi mis en avant que son établissement avait élaboré un projet alimentaire d'établissement, avec l'objectif de l'étendre à l'ensemble du territoire lavallois.

c) Des enseignements qui doivent rester larges et en phase avec les réalités du monde professionnel pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leurs pratiques agronomiques

Du côté des savoir-faire agronomiques, notamment en matière de pratiques culturales, d'aucuns estiment qu'il importe de renforcer certaines formations au regard de nouvelles pratiques, notamment l'agriculture biologique.

Pour Étienne Heulin, ancien porte-parole de la Confédération paysanne en région Pays-de-la-Loire, membre du comité régional, « après le plan Ambition Bio, nous pourrions envisager une généralisation des formations dans le domaine. Les sessions qui se mettent en place restent cependant optionnelles, avec une inégalité de représentation des formations en agriculture biologique selon les régions, qui ont des compétences en la matière. Selon nous, ce sujet devrait pourtant se traiter de manière égalitaire dans l'ensemble des régions. »

Si le renforcement des apprentissages en la matière, corrélativement à la hausse de la part de la surface agricole utile en agriculture biologique en France, semble consensuel, le fait de créer des filières spécifiques pour l'enseignement de l'agriculture biologique est refusé par d'autres interlocuteurs, comme Pierre Thomas, président du Modef : « je ne suis pas favorable, par ailleurs, aux formations spécifiques bio ou non-bio. Je suis producteur bio depuis l'année 2000. Il me semble cependant que des formations spécifiques empêcheraient le dialogue entre les deux communautés. L'intérêt de se parler est de donner les capacités à chaque personne de changer de domaine si elle le souhaite. Le monde agricole souffrirait au contraire de ne pas proposer des possibilités de mobilités. Les personnes doivent pouvoir évoluer. La formation de base doit par conséquent être la plus importante possible. »

Toutefois, par-delà ce débat ciblé, des interlocuteurs du monde agricole rencontrés par la mission d'information estiment qu'un fossé pourrait exister dans certains enseignements et établissements compte tenu du manque de sensibilisation aux problématiques du monde agricole.

Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs, résume cette situation en une formule : « Il nous paraît inconcevable que certains enseignants n'aient pas revêtu des bottes d'agriculteur parfois depuis plus de 20 ans. » Les Jeunes agriculteurs constatent que « certains enseignants ont une vision déconnectée du monde agricole, qui va parfois à l'encontre des pratiques agricoles actuelles. En fonction des professeurs qui composent le corps enseignant, les discours tenus auprès des lycéens et étudiants peuvent s'avérer contradictoires avec les réalités du terrain. Pour les futurs professionnels, ce type de discours est un frein à la bonne compréhension des enjeux agricoles tels qu'ils existent actuellement » et proposent de mettre en place « des formations terrains et ce tout au long de la carrière », tout en s'engageant à « accueillir les enseignants sur des profils d'exploitation diversifiés, afin de participer à l'effort de formation. »

D'autres personnes auditionnées, devant plusieurs membres de la mission, ont eu des propos très durs vis-à-vis d'une partie du monde enseignant agricole, estimant qu'il véhicule, au sein des établissements d'enseignement agricole, un discours « idéologisé » et « partisan » , loin d'être neutre pour les futurs exploitants . Certains interlocuteurs ont été plus loin, allant même jusqu'à évoquer une résurgence d'un « certain obscurantisme » chez des professeurs rétifs à l'innovation et promouvant un certain modèle agricole, au lieu d'enseigner toutes les techniques agricoles pour que l'exploitant puisse, ensuite, faire un choix éclairé de son mode d'exploitation .

La mission, qui tient à saluer l'implication et la passion des très nombreux acteurs de l'enseignement agricole, se devait d'exposer ces critiques dans un souci d'exhaustivité. Il importe de veiller impérativement à ce que les liens entre le monde enseignant et le monde professionnel agricole soient les plus ténus possible : c'est en travaillant ensemble qu'ils prépareront le passage à l'agriculture de demain.

d) La nécessité de maîtriser la gestion d'une exploitation et son environnement réglementaire

Les syndicats agricoles ont souligné lors de leur audition les qualifications nouvelles et les compétences renforcées en gestion induites par la mutation de l'environnement économique et réglementaire ainsi que la numérisation.

Ce point a souvent été abordé par les membres de la mission d'information car il leur apparaît fondamental. Les filières agricoles et la filière agroalimentaire, si elles doivent s'adapter aux nouvelles exigences de la société, sont et resteront une activité économique. Il apparaît donc essentiel à la mission d'information que les apprenants bénéficient d'une formation adaptée sur les plans économique, réglementaire et de gestion.

Les réponses apportées par les acteurs de l'enseignement agricole traduisent une vraie prise de conscience en la matière, même s'il apparaît souhaitable d'aller plus loin.

Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), a ainsi relevé qu'à la suite d'une consultation menée en 2019 et 2020, les formations administratives et de gestion « évoluent et apportent des compétences sur la réalité d'un coût, le calcul de la rentabilité, la gestion économique, la chaîne de valeur, les autres voies de distribution et de commercialisation « , tandis que la dimension numérique a été développée au travers des TIM (technologies informatiques et médias).

Marc Janvier, président de l'UNEAP, a souligné le renforcement progressif des référentiels de gestion, « en particulier au niveau des BTS, où ils deviennent la partie majeure de l'enseignement avec l'économie, les politiques agricoles, la gestion des outils et la stratégie ».

Quant à Nicolas Bastié, président de la Fédération APREFA, il a souligné la prise en compte des enjeux liés à la santé et à la sécurité au travail dans les programmes de formation de l'enseignement agricole, dans le cadre d'un étroit partenariat avec la Mutualité sociale agricole, mis en avant par le président de la CCMSA lors de son audition.

Au-delà, l'enseignement agricole doit s'adapter aux évolutions sociologiques et aux pratiques du monde agricole, en intégrant l'ensemble des dimensions relatives à la production, à la transformation et à la commercialisation. Comme le souligne François Purseigle 28 ( * ) , « les métiers de l'agriculture et l'ensemble des catégories qui les définissent peuvent faire l'objet de combinaisons complexes : à titre d'exemple, le chef d'exploitation peut ainsi revêtir le statut de salarié de la société civile d'exploitation qu'il dirige, être le gérant d'une société commerciale de prestations de services agricoles, diversifier ses sources de revenus en étant pluriactif. Peut-être, plus que toute autre activité, le secteur agricole permet un emboîtement des catégories professionnelles et le choix d'une pluri-appartenance au sein d'une entreprise et d'un territoire. Mais la modernité de l'insertion dans les mondes agricoles ne réside pas seulement là. Les entreprises agricoles sont résolument tournées vers la mobilité sociale et professionnelle. Cette mobilité, relevant plus de l'initiative que de la contrainte, est liée tout à la fois à l'arrivée de personnes ayant déjà exercé une activité non agricole et à un nombre croissant de départs précoces ».

La vocation de l'enseignement agricole destiné aux jeunes ou nouveaux agriculteurs est ainsi de faire en sorte que les nouveaux installés bâtissent un projet économique et entrepreneurial viable, en s'adaptant aux nécessités de la transition agro-écologique, aux attentes du citoyen et du consommateur, tout en étant capables d'intégrer la complexité et la modernité de l'organisation rurale actuelle.

II. MAIS UN ENSEIGNEMENT AGRICOLE QUI TRAVERSE AUJOURD'HUI DE RÉELLES DIFFICULTÉS

Au travers de ses auditions et déplacements, la mission d'information constate que l'enseignement agricole, et plus précisément l'enseignement technique agricole, est aujourd'hui confronté à de réelles difficultés, de quatre ordres :

- une diminution tendancielle des effectifs en formation initiale scolaire sur fond de difficultés d'image et d'une insuffisante valorisation par le système d'orientation ;

- une situation financière des établissements parfois préoccupante ;

- une concurrence entre établissements, interne à l'enseignement agricole mais surtout avec l'Éducation nationale, qui fragilise le réseau ;

- un attachement au ministère de l'agriculture qui se délite chez une partie du corps enseignant, pour des raisons statutaires et de positionnement institutionnel du ministère.

A. DES EFFECTIFS TENDANCIELLEMENT EN BAISSE, SUR FOND DE DÉFICIT D'IMAGE ET D'UNE INSUFFISANTE VALORISATION PAR LE SYSTÈME D'ORIENTATION

1. 11 % de baisse des effectifs de la formation initiale scolaire dans l'enseignement technique agricole en 10 ans
a) Une nette baisse dans l'enseignement technique agricole qui traduit une perte d'attractivité et qui résulte pour partie de la rénovation de la voie professionnelle

L'enseignement technique agricole est confronté à une baisse de 11 % des effectifs de la formation initiale scolaire, passés de 173 548 à 154 695 élèves entre la rentrée 2011 et la rentrée 2020, dont respectivement 36 % puis 39 % dans l'enseignement agricole public.

Comme l'a souligné Bruno Ricard, inspecteur général, lors de son audition, cette baisse globale cache des disparités. Elle est plus importante dans l'enseignement privé que dans l'enseignement public. Le cycle secondaire perd des élèves, tandis que le cycle supérieur court enregistre une hausse. Les spécialités professionnelles connaissent des évolutions différentes : les filières « services » et « industrie » sont en diminution, les formations « aménagement » et « ventes » en augmentation et les formations « production-gestion » restent relativement stables.

Dans la réponse apportée au questionnaire de la rapporteure, l'UNMFREO souligne la désaffection qui touche de manière générale l'enseignement professionnel, ce que met également en évidence la Cour des comptes dans ses observations définitives précitées sur les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole. La Cour met en évidence le contraste par rapport à la période de 1980-2000 (+ 53 000 élèves dans l'enseignement technique agricole, signe qu'il était à l'époque clairement valorisé et qu'il exerçait un fort pouvoir d'attraction). Elle relève qu'entre 2005 et 2019, les effectifs du second cycle professionnel de l'Éducation nationale ont baissé de 11 % et ceux de l'enseignement agricole, y compris le supérieur court, de 10 %. La Cour souligne néanmoins à juste titre que la baisse des effectifs de la voie professionnelle a des conséquences beaucoup plus fortes et dommageables pour l'enseignement technique agricole que pour l'Éducation nationale en raison de sa taille et du fait qu'elle n'est pas compensée par une augmentation équivalente des effectifs des voies générales et technologiques.

Outre les éléments liés au contexte et au système d'orientation, développés ci-après, plusieurs personnes auditionnées ont souligné que la rénovation de la voie professionnelle avait contribué à cette diminution des effectifs d'apprenants au cours de la décennie passée.

Roland Grimault, directeur de l'UNMFREO, a ainsi expliqué à la mission que : « Concernant l'évolution des effectifs, une baisse a été enregistrée lors de la dernière rentrée. Mais l'évolution constatée ces dernières années résulte en partie d'une décision de réorganisation de la filière professionnelle. La réforme menée en 2009 pour le baccalauréat professionnel agricole puis en 2011 pour le secteur des services a fait passer le baccalauréat professionnel de quatre ans à trois ans, avec des incidences sur les effectifs. Avant la réforme, nous avions beaucoup de brevets d'études professionnelles (BEP), dont 40 % à 60 % passaient en baccalauréat. L'ambition de la réforme était d'emmener 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, mais il y avait aussi un argument économique - pourquoi faire en quatre ans ce que l'on peut faire en trois ? En passant du baccalauréat en quatre ans au baccalauréat en trois ans, nous avons perdu une promotion par année, soit 5 000 à 6 000 élèves en moins dans les MFR. La baisse des effectifs constatée dans les MFR résulte d'abord de cette réforme. Nous nous y sommes désormais adaptés ».

Cette analyse est partagée par la FEP-CFDT qui souligne que « le passage de la voie professionnelle de 4 ans à 3 diminue de fait le nombre d'apprenants. Les réformes du bac général et du bac technologique STAV n'ont pas permis de valoriser ces formations diplômantes par rapport à l'Éducation nationale. Les familles et les jeunes choisissent les établissements à proximité et les moins coûteuses financièrement . »

Certaines évolutions d'effectifs peuvent également dépendre de situations locales particulières, comme l'a souligné, à propos des MFR à La Réunion, Saadia Ait-Abed, suppléante au conseil d'administration de l' Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (ANDCIO) et directrice du CIO de Saint-Benoît : « si les élèves y sont de moins en moins nombreux, il ne faut pas oublier que l'internat y est obligatoire, puisque cela fait partie du travail éducatif et social à mener. Or les jeunes Réunionnais ne veulent plus de l'internat. C'est aussi peut-être une des raisons pour lesquelles ils se dirigent moins vers les MFR alors que cela pourrait correspondre à leurs objectifs, avec un environnement plus sûr ». Au-delà des chiffres globaux, la trajectoire d'évolution des effectifs mérite donc une analyse territorialisée.

b) Une baisse qui contraste avec le dynamisme des effectifs de l'enseignement supérieur long

Cette baisse des apprenants dans l'enseignement technique agricole contraste avec le dynamisme constaté dans l'enseignement supérieur agricole, qui s'est profondément réformé et restructuré ( cf . infra).

En effet, l'enseignement supérieur agricole long a su s'adapter à l'évolution des besoins de formation et s'attache à diversifier les profils. En témoigne la création de classes préparatoires intégrées post-bac aux écoles vétérinaires avec 160 places offertes par Parcoursup , afin d'améliorer la diversité des profils en école vétérinaire et permettre une plus juste répartition géographique, dans un but de renouvellement des candidatures. Les échanges que la rapporteure a pu avoir avec la direction de l'ENVA montre que, grâce à Parcoursup, cette diversification des profils est réelle.

Cette adaptation et cette structuration - facilitant les coopérations entre écoles - ont permis à l'enseignement supérieur agricole long d'attirer depuis 2015 un nombre croissant d'étudiants : + 14 % sur la période 2015-2020, soit une augmentation de près de 2 000 étudiants. Par rapport à la rentrée 2019, les effectifs ont progressé en 2020 de 6 %.

Évolution du nombre d'étudiants dans l'enseignement agricole supérieur long

Source : DGER

c) Une baisse enrayée en 2019, premier signe d'une reconquête ?

Cette baisse tendancielle serait toutefois en passe d'être enrayée.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, les effectifs de l'enseignement agricole étaient en augmentation à la rentrée 2019.

Malheureusement, la crise de la covid-19 a eu des conséquences importantes sur les inscriptions à la rentrée 2020 - qui vont mathématiquement se répercuter sur les effectifs des classes suivantes dans les années à venir. Les raisons sont nombreuses et identifiées : annulation des portes ouvertes dans les établissements, salons de l'orientation qui sont des moments importants de découverte de l'enseignement agricole et d'inscription, craintes sur les risques de transmission du virus dans les internats...

Le camion de l'Aventure du vivant, qui devait sillonner la France pour faire découvrir l'enseignement agricole, a dû s'arrêter à l'automne 2020, après seulement deux étapes.

Comme l'a d'ailleurs indiqué Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), « les spécificités qui faisaient la richesse de l'enseignement agricole, en particulier les internats, ont été vues par certains élèves ou certains parents comme des handicaps. De plus, l'année dernière comme cette année, l'absence de journées portes ouvertes en présentiel pour valoriser la qualité de l'environnement a été dommageable pour le recrutement de nouveaux apprenants ».

Les premières estimations pour la rentrée 2021 semblent témoigner d'une nouvelle remontée des effectifs d'apprenants . Selon les chiffres indiqués par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation lors de son audition, ils passeraient entre 2020 et 2021 de 193 000 à 197 000 apprenants pour l'enseignement technique agricole, en y incluant les apprentis. Les premiers éléments transmis par la DGER pour les effectifs d'élèves - soit jusqu'au baccalauréat - témoignent de cette légère hausse à la rentrée 2021 : + 1,4 % (1 870 élèves supplémentaires). Les effectifs étudiants de l'enseignement agricole supérieur court seraient en revanche en baisse de 4,5 % (19 438 inscrits). La hausse globale des effectifs de l'enseignement technique agricole par voie scolaire s'établirait ainsi à environ 0,6 %, le ministère précisant que cette augmentation serait en particulier constatée dans les classes de 4ème, 3ème, seconde et CAPA, cibles des dernières opérations de communication et d'orientation. Les effectifs de l'enseignement agricole supérieur long et de l'apprentissage ne sont en revanche pas stabilisés.

Évolution des effectifs de l'enseignement technique agricole en voie scolaire
entre les rentrées 2020-2021 et 2021-2022

Source : DGER à partir des données transmises par les établissements
ayant achevé leurs remontées en septembre 2021

2. L'enseignement agricole se trouve pénalisé par le contexte d'agribashing, reste méconnu et est insuffisamment valorisé par le système d'orientation

L'ensemble des personnes auditionnées partagent un même constat : les élèves et leurs familles qui fréquentent l'enseignement agricole s'y plaisent, mais cette filière de formation reste trop méconnue du public. Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), le résume en ces termes devant la mission : « notre défi est d'assurer une meilleure connaissance et reconnaissance de l'enseignement agricole en adoptant un plan d'action résolu pour renforcer ce dispositif précieux, véritable atout pour la France. Pour paraphraser une ancienne publicité, connaître l'enseignement agricole, c'est l'aimer. Le problème c'est qu'il n'est pas assez connu ».

a) Un contexte d'agribashing qui nuit à l'attractivité de l'enseignement agricole

Le rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité souligne que le développement de l'agribashing a « sans doute une influence négative sur l'attractivité des métiers de l'agriculture ». Ce point a été corroboré et souligné par de nombreuses personnes auditionnées par la mission d'information. L'agribashing, ou le dénigrement de l'agriculture, apparaît ainsi comme un véritable « rouleau compresseur », pour reprendre l'expression utilisée par Françoise Férat, sénateur.

Les attaques répétées contre les exploitants agricoles de toutes les filières, y compris en agriculture biologique, sont une source de mal-être pour de nombreux producteurs. Lors de ses échanges sur le terrain, la rapporteure a constaté que cette communication négative sur la réalité du métier d'agriculteur était considérée, par les professionnels, comme un des facteurs principaux engendrant une difficulté à attirer de nouveaux jeunes dans l'enseignement agricole.

Comme l'a souligné Joris Miachon, représentant de la Coordination rurale : « concernant l'attractivité, certains mots sont en effet durs et difficiles à entendre. Il y a des problèmes de valorisation, de prix de vente, de suicide, d'agribashing. J'ai conscience qu'il est difficile pour les parents d'inciter leurs enfants à se diriger vers l'enseignement agricole. »

Si l'agribashing témoigne avant tout d'un éloignement évident des citoyens des réalités du monde paysan, engendrant une incompréhension entre les deux mondes, il est indéniable que ses effets sur l'attractivité du métier se manifesteront à court terme.

Cette difficulté est accentuée par la perception de la dureté des métiers dans certaines filières comme l'a souligné Saadia Ait-Abed, suppléante au conseil d'administration de l'ANDCIO et directrice du CIO de Saint-Benoît : « À la Réunion, effectivement, les filières agricoles sont également peu attractives, en raison notamment de l'image de la canne à sucre, qui est un secteur peu mécanisé et difficilement mécanisable. Il attire donc peu de monde car le travail est assez ardu ».

La note de conjoncture de janvier 2021 de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) faisait état de 30 000 emplois restés non pourvus dans l'industrie agroalimentaire en 2020 contre 10 000 en 2013, une entreprise sur deux rencontrant des difficultés de recrutement. Au nombre des difficultés avancées figuraient la mauvaise presse du secteur et les conditions de travail (pénibilité ; rythme 3*8) perçues comme difficiles par rapport à d'autres secteurs industriels.

Dans ce contexte, l'accentuation des efforts de communication positive sur les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire apparaît absolument nécessaire.

b) Un potentiel de formations mal identifié en dépit de campagnes de communication

L'enseignement agricole reste encore trop perçu comme une filière pour les élèves souhaitant se dédier aux métiers de l'agriculture - et oubliant comme le souligne le CGAAER, que « l'enseignement agricole ne se résume pas aux formations purement agricoles qui représentent [seulement] un tiers de l'offre de formation », ou pour les élèves en situation d'échec scolaire .

En témoignent les contributions de plusieurs personnes et organismes auditionnées : « l'enseignement agricole ne doit pas être perçu comme un dispositif alternatif à l'éducation nationale pour les élèves en difficultés » (APCA), ou encore « l'enseignement agricole a un problème de repli sur soi. Il sait faire plein de choses, mais ne sait pas le faire savoir. C'est l'un des freins au recrutement. Souvent, il transmet une image d'un monde professionnel uniquement. Pour beaucoup de parents, c'est un recrutement par l'échec, un choix par défaut. L'enseignement agricole en souffre beaucoup » (Peep Agri).

Les salons d'orientation représentent un moment essentiel de recrutement pour tous les établissements de l'enseignement agricole. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui expliquent la diminution des effectifs à la rentrée 2020, de nombreux salons d'orientation ou de journées portes ouvertes n'ayant pas pu se tenir en raison de la pandémie. À titre d'exemple, Fabien Chalumeau, proviseur du lycée agricole Terre d'horizon a indiqué que son établissement participait en moyenne à 35 jours de salons d'orientation des étudiants par an. C'est en effet un moment fort de présentation des formations et des métiers. Or, force est de constater que l'organisation de ces évènements est de plus en plus prise en charge par des structures privées, avec un coût d'exposition pour l'établissement d'enseignement. Le chiffre de 1 500 euros pour deux tables a ainsi été indiqué lors des rencontres. D'autres personnes auditionnées ont mentionné rencontrer des difficultés pour être associés aux forums d'orientation des lycées organisés par les conseils départementaux. Quant à la possibilité de présenter l'enseignement agricole dans les collèges du bassin, les établissements de l'enseignement agricole reçoivent malheureusement encore trop souvent une fin de non-recevoir.

De manière générale, la communication pour faire connaître l'enseignement agricole et les formations proposées est un point essentiel. La directrice générale de l'enseignement et de la recherche a elle-même reconnu cette nécessité. Or, les moyens dédiés à la communication diminuent au niveau local. Certaines directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) ont fait le choix d'y consacrer des moyens administratifs. Mais elles sont également concernées par des suppressions de postes. À titre d'exemple, il a été indiqué qu'en Bourgogne, un départ à la retraite d'un personnel de DRAAF chargé de l'animation du réseau et de la communication n'a pas été remplacé. Face à cela, certains établissements ont décidé, sur leurs fonds propres, de recruter une chargée de communication.

Enfin, la campagne de communication « l'Aventure du vivant », selon plusieurs personnes auditionnées et selon le CGAAER, n'a eu que peu de répercussions sur un public ne connaissant pas l'enseignement agricole. Le tour de France du camion de l'Aventure du vivant, qui avait vocation, à se déplacer de ville en ville pour aller à la rencontre des collégiens, est pour le moment stoppé en raison de la pandémie. La mission a pris acte de la nouvelle campagne de communication #CestFaitPourMoi, lancée en avril dans le cadre du plan France Relance, puis de la nouvelle campagne de communication, lancée conjointement fin juin par le ministère de l'agriculture et celui de la mer, sur les métiers et formations de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, des paysages, de la pêche et de l'aquaculture. Elle forme le voeu que leurs résultats soient plus concluants que ceux de « l'Aventure du vivant ».

c) Un système d'orientation qui ne valorise pas suffisamment l'enseignement agricole
(1) Une image dépréciative de la part des enseignants de la filière générale de l'Éducation nationale

Alors qu'il constitue une filière d'excellence, l'enseignement agricole se trouve pénalisé par un système d'orientation qui ne le met pas suffisamment en valeur et qui, de fait, lui associe une image dépréciative.

Témoignage d'un parent d'élèves dans l'enseignement agricole

« Pour l'orientation de mes deux enfants j'ai eu le même problème. Lorsque mon premier fils est arrivé en troisième, il y a eu en décembre une réunion d'orientation. Nous avions émis en premier voeu une seconde générale dans un lycée agricole pour faire un bac S. La première réaction du collège a été de nous demander pourquoi nous souhaitions la faire en lycée agricole, alors qu'il y avait un lycée général à côté. En outre, cela ne servait à rien de mettre ce choix, nous ne l'obtiendrions pas car le lycée agricole n'est pas le lycée de secteur.

Le même scénario a recommencé trois ans plus tard. Il y a une volonté de la part des établissements de l'éducation nationale de garder leurs enfants. Ils ne les laisseront pas partir vers l'enseignement agricole, sauf les enfants dont on ne veut plus : les DYS 29 ( * ) , les décrocheurs, ceux à la limite de la phobie scolaire.

Il y a aussi des équipes qui ne connaissent pas bien l'enseignement agricole. À l'exception des enfants qui souhaitent reprendre l'exploitation agricole familiale, souvent est posée la question : pourquoi le mettre dans l'enseignement agricole ? Des formations de vente, ou aux services à la personne existent ailleurs. Il y a une image « bottes de foin et de caoutchouc » qui colle à la peau de l'enseignement agricole ».

Les enseignants des collèges, qui jouent un rôle essentiel dans l'orientation, sont souvent d'anciens élèves de filières classiques et ont une vision influencée par leurs propres parcours scolaires.

Lors des auditions, la mission d'information a en outre appris que, jusqu'à une date récente, il existait au sein de l'Éducation nationale des incitations visant à limiter le nombre d'élèves partant dans l'enseignement professionnel, notamment dans l'enseignement agricole. Comme le souligne l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), « les mesures visant à ne pas laisser partir les jeunes vers l'enseignement professionnel, agricole et privé ne sont plus dans les pratiques depuis quelques années, mais sont encore dans les esprits ! », et d'ajouter : « un jeune qui sort de troisième est obligé « d'affronter » toutes les autorités de son collège pour retourner dans une formation jugée réservée à un public prioritaire alors qu'il s'agit avant tout d'une formation professionnalisante ».

Ces propos ont été confirmés par Michel Sinoir, DRAAF de la région Rhône-Alpes, pour lequel « pour les classes entrantes - et notamment le collège - nous pouvons clairement constater une certaine réticence des équipes pédagogiques à envoyer des élèves en 4 ème -3 ème dans l'enseignement agricole» .

(2) Des présentations par les CIO et l'ONISEP qui ne peuvent pas, compte tenu de leur positionnement, contrebalancer cette perception

Il en est de même pour les autres prescripteurs de la formation. Ainsi certaines personnes auditionnées estiment que l'information délivrée par les CIO sur l'enseignement agricole varie. Leur action même a fait l'objet d'analyses divergentes de la part des personnes rencontrées par la mission d'information.

Selon le SGEN-CFDT, « l'enseignement agricole est présenté dans certaines brochures de l'ONISEP mais demeure peu lisible et visible. Encore faut-il que ces documents soient disponibles, visibles et utilisés par les acteurs de ces structures. Il existe une grande hétérogénéité entre régions. Des directeurs de CIO sont convaincus par l'offre de formation de l'enseignement agricole, d'autres s'en désintéressent ».

Pour Corinne Blieck, ancienne présidente de l'Association nationale des directeurs de CIO, « si, dans l'Éducation nationale, des gens sont au courant des formations en général, et dans l'agriculture en particulier, ce sont bien les personnels de CIO, grâce aux échanges que je viens d'évoquer mais aussi aux productions de l'ONISEP . ». Mais elle précise les limites de leur action en indiquant que les CIO n'ont pas pour mission « de promouvoir des formations ou des filières, comme l'enseignement agricole, au détriment d'autres. (...) Nous sommes peut-être les seuls dans le système qui n'orientons pas. On a simplement un rôle de conseil en orientation. Pour nous, la victoire est de voir un jeune qui, quand il va sortir de nos entretiens - en CIO ou en établissement scolaire -, sera capable de choisir par lui-même son orientation. On n'est ni dans la prescription d'une orientation, ni dans la recommandation, ni dans la suggestion, mais dans la présentation de ce que peut faire le jeune par rapport à son profil (scolaire, étudiant) et ses intérêts. »

Quant à l'action de l'ONISEP ( cf . encadré ci-dessous), la manière dont l'organisme aborde la présentation des formations proposées par l'enseignement agricole n'appelle pas de remarque. La question qui se pose est davantage celle de l'utilisation de ses productions et de l'impact qu'elles peuvent avoir sur le choix d'orientation.

La présentation de l'enseignement agricole par l'ONISEP

La mission d'information a interrogé l'ONISEP pour savoir de quelle manière l'enseignement agricole était pris en compte par cet organisme.

Celui-ci a indiqué que « l'enseignement agricole est intégré au même titre et de la même manière que tout autre enseignement ou toute autre information délivrée ». L'enseignement agricole ne souffre donc d'aucune discrimination ou absence de prise en considération par l'ONISEP, qui précise que « sur un plan éditorial, il n'y a pas de « hiérarchisation » dans le traitement de l'information, c'est la marque et le professionnalisme de l'ONISEP. L'enseignement agricole est présenté chaque fois que cela s'impose. Les informations concernant les formations et les métiers relevant de l'Agriculture sont délivrées et actualisées dans nos différentes ressources quels que soient les supports utilisés (imprimés ou en ligne sur nos sites et espaces) ».

L'ONISEP référence dans sa base de données diffusée sur de nombreux sites web, dont www.onisep.fr , l'ensemble de la formation initiale dont les diplômes gérés par le ministère de l'agriculture et les établissements qui y préparent.

Depuis 2020, l'organisme fournit au Téléservice Affelnet deux fichiers qui contiennent des données sur ce périmètre :

1- Un fichier des diplômes accessibles après la 3 e , dont ceux de type CAP agricole, seconde professionnelle, bac pro du secteur agricole. Pour chaque diplôme, l'ONISEP fournit à Affelnet un renvoi vers la fiche descriptive sur www.onisep.fr avec un accès à un descriptif général, un descriptif des poursuites d'études et le ou les métiers accessibles ;

2- Un fichier de 6 000 établissements qui proposent au moins une formation post 3 e , dont 1 100 de la sphère agricole, à savoir les :

- lycées agricoles publics,

- lycées sous contrat (dont le réseau du CNEAP),

- réseau des MFR,

- CFA.

Pour chaque établissement, l'ONISEP fournit à Affelnet un renvoi vers la fiche descriptive de l'établissement sur www.onisep.fr avec l'intégralité de son offre de formation initiale.

Source : réponse de l'ONISEP au questionnaire de la rapporteure

(3) L'enjeu de la prise en main par les régions de leurs nouvelles compétences en matière d'orientation

Le cadre de l'orientation a été profondément modifié par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 30 ( * ) , qui a notamment transféré aux régions les missions auparavant exercées par les délégations régionales de l'ONISEP (transfert évalué à 8,2 millions d'euros sur le plan budgétaire, assorti d'une réduction du plafond d'emplois de l'ONISEP).

Comme l'a souligné Bruno Ricard, au nom du CGAAER, le nouveau cadre institutionnel de l'orientation est une opportunité à saisir pour l'enseignement agricole. Dans ce nouveau dispositif, celui-ci est pris en compte au même titre que l'Éducation nationale. La convention régionale type, annexée au cadre national de référence, prévoit que le directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt est signataire de la future convention régionale sur l'orientation au même titre que le recteur. Dans l'ensemble des régions, les conseils régionaux ont une perception positive de l'enseignement agricole et l'intègrent pleinement dans leurs politiques d'éducation et d'information.

Le CGAAER recommande donc aux services des DRAAF de s'impliquer activement dans la politique d'information et de participer pleinement à l'élaboration et à la relecture avant diffusion de tous les documents et vecteurs de communication portant sur les métiers, les diplômes et les formations de l'enseignement agricole.

Dans la réponse au questionnaire adressé par la rapporteure, Régions de France souligne que depuis 2018, les régions ont renforcé leur implication dans la politique de l'orientation : réorganisations des services, nouvelles formes d'intervention (agences régionales de l'orientation...), mise au point des conventions entre autorités académiques et Régions, transferts de personnels des DR-ONISEP, définition de plans d'action et de nouvelles stratégies des Régions...

Régions de France relève que la réforme accroît les opportunités d'ouverture des établissements sur le monde professionnel, mais la répartition des rôles sur l'orientation reste complexe. Si l'information sur les métiers et les formations a été transférée aux régions, les établissements conservent un rôle d'information sur les parcours de formation.

Les modalités des futures actions d'information des régions dans les établissements sont encore en phase de démarrage, en raison de la crise sanitaire. L'un des enjeux sera en particulier d'organiser un maillage territorial auprès des établissements et ainsi faciliter le déploiement de l'offre de services de la région en matière d'information sur les métiers.

Par ailleurs se pose la question des liens avec les DRAAF pour renforcer l'attractivité et la connaissance de l'enseignement agricole. Un certain nombre de régions, comme les régions Occitanie, Grand Est et Normandie, ont signé des protocoles d'accord avec les DRAAF pour valoriser l'enseignement agricole, passant par des déclinaisons en contrats d'objectifs tripartites avec chaque EPLEFPA pour porter les spécificités de l'enseignement agricole au coeur des champs d'intervention des politiques régionales : soutien au numérique, à l'innovation, plan régional de l'alimentation, construction de l'offre de formation, investissement immobilier, aide à l'équipement. Cette démarche n'est toutefois pas finalisée dans toutes les régions et mériterait, par ailleurs, de bien prendre en compte les établissements privés, compte tenu de leur part dans l'enseignement technique agricole.

B. UNE SITUATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS PARFOIS PRÉOCCUPANTE : LE HIATUS ENTRE LES DONNÉES NATIONALES ET LA SITUATION INDIVIDUELLE DES ÉTABLISSEMENTS

1. Les dépenses de l'État en faveur de l'enseignement technique agricole ont progressé depuis 10 ans et le coût unitaire s'est mécaniquement accru

La direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de la relance a souligné auprès de la mission la forte croissance des crédits consacrés à l'enseignement technique agricole au cours des dernières années : les crédits du programme 143 ont ainsi augmenté de 16,8 % entre 2010 et 2021, comme le montre le graphique suivant.

Source : direction du budget

La direction du budget souligne également que le coût de formation par élève pour l'État a progressé de manière significative : en euros constants, le secteur public a ainsi enregistré une hausse de sa subvention par élève de 8,4 % entre 2011 et 2019 ; quant au secteur privé, la hausse atteint 12,5 % pour le plein temps et 10,1 % pour le rythme approprié 31 ( * ) . Si cette évolution résulte de la probable conjonction de plusieurs facteurs (en premier lieu la diminution des effectifs scolarisés, mais aussi la hausse du taux d'encadrement, l'amélioration des rémunérations des personnels et la hausse des subventions versées aux fédérations du privé), dans ses observations définitives précitées, la Cour des comptes souligne le déficit d'objectivation - et donc de pilotage - du coût de l'enseignement technique agricole, en comparaison du suivi opéré par le ministère de l'éducation nationale pour son propre réseau, dans la mesure où le niveau de la subvention publique repose sur une méthodologie décorrélée de la dépense réelle des établissements et sans distinction des coûts de chaque niveau de formation et où, par ailleurs, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'opère pas de recensement des contributions des collectivités locales, des entreprises et des familles.

La rapporteure souhaite néanmoins souligner que cette augmentation n'est pas propre à l'enseignement agricole. Sur la période 2010-2021, les crédits du programme 141, consacrés à l'enseignement du second degré pour l'Éducation nationale ont augmenté de près de 17,4 %. En s'intéressant aux lignes budgétaires comparables entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, à savoir l'enseignement général et technologique au lycée, l'enseignement professionnel sous statut scolaire et l'apprentissage, la progression est de 15 %.

Cette présentation macro-économique de la direction du budget, qui pourrait laisser penser à une certaine opulence de l'enseignement agricole, contraste singulièrement avec les échanges que la mission a pu avoir avec les acteurs de terrain.

Il n'en demeure pas moins que l'objectivation des coûts unitaires de formation apparaît nécessaire afin de permettre une comparaison des coûts directs d'un élève entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, aujourd'hui impossible. La mission tient ainsi à souligner que tout discours selon lequel l'enseignement agricole coûterait plus cher à l'État que l'Éducation nationale ne repose actuellement sur aucune donnée objective.

Par ailleurs, l'attention de la mission a été appelée sur les différences de soutien apportées par les régions au bénéfice des établissements d'enseignement agricole, en fonction de leurs priorités budgétaires mais aussi de leur situation financière et des engagements contractés par le passé.

Isabelle Plassais, présidente de l'association des directeurs et directeurs-adjoints d'EPLEFPA, a ainsi relevé que certaines structures avaient pu « enregistrer une réduction des moyens qui leur étaient alloués par les régions, ce qui a pu mettre certains lycées en difficulté, notamment en touchant à l'équilibre du service restauration/hébergement, même s'il y a toujours eu des aides en faveur des établissements rencontrant des soucis financiers. On a connu la même chose avec l'apprentissage, qui n'a pas été financé par toutes les régions à la même hauteur. La collecte de taxe d'apprentissage devait équilibrer les finances de cette activité, les conseils régionaux apportant le complément pour atteindre l'équilibre. Des régions n'ont pas pu le faire, ce qui a entraîné des déficits importants pour certains CFA ».

Victor Grammatyka, président de l'UNREP, a également souligné que « le soutien des régions en matière d'investissement s'avère très hétérogène en fonction des territoires. Il peut dépasser les 50 % dans certaines régions, mais se résumer à des sommes modiques dans d'autres ».

S'il est logique, au regard de l'autonomie d'action des collectivités territoriales, que les politiques mises en place par les différentes régions diffèrent en fonction de leurs priorités politiques et de leurs moyens, il serait souhaitable d'objectiver davantage la situation. À ce stade, Régions de France n'a pas transmis de données consolidées du soutien apporté par les régions à l'enseignement agricole.

2. Une situation financière des établissements, aggravée par la crise de la covid-19, qui apparaît préoccupante

La crise de la covid-19 a profondément déstabilisé les établissements d'enseignement agricole et a remis en cause, pour certains d'entre eux, une trajectoire de redressement financier entamée depuis plusieurs années.

La Cour des comptes relève, à partir des données transmises par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, qu'une enquête menée par l'Inspection de l'enseignement agricole avait fait apparaître, en 2013, une situation préoccupante pour les établissements publics - 31 % étaient en situation de crise et 28 % suscitaient des inquiétudes fortes - ce qui avait conduit le ministère de l'agriculture à mettre en place en 2015 un plan d'actions qui avait porté des fruits, comme le montre le tableau qui suit.

Bilan de la situation financière des 174 EPLEFPA

(en %)

Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Des données équivalentes n'existent pas pour l'enseignement privé.

La crise liée à la covid-19 a déstabilisé cette trajectoire de redressement des comptes et a conduit le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à mettre en place une aide d'urgence à hauteur de 10,2 millions d'euros, selon une méthodologie contestée auprès de la mission par les acteurs de l'enseignement agricole privé.

La crise menaçait de provoquer la faillite financière d'un certain nombre d'établissements pour plusieurs raisons : rupture de trésorerie et impossibilité d'assurer les salaires des agents contractuels sur budget sans recours à l'emprunt, fonds de roulement ne permettant pas d'assurer un nombre de jours de fonctionnement suffisant et mettant en péril les établissements.

La DGER a souligné auprès de la mission le choc important subi par les établissements publics compte tenu de l'importance du secteur économique au sein de leur activité (centres de formation professionnelle continue, exploitations agricoles, ateliers technologiques, centres équestres). En outre, contrairement aux établissements privés qui ont pu en bénéficier, elle précise que les salariés des exploitations agricoles n'ont pas tous bénéficié du chômage partiel, malgré leur statut de salarié, et les agents contractuels sur budget des centres de formation continue ont été exclus de cette aide alors que l'activité de formation en secteur concurrentiel s'était arrêtée.

Deux enquêtes ont alors été réalisées par la DGER pour évaluer les pertes et les surcoûts directement imputables à la crise sanitaire ainsi que la situation financière des établissements sur la base de leur trésorerie et de leur prévision de résultat et de fonds de roulement. Sur cette base, une liste d'établissements susceptibles de recevoir une aide et classés par priorité a été établie. La DGER a ensuite mené une troisième enquête à la date du 31 octobre 2020 auprès des établissements susceptibles de recevoir une aide, afin d'objectiver et de prioriser l'éventuelle aide qui pourrait être accordée.

En 2020, la levée de la réserve du programme 143 ainsi que le transfert de 7,3 millions d'euros de crédits (dont 1,3 million d'euros dédiés au paiement de la prime de 150 euros aux élèves boursiers des BTSA) ont permis de consacrer 10,2 millions d'euros aux établissements en difficulté, selon la répartition suivante.

Répartition de l'aide d'urgence au titre de la covid-19
entre les établissements d'enseignement agricole

Source : direction générale de l'enseignement et de la recherche,
réponse au questionnaire de la rapporteure

La liste des établissements en difficulté financière recensés par l'Inspection de l'enseignement agricole en 2019, complétée par celle des établissements ayant moins de 60 jours de fonctionnement d'avance, a permis d'identifier une liste de 55 EPLEFPA, répartis dans les différentes régions françaises.

Les établissements du privé ont été quant à eux essentiellement touchés par les pertes de recettes de pension ou demi-pension des élèves et apprentis ainsi que par la perte de recettes de location de leurs locaux.

Pour ce qui concerne l'enseignement privé du rythme approprié, la DGER a indiqué à la mission qu'il avait été nécessaire de faire au moins deux relances afin d'obtenir des remontées d'information exploitables et estimé que les établissements en difficulté avaient répondu.

Au regard des auditions et des critiques formulées par les acteurs de l'enseignement agricole privé, la mission d'information a le sentiment que la communication du ministère en direction des établissements aurait pu être améliorée et plus claire, notamment sur les critères d'attribution de cette aide financière 32 ( * ) . En tout état de cause, la photographie qui ressort de ces différentes données fait apparaître un paysage financier des établissements assez préoccupant.

3. La stratégie de réduction des emplois et le blocage des ouvertures de classes apparaissent déstabilisantes

Parallèlement, l'enseignement technique agricole est mis fortement à contribution dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, le schéma d'emploi pluriannuel, défini en 2017, prévoit une suppression de 300 équivalents temps plein (ETP) sur la période 2019-2022 .

À l'occasion de l'examen du budget pour 2021, le Sénat avait tiré la sonnette d'alarme sur la survie de l'enseignement agricole, et avait voté une augmentation des crédits permettant de couvrir la suppression des 80 ETP prévus en 2021. Malheureusement, l'Assemblée nationale est revenue sur cette augmentation de crédits, et la suppression des 80 ETP a été actée. Or, non seulement la trajectoire d'emplois pluriannuel prévoit des suppressions d'emplois supplémentaires en 2022, mais la marche à supporter est encore plus haute : 110 ETP doivent être supprimés.

Selon le ministère de l'économie, des finances et de la relance, cette cible pour 2022 vise à maintenir une corrélation entre le niveau d'encadrement et la tendance baissière de l'effectif scolarisé. La mission d'information s'oppose à cette vision uniquement comptable et abstraite de l'enseignement agricole .

Premièrement, elle souscrit pleinement à la position du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, exprimée lors de son audition 33 ( * ) , affirmant qu'une « approche budgétaire ne peut pas simplement être conditionnée au nombre d'apprenants. [...] Ce n'est pas le budget qui doit guider la politique, mais la politique qui doit guider le budget . » Encore faut-il, pour cela, que la stratégie de l'État en direction de l'enseignement agricole soit clairement affichée.

Deuxièmement, contrairement aux calculs de la direction du budget, les effectifs dans l'enseignement agricole seraient selon le ministère de l'enseignement agricole en augmentation en 2019 puis en 2021 . Or, comme le souligne le ministre, et parce que l'enseignement agricole a contribué de façon très importante depuis le début du quinquennat au schéma d'emploi fixé par le Gouvernement, en raison de la dynamique des apprenants observée, il « devient une absolue nécessité de conforter le nombre de professeurs, d'établissements et les crédits alloués ».

Troisièmement, et d'une manière qui apparaît inacceptable à la mission d'information, c'est le contenu même des enseignements proposés qui est désormais remis en cause . Deux exemples illustrent cette atteinte au coeur même de l'enseignement agricole :

- la mission d'information constate qu'en 2020, année de déploiement de la réforme du lycée, 54 ETP ont été supprimés chez les enseignants. La suppression de 58 ETP d'enseignants supplémentaires est votée dans la loi de finances pour 2021. En raison d'une dotation horaire globale insuffisante, les chefs d'établissement se voient contraints de ne proposer qu'une seule « doublette » de spécialité en terminale. Certains établissements font le choix de proposer deux doublettes de spécialité, au détriment des enseignements optionnels qui ne sont alors plus financés. Comme alerte le rapport du CGAAER précité sur l'attractivité de l'enseignement agricole, « plusieurs proviseurs de lycée d'enseignement général et technologique d'enseignement agricole (LEGTA) ont constaté une baisse sensible de leurs effectifs de seconde GT lors des deux dernières rentrées et ils s'inquiètent pour la rentrée 2020 [...]. Les chefs d'établissement attribuent principalement cette diminution à l'offre trop réduite d'enseignements de spécialité. En effet, les familles ont la préoccupation de permettre à leur enfant d'accéder au maximum de choix en fin de seconde GT. Elles ont donc tendance à choisir, pour l'admission de leur enfant en seconde GT, le lycée de secteur qui proposera un panel nettement plus large que celui du LEGTA » ;

- la réforme des seuils de dédoublement, entrée en vigueur à la rentrée 2019, conduit à des groupes d'élèves plus importants. Outre la remise en cause de la spécificité d'un enseignement en petit groupe, permettant un meilleur accompagnement du jeune - qui est l'une des forces de l'enseignement agricole -, celle-ci a conduit certains établissements, selon le SNETAP-FSU, à mettre fin à des travaux pratiques sur les grands animaux pour des raisons de sécurité, ces séances se déroulant uniquement sur des animaux plus petits.

Les observations définitives précitées de la Cour des comptes témoignent également des tensions en moyens humains sur l'enseignement agricole affectant son attractivité : « dans le même temps, la baisse des effectifs conjuguée à l'absence de révision de la carte des établissements entraîne mécaniquement une augmentation du coût unitaire des élèves. Cette situation ne peut que conduire les gestionnaires ministériels, à moyen terme, à réduire les effectifs enseignants de façon significative sans par ailleurs disposer de marges de redéploiement en raison d'une carte territoriale figée. S'alimente alors un processus d'attrition et de dégradation de l'offre de formation, contraire aux besoins ».

4. La réforme du lycée : une opportunité pour Bercy de réduire le nombre d'enseignants de l'enseignement agricole ?

La réforme du lycée, effective depuis la rentrée 2019, a pour but de permettre de casser les filières afin de permettre aux élèves de construire leur formation en fonction de leurs orientations professionnelles. En permettant à chaque élève de construire son parcours de formation, cette réforme devrait s'inscrire pleinement dans la philosophie de l'enseignement agricole, particulièrement attaché à l'individualisation des parcours . En outre, la création d'une spécialité spécifique à l'enseignement agricole « Biologie-écologie », incluant des enjeux d'avenir comme le changement climatique, s'appuyant sur des outils pédagogiques concrets que sont les exploitations des établissements d'enseignement agricole, était de nature à attirer de nouveaux élèves vers cette filière de formation.

Or, comme le souligne Bruno Ricard, co-auteur avec Éric Bardon et Danielle Gozard d'un rapport du CGAAER sur l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité, « la réforme du baccalauréat général a légèrement « appauvri » le baccalauréat général de l'enseignement agricole » 34 ( * ) . En effet, alors que les lycées de l'éducation nationale doivent proposer au moins 7 spécialités sur les 14 disponibles, une telle diversité n'existe pas dans les établissements de l'enseignement agricole.

Ce rapport du CGAAER dresse un constat inquiétant de la réforme du lycée dans l'enseignement agricole : « les établissements de l'enseignement agricole sont fréquemment confrontés à la problématique des moyens, qui les conduit à ne proposer qu'une seule doublette en terminale (biologie-écologie/mathématique, ou biologie-écologie/physique chimie) et un seul enseignement optionnel. Afin d'améliorer son attractivité et d'élargir les possibilités de poursuite d'études après le baccalauréat général, nous recommandons d'élargir l'offre de formations de l'enseignement agricole » 35 ( * ) . La mission d'information ne peut que faire sienne cette recommandation du CGAAER.

La rapporteure s'alarme ainsi des positions prises par Bercy, qui semble voir dans la réforme du baccalauréat un moyen d'économiser des ETP, au détriment de la qualité de l'enseignement agricole . En effet, il ressort des réponses apportées par la direction du budget que la réforme du baccalauréat semble être vue comme un moyen de supprimer davantage de postes : « en 2020, le schéma d'emplois a été réalisé à hauteur de - 85 ETP, soit un écart de - 25 ETP à la prévision [par rapport à la suppression de 60 ETP initialement prévus]. Cet écart s'explique par l'anticipation d'une partie des suppression 2021 à la rentrée de septembre 2020 dans le contexte de la réforme du baccalauréat ».

La mission d'information dénonce fermement cette situation contraire à la philosophie même de cette réforme du lycée : celle-ci ne vise pas à permettre à l'État de réduire ses dépenses, mais de permettre de construire « un lycée des possibles », pour reprendre les termes du rapport Mathiot 36 ( * ) , à l'origine de cette réforme. De manière symptomatique, alors que l'« agronomie » était obligatoire dans les filières générales de l'enseignement agricole, celle-ci est désormais une option - qui par manque de dotations globales horaires ne peut même pas être proposée dans l'ensemble des lycées agricoles. La promotion d'un enseignement « à produire autrement, pour la transition et l'agro-écologie » par le ministère de l'agriculture restera au stade d'annonce et de communication si les disciplines permettant la mise en pratique de ces déclarations d'intention ne peuvent être financées dans les établissements .

Enfin, la mission d'information voit comme symbole de l'attentisme de l'enseignement agricole sur la réforme du lycée son absence dans le comité de suivi de la réforme du baccalauréat général et technologique, copiloté par Pierre Mathiot et Jean-Charles Ringard - voire même l'existence d'une instance de réflexion similaire au sein du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

5. L'enjeu de l'appropriation de la réforme de l'apprentissage et de son nouveau cadre de financement
a) Un nouveau cadre

À côté du financement de la voie initiale scolaire, le financement de l'apprentissage et de la formation continue a été revu par la loi précitée pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ce qui a un impact important pour les établissements de l'enseignement agricole.

En effet, près d'un jeune sur six en formation initiale dans l'enseignement agricole est un apprenti. La voie de formation par apprentissage n'a cessé de se développer ces vingt dernières années pour accueillir à ce jour près de 37 000 apprentis, répartis dans plus de 140 centres de formation d'apprentis sur l'ensemble du territoire.

Les entreprises d'accueil de ces apprentis relèvent majoritairement du domaine de la production agricole et de l'aménagement paysager. Pour autant, les certifications professionnelles de l'enseignement agricole dans les autres domaines de formation (services à la personne et aux territoires, agro-équipements, transformation agroalimentaire, commercialisation...) sont également mobilisées en apprentissage.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a revu la gouvernance du système et positionné les entreprises et leurs branches professionnelles comme acteurs centraux, tandis que les compétences des régions en matière d'apprentissage ont été réduites. Elle a également bouleversé la logique de financement de l'apprentissage, en passant d'une politique de l'offre, qui conduisait à financer des organismes qui organisaient les cursus de formation jugés opportuns, à un système de financement des organismes de formation en fonction du nombre d'apprentis qu'ils accueillent, par le biais d'un mécanisme de coût-contrat.

Comme le souligne le CGAAER, « avec le financement au contrat, les CFA perdent la sécurité du versement d'une subvention annuelle d'équilibre par la Région. Par ailleurs, au titre de dépenses libératoires, les entreprises conservent la possibilité de leur verser directement une part plafonnée de la contribution apprentissage (13 %), mais uniquement par des contributions en nature (don d'équipements et de matériels conformes aux besoins des formations dispensées). Les CFA doivent donc, d'une part mettre en place un dispositif permettant de bien connaître les coûts de leurs formations, d'autre part développer une stratégie commerciale pour équilibrer ces coûts par un nombre suffisant de contrats et drainer des dons. Outre des conséquences pour la gestion financière des CFA, ces évolutions génèrent des besoins de formation dans les centres dans le domaine de l'ingénierie commerciale et de développement. C'est tout un changement de posture qui s'impose et qui doit être accompagné » 37 ( * ) .

La loi a encouragé le recrutement d'apprentis jusqu'au niveau 4 (baccalauréat) par la mise en place de l'aide unique à l'employeur. Le plan de relance a, pour sa part, permis d'étendre cette aide aux niveaux supérieurs, levant tout ou partie des freins financiers à l'embauche. Cette même loi a confié aux conseils régionaux le dispositif d'orientation pour l'ensemble des voies de formation, permettant ainsi une approche territorialisée, en cohérence avec les politiques de développement économique. Enfin, la loi a confié aux branches professionnelles la promotion de leurs métiers, notamment au travers d'actions conduites dans ce domaine par les opérateurs de compétences.

Pour accompagner au mieux les CFA et CFPPA de l'enseignement agricole, un plan national a été mis en place par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et propose des formations structurantes (budget d'un million d'euros sur trois ans). Il vise à accompagner tous les personnels concernés par la réforme, tant les formateurs que les gestionnaires et le personnel de direction. Chaque trimestre, c'est en moyenne 10 jours de formation/accompagnement qui ont été déployés dans chaque région depuis début 2019.

La communication auprès du grand public et les mesures d'aides à l'embauche d'apprentis mises en place par le ministère du travail ont été positivement accueillies par les entreprises des secteurs agricoles, aménagement paysager et agroalimentaire, ce qui s'est traduit par une augmentation du nombre d'apprentis à la rentrée 2019.

b) Des pratiques nouvelles et un enjeu d'appropriation

Les personnes auditionnées par la mission ont mis en évidence l'enjeu d'appropriation de cette réforme par les acteurs de l'enseignement agricole, également souligné par le CGAAER dans son rapport précité sur l'appropriation de la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue.

Isabelle Plassais, présidente de l'association des directeurs d'EPLEFPA, souligne ainsi que « la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel change beaucoup de choses. Si nous avions une régulation de la carte des formations jusque-là pleinement entre les mains de l'autorité académique et des conseils régionaux, nous basculons vers un système où la libéralisation de l'offre de formation échappe à toute régulation ordonnée, telle qu'elle se faisait auparavant. D'où la nécessité de réfléchir à d'autres modes de régulation. Il est temps que les acteurs sur le terrain grandissent, deviennent autonomes et en capacité d'interagir ensemble pour que tout le monde ait sa place, de manière à assurer le meilleur service auprès des publics auxquels nous nous adressons et auprès des territoires ».

Patrick Delage, au nom de la Fédération APREFA, a fait état d'une meilleure prise en charge financière globale mais d'une relation chronophage avec les opérateurs de compétences (OCAPIAT pour l'agriculture).

L'accent mis sur le développement de l'apprentissage, qui apparaît positif en soi, amène également à soulever la question, évoquée par les syndicats d'enseignants, d'une éventuelle recomposition des effectifs d'apprenants au profit de l'apprentissage, domaine dans lequel les établissements pourraient bénéficier de marges de manoeuvre plus importantes pour ouvrir des formations.

Le CNEAP a toutefois relevé, s'agissant des établissements privés sous contrat, certaines difficultés qui pourraient freiner le développement de l'apprentissage, d'abord parce que le métier de formateur et celui d'enseignant ne sont pas les mêmes, d'autre part en raison de craintes vis-à-vis des taux de prise en charge de l'apprentissage dans l'avenir. Ce point a également été souligné à la mission lors de déplacements sur le terrain, notamment dans le Puy-de-Dôme.

c) Les difficultés rencontrées par certains établissements pour se conformer aux référentiels de certification

Enfin, un point plus ponctuel, mais symptomatique d'une forme de complexité administrative, a été signalé à la mission d'information lorsqu'elle s'est rendue au lycée Terre d'Horizon, à Romans-sur-Isère.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a en effet demandé aux établissements de généraliser en 2021 la comptabilité analytique et la certification qualité des organismes de formation, au travers d'une certification propre intitulée QualiFormAgri, construite avec l'AFNOR.

Or il est apparu que des établissements rencontraient des difficultés à déployer ce référentiel propre au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, alors que le maintien des financements au titre de l'apprentissage était conditionné au respect d'un autre référentiel, intitulé Qualiopi. La rapporteure a interpellé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur ce point lors de son audition du 30 juin 2021. Sans remettre en cause le bien-fondé de ces deux référentiels, elle appelle à une meilleure coordination entre ministères et à une meilleure prise en compte des réalités des établissements sur le terrain.

C. UNE CONCURRENCE ENTRE ÉTABLISSEMENTS, INTERNE À L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE MAIS SURTOUT AVEC L'ÉDUCATION NATIONALE, QUI FRAGILISE LE RÉSEAU

1. L'enseignement agricole supérieur long s'est restructuré

Une réforme de l'enseignement agricole supérieur public a été lancée par le ministère de l'agriculture en 2003 afin de renforcer les liens avec l'enseignement technique agricole, de mettre les formations aux normes européennes et internationales et de développer une politique contractuelle entre l'État et les établissements. Dans son rapport public annuel de 2016, la Cour des comptes relevait que « le processus mis en oeuvre pour répondre aux objectifs fixés par le ministre de l'agriculture a consisté à procéder à des fusions d'établissements, dont les finalités n'étaient pas clairement définies, sinon celle d'éviter une perte de spécificité et de conserver la tutelle sur ces établissements » .

De fait, on a assisté à une recomposition du paysage des établissements d'enseignement agricole supérieur public, marqué en particulier par :

- la création en 2007 d'AgroParisTech, regroupant cinq campus universitaires, le centre européen de biotechnologie et de bioéconomie (CEBB de Reims) ainsi que la ferme de Grignon ;

AgroParisTech : établissement public leader des sciences du vivant

AgroParisTech a été créé en janvier 2007 suite au rapprochement entre l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, l'École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires et l'Institut national agronomique Paris-Grignon. L'établissement a fait le choix de rejoindre et porter dans son identité la marque ParisTech.

Il est membre fondateur de l'université Paris-Saclay, et conduit une stratégie de collaboration de ses implantations en France : avec l'université de Lorraine, les universités de Montpellier, de Clermont Auvergne, des Antilles et de Guyane, de Reims Champagne Ardenne.

AgroParisTech est implanté sur dix centres :

• 8 campus universitaires ;

• franciliens d'une part (Paris Claude Bernard, Paris Maine, Massy, Grignon) qui ont vocation à être regroupés sur un seul campus à Palaiseau en 2022 ;

• et régionaux d'autre part (Nancy, Montpellier, Clermont-Ferrand, Kourou) ;

• le centre européen de biotechnologie et de bioéconomie (CEBB) à Reims ;

• la ferme de Grignon.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure

- la création en 2010 de VetAgro Sup, issue de la fusion de l'École nationale vétérinaire de Lyon, de l'École nationale des services vétérinaires et de l'École nationale d'ingénieurs des travaux agricoles de Clermont-Ferrand ;

- la création en 2020 de l'Institut Agro (institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), regroupant Montpellier Sup Agro et Agrocampus Ouest ;

- La création de l'alliance Agreenium, début 2021, afin de rassembler, sur la base de volontariat, la majeure partie des établissements publics d'enseignement supérieur et des organismes de recherche placés sous tutelle du ministre chargé de l'agriculture. Si aujourd'hui elle n'a pas vocation à structurer l'enseignement supérieur agricole public à l'échelle nationale, des personnes auditionnées se sont interrogées sur l'évolution de son rôle en la matière.

Pour Emmanuel Delmotte, doyen de l'Inspection de l'enseignement agricole, la création d'AgroParisTech et de l'Institut Agro a permis l'émergence de marques puissantes dans le domaine des sciences du vivant, de l'ingénierie ou de l'agronomie. Cette structuration a permis une visibilité grandissante des établissements, et une meilleure reconnaissance à l'international, également recherchée par les écoles nationales vétérinaires qui viennent de déposer à l'Institut national du patrimoine (INP) une marque commune « écoles nationales vétérinaires de France ».

Si l'enseignement supérieur agricole privé n'était pas concerné par cette démarche de restructuration, la mission constate qu'il s'est également adapté, comme en témoigne la fusion, au sein de Junia à Lille, de trois écoles d'ingénieurs (HEI, ISEN et ISA Lille), afin de devenir une « école des transitions » contribuant à répondre à certains grands enjeux : nourrir la planète, développer la transformation numérique et industrielle, accélérer la transition énergétique et urbaine, renforcer les technologies de la santé et du bien-vivre.

2. Le maillage de l'enseignement technique agricole souffre d'une concurrence entre établissements, à la fois interne à l'enseignement agricole et avec l'Éducation nationale

La diminution précédemment évoquée de 11 % du nombre d'élèves en formation initiale générale et technologique, enregistrée entre 2011 et 2020, met sous tension le réseau des établissements de l'enseignement technique agricole.

Outre les enjeux de valorisation de l'enseignement agricole évoqués précédemment, plusieurs facteurs semblent devoir être pris en considération.

a) Une concurrence interne à l'enseignement agricole

Pour la FEP-CFDT, « l'implantation des filières s'est faite pendant de très nombreuses années sans analyse et directive du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ce qui a entraîné l'ouverture de formations identiques à quelques kilomètres les unes des autres. Toutes les voies de formations (temps plein, apprentissage, formation continue) aussi bien pilotées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation que par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports dans des établissements publics et privés auraient dû être étudiées . »

La concurrence des formations est réelle avec l'Éducation nationale ( cf . infra), mais elle vaut également au sein de l'enseignement agricole. Comme l'a indiqué le CNEAP dans sa réponse au questionnaire de la rapporteure, « une certaine concurrence peut exister entre les établissements agricoles privés à l'échelle d'un bassin de recrutement. Cela s'explique souvent par l'histoire de nos établissements : les anciennes écoles ménagères, par exemple, qui proposaient des formations du domaine des « services » sur des secteurs géographiques proches, ont été intégrées au Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (MAA) et ont souvent continué à offrir des formations sur le domaine de compétences qu'elle maitrisait le mieux. Nous devons amplifier le travail de réorganisation des structures pédagogiques pour favoriser une meilleure polyvalence des établissements et limiter au mieux, le plus possible, cette concurrence territoriale ». Le CNEAP souligne également que cette concurrence existe également entre MFR et lycées agricoles publics ou privés, « car ces établissements peuvent se retrouver sur des territoires relativement proches les uns des autres (quelquefois les 3 « familles » peuvent se trouver sur un rayon de 15 à 20 kms...). Avec une carte de formation du MAA qui est relativement réduite, ces établissements se retrouvent vite concurrents pour une ou plusieurs formations, même si les modalités de formation peuvent être différentes (alternance / temps plein) ».

La mission a pu constater sur le terrain les inquiétudes manifestées par certains établissements, y compris de grands établissements publics, sur le devenir de certaines antennes situées en particulier en milieu très rural, du fait de la trajectoire d'effectifs, des contraintes budgétaires et des suppressions d'emplois. Dans une interview accordée au Café pédagogique en septembre 2021, Frédéric Chassagnette, co-secrétaire général du SNETAP-FSU, auditionné par la mission, pointe le risque de fermetures à venir : « En réalité le ministère ne sait plus faire sans que ces suppressions d'emplois se voient. Jusque-là ils ont évité les fermetures d'établissements et gardé le maillage des structures. Mais ils préparent le quinquennat d'après où il y aura des fermetures ».

Cette question du maillage territorial est toutefois essentielle et ne peut être évaluée sans prendre en compte la réelle concurrence qui existe sur le terrain avec l'Éducation nationale.

b) Une concurrence réelle avec l'Éducation nationale sur le terrain, en dépit d'une coopération qui se renforce entre les ministères au niveau national
(1) Une concurrence réelle

Au cours des auditions menées par la mission, la question de l'existence d'une concurrence entre les formations proposées par l'Éducation nationale et celles de l'enseignement agricole a été posée.

Force est de constater la forte similitude, du point de vue des élèves ou des parents au moment du choix de l'orientation en troisième , entre le baccalauréat professionnel SAPAT de l'enseignement agricole et le bac ASPP (accompagnement, soins et services à la personne) de l'Éducation nationale. D'ailleurs, pour le CNEAP, « lors de la rénovation de la voie professionnelle (Bac pro en 3 ans), l'éducation nationale a totalement ignoré que les établissements du ministère de l'agriculture et de l'alimentation proposaient déjà sur les territoires des formations dans le domaine des services aux personnes, déjà bien implantées et reconnues par les structures professionnelles » . Plusieurs contributions adressées à la mission ont également souligné cette concurrence concernant le bac pro SAPA, comme celle des MFR des Deux-Sèvres et de la Vienne.

Certes, comme l'ont souligné plusieurs intervenants, lorsque l'on examine de près les contenus de ces deux formations, il existe des différences importantes. Ainsi, le bac pro SAPAT (service aux personnes et aux territoires) a une dimension axée sur les territoires beaucoup plus forte, et une période de stage en entreprise un peu plus longue. Mais pour des personnes peu aux faits de l'ensemble des filières existantes 38 ( * ) , ces différences ne sont pas forcément évidentes d'autant plus si :

- seule une des deux formations est présentée au moment des heures d'orientation au collège, par méconnaissance de l'existence du bac SAPAT par la communauté éducative de l'Éducation nationale. La mission d'information a d'ailleurs appris, au cours des auditions, que, jusqu'à il y a encore peu, le pourcentage d'élèves restant dans les filières de l'éducation nationale était pris en compte dans la notation des chefs d'établissement. Si cette pratique a disparu depuis peu, elle n'a pas contribué à inciter les chefs d'établissement des collèges à s'intéresser de près à ce baccalauréat SAPAT et de manière générale aux formations proposées par l'enseignement agricole ;

- les premiers résultats sur les moteurs de recherche pour les termes « bac services à la personne » renvoient principalement aux formations de l'Éducation nationale, celles de l'enseignement agricole n'apparaissant qu'au milieu de la seconde page de résultats.

D'autres formations récemment créées par l'Éducation nationale interrogent : tel est notamment le cas des CAP crémiers fromagers, spécialité créée en 2017, ou maraîchers primeurs, créée en 2016. Cela pose la question de l'indispensable répartition des champs professionnels entre le ministère de l'éducation nationale et celui de l'agriculture et de l'alimentation. Dans sa contribution écrite, le CNEAP estime que « le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'a sans doute pas été suffisamment précurseur dans la mise en place de nouvelles formations, d'identifier les métiers émergents en lien avec les grands défis sociétaux, et a laissé la place au ministère de l'éducation nationale des domaines qui auraient pu être ceux du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (ex : valorisation des déchets (rudologie), nouvelles énergies, pollution de l'air...) ».

Cette concurrence, bien que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation réfute ce terme au profit d'une « marge de progrès en matière de coordination », est sur certains territoires renforcée par le contexte de baisse démographique du nombre d'élèves et, de manière prosaïque, de « classes à remplir ».

(2) Une volonté de rapprochement entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'agriculture qui se met difficilement en place au niveau local

La mission d'information constate, ces dernières années, une volonté de rapprochement entre les deux ministères. Une première convention est ainsi signée en février 2018 entre la DGER et la DGESCO sur la place de l'enseignement agricole au sein du service public d'éducation et de formation, afin notamment de renforcer la communication sur l'enseignement agricole, prévoir des concertations plus régulières entre les deux ministères, et de mettre en place une formalisation des conventions en régions entre DRAAF/DAAF et rectorats. En effet, comme le répète régulièrement Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, tous les élèves de l'enseignement agricole sont au départ des élèves de l'Éducation nationale.

Ainsi, en avril 2019, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont signé une lettre interministérielle relative à l'information et à l'orientation vers l'enseignement agricole. Dans celle-ci, les deux ministres rappellent aux principaux des collèges, aux proviseurs de lycée général, technologique et professionnel de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, que les « diplômes [de l'enseignement agricole] présentent de bons taux de succès aux examens ainsi que d'excellents taux d'insertion professionnelle », les invitent à « valoriser auprès des familles et des jeunes tout l'intérêt d'un parcours de formation dans l'enseignement agricole, que ce soit sous statut scolaire, d'apprenti ou d'étudiant » et soulignent « qu'il est nécessaire de faire connaître ce dispositif de formation plein d'atouts pour les jeunes, qui offre en outre une bonne capacité d'accueil ».

Doivent notamment être mis en place :

- des temps d'information des professeurs principaux de collèges et de lycées sur les filières de formation de l'enseignement agricole ;

- la participation systématique des professeurs principaux des établissements de l'enseignement agricole aux réunions de concertation 3 ème -seconde ;

- un partage de l'information entre les autorités académiques de l'Éducation nationale et les DRAAF ;

- une présentation et valorisation aux élèves des parcours de l'enseignement agricole dans les mêmes conditions que les formations proposées par l'éducation nationale ;

- l'utilisation des appellations officielles des formations proposées telles que données par les DRAAF au lieu de dénominations jugées stigmatisantes telles que « 2nde agricole » ou « 4 ème -3 ème agricoles » sur la base Affelnet-lycée - qui permet aux élèves d'indiquer leur souhait d'orientation - ainsi qu'un rattachement correct aux nomenclatures nationales ;

- la diffusion simultanée des résultats de l'affectation pour tous les élèves, quel que soit l'établissement d'origine et d'accueil ;

- l'intégration des offres de formation proposées par les établissements privés sous contrat agricole dans le traitement d'Affelnet-lycée .

Enfin, le 19 mai dernier a été publiée la feuille de route « éducation nationale/enseignement agricole » pour les années 2021 et 2022 . Elle a pour but de valoriser les formations et métiers liés à l'agriculture et soutenir les actions d'éducation au développement durable dans les écoles et établissements d'enseignement.

La feuille de route « éducation nationale/enseignement agricole » 2021-2022

Cette feuille de route prévoit quatre actions principales :

- un renforcement de la découverte des métiers, « au travers d'actions éducatives avec les lycées et collèges pour favoriser la découverte d'exploitations agricoles proches, notamment dans le cadre de la campagne de communication du plan France Relance sur les métiers de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire, de la Pêche, de la Forêt et des Paysages qui sera lancée avant l'été » ;

- la participation d'établissements de l'enseignement agricole aux campus des métiers ;

- la mise en place de partenariats entre collèges et lycées de l'enseignement agricole et de l'éducation nationale à travers des échanges de connaissances, d'expériences et de projets entre éco-délégués de classes, d'établissements des deux systèmes ;

- un label commun E3D (« établissement engagé dans une démarche globale d'éducation au développement durable ») entre les deux ministères.

La mission d'information salue cette volonté de coordination pour promouvoir l'enseignement agricole au niveau national. Néanmoins, des rapprochements entre les deux ministères restent parfois difficiles au niveau local, comme l'a souligné le CGAAER. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, par la voix de la directrice générale de l'enseignement agricole, le reconnait d'ailleurs : « vous évoquiez une compétition avec l'Éducation nationale. Pour ma part, je parlerais de connaissance à renforcer. Il y a encore des progrès à faire. Les retours sont très variables selon les établissements et les régions. Dans notre plan d'action, nous devons renforcer notre capacité à nous faire connaître et reconnaître à l'échelle du département, car les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN) interviennent à cette échelle ».

D. UN ATTACHEMENT AU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE QUI SE DÉLITE CHEZ UNE PARTIE DU CORPS ENSEIGNANT, POUR DES RAISONS STATUTAIRES ET DE POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL

1. Un sentiment de déclassement de la part de certains personnels de l'enseignement agricole, par rapport à leurs homologues de l'Éducation nationale
a) Un effort réel de revalorisation indiciaire qui ne se retrouve pas sur le plan indemnitaire

La mission d'information a été interpellée à plusieurs reprises sur les conditions statutaires et en particulier de rémunération des personnels travaillant au sein de l'enseignement agricole.

Selon la Cour des comptes, comme pour les personnels titulaires de l'Éducation nationale (mêmes indices de rémunération), les membres des corps de conseillers principaux d'éducation (CPE), professeurs certifiés (PCEA) et professeurs de lycée professionnel (PLPA) de l'enseignement technique agricole public, qui représentent 61% des effectifs rémunérés par le programme 143, ont bénéficié d'une revalorisation indiciaire.

En revanche, sur le plan indemnitaire, à la différence du ministère de l'éducation nationale, et malgré le principe de convergence posé par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche maritime 39 ( * ) , le ministère de l'agriculture n'a pas mené de réformes indemnitaires majeures. Enfin, pour les personnels contractuels de l'État affectés dans les lycées publics agricoles, un effort de revalorisation des rémunérations servies aux enseignants et personnels d'éducation contractuels sur moyens permanents a été entrepris depuis le 1 er septembre 2018, assurant un gain moyen de 19 points d'indice par agent. Cette revalorisation vise à assurer un rapprochement (et non un rattrapage) avec la grille de rémunération appliquée par le ministère de l'éducation nationale, afin de limiter la tension sur les recrutements contractuels dans les zones de proximité avec les EPLE relevant de ce ministère.

La Cour des comptes estime qu'au total, sur la période, les améliorations de conditions salariales ont été globalement similaires à celles de l'Éducation nationale, sans toutefois permettre un réel rattrapage lorsqu'il serait nécessaire.

b) Des écarts avec l'Éducation nationale qui subsistent et un sentiment d'être « à la traîne »

Un écart subsiste toutefois par rapport aux conditions de rémunération dans l'Éducation nationale et, en outre, certaines catégories d'emplois semblent avoir été « oubliées » ou négligées.

Tel est notamment le cas des assistants d'éducation, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le projet éduco-social de l'enseignement agricole . Ils participent à l'encadrement des élèves dans les internats et lors des temps extra-scolaires. Or, comme le dénonce depuis maintenant deux ans le Sénat à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances successifs, les assistants d'éducation de l'enseignement agricole n'ont toujours pas bénéficié de l'augmentation de leurs indices, mis en place pour leurs collègues de l'Éducation nationale par l'arrêté du 24 septembre 2019.

Ce sont les établissements qui, sur leurs fonds propres , prennent en charge le différentiel de rémunération : celui-ci s'établit désormais à près de 1 400 euros par assistant d'éducation par an - ou sont amenés à réduire le nombre d'heures des assistants d'éducation.

La mission d'information considère anormal que des établissements doivent prendre en charge sur leurs fonds propres des dépenses relevant normalement de l'État, au détriment de la qualité pédagogique. La mission d'information alerte sur les conséquences concrètes sur la vie des élèves et le projet pédagogique des lycées agricoles. Ainsi, dans un établissement visité dans la Drôme, par manque de budget pour les assistants d'éducation, la direction est obligée de fermer l'internat le mercredi après-midi. Dans d'autres lycées, comme l'a indiqué Gisèle Brunaud, vice-présidente de la fédération de la Peep, responsable de la section « PEEP AGRI », « par manque de moyens, les études surveillées [le soir] n'ont pas lieu dans une salle avec un assistant d'éducation (AED), mais la plupart du temps dans les chambres d'internat, car c'est plus simple pour la gestion du personnel. Sauf, qu'en tant que parent, lorsque l'on vous informe qu'il y aura des études surveillées le soir en internat, et que vous apprenez que votre enfant est dans sa chambre, peut y faire ce qu'il veut, on est un peu déçu ».

De manière générale, l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit une parité entre les statuts des enseignants de l'enseignement agricole et ceux de l'éducation nationale. Mais comme a pu l'indiquer le SNETAP-FSU, syndicat enseignant majoritaire de l'enseignement public, « le ministère de l'agriculture demeure systématiquement à la traîne pour mettre en oeuvre toute disposition visant à améliorer un tant soit peu les carrières et rémunérations ».

Les exemples sont malheureusement nombreux :

- depuis le décret du 2016-1171 d'août 2016, les agents contractuels bénéficient de nouvelles conditions de recrutement et d'emplois. Les agents contractuels de l'Éducation nationale bénéficient notamment de contrats de remplacement couvrant toute la période d'absence du fonctionnaire qu'il remplace, alors qu'au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ces contrats ne couvrent pas les périodes de vacances. Ces économies de « bouts de chandelle » ont des répercussions importantes sur l'attractivité des postes de l'enseignement agricole ;

- le décret n° 86-83 relatif aux agents contractuels dans la fonction publique d'État prévoit la prise en compte de l'expérience pour établir leur rémunération. Tel n'est pas le cas dans l'enseignement agricole ;

- fin novembre 2020, le ministre de l'éducation nationale a annoncé le versement d'une prime d'équipement informatique de 150 euros. Le décret a été pris le 5 décembre 2020 et le versement effectué en février 2021 pour les enseignants de l'Éducation nationale. Fin juin 2021, cette prime n'a toujours pas été versée.

Devant la mission d'information, Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, a indiqué que son ministère fait partie intégrante du Grenelle, notamment sur le sujet de la rémunération des enseignants.

L'enjeu est de taille. En effet, par manque d'attractivité, chaque année, toutes les places offertes au concours de l'enseignement agricole ne sont pas pourvues. Comme l'a exprimé devant la mission le directeur de l'UNREP, Laurent Carles, « Nous rencontrons de nombreux problèmes pour recruter des enseignants. (...) Par exemple, les professeurs de mathématiques de même que ceux d'anglais ou certains profils techniques ou professionnels, dont le machinisme agricole, sont aujourd'hui très recherchés par les établissements. Malheureusement, nous sommes confrontés à une crise des vocations. De nombreux jeunes estiment qu'enseigner n'est plus aussi bien valorisé ou valorisant et s'avère encore moins rémunérateur. Dès lors, de moins en moins de jeunes professeurs, même s'ils sont passionnés à leurs débuts, sont prêts à rester dans nos établissements sur le long terme. Pour dire les choses simplement, ils ne s'y retrouvent pas financièrement. Depuis quelques années maintenant, nous alertons à ce sujet la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) et le ministère. Nous aspirons à redonner de réelles valeurs à l'enseignement et aux enseignants ».

2. Un ministère perçu comme« suiveur » dans la gestion de la crise de la covid-19

La crise de la covid-19 a été symptomatique d'un changement de perception du positionnement de l'enseignement agricole, passant de « poisson pilote » de la formation à « suiveur de l'Éducation nationale ».

Bien évidemment, il ne s'agissait pas pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de traverser seul cette crise. Mais il ressort des auditions que, bien souvent, le ministère de l'agriculture n'a pas été associé aux réflexions d'adaptation et a été placé devant des décisions unilatérales prises par le ministère de l'éducation nationale, qu'il s'agisse en 2020 des modalités de passage du baccalauréat ou de reprise des cours - sans prendre en compte les spécificités de l'enseignement agricole (éloignement géographique, internat...).

De même, et si la mission d'information salue cette décision en raison des difficultés financières qu'ont pu connaître certaines familles du fait de la crise de la covid-19, l'annonce d'un versement d'une aide exceptionnelle de 150 euros pour les étudiants boursiers de l'enseignement supérieur, qui s'est également appliquée à l'enseignement technique agricole, s'est faite dans un contexte d'annulation de crédits au détriment de l'enseignement technique agricole (- 6 millions d'euros) 40 ( * ) et de l'enseignement supérieur agricole (- 10 millions d'euros).

3. Un rattachement ministériel contesté par le syndicat majoritaire chez les enseignants de l'enseignement agricole public

Cette perception de déclassement de l'enseignement agricole, en termes de statut et de positionnement institutionnel, fragilise de fait le lien unissant le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et une partie des personnels, représentés par le syndicat majoritaire dans l'enseignement agricole public qui l'a fortement relayée auprès des membres de la mission, tant lors d'une table ronde que lors des échanges dans les départements.

Même si cette position n'est pas celle de l'ensemble des syndicats de personnels et encore moins des responsables de filières, qui ont pour leur part largement affiché leur souhait d'un maintien de l'enseignement agricole dans le périmètre du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, les arguments avancés par le SNETAP-FSU, qui prône une concertation et une réflexion sur la création d'un ministère unique de l'éducation et de la formation, doivent être pris en considération avec attention.

Dans la réponse écrite adressée à la rapporteure, le syndicat considère ainsi que :

« - le ministère n'assume plus correctement la responsabilité de la tutelle de l'enseignement agricole ;

« - les textes prévoient la parité entre les deux ministères pour l'application de mesures statutaires par exemple mais ces dernières se mettent en place avec beaucoup de retard au ministère de l'agriculture ;

« - un ministère professionnel ne peut pas être à la fois celui de la profession (et plus particulièrement d'une profession soumise aux aléas climatiques, sanitaires....) et celui de l'éducation ;

« - ce ministère est soumis à différents lobbys dont ceux de la profession agricole, des groupes pharmaceutiques et industriels...

« D'autres professions n'ont pas leur propre ministère sans que cela n'empêche l'excellence dans la formation et les qualifications - ici c'est bien l'agriculture qui fait figure d'exception, y compris à l'échelle européenne... »

Même si elle est loin d'être partagée par tous les acteurs de l'enseignement agricole et encore moins par les syndicats agricoles, cette prise de position forte invite à réévaluer le rôle et le positionnement institutionnel du ministère.

4. L'émergence de nouveaux acteurs privés, suite logique d'une stratégie défaillante de l'État ?
a) L'incapacité des écoles nationales vétérinaires à former un nombre suffisant de professionnels en France

Lors de sa rencontre avec les équipes de direction de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA), la rapporteure a été frappée par la stratégie très erratique qu'a eue l'État à l'égard de ce site, profondément délabré avant 2008 et promis à une fermeture avant qu'à la suite d'une visite de Michel Barnier, alors ministre de l'agriculture, ne soit lancé, en 2008, le « Grand Projet Alfort », qui a conduit à de très importants travaux de réaménagement du site.

Cette absence d'investissement dans le temps n'est pas propre à l'ENVA : l'École nationale vétérinaire de Toulouse rencontre également des difficultés liées à la vétusté de certaines installations, en particulier des cliniques, dont la non-conformité à certains standards, en matière d'équipements, de biosécurité et de disponibilité du service d'urgence, a conduit l'Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire (A3EV) à prendre une décision de non-accréditation préjudiciable à l'école 41 ( * ) .

Au-delà des bâtiments, c'est le pilotage d'ensemble de la formation vétérinaire en France qui interroge. L'État, qui avait la main sur les quatre écoles nationales vétérinaires, a longtemps maintenu un numerus clausus très bas qui aboutit aujourd'hui, d'une part, à une désertification vétérinaire en milieu rural et, d'autre part, à ce qu'une majorité (52 %) des nouveaux inscrits au tableau de l'Ordre aient été formés hors de France. Comme le relève le directeur de l'ENVA, Christophe Degueurce 42 ( * ) , « ce que je comprends du modèle français, c'est qu'il a choisi de déléguer partiellement la formation des jeunes vétérinaires à d'autres pays. Tout se résume à quelques chiffres : la France forme 9 vétérinaires par million d'habitants quand les valeurs sont de 13 pour l'Allemagne, 14 pour les Pays-Bas, 27 pour l'Autriche et 44 pour la Belgique. Notre modèle est donc structurellement déficitaire et s'alimente des vétérinaires formés à l'étranger ».

C'est dans ce contexte que s'est inscrite l'initiative des sénateurs Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et François Patriat, adoptée dans le cadre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, visant à autoriser l'ouverture d'établissements d'enseignement supérieur privés, agréés par le ministre de l'agriculture, en vue d'assurer une formation préparant au diplôme d'État de docteur vétérinaire.

Au-delà de ce projet privé, porté par UniLaSalle à Rouen, le président de la région Nouvelle Aquitaine a également annoncé fin 2020 son souhait de créer une nouvelle école vétérinaire publique à Limoges.

La mission considère qu'il n'entre pas dans son champ de porter un jugement sur la pertinence de ces nouveaux projets. En revanche, au regard des échanges que la rapporteure a eus à l'ENVA, elle considère que de fait, les carences du pilotage stratégique de l'État ont ouvert un espace à d'autres acteurs de formation qui cherchent à pallier des difficultés réelles et stratégiques pour l'avenir des filières agricoles et alimentaires.

b) Un nouveau campus privé qui entend contribuer au renouvellement des générations d'agriculteurs

Cette situation se retrouve peu ou prou avec le projet d'école gratuite, baptisée Hectar, que l'ancienne conseillère agricole du Président de la République, Audrey Bourolleau, porte avec l'entrepreneur Xavier Niel dans les Yvelines.

De nombreuses personnalités auditionnées par la mission d'information ont dénoncé ce projet et ses supposées visées idéologiques. Marc Janvier, président de l'Union nationale de l'enseignement agricole privé (UNEAP), faisait ainsi part de sa vigilance pour que « ce projet ne soit pas un véhicule destiné à diffuser des idéologies, portant des messages de manière déséquilibrée en faveur du végétalisme, du naturalisme ou du véganisme, qui desservent une grande partie de l'agriculture ».

D'autres personnalités, comme le directeur général d'AgroParisTech, se sont montrées beaucoup plus ouvertes, ce dernier observant que « le projet Hectar comporte de bonnes idées, notamment sur la nature des besoins en types de métiers pour l'agriculture. Nous pouvons nous interroger sur les raisons pour lesquelles elles ne sont pas reprises dans l'enseignement public. Si Hectar, comme d'autres acteurs, souhaite demain collaborer avec AgroParisTech, c'est ouvert et il peut y avoir des projets intéressants à mener ».

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation s'est, quant à lui, montré à la fois en retrait mais positivement ouvert, en déclarant : « S'agissant d'Hectar, je n'ai pas de commentaire particulier à faire sur cette initiative privée. Vous connaissez, en tout cas, l'attachement d'Audrey Bourolleau, sa directrice générale, à une agriculture reposant sur des valeurs, à une vision territoriale et à des modes de production que vous partagez. J'entends dire que cette école viserait à former des personnes opposées à l'élevage. Or, si les informations dont je dispose sont exactes, elle comprendrait elle-même un élevage laitier. J'ajoute que cette initiative ne met pas à mal l'enseignement agricole du ministère, qui est extrêmement fort. Il n'est pas fragile. Ma préoccupation est, en tout cas, de consolider l'enseignement dont j'ai la charge, avec des établissements sous la tutelle de l'État et des établissements conventionnés, ce qui n'est pas le cas de cette école . »

La mission d'information a souhaité auditionner la co-fondatrice de ce nouvel établissement, Audrey Bourolleau, mais celle-ci a refusé à plusieurs reprises de s'exprimer devant la mission d'information et de répondre aux questions des sénateurs, préférant manifestement déployer une communication large mais maîtrisée dans certains médias.

La mission regrette profondément cette attitude. Elle n'a pas d' a priori sur cette initiative qui se positionne désormais comme une « Business School agricole » Elle prend note que cet établissement n'entend « pas challenger l'enseignement technique agricole qui est très bon en France (...). Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires. Notre rôle à nous est de former des entrepreneurs solides et de leur donner des compétences sur les innovations de demain . 43 ( * ) »

Au regard des critiques formulées par nombre de personnes auditionnées, la mission est toutefois prudente vis-à-vis de cette communication idéalisée et soucieuse de la qualité des formations qui seront délivrées aux apprenants et de leur devenir.

La mission considère néanmoins, et cela répond aux observations de certaines personnes auditionnées, que la création de cet établissement est rendue possible par le besoin de renouvellement des générations d'agriculteurs et de reconversion pour gérer une entreprise agricole, un besoin perçu comme ne pouvant pas être totalement satisfait par le système actuel d'enseignement agricole. Cette situation renvoie, une nouvelle fois, à la question du pilotage stratégique de l'enseignement agricole par l'État.

III. AGIR POUR PRÉSERVER UN ENSEIGNEMENT AGRICOLE DE QUALITÉ, DANS L'INTÉRÊT DES FILIÈRES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES ET AU NOM DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

Au regard des différents constats posés et de l'enjeu que représente l'enseignement agricole pour l'avenir des filières agricoles et agroalimentaires françaises, mais aussi plus largement pour les territoires ruraux, la mission d'information appelle à agir dans trois directions :

- réaffirmer le rôle de pilotage du ministère de l'agriculture et établir un nouveau projet stratégique, en lien avec l'Éducation nationale, les régions et les branches professionnelles ;

- consolider les fondamentaux de l'enseignement agricole pour qu'il contribue à relever les défis de l'agriculture et des territoires ruraux ;

- renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole pour les élèves, pour les familles et pour les personnels.

A. RÉAFFIRMER LE RÔLE DE PILOTAGE DU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET ÉTABLIR UN NOUVEAU PROJET STRATÉGIQUE POUR L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

1. Conserver un enseignement agricole distinct de l'Éducation nationale
a) Réaffirmer la spécificité de l'enseignement agricole et le rôle de pilotage du ministère

À rebours de la position exprimée par le syndicat SNETAP-FSU, la mission d'information souhaite réaffirmer à la fois la spécificité de l'enseignement agricole et le rôle de pilotage revenant au ministère chargé de l'agriculture.

Les performances remarquables, tant en matière de taux de réussite avec un public d'apprenants très éclectique, de taux d'insertion professionnelle, d'innovations pédagogiques justifient, à elles seules, de maintenir un enseignement agricole spécifique et particulier, en dehors du périmètre de l'Éducation nationale mais en lien avec lui.

Surtout, l'ensemble des défis que le monde agricole et agroalimentaire doit relever justifie le maintien d'un enseignement agricole fort. Il en va, en outre, de l'intérêt même de l'ensemble des métiers du monde rural pour lesquels l'enseignement agricole a déjà prouvé son efficacité à former de jeunes talents.

C'est pourquoi la mission estime que l'enseignement agricole doit demeurer distinct et complémentaire de l'Éducation nationale et refuse toute perspective de fusion-absorption au sein du ministère de l'éducation nationale ou d'un grand ministère de l'éducation et de la formation . Cinq raisons, détaillées par la DGER dans la réponse apportée au questionnaire de la rapporteure et que la mission partage, le justifient.

Les cinq justifications du maintien
d'un enseignement agricole fort, selon la DGER

L'enseignement agricole est bien un système éducatif à part entière, qui apporte une réponse différente et complémentaire de celle de l'éducation nationale :

• par son maillage du territoire, dans des zones rurales, il apporte une réponse de proximité à des jeunes qui sont bien souvent peu mobiles. En outre, cette possibilité d'accueil en formation, au plus près des besoins éducatifs des jeunes, est renforcée par l'agilité du dispositif de formation de l'enseignement agricole, l'offre d'internats, d'équipements sportifs et de restauration sur place, avec l'appui des régions ;

• par son approche pédagogique, qui privilégie le « apprendre par le geste », les stages en milieu professionnel, la pratique dans les exploitations agricoles et les ateliers technologiques, véritables petites entreprises au sein même des établissements scolaires. Cette approche pédagogique qui donne une place importante à la pluridisciplinarité entre plusieurs matières disciplinaires est différente de celle développée à l'éducation nationale tant c'est une approche systémique qui traite d'un sujet concret en veillant à imbriquer apports de connaissances et construction du savoir par les jeunes en groupe projet. Cette approche pédagogique fait ses preuves avec par exemple, en classe de 3 ème des jeunes accueillis venant de l'Éducation nationale (EN) et en grosses difficultés et pour autant un taux de succès au diplôme national du Brevet similaire à celui de l'EN ;

• par son souci d'appréhender le jeune dans son ensemble, d'accompagner son bien-être physique et psychique et de le former en tant que citoyen actif et éclairé. C'est rendu possible par des enseignements spécifiques à l'enseignement agricole que sont l'éducation sociale et culturelle (ESC), les technologies de l'information et des médias (TIM) et ceux prodigués par les professeurs documentalistes. Le développement des compétences sociales et professionnelles des apprenants est également rendu possible par une très grande implication des CPE et des AE et le dynamisme des ALESA, ces associations d'élèves qui portent des projets d'élèves, ouverts vers la société et portant sur des sujets de société forts ;

• grâce à ses spécificités, l'enseignement agricole apporte une réponse à des jeunes très divers dans leur origine sociale, géographique, des jeunes passionnés par la nature, le sport ou des jeunes en très grosse difficulté scolaire ou sociale et leur offre la possibilité de s'épanouir et, à terme, de s'insérer socialement et professionnellement ;

• Par les formations initiales et tout au long de la vie aux métiers liés à l'agriculture et aux connaissances qu'il produit et diffuse, il est essentiel au développement durable de l'agriculture et de l'alimentation françaises. À ce titre, il contribue notamment à relever l'enjeu majeur du renouvellement des générations en agriculture (50 % des exploitants vont partir à la retraite dans les 10 ans). Il a également un rôle majeur dans l'animation et le développement des territoires ruraux. L'importance de l'intérêt et des demandes de coopération et d'appui qu'il suscite chez de nombreux pays partenaires étrangers de la France montre sa pertinence.

Source : réponse de la DGER au questionnaire de la rapporteure

Lors de son audition, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a clairement indiqué « que l'enseignement agricole est une spécificité française qu'il faut absolument préserver », qu'il est une chance pour la France souvent mise en évidence lors des échanges avec ses ministres homologues à Bruxelles. Aussi n'a-t-il pas caché son « étonnement » lorsque la rapporteure lui a fait état de la volonté du syndicat majoritaire chez les enseignants du public, exprimée à maintes reprises tant en audition qu'auprès de nombreux membres de la mission sur le terrain, de rattacher l'enseignement agricole à un ministère unique de l'éducation de la formation 44 ( * ) .

La mission d'information prend acte de cette déclaration politique visant au maintien de la spécificité de l'enseignement agricole et s'en félicite.

Elle considère néanmoins que des conséquences doivent être tirées de cette position de principe, en termes de positionnement du ministère, mais aussi de moyens humains et budgétaires alloués à cette filière d'enseignement.

b) Le souhait d'un ministère chargé de l'agriculture qui pèse au sein de l'architecture gouvernementale

Il ressort de l'ensemble des rencontres et auditions que la mission d'information a pu mener le sentiment d'un ministère suiveur, perdant ses arbitrages face à Bercy et éprouvant des difficultés à faire entendre la spécificité de l'enseignement agricole , dont les champs d'intervention dépendent in fine de plusieurs ministères. L'animation et la cohésion des territoires est ainsi au coeur des missions de l'enseignement agricole. Cette politique est pourtant portée par un autre ministère - celui de la cohésion territoriale - et son secrétariat à la ruralité.

La relégation actuelle du ministre de l'agriculture et de l'alimentation à l'avant-dernier rang protocolaire des ministres de plein exercice a également pu contribuer à l'impression d'une forme de « déclassement » du ministère.

En outre, la configuration gouvernementale actuelle fait relever les lycées de la mer d'un autre ministère, celui de la mer, alors même qu'ils proposent des formations parfois proches de celles des lycées agricoles en matière de pêche et d'aquaculture. Le CAP conchyliculture et le baccalauréat professionnel « cultures marines » relèvent ainsi de la CPC « agriculture, agroalimentaire et aménagement des espaces » (alors que d'autres formations relèvent de la CPC « mer et navigation intérieure »).

Les lycées de la mer : un enseignement professionnel ciblé qui essaie de mieux se relier à l'enseignement agricole et à l'Éducation nationale

Le réseau des lycées de la mer comprend 12 lycées professionnels maritimes, rassemblant environ 1 600 élèves, et délivre des diplômes allant du CAP jusqu'au BTS.

En dépit d'un taux d'insertion professionnelle très élevé, le ministère de la mer a indiqué à la mission partager les difficultés d'orientation rencontrées par l'enseignement agricole, d'où la campagne de communication commune lancée pour promouvoir les « métiers du vivant ».

Les capacités de formation proposées par les lycées de la mer apparaissent aujourd'hui insuffisantes pour accompagner le développement de l'emploi dans ces filières, en particulier dans les outre-mer, comme l'a souligné le comité interministériel de la mer en 2017 et en 2018.

L'enseignement professionnel maritime essaie de contribuer à l'ouverture de formations maritimes dans les lycées relevant de l'Éducation nationale ou de l'enseignement agricole, ce qui permettrait d'apporter une réponse rapide au plus près des besoins et de constituer un véritable réseau de formation aux métiers de la mer. Le ministère de la mer tente également de consolider le réseau des lycées maritimes en mutualisant certaines fonctions, en travaillant avec les régions pour bâtir une carte de formation cohérente et éviter la concurrence entre établissements, ainsi qu'avec les filières professionnelles.

Il s'attache ainsi à dynamiser le réseau des lycées de la mer et vient de nommer un chef de projet « réseau des lycées professionnels maritimes » 45 ( * ) qui aura en particulier pour mission de construire un véritable réseau des 12 lycées de la mer et de travailler avec les établissements relevant des ministères chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture afin de construire une véritable offre de formation aux métiers de la mer et de susciter des synergies entre les réseaux.

Le ministère de la mer n'est pas favorable à une intégration des lycées professionnels de la mer au sein des ministères de l'éducation nationale ou de l'agriculture, considérant que les métiers de la mer nécessitent une offre de formation spécifique et qu'une telle intégration pourrait présenter des risques en termes de maintien de savoir-faire spécifiques et de proximité avec les acteurs du monde maritime.

Il promeut en revanche la conclusion d'une convention tripartite entre le ministère de la mer, celui de l'éducation nationale et celui de l'agriculture.

Aussi la mission d'information plaide-t-elle pour la création d'un ministère plus large , couvrant l'agriculture, la cohésion et le développement des territoires ainsi que la mer, afin de disposer d'une véritable autorité politique au sein du Gouvernement et de donner un sens stratégique au pilotage par ce ministère de l'enseignement agricole dans sa complétude. Elle note d'ailleurs que de précédents gouvernements avaient fait ce choix, comme entre 2010 à 2012, avec le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Proposition n° 1 : réaffirmer la spécificité de l'enseignement agricole ainsi que le rôle de pilotage de l'enseignement agricole dévolu au ministère chargé de l'agriculture, en confortant son positionnement au sein de la maquette gouvernementale.

Enfin, à plusieurs reprises, le Sénat s'est ému de l'absence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation lors de l'examen des crédits dédiés à l'enseignement agricole dans le cadre du projet de loi de finances. Certes, ces crédits, portés par le programme 143, se situent au sein de la mission « enseignement scolaire ». Mais il est regrettable que seul le ministre de l'éducation nationale soit présent et défende la position du Gouvernement, alors qu'il n'exerce pas la compétence ministérielle sur cet enseignement. Lors de l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2021 au Sénat, l'enseignement agricole n'a pas été évoqué par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation lors de l'examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pas plus qu'il n'a été défendu par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports lors de l'examen de la mission « enseignement scolaire », lors de leurs interventions pour présenter leurs missions respectives dans le débat général. Au regard des enjeux budgétaires, la mission considère que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation doit incarner l'enseignement agricole lors de l'examen du projet de loi de finances.

Proposition n° 2 : exiger la participation du ministre chargé de l'agriculture aux débats au Parlement portant sur l'examen du budget de l'enseignement agricole, tant technique que supérieur.

c) Renforcer les moyens de suivi et de pilotage du ministère

Pour réaffirmer le ministère chargé de l'agriculture dans son rôle de pilotage de l'enseignement agricole, il apparaît nécessaire à la mission d'information de renforcer les moyens de suivi et de pilotage dont il dispose .

La mission note notamment les faibles données dont dispose le ministère de l'agriculture - à l'exception de la publication annuelle « portrait de l'enseignement agricole » -, notamment si on les compare à celles produites par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) pour l'éducation nationale. Pour la Cour des comptes, « la relative pauvreté des publications statistiques de [l'enseignement technique agricole] est en partie le reflet d'une insuffisance de recueil et de l'exploitation des données » .

En outre, comme le note la Cour des comptes, jusqu'à récemment, la notion de performance n'apparaissait pas dans l'organigramme de la DGER. C'est seulement depuis mars 2019 qu'existe une cellule d'appui au pilotage chargée « d'assurer l'analyse et la synthèse des informations et données pertinentes pour le pilotage et la performance des actions de la direction et la maîtrise des risques ».

La DGER considère elle-même , dans la réponse apportée au questionnaire de la rapporteure, que l'un des axes de progression pour l'enseignement agricole réside dans le renforcement de la robustesse et de l'efficacité des systèmes d'information (métiers et support) qui sont indispensables à la maîtrise de toutes les missions de l'enseignement agricole.

Pour la mission d'information, ce renforcement des moyens de suivi et de pilotage ne doit pas être perçu - ni utilisé - comme un outil de suppression de filières, de postes ou d'établissements, mais afin d'objectiver un certain nombre de données, de mettre en valeur les spécificités de l'enseignement agricole et d'identifier les points de faiblesse pour y répondre au bénéfice des élèves. Aussi la mission d'information fait-elle sienne la recommandation de la Cour des comptes consistant à renforcer la cellule d'appui au pilotage au sein de la DGER et à lui donner pleine compétence pour le recueil et l'analyse des données.

Dans cette perspective, la mission d'information note avec intérêt la transposition dans l'enseignement agricole du processus d'évaluation mis en oeuvre par le conseil d'évaluation de l'école (CEE). Fin 2020, ce dernier a souligné l'utilité d'évaluer la même année scolaire les établissements relevant des deux ministères chargés de l'Éducation nationale et de l'agriculture afin « d'analyser et favoriser la coopération entre eux » : selon les informations transmises par la DGER, à la fin de chaque année scolaire, le ministère chargé de l'agriculture va transmettre au CEE les résultats des évaluations d'établissements dont il a la charge, réalisées au cours de l'année scolaire écoulée.

Proposition n° 3 : développer les moyens de pilotage du ministère en renforçant la cellule d'appui au pilotage au sein de la DGER.

2. La nécessité d'un nouveau programme stratégique élaboré en lien avec l'Éducation nationale, les régions et les branches professionnelles

La réaffirmation du rôle du ministère doit aller de pair avec celle du projet de l'enseignement agricole pour les prochaines années.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt avait prévu l'établissement d'un projet stratégique national pour l'enseignement agricole. Ce projet stratégique, validé par le Conseil national de l'enseignement agricole en décembre 2014 puis par arrêté ministériel en novembre 2016, a servi de base pour la rédaction du 6 e schéma prévisionnel national des formations (SPNF) de l'enseignement agricole, qui couvrait les années 2016 à 2020 et comprenait 11 priorités.

Ce projet et ce schéma sont arrivés à leur terme en décembre 2020 et, dans l'attente de la mise en place d'un 7 e schéma en 2021, un addendum au 6 e SNPF, validé en novembre 2020, a fixé trois nouvelles priorités :

1 - Conduire le plan « Enseigner à produire autrement pour les transitions et l'agro-écologie » pour amplifier la contribution de l'enseignement agricole à la transformation nécessaire des systèmes agricoles et alimentaires ;

2 - Conduire la rénovation des diplômes pour préparer aux nouvelles compétences et aux métiers en évolution ;

3 - Développer le lien entre enseignement technique et enseignement supérieur long pour favoriser la promotion scolaire et sociale des élèves de l'enseignement agricole.

La DGER a indiqué à la rapporteure que cet addendum a été une préfiguration du 7 e schéma qui devrait être, avec le projet stratégique 2021-2025 dont il sera la déclinaison opérationnelle, l'ossature des prochains dialogues de gestion. Elle précise que, contrairement aux documents précédents, cet addendum contient des priorités claires avec quelques indicateurs permettant de mesurer les résultats par rapport aux objectifs fixés.

La mission souligne l'importance de disposer d'un nouveau projet stratégique clair et ambitieux pour l'enseignement agricole, assorti d'indicateurs de suivi et de performance. Dès lors que le calendrier initial n'a pas été respecté, la mission juge souhaitable, afin de lui donner une véritable portée politique, que ce nouveau projet stratégique soit adopté en début de quinquennat.

Ce projet doit évidemment être élaboré avec les acteurs de l'enseignements agricole - fédérations d'établissements, syndicats de personnels, représentants des parents et des élèves - mais pour que ce cadre ait une réelle force d'entraînement à l'égard de l'ensemble des partenaires, la mission juge nécessaire d'associer à l'élaboration de ce projet stratégique, au-delà de sa présentation en Conseil national de l'enseignement agricole, l'Éducation nationale, les régions , du fait de leurs compétences en matière de financement de l'enseignement agricole, d'orientation et de transport scolaire, ainsi que les branches professionnelles.

S'agissant de l'appropriation de ce nouveau schéma par les régions, la mission d'information invite l'ensemble des régions et des DRAAF à signer des protocoles d'accord pour valoriser l'enseignement agricole et à les décliner en contrats d'objectifs tripartite avec chaque EPLEFPA, mais aussi dans la mesure du possible avec les établissements de l'enseignement agricole privé dans leur diversité.

Proposition n° 4 : élaborer, en associant l'Éducation nationale, les régions et les branches professionnelles, un nouveau projet stratégique clair et ambitieux pour l'enseignement agricole pour la période 2022-2027, assorti d'indicateurs de suivi et de performance.

Proposition n° 5 : inviter l'ensemble des régions et des DRAAF à signer des protocoles d'accord pour valoriser l'enseignement agricole et à les décliner en contrats d'objectifs tripartite avec chaque EPLEFPA, mais aussi dans la mesure du possible avec les établissements de l'enseignement agricole privé.

3. Réévaluer les moyens budgétaires en faveur de l'enseignement agricole

Cette réaffirmation du positionnement du ministère et l'élaboration d'un projet stratégique ambitieux doivent se traduire par une réévaluation des moyens budgétaires alloués à l'enseignement agricole, aujourd'hui au bord de la rupture, comme le Sénat l'avait souligné en novembre 2020, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 46 ( * ) .

a) Un préalable indispensable : mettre fin à la baisse des ETP dont souffre l'enseignement agricole depuis le début du quinquennat

Depuis le début du quinquennat, l'enseignement agricole a perdu 190 ETP . Pour y faire face, deux réformes ont été mises en place : l'augmentation des seuils de dédoublement des classes qui passent de 24 à 27 élèves - sauf pour les enseignements de langues et pour ceux pour lesquels une augmentation est impossible pour des raisons de sécurité - et une plus grande autonomie des chefs d'établissements dans la gestion de la dotation globale horaire.

Mais, comme a pu le constater la mission d'information, tout au long de ses travaux, il est impossible de continuer sur la tendance actuelle , qui prévoit pour 2022 une suppression de 110 ETP - soit quasiment l'équivalent du cumul des années 2019 et 2020 ! Selon les éléments transmis par la DGER au moment de la clôture des travaux de la mission d'information - et dans l'attente des documents budgétaires non publiés à ce jour - la suppression pour 2022 serait au final de 16 ETP.

Or, ces suppressions constantes nuisent à l'attractivité de l'enseignement agricole :

- du point de vue des enseignements , par l'incapacité de proposer une diversité des spécialités, options ou même formation ( cf . notamment II.B.3 et 4 sur la stratégie de blocages d'ouverture de classes, ou les difficultés pour déployer dans de bonnes conditions la réforme du lycée) 47 ( * ) ;

- dans l' administration déconcentrée où des postes sont également supprimés : ce sont ainsi 22 postes administratifs dont la suppression est inscrite dans la loi de finances pour 2021, alors même qu'ils avaient déjà été très fortement rationnalisés par la révision générale des politiques publiques. En outre, les préconisations de la mission d'information - la mise en place d'un correspondant « enseignement agricole » équivalent du DASEN dans chaque département par exemple - pour mieux faire connaître l'enseignement agricole et ainsi augmenter le nombre d'élèves nécessite des moyens administratifs.

A minima , le gel de toute suppression d'ETP par rapport au schéma prévisionnel initial est nécessaire . À cet égard, elle sera tout particulièrement vigilante concernant d'éventuels effets d'annonces sur la réduction des suppressions de postes envisagées dans le schéma prévisionnel d'emploi pluriannuel initial, qui ne seraient dans les faits qu'un rattrapage par rapport à une sur-exécution les années précédentes.

Comme le montre le tableau qui suit, les années 2019 et 2020 ont en effet été marquées par une sur-exécution des suppressions de postes, à hauteur de 28 ETP, par rapport aux prévisions.

Schéma prévisionnel d'emplois pluriannuel 2019-2022

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Projet

- 50 ETP

- 60 ETP

- 80 ETP

- 110 ETP

Inscrit en loi de finances

- 50 ETP

- 60 ETP

- 80 ETP

- 16 ETP
(source DGER)

Réalisés

- 53 ETP

- 85 ETP

Source : DGER, dans l'attente des documents budgétaires
relatifs au projet de loi de finances pour 2022

La mission prend acte du fait que les premières informations relatives au projet de loi de finances pour 2022 semblent indiquer que la trajectoire d'effectifs serait revue et que l'enveloppe allouée à l'enseignement agricole augmenterait, en particulier au profit de l'enseignement technique agricole. Elle se montrera très vigilante, lors de l'examen du budget, afin que les annonces du ministère se traduisent effectivement par des moyens supplémentaires pour les établissements et les personnels.

Mais au vu des actions à mener pour renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole, la mission d'information préconise une augmentation des moyens humains , qui pourraient être affectés dans les établissements à une augmentation de la dotation globale horaire (DGH), et dans les services administratifs déconcentrés à un poste pour mieux faire connaitre l'enseignement agricole (action de communication, poste de liaison avec l'Éducation nationale).

Proposition n° 6 : à titre conservatoire, annuler au titre de 2022 les suppressions d'emploi prévues dans le schéma prévisionnel d'emplois pluriannuel 2019-2022.

Proposition n° 7 : dans le cadre du nouveau projet stratégique et afin de renforcer son attractivité, réévaluer et augmenter les moyens humains de l'enseignement agricole.

Sans engagement fort de la part du Gouvernement - en termes de moyens humains, d'actions pour renforcer la connaissance et l'attractivité de l'enseignement agricole - la mission d'information craint que ne se réalise le cri d'alarme du SNETAP-FSU, selon lequel « le quinquennat à venir sera par suite celui de la fermeture de nombreux sites en milieu rural s'il n'est pas mis fin à cette politique d'assèchement budgétaire » .

b) Mieux prendre en compte les spécificités de l'enseignement agricole dans l'estimation du coût d'un établissement agricole

L'enseignement agricole véhicule auprès du ministère de l'économie, des finances et de la relance l'image d'un enseignement qui coûte cher et d'établissements souvent déficitaires. La mission d'information reconnaît qu'il y a quelques années, un certain nombre d'établissements étaient dans une situation financière difficile, entraînant la mise en place d'un suivi annuel de l'ensemble des établissements.

Elle a toutefois souligné qu'avant la pandémie de covid-19 qui a durement frappé les établissements de l'enseignement agricole - plus encore que ceux de l'Éducation nationale - la situation financière de bon nombre d'entre eux s'était améliorée.

Lors de ses déplacements, la mission d'information - et ses membres - ont rencontré des personnels et des enseignants passionnés par l'enseignement agricole, proposant des projets innovants à leurs élèves et des expérimentations, notamment au travers de leurs exploitations et de leurs plateaux techniques qui constituent un atout indéniable. En cela, ils exécutent pleinement des missions qu'a confiées la loi à l'enseignement agricole : participer à l'animation et au développement des territoires, contribuer aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovations agricoles et agroalimentaires.

Or, la recherche et l'expérimentation signifient un tâtonnement, des échecs dont on retire des enseignements, et donc un gain humain et d'expérience, mais un coût budgétaire . Comme a pu le dire l'un des enseignants de l'Institut de Genech, « mieux vaut que nos élèves et étudiants testent leurs idées ici, de manière encadrée et aux conséquences limitées pour eux en cas d'échec, plutôt que seuls sur leurs exploitations une fois installés » . D'ailleurs, le déficit que connaît cet établissement est dû uniquement aux expérimentations menées à l'exploitation agricole.

Les plateaux techniques, les exploitations agricoles et les ateliers technologiques, qui constituent des atouts indéniables pour l'enseignement agricole, doivent être correctement pris en compte dans les négociations budgétaires, comme l'ont souligné auprès de la mission l'EPLEFPA de Luçon-Pétré (Vendée) et celui du Subdray (Cher).

La mission d'information recommande donc, grâce aux nouveaux outils de suivi et de pilotage dont devra se doter la DGER, d'objectiver les coûts de fonctionnement des établissements d'enseignement agricole et d'intégrer dans les coûts pédagogiques de fonctionnement d'un établissement - et donc pris en charge par l'État, y compris pour les établissements privés sous contrat - toutes les missions que la loi confère à l'enseignement agricole, y compris les pertes financières dues à ces missions d'animation des territoires ou d'expérimentation et de recherche.

Elle rappelle également que les établissements d'enseignement agricole sont intrinsèquement liés au vivant, au territoire, à la météo. Les aléas budgétaires sont donc par nature plus importants qu'un établissement secondaire de l'Éducation nationale. Elle en veut pour preuve l'épisode de gel qui a touché le pays en avril 2021. Lors de la visite du site de l'INRAE à Gotheron, elle a appris que l'expérimentation menée sur des arbres fruitiers plantés il y a deux ans - et dont la première récolte devait avoir lieu cette année - a été très fortement touchée : toute la production a été détruite par l'épisode de gel.

De même, et malgré les aides versées, les établissements de l'enseignement agricole sont bien plus touchés que ceux de l'Éducation nationale par les conséquences de la covid-19 en raison de leurs modes de financement ; un grand nombre d'entre eux équilibrent leurs budgets par des recettes en interne : vente de production, location des internats (notamment les MFR pour des colonies de vacances), location des plateaux techniques aux exploitations du bassin, fermeture des centres de formation pour adultes...

Proposition n° 8 : grâce aux nouveaux outils de suivi et de pilotage dont devra se doter la DGER, objectiver les coûts de fonctionnement des établissements d'enseignement agricole afin d'intégrer dans les coûts pédagogiques de fonctionnement d'un établissement l'ensemble des missions que leur confère la loi.

2021 : un budget amputé de 4 millions d'euros lors de l'examen de la loi de finances rectificative

Près de 4,4 millions d'euros des crédits de l'enseignement technique agricole (2,2 millions d'euros dans la mission « enseignement scolaire » et 2,2 millions d'euros dans la mission « recherche et enseignement supérieur ») ont été annulés par le Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Lors de l'examen du projet de loi, des amendements de rétablissement des crédits, déposés par plusieurs groupes politiques et soutenus par la plupart des bancs de l'hémicycle ont été adoptés. Malheureusement, l'Assemblée nationale est revenue sur ce vote.

Il s'agit, selon le ministère, de l'annulation de crédits de réserve, qui n'ont pas fait l'objet d'une programmation en début d'année et n'aurait donc pas de conséquences. Cette réserve de précaution doit notamment permettre de couvrir les aléas de gestion, les difficultés imprévues rencontrées en cours d'année.

La mission d'information regrette vivement cette annulation de crédits : en 2020 et 2021, les aléas budgétaires ont été nombreux pour l'enseignement agricole. En outre, les actions qui auraient pu bénéficier de ces sommes ne manquent pas : transposition dans l'enseignement agricole de primes annoncées dans l'Éducation nationale, soutien financier au 50 % d'établissements qui ont demandé une aide financière en raison de la covid-19 mais n'ont pour l'instant rien perçu, mise en place de la réforme du lycée, ou même revalorisation des assistants d'éducation dont le rôle est essentiel. À cet égard, la mission d'information rappelle que le rattrapage financier pour permettre aux AED de toucher la même rémunération que leurs homologues de l'Éducation nationale est estimé à 1,7 million d'euros - chiffre à mettre au regard de 2,2 millions d'euros annulés au détriment de l'enseignement technique agricole dans la mission « enseignement scolaire ».

4. Valoriser le maillage territorial de l'enseignement agricole

L'une des principales forces de l'enseignement agricole réside dans son maillage territorial, permettant de disposer d'établissements de formation situés dans des zones rurales et répondant aux besoins du bassin de population qui y réside.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires, en réponse au questionnaire adressé par la rapporteure, souligne ainsi que « la densité du réseau des établissements d'enseignement agricole sur le territoire national induit un maillage très intéressant et sur de nombreux territoires ruraux, l'enseignement agricole est le seul organisme de formation présent au-delà du niveau collège. Ce maillage est indiscutablement un atout d'autant plus important que de par leur statut et les missions confiées par la loi, les établissements d'enseignement agricole sont conçus pour être des acteurs de développement et ouverts sur le territoire. Il faut reconnaître que cet atout, ce levier est sans doute insuffisamment pris en compte et que la communication autour de ce levier potentiel est à faire mieux connaître . »

La chambre d'agriculture de la Nièvre a également souligné auprès de la sénatrice Nadia Sollogoub, membre de la mission, l'enjeu du maillage territorial pour l'installation en agriculture, en relevant que « la plupart des candidats formés s'installent dans un rayon de 50 km autour du centre de formation ».

Toutefois, compte tenu des fragilités financières de certains établissements, notamment en milieu rural, et de la dynamique de regroupements d'établissements, déjà enclenchée, ce maillage est aujourd'hui fragilisé, voire menacé à moyen-long terme.

Cela ne va pas sans soulever des questions de régulation de l'offre de formation , notamment par l'ouverture de classes d'enseignement général dans le cadre d'un dialogue constructif avec l'Éducation nationale et les régions.

La mission estime qu'il est essentiel que les autorités académiques relevant des deux ministères ainsi que les fédérations de l'enseignement privé s'entendent pour optimiser le remplissage des classes au niveau local et permettre, ainsi, de conserver un maillage territorial de proximité .

La mission a observé sur le terrain comment une dynamique de mutualisation peut se créer en faveur de l'enseignement agricole. L'institut d'enseignement technologique de Hoymille, établissement privé particulièrement dynamique et inséré sur son territoire (terrain de sport et vestiaires servant à la commune le week-end, amphithéâtre de haut niveau permettant d'accueillir les réunions du conseil communautaire...), accueille désormais au sein de l'établissement des jeunes relevant d'un établissement privé sous contrat avec l'Éducation nationale, dans le cadre d'une optimisation des ressources. Toujours dans le Nord, elle a eu connaissance d'une ouverture de classe générale dans un établissement d'enseignement agricole public plutôt que dans un établissement relevant de l'Éducation nationale pour des raisons de rationalité budgétaire et de mutualisation des locaux. A contrario , la rapporteure a constaté à Bordeaux les difficultés rencontrées par la direction de l'EPLEFA de Bordeaux-Gironde pour ouvrir une nouvelle classe de seconde générale, alors que le nombre de demandes reçues dépasse le seuil de création d'une classe.

La mission a également eu connaissance des synergies créées entre les établissements publics de certaines régions, comme en Bretagne avec la création d'un groupement d'intérêt public regroupant l'ensemble des EPLEFPA, ainsi que des projets innovants et structurants pour le territoire portés par certains établissements, comme l'initiative The Land ou le projet de lycée des Buissonnets relevant du CNEAP.

La mission considère qu' une politique offensive de développement et d'accompagnement des initiatives doit ainsi être menée pour valoriser et consolider le maillage territorial de l'enseignement agricole.

Proposition n° 9 : mener, dans le cadre d'un étroit partenariat entre les autorités académiques, une politique offensive de développement et d'accompagnement des initiatives pour valoriser et consolider le maillage territorial de l'enseignement agricole.

B. CONSOLIDER LES FONDAMENTAUX DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE POUR QU'IL CONTRIBUE À RELEVER LES DÉFIS DE L'AGRICULTURE ET DES TERRITOIRES RURAUX

1. Revoir la cartographie des formations pour réussir le renouvellement des générations d'agriculteurs et répondre aux besoins des territoires ruraux
a) Retravailler la cartographie des formations pour mieux connecter l'enseignement agricole avec les besoins des professions agricoles et des territoires ruraux

Marianne Dutoit, administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA, a rappelé à la mission que « l'enseignement agricole était riche de près de 163 diplômes différents. »

S'il traduit la diversité des métiers et filières liés à l'enseignement agricole, ce nombre colossal complexifie considérablement la lisibilité de la cartographie des formations de l'enseignement agricole en France pour les élèves, pour les établissements mais également pour les employeurs.

Il apparaît essentiel de travailler à l'émergence d'un véritable tronc commun, donnant lieu, dans un second temps, à diverses spécialisations. Cela serait de nature à mieux mettre en avant la polyvalence des élèves à l'issue des formations proposées afin de mieux favoriser des carrières dynamiques.

Ce travail nécessite sans doute une nouvelle cartographie des formations proposées . Mais certaines formations le proposent déjà, comme le rappelle Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs : « je reviens aux contenus pédagogiques, au nombre de diplômes et à notre demande d'un tronc commun. Lorsque nous avons commencé à examiner le sujet, nous avons remarqué que le tronc commun était effectif sur un diplôme, le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), avec des options vers des BTS différents, adaptés aux territoires, aux productions, à la commercialisation, à la transformation, etc. Nous souhaiterions que ce modèle soit repris dans l'ensemble des diplômes agricoles. Il rendrait plus lisible de surcroît la formation agricole, qui souffre de ses 163 diplômes, en particulier auprès des jeunes qui ne sont pas issus du monde rural. »

Aujourd'hui, la majorité des étudiants de l'enseignement agricole préparent un diplôme qui est plus en lien avec la ruralité, notamment avec des diplômes dans le domaine des services à la personne par exemple, qu'avec l'agriculture à proprement parler.

Cette spécificité fait toute la force de l'enseignement agricole, qui est aujourd'hui particulièrement bien placé pour répondre aux demandes sociétales en matière de bien-être animal, de préoccupations environnementales, de proximité du monde rural...

Une véritable cartographie des métiers à venir dans les milieux ruraux est nécessaire pour que l'enseignement agricole, caractérisé par « une offre de formations à un public peu mobile, susceptible de se maintenir en milieu rural », selon Bruno Ricard du CGAAER, puisse répondre aux mieux à ces besoins.

Proposition n° 10 : simplifier et adapter la cartographie des formations proposées par l'enseignement agricole autour d'un tronc commun enrichi de spécialisations, afin de la rendre plus attractive et mieux en phase avec les attentes du monde agricole et, plus largement, des besoins des territoires ruraux.

Proposition n° 11 : évaluer les demandes de reconversions professionnelles vers les métiers de l'agriculture et prévoir les moyens budgétaires nécessaires à l'accompagnement de ces futurs agriculteurs.

b) Renforcer le volet économique et de gestion

La mission d'information a entendu certaines réserves quant au contenu de la formation proposée aux futurs exploitants agricoles.

Bien souvent, les agriculteurs installés concernés ont estimé que les formations économiques étaient insuffisantes.

Stéphane Cornec, membre du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs, par exemple, juge que « l e baccalauréat professionnel CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles), par exemple, ne permet plus de gérer une entreprise agricole. Les capacités techniques sont souvent acquises ; en revanche, la capacité à gérer un outil ne l'est pas. [...] L'activité est économique. Elle ne consiste pas simplement à aménager le territoire. Parmi ces compétences, nous voyons apparaître des besoins en commercialisation, venant s'ajouter aux compétences en gestion, en production et en ressources humaines. »

Dans leurs contributions écrites, les jeunes agriculteurs estiment que l'enseignement est trop technique et qu'il est essentiel de renforcer les compétences de gestionnaires d'entreprise et les savoirs transversaux, essentiels dans une optique de diversification des besoins et des compétences des chefs d'entreprises.

À bien des égards, la rapporteure est très attachée à ce que l'exploitant soit formé à produire, mais également à gérer sa ferme, à transformer ses produits et à les vendre.

Cette polyvalence est essentielle pour favoriser la diversification des revenus agriculteurs, facteur de résilience.

Au-delà de cet axe de progrès, l'insuffisance d'enseignements économiques peut placer les jeunes installés dans de grandes difficultés.

Or, comme le rappelle le rapport des sénateurs Françoise Férat et Henri Cabanel sur le sujet du suicide en agriculture 48 ( * ) , « un des éléments majeur à l'origine de situations de détresse en agriculture résulte du décalage entre la vision du métier développée par l'aspirant exploitant et le contenu réel de certaines tâches, notamment administratives, devant être effectuées très régulièrement.

« Pour beaucoup, le quotidien d'une exploitation est fait essentiellement de contacts avec la nature, la terre, les animaux, les matières premières. Si ces éléments sont, bien évidemment, très présents, ils tendent à occulter les autres aspects du quotidien d'un exploitant agricole : adaptation aux normes environnementales et sanitaires, démarches administratives chronophages à effectuer, préparation et réponse aux contrôles des pouvoirs publics, relations financières avec la MSA, réalisation d'un plan d'affaires pour décrocher un prêt, etc.

« La perception de ce décalage entre les aspirations et la réalité du terrain accentue, quand elle ne crée pas, une forme de mal-être au travail, qui prospère sur un sentiment de désillusion et un stress accru. »

Une contribution écrite, reçue par la rapporteure, le dit en d'autres termes : « il est possible de se relever d'une erreur technique ; une erreur de gestion peut être fatale à l'entreprise. »

Proposition n° 12 : revoir l'équilibre des référentiels de formation pour mieux valoriser les enseignements économiques et de gestion, mais aussi réglementaires et de santé-sécurité au travail.

c) Utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle

La mission a entendu diverses prises de position sur les modalités de prise en compte de l'agriculture biologique au sein de l'enseignement agricole.

Elle a pris note de la convention de partenariat signée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et la Fédération nationale de l'agriculture biologique, qui fait l'objet de déclinaisons au niveau régional, comme elle a pu le constater en Auvergne-Rhône-Alpes, la convention passée entre la DRAAF-SRFD et la FRAB mettant notamment l'accent sur le développement des partenariats et interrelations locales entre les groupements de producteurs bio et les établissements de l'enseignement agricole, ainsi que sur la promotion et l'intégration de l'agriculture biologique dans les cursus de formation.

Lors de sa visite du campus agronomique de VetAgro Sup à Clermont-Ferrand-Lempdes, Mathieu Capitaine, directeur de l'enseignement et de la vie étudiante sur le campus agronomique, a souligné l'intérêt que présentait l'analyse de l'agriculture biologique pour les autres modes d'agriculture et expliqué la démarche de l'École de ne pas ouvrir de formation spécifique au bio. La durabilité et la multiperformance, dans une démarche agroécologique, des systèmes agricoles et alimentaires et des territoires constitue ainsi l'un des quatre domaines prioritaires d'expertise de VetAgro Sup, défini dans son projet d'établissement axé autour du concept de santé globale.

La mission partage cette approche et considère que le développement de l'agriculture biologique, qui est l'un des aspects de la transition agro-écologique, peut et doit être utilisé par les établissements d'enseignement agricole, tant technique que supérieur, afin d'améliorer les connaissances et les réflexions d'ensemble sur les pratiques agronomiques, mais sans enfermer les apprenants dans un modèle. Ce point a été souligné à la mission par plusieurs syndicats agricoles.

Par ailleurs, l'agriculture biologique n'est pas la seule composante des évolutions portées par la transition agro-écologique. Il est important que chaque apprenant ait accès, au cours de sa formation, à une présentation exhaustive du fonctionnement d'une exploitation, notamment de petite taille, et de l'ensemble des pratiques agro-écologiques.

La force de l'enseignement agricole consiste à donner un socle de connaissances suffisamment large pour permettre aux futurs agriculteurs de bâtir leur modèle et de l'adapter le cas échéant en cours de carrière. Cette force doit demeurer, ce qui n'interdit pas de proposer davantage de spécialisation par pratique pour les élèves qui le souhaitent.

Proposition n° 13 : utiliser pleinement le bio et les autres pratiques agronomiques innovantes comme éléments de réflexion intégrés à un socle général de connaissances suffisant pour permettre aux futurs agriculteurs de choisir leur modèle et de s'adapter en cours de vie professionnelle.

d) Ajuster la composition de la commission professionnelle consultative

Le lien entre le monde enseignant et le monde professionnel agricole est assuré par une gouvernance fonctionnelle, qu'il convient toutefois de renforcer.

Au niveau national, les organisations professionnelles siègent au sein du Conseil national de l'enseignement agricole (CNEA) 49 ( * ) .

En outre, en application de l'article 31 de la loi précitée pour la liberté de choisir son avenir professionnel créant l'article L. 6113-3 du code du travail, une commission professionnelle consultative de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'aménagement des espaces (CPCAAA) a été constituée afin d'examiner les projets de création, de révision et de suppression des diplômes à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État et leurs référentiels relevant des champs professionnels de l'agriculture, l'agroalimentaire et de l'aménagement des espaces.

Cette commission associe des représentants de l'État à des représentants des organisations professionnelles des exploitants agricoles et des organisations syndicales des salariés, permettant aux acteurs du monde agricole d'être associés à l'élaboration des diplômes destinés à former les jeunes agriculteurs et salariés agricoles de demain.

Il est surprenant de constater que les chambres d'agriculture n'y sont pas associées, alors qu'elles le sont dans d'autres organes et qu'elles jouent un rôle essentiel.

Proposition n° 14 : nommer un représentant des chambres d'agriculture au sein de la CPCAAA.

e) Mieux prendre en compte l'ensemble de la filière agricole et agroalimentaire, notamment le volet transformation

Comme le rappelle Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA, « les métiers de l'agriculture sont non seulement divers et variés, mais aussi très nombreux. Ces derniers nécessitent des chefs d'entreprises, mais aussi des salariés, des techniciens et des ingénieurs par exemple. Cette diversité s'explique par l'étendue des missions relatives à l'agriculture qui s'effectuent à la fois dans les champs, mais aussi dans la distribution alimentaire . »

Or l'appariement entre les besoins en matière de recrutement des métiers de l'agriculture et les aspirations des élèves sortis de l'enseignement agricole pourrait être amélioré.

La note de conjoncture de janvier 2021 de l'Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) fait état de 30 000 emplois restés non pourvus dans l'industrie agroalimentaire en 2020, contre 10 000 en 2013, une entreprise sur deux rencontrant des difficultés de recrutement. Ce vivier d'emplois, essentiellement en milieu rural, peine à trouver des jeunes talents répondant à des critères de formation attendus.

Aujourd'hui, l'enseignement agricole peine à répondre à cette demande. Malgré une proximité quasi-immédiate avec des formations agricoles proposées au sein de l'enseignement professionnel, seuls 4 % des élèves sont inscrits dans des filières de formation destinée à la transformation agroalimentaire.

Ce décalage entre l'offre et la demande d'emplois provient de plusieurs facteurs. Une étude ManageriA / RégionJob estime que si 6 jeunes sur 10 disent avoir une bonne image du secteur, seulement 30 % d'entre eux déclarent qu'ils aimeraient y travailler, la majorité s'estimant plutôt mal informés sur les métiers du secteur (59 %), et plus encore sur les formations qui y mènent (65 %). Des jeunes, rencontrés par la mission d'information, ont confirmé cette impression, en avouant méconnaître les métiers proposés et les opportunités de carrière. Un vrai travail d'information auprès des jeunes de l'enseignement agricole reste ainsi à réaliser.

Dominique Chargé, président de La Coopération agricole et président du conseil de l'Institut Agro, souligne l'importance du lien entre enseignement agricole et filière de la transformation : « Nous avons besoin de matière grise car la transformation se situe à tous les échelons de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette. En 2019, les coopératives ont embauché 13 300 jeunes soit 10 % de plus qu'en 2018. Nous recrutons dans les métiers d'accompagnement et de conseil auprès des agriculteurs et dans la transformation et la commercialisation des produits. Nous avons aussi besoin de talents digitaux car le métier d'agriculteur se numérise via les Outils d'Aide à la Décision et le traitement de la donnée qui permettent de suivre l'état de santé des végétaux ou des animaux et d'intervenir en préventif. Enfin, nous recrutons des architectes capables de convertir un besoin nouveau en modèle économique coopératif structuré et rentable. (...) Nous avons besoin d'une connaissance fondamentale puissante pour trouver des solutions alternatives . » 50 ( * )

Par ailleurs, les industriels, que la mission a rencontrés au travers de La Coopération agricole et de l'ANIA, et les recruteurs estiment que les formations proposées aux élèves sont parfois trop généralistes, aboutissant à un manque d'expertise produit, et que la formation pratique, par les stages ou l'alternance, au sein de leurs établissements, demeure insuffisamment développée. Cela s'explique, avant tout, par une offre de formation hétérogène selon les territoires et, partant, des difficultés à remplir les promotions des CFA.

Il importe donc de mieux prendre en compte les besoins des transformateurs agroalimentaires, qui sont souvent des PME et les premiers employeurs industriels ruraux.

Proposition n° 15 : associer davantage les représentants des employeurs des entreprises de la transformation alimentaire à l'élaboration de la carte des formations, afin de mieux répondre à leurs besoins, et renforcer l'information autour des métiers proposés par la transformation agroalimentaire au sein de l'enseignement agricole.

f) Inciter à une meilleure coordination des représentants professionnels

Au niveau local, de nombreux professionnels siègent dans les conseils d'administrations des établissements de l'enseignement agricole, technique comme supérieur, et, parfois, en assurent la présidence. Par exemple, parmi les 30 membres des conseils d'administrations des EPLEFPA siègent le président de la chambre d'agriculture, des élus locaux et cinq représentants des « organisations professionnelles et syndicales représentatives des employeurs, des exploitants et des salariés des professions agricoles et des professions para-agricoles concernées par les missions de l'établissement public local ». Ils sont également membres du conseil régional de l'enseignement agricole (chambre d'agriculture, organisations professionnelles représentatives).

L'appréciation de l'efficacité de la gouvernance, à tout le moins d'une bonne association des professionnels agricoles, est plutôt positive malgré quelques réserves de certains syndicats minoritaires, exprimées notamment par Joris Miachon, de la Coordination rurale : « au niveau de la gouvernance, nous sommes minoritaires dans les instances. Les administrations compétentes ne nous considèrent pas comme des partenaires valables. Nous considérons en tout état de cause que la gouvernance ne peut que s'améliorer. »

Toutefois, sans en modifier la composition, des marges de manoeuvre existent pour que les acteurs professionnels se structurent davantage au sein de ces instances pour peser et orienter les débats en exprimant davantage leurs besoins professionnels.

Pour Marianne Dutoit, présidente de la commission Enseignement-Formation de la FNSEA, il existe « une inquiétude sur la gouvernance de la CPC, une réforme ayant renforcé la représentation des interprofessions, alors que nous sommes multi-professionnels. Le nombre de personnes qui connaissent parfaitement les différents métiers me paraît en retrait. Nous devons donc davantage nous coordonner. Nous avons toutefois peu de recul sur cette réforme récente. »

De même, les Jeunes agriculteurs, dans leur rapport d'orientation de 2020 sur le renouvellement des générations, estiment que « le réseau Jeunes Agriculteurs n'a jamais été organisé pour travailler sur la formation initiale : partage des informations entre échelons, construction des positions et défense d'une seule voix. Les représentants Jeunes Agriculteurs, même s'ils sont volontaires, vont parfois dans les instances sans pouvoir porter une position claire du réseau pouvant entrainer leur désintérêt pour le dossier. Les places, laissées libres, sont « occupées » par différentes structures qui ne partagent pas les mêmes objectifs que Jeunes Agriculteurs » et appellent à ce que le syndicat puisse s'affirmer « en tant que leader sur la formation initiale en participant, à tous les échelons, aux instances existantes sur le sujet et en se structurant pour prendre des positions cohérentes et les porter. »

Proposition n° 16 : inciter les représentants professionnels participant aux instances consultatives nationales et locales relatives à l'enseignement agricole à mieux se coordonner pour peser davantage.

2. Le besoin d'un lien plus étroit avec le monde de la recherche pour mieux valoriser les pratiques innovantes
a) Développer les partenariats

Pour relever ces défis économiques, environnementaux et sociétaux, l'enseignement agricole doit s'appuyer sur les dernières innovations issues du monde de la recherche pour les mettre le plus rapidement possible à la disposition des futurs professionnels du vivant qu'il est chargé de former.

Mais cette vocation est sans doute plus générale, comme le rappelle Gilles Trystram, directeur général d'AgroParisTech. Pour lui, l'enseignement agricole « est en réalité indispensable au coeur de l'ensemble des filières. En effet, les enjeux relatifs au carbone renouvelable, au changement climatique, aux transitions en cours, trouveront leur réponse, d'une manière ou d'une autre, dans un lien avec l'agriculture et avec le monde situé en aval de l'agriculture ».

C'est pourquoi la mission d'information estime crucial de mobiliser et de consolider l'ensemble des outils renforçant les interactions entre la recherche et l'enseignement agricole, technique comme supérieur.

Cette coordination passe d'abord par un lien permanent entre les organismes de recherche et les établissements de l'enseignement supérieur agricole, notamment au sein des unités mixtes de recherche , des écoles universitaires de recherche...

Comme le rappelle Cyril Kao, directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe de l'Inrae, « notre relation à l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire [...] est consubstantielle à nos missions et à notre organisation, puisque nous comptons 125 unités mixtes de recherche au niveau national. 70 d'entre elles font partie des équipes de ces écoles. Les enseignants-chercheurs des écoles du supérieur et nos propres chercheurs travaillent conjointement à des projets scientifiques, ce qui participe directement au ressourcement mutuel, pour faire évoluer à la fois les connaissances et les enseignements associés qui sont dispensés aux communautés d'élèves dans ces écoles. »

Ces partenariats bilatéraux sont essentiels et doivent être davantage promus pour renforcer ces interactions. Si cette dynamique est incontestable, notamment au sein des stratégies de sites, par la signature de nouvelles conventions-cadres ou des mécanismes de co-programmation des moyens entre l'Inrae et des acteurs de l'enseignement supérieur pour certains programmes, elle doit être accompagnée et renforcée pour dégager de nouvelles synergies entre le monde de la recherche et le monde universitaire agricole.

Proposition n° 17 : renforcer les interactions entre organismes de recherche et établissements de l'enseignement supérieur agricole au travers de partenariats bilatéraux ou multilatéraux.

b) S'appuyer sur l'alliance Agreenium

Ce dialogue permanent entre la recherche et l'enseignement supérieur doit également s'appuyer sur l'alliance Agreenium, récemment réformée par l'article 46 de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 51 ( * ) .

Le législateur a entendu réformer sa gouvernance, en substituant à son statut d'établissement public celui d'une alliance, ayant le statut juridique de convention de coopération territoriale, sous l'égide de l'Inrae. L'ambition du nouveau dispositif est de renforcer les liens entre les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire tout en développant de nouvelles dynamiques internationales et la mise en ligne de contenus numériques de formation.

Cette instance de coordination, rassemblant désormais des membres volontaires, pourrait jouer le rôle de prototype de coordination entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique afin d'accélérer les transferts des dernières connaissances et techniques jusqu'au monde agricole.

Proposition n° 18 : expérimenter un enrichissement du rôle de l'alliance Agreenium d'une mission de coordination au niveau national entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique agricole.

c) Mieux prendre en compte la recherche agronomique et agricole dans les dispositifs de soutiens publics

À l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour la recherche, Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a déclaré devant le Sénat qu'il « n'y a pas de grande nation sans une recherche d'excellence à la hauteur des défis globaux de notre temps ». La rapporteure prend acte des intentions du Gouvernement pour renforcer la recherche française, à travers cette loi de programmation qui prévoit notamment « un réinvestissement massif et inédit dans tous les domaines de connaissance ».

Lors de son audition, Philippe Mauguin, président-directeur général de l'INRAE, a relevé que cette loi de programmation « devrait permettre de relancer les recrutements dans la recherche française en général, après une dizaine d'années de tassement ou de léger retrait de l'emploi dans le secteur. (...) La baisse dans la recherche a atteint environ 1 % par an sur dix ans, soit 10 % au global. Nous nous félicitons de la perspective de hausse qui se dessine désormais pour les jeunes du supérieur qui souhaitent s'engager dans la recherche ».

Aussi la mission appelle-t-elle à tirer pleinement les conséquences de cette volonté politique et à bien prendre en compte le financement de la recherche en matière agronomique et agricole. Ce point a notamment été abordé lors de la visite de la mission à VetAgro Sup. À cet égard, il lui semble nécessaire que l'instrument de financement « jeune chercheur-jeune chercheuse », porté par l'Agence nationale de la recherche et dont le but est de préparer la nouvelle génération de jeunes chercheurs et chercheuses, inclut expressément la recherche agronomique dans ces domaines. De manière générale, la mission appelle à la création de postes pérennes et au lancement d'appels à projets génériques sur ces thématiques par l'Agence nationale de la recherche.

Enfin, la rapporteure relève, dans le cadre de cette loi, la hausse de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ainsi que celle des effectifs sous plafond de l'État et des opérateurs. Elle s'interroge néanmoins sur la bonne prise en compte de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles. Elle regrette notamment que la hausse des crédits prévue par l'article 2 de cette loi - qui doivent notamment permettre des créations de postes - concerne les programmes budgétaires « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (programme 172), « Recherche spatiale » (programme 193) et « Formations supérieures et recherche universitaire » (programme 150), mais pas le programme 142, dédié à l'enseignement supérieur agricole et la recherche.

Proposition n° 19 : renforcer les aides à la recherche en matière agronomique et agricole, notamment par la création de postes pérennes dans ce domaine ainsi que par des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et à travers le dispositif « jeune chercheur-jeune chercheuse ».

d) Accélérer le transfert des innovations issues du monde de la recherche

Les transferts des innovations issues du monde de la recherche jusqu'aux lycées agricoles pourraient en outre être accélérés.

Des partenariats nationaux et territoriaux, au plus près des besoins locaux, sont mis en oeuvre en associant les organismes de la recherche pour faciliter la réalisation d'expérimentation et la recherche d'innovation pratique bénéficiant, in fine , aux exploitants agricoles, par le biais de financements fléchés (par le compte d'affectation spécial au développement agricole et rural (CasDAR) notamment) et des moyens humains mis à disposition pour conduire ces projets.

Concernant ce lien, comme le rappelle Philippe Mauguin, président directeur général de l'Inrae, « l'importance des stages et des fermes dans les lycées agricoles est tout à fait claire. [...] Ces lieux sont des lieux privilégiés de confrontations des univers car il est possible d'y traduire de façon concrète les avancées des connaissances techniques. »

François Beaupère, au nom de l'APCA, le dit autrement : « l'agronomie ne s'apprend pas uniquement dans les livres, mais en grande partie sur le terrain . »

En 2020, ces 192 exploitations agricoles et 35 ateliers technologiques et centres équestres au sein des établissements d'enseignement agricole publics représentaient une surface cultivée de 19 031 hectares.

Les établissements sont extrêmement actifs au service des nouvelles pratiques culturales et agronomiques : fin 2020, près de 25 % de la surface cultivée dans ces établissements étaient en agriculture biologique ; 70 % de ces exploitations n'utilisent plus de glyphosate et, dans les mêmes proportions, sont partenaires d'au moins un dispositif Ecophyto, notamment au sein du réseau de fermes de démonstration DEPHY.

Proposition n° 20 : accroître la diffusion des pratiques innovantes dans les exploitations agricoles au sein des établissements d'enseignement agricole, en renforçant le dispositif de suivi de ces exploitations.

L'autre véhicule permettant d'accélérer les transmissions des dernières innovations au monde de l'enseignement réside, bien entendu, dans la formation des enseignants et dans le contenu des référentiels de formation .

Sur ce dernier point, les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur gagneraient à être davantage associés à l'élaboration des référentiels des formations pour s'assurer d'un enrichissement suffisant du contenu des programmes en récentes découvertes issues du monde de la recherche. À l'image de la révision des référentiels en 2016-2017, lors de laquelle des chercheurs de l'Inrae et d'AgroParisTech avaient été associés à la réflexion sur les nouveaux référentiels des BTSA option Analyse et conduite des systèmes d'exploitation (ACSE), la DGER pourrait plus systématiquement consulter les chercheurs les plus qualifiés sur certaines questions techniques pour renouveler et améliorer ces référentiels.

Proposition n° 21 : mieux associer les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur à l'élaboration des référentiels de formation des enseignements techniques agricoles.

e) Valoriser le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA)

Concernant la formation des nouveaux enseignants, Christophe Fachon, directeur général délégué à Junia pour ISA Lille, rappelle que « pour former les enseignants et les CPE, il est nécessaire de mobiliser la recherche à la fois dans le domaine des sciences de l'éducation et dans le domaine des sciences agronomiques. Nous avons besoin d'un aller-retour en termes de recherche pour obtenir les meilleurs professionnels possibles en tant qu'enseignants et CPE dans les lycées agricoles. »

À cet égard, l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) joue un rôle essentiel . Implantée au sein de l'Agrobiopôle Auzeville-Tolosane, cette école a la charge de la formation professionnelle initiale et continue des enseignants et personnels d'éducation de l'enseignement agricole. Elle conduit également des actions de recherche, d'innovation et d'ingénierie pour l'enseignement agricole. Elle joue un rôle particulier comme passerelle entre le monde de la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique.

Emmanuel Delmotte, ancien directeur de l'ENSFEA, doyen de l'Inspection de l'enseignement agricole du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, estime que cette école ne forme « pas en effet les enseignants et les CPE comme l'Éducation nationale. Il est important de réaliser une transposition dans l'enseignement agricole, en respectant ses spécificités pour développer une véritable culture de l'enseignement agricole . » À cet égard, la transposition de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (dite « loi Blanquer »), doit mieux prendre en compte les spécificités du modèle agricole selon Emmanuel Delmotte : « le cadre de la formation est, en l'occurrence, le Master Métiers de l'éducation, de l'enseignement et de la formation (MEEF). Quand nous parlons de transposition de la loi Blanquer à l'enseignement agricole, le premier point concerne le fait que l'établissement soit accrédité à délivrer ce Master MEEF, mais avec des spécificités qui correspondent aux aspects en termes de politique publique portée par le ministère de l'agriculture. Par exemple, une place importante est accordée à la transition agroécologique. Il s'agit de faire exister un tronc commun qui permette d'intégrer un certain nombre d'enseignements pour que l'ensemble des enseignants possèdent une culture commune. Il ne s'agit pas par exemple pour un enseignant en mathématiques de devenir un spécialiste en agroécologie. En revanche, lorsqu'il enseignera les mathématiques dans le lycée agricole, il pourra partager un certain nombre de références avec les élèves et ses collègues des autres disciplines. La communauté pédagogique et éducative sera ainsi constituée d'un groupe d'enseignants capables de travailler ensemble, afin de délivrer les formations générales, professionnelles ou technologiques les mieux adaptées à l'environnement de l'établissement. »

Proposition n° 22 : valoriser le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) pour mieux prendre en compte les spécificités de l'enseignement agricole dans la formation des enseignants et des personnels d'éducation, notamment dans la transposition de la loi pour une école de la confiance.

f) Renforcer les moyens consacrés aux réseaux mixtes technologiques

Enfin, d'un point de vue plus organisationnel, un dialogue intéressant s'opère, lorsqu'ils existent, au sein des réseaux mixtes technologiques (RMT), qui constituent un outil dont les mérites ont été vantés par de nombreuses personnes auditionnées.

Créés par la loi d'orientation agricole de 2006 52 ( * ) , ils rassemblent des équipes de recherche, de formation et de développement, autour de thématiques innovantes présentant des enjeux environnementaux et socio-économiques et environnementaux.

Chaque RMT doit comprendre au minimum cinq organismes dont trois instituts techniques ou chambres d'agriculture, au moins un établissement d'enseignement technique et un établissement de recherche publique ou un établissement d'enseignement supérieur (article D. 800-3 du code rural et de la pêche maritime).

Coordonnés par des professionnels sous l'égide des chambres d'agriculture et des instituts techniques agricoles ou agroalimentaires, ces réseaux peuvent proposer des programmes de recherche afin d'être soumis, par exemple, aux appels à projets du programme national de développement agricole et rural (PNDAR).

Pour promouvoir le décloisonnement entre les acteurs de la recherche et du développement et ceux de l'enseignement, cet outil permet de réaliser des synthèses de connaissances scientifiques, de mieux valoriser des résultats de recherche, de mettre au point des techniques et outils innovants et de mieux valoriser leur transmission par la formation et le conseil aux agriculteurs.

Pour le domaine agricole, 22 réseaux mixtes technologiques sont à recenser dans le champ de la production et 7 dans le champ des industries agro-alimentaires. Les lycées agricoles y sont très présents puisque, sur un total de 200 établissements participant à ces RMT, on retrouve 45 lycées agricoles.

Au sein de ces dispositifs, la DGER a affecté un enseignant qui dispose d'un tiers-temps afin d'améliorer la gestion de la recherche et du développement et de faciliter l'irrigation des établissements agricoles affiliés au réseau. Le rôle de ces enseignants dans la transmission des pratiques innovantes est essentiel et mériterait d'être revalorisé, en augmentant le nombre de référents ou en augmentant la durée de la décharge accordée par la DGER.

Proposition n° 23 : au sein des réseaux mixtes technologiques, augmenter les moyens affectés aux tiers temps des enseignants y participant, en envisageant un passage à un mi-temps, ou en augmentant le nombre d'enseignants éligibles.

3. Renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre pour donner aux filles et aux femmes toute leur place

La mission relève que la place des filles et des femmes dans l'enseignement agricole s'est nettement améliorée, grâce à l'engagement des acteurs de l'enseignement, tant dans l'enseignement technique que dans l'enseignement supérieur. Elle salue l'action du Gouvernement pour briser les stéréotypes de genre sur ces filières de formation et valoriser leurs témoignages.

Néanmoins, et ce point a été souligné par Sabine Brun-Rageul, directrice de Bordeaux Sciences Agro et co-fondatrice du réseau de femmes en agriculture en Nouvelle-Aquitaine intitulé Gaïa, les constats dressés en 2017 par le rapport d'information d'Annick Billon, Marie-Pierre Monier et plusieurs de leurs collègues, au nom de la délégation aux droits des femmes, sur les femmes et l'agriculture restent d'actualité, tout comme ses recommandations 53 ( * ) .

La mission d'information les reprend donc à son compte et considère qu' une politique volontariste pour lutter contre les préjugés de genre demeure nécessaire .

Proposition n° 24 : poursuivre et renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre sur la base des recommandations formulées par le Sénat dans son rapport « Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires ».

4. Favoriser un accès diversifié à l'enseignement supérieur agricole

Plusieurs personnes rencontrées par la mission ont mis en évidence l'importance de la diversification des profils recrutés au sein de l'enseignement supérieur agricole.

La mise en place de la plateforme Parcoursup a, à cet égard, été saluée par de nombreux acteurs. Christophe Degueurce, directeur de l'ENVA, a ainsi souligné que la mise en place d'une nouvelle voie de recrutement au sein des écoles nationales vétérinaires, via Parcoursup, permettait de voir apparaître de nouveaux profils ( cf . infra).

Les échanges que la mission a eus avec les équipes de Bordeaux Sciences Agro ont également souligné l'intérêt de l'apprentissage au sein de l'enseignement supérieur agricole.

L'attention de la mission a toutefois été appelée, à l'occasion de la visite du campus de VetAgro Sup à Clermont-Ferrand, sur l'intérêt de la filière de recrutement dite « Fontanet », permettant d'obtenir un diplôme d'ingénieur au titre de la formation continue. Les personnes rencontrées ont regretté la disparition de cette filière au sein de cette école.

La mission souhaite donc que le Gouvernement envisage le recours à la voie Fontanet au sein des différentes écoles de l'enseignement supérieur agricole afin de permettre un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long.

Proposition n° 25 : envisager le recours à la voie Fontanet au sein des différentes écoles de l'enseignement supérieur agricole afin de permettre un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long.

5. Lutter contre la désertification vétérinaire dans les territoires ruraux et mieux comprendre les raisons des vétérinaires qui quittent la profession

Ne pas former suffisamment de vétérinaires, c'est exposer la ruralité à une absence de ces professionnels essentiels au maintien d'activité agricole. Trop d'erreurs et d'inactions ont abouti à l'apparition de déserts médicaux : il est essentiel de tirer les leçons de cet échec, en donnant notamment aux écoles nationales vétérinaires la capacité de former dans de bonnes conditions un nombre suffisant de vétérinaires, sous peine de voir se multiplier, sous peu, des déserts vétérinaires qui sont déjà une réalité dans certains territoires.

Aujourd'hui, ce phénomène s'explique avant tout par la raréfaction des vétérinaires spécialisés dans les animaux de ferme formés en France, compte tenu des aspirations des jeunes générations à travailler au plus près des animaux de compagnie, tout en ayant un cadre de vie plus urbain. Cela pose des difficultés en matière de suivi sanitaire et de permanence des soins aux animaux d'élevage et met en péril certaines pratiques agricoles.

L'Ordre national des vétérinaires, dans son atlas démographique vétérinaire, constate que 40 départements sont désormais concernés par ce phénomène de désertification vétérinaire, notamment dans des zones à faible densité d'élevage.

Toute la difficulté vient du fait que l'insuffisance de vétérinaires pour animaux de rente s'accroît : le nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux d'élevage a reculé de 15 % ces 5 dernières années. Si la tendance se poursuit, à défaut de remplacement par les jeunes praticiens des anciens vétérinaires ruraux proches de la retraite, le manque de couverture vétérinaire dans certaines zones d'élevage, denses cette fois, s'aggravera.

Dans ce contexte, la mission rappelle l'importance stratégique de promouvoir un enseignement vétérinaire répondant aux besoins constatés dans les territoires et de remettre en avant les activités vétérinaires auprès d'animaux de rente.

La mission prend acte à cet égard des dernières informations communiquées par la DGER, qui souligne que l'année 2022 sera la première année d'un plan pluriannuel, sur 10 ans, de renforcement de la capacité d'accueil des quatre écoles nationales vétérinaires. Cette capacité devrait progressivement être portée à 3 500 étudiants, avec le recrutement de 180 encadrants supplémentaires. La DGER précise que, dès 2022, les écoles nationales vétérinaires bénéficieront de crédits supplémentaires à hauteur de 2,3 millions d'euros (en plus des crédits inscrits dans les contrats de plan État-région 2021-2027) et de 28 emplois supplémentaires permettant des recrutements pour renforcer leur capacité clinique et pédagogique et assurer les accréditations européennes. Ces orientations apparaissent positives.

Mais l'enseignement ne peut pas tout : la mission estime qu'en parallèle, l'installation de jeunes vétérinaires en zone rurale doit être davantage promue. Elle souligne, à cet égard, l'intérêt du dispositif d'aides financières à l'installation des jeunes vétérinaires dans les zones tendues, proposé par le Sénat en 2020 et aujourd'hui en vigueur.

Inspiré des mécanismes permettant de lutter contre les déserts médicaux, ce dispositif, figurant à l'article L. 1511.-9 du code général des collectivités territoriales permet, dans des zones tendues déterminées par arrêté du ministre de l'agriculture, aux collectivités territoriales qui le souhaiteront, de distribuer des aides à l'installation et au maintien des vétérinaires. En outre, elles peuvent verser des indemnités d'étude et de projet professionnel à des étudiants s'engageant, en signant une convention, à exercer sur leur territoire s'il se situe dans une zone désertée. En cas de non-exercice ou de non-installation ou d'une durée d'exercice inférieure à la durée minimale de cinq ans prévue par décret (art. D. 1511-62 du CGCT), l'étudiant ou le professionnel doivent bien entendu rembourser les sommes dues.

Ce dispositif, entré en vigueur en décembre 2020, doit déployer ses effets et être promu, notamment pour aider financièrement les jeunes vétérinaires à s'installer, en veillant au respect des engagements pris.

Enfin, les directeurs de l'ENVA et de VetAgro Sup ont souligné que de nombreux vétérinaires quittaient la profession après quelques années d'exercice. La mission souhaite qu'une étude soit systématiquement menée auprès des sortants afin de mieux analyser les raisons de ces évolutions de carrière et d'être en mesure d'en tirer toutes les conséquences.

Proposition n° 26 : ajuster le nombre de vétérinaires formés aux besoins des territoires ; assurer le bon déploiement du dispositif d'incitation à l'installation dans les territoires ruraux adopté à l'initiative du Sénat, en veillant au respect des engagements pris ; mener systématiquement une étude auprès des sortants afin de mieux analyser les raisons de ces évolutions de carrière et d'être en mesure d'en tirer toutes les conséquences.

6. Mobiliser l'enseignement agricole sur le thème du bien-être de l'agriculteur

Le bien-être animal a pris une place croissante dans les débats de société et est de plus en plus pris en compte par l'enseignement agricole.

La mission d'information souhaite pour sa part mettre l'accent sur le « bien-être des agriculteurs », car comme l'a souligné la responsable de la ferme pédagogique du lycée agricole de Rochefort-Montagne, cultiver ou élever ne doit pas obligatoirement se faire dans la pénibilité et la douleur.

Grâce à leur pédagogie centrée sur l'expérience et au formidable atout que constituent les fermes pédagogiques, l'enseignement agricole peut jouer un rôle majeur pour améliorer les outils et les pratiques, et contribuer ainsi au changement de regard sur la pénibilité ou les contraintes de la profession agricole.

Dans le prolongement de l'examen de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs 54 ( * ) , la mission considère également important de mettre l'accent sur la rémunération des agriculteurs. Au-delà des aspects économiques et de gestion qu'il convient de renforcer, l'enseignement agricole, par sa capacité à intégrer les problématiques liées au changement climatique, à la maîtrise des charges et à l'évolution des différentes normes, est un dispositif essentiel pour permettre aux futurs agriculteurs d'améliorer demain leurs conditions de vie.

Proposition n° 27 : mobiliser l'enseignement agricole sur la thématique du bien-être de l'agriculteur.

C. RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE POUR LES APPRENANTS, POUR LES FAMILLES ET POUR LES PERSONNELS

1. Développer la connaissance de l'enseignement agricole dans les collèges, promouvoir l'enseignement agricole auprès du grand public, agir à l'échelon départemental : trois pistes d'amélioration en faveur d'une meilleure orientation vers l'enseignement agricole
a) Améliorer la connaissance de l'enseignement agricole dans les collèges
(1) Familiariser les enseignants

La mission d'information a acquis une conviction : pour attirer de nouveaux élèves dans l'enseignement agricole, il est vital de mieux faire connaître cette filière de formation et les métiers auxquels elle prépare dans les collèges, point stratégique de l'orientation.

Cela passe tout d'abord par une action en direction de la communauté éducative, et notamment des enseignants relevant de l'Éducation nationale.

Comme en témoigne Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes, « nous avons rencontré cette année tous les DASEN et nous constatons également un déficit de connaissance par les équipes pédagogiques, qui sont au plus près du conseil en matière d'orientation aux jeunes » .

D'autres personnes auditionnées, à l'image de Victor Grammatyka, président de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), ont indiqué la difficulté qu'avaient les établissements agricoles de pouvoir mener des campagnes de promotion au sein des collèges et lycées environnants : « Notre faculté à capter l'attention des jeunes collégiens varie selon les territoires. Dans certains départements, certains de nos collègues parviennent à mener des campagnes de promotion au sein des collèges et lycées environnants. Sur le secteur des Hauts-de-France par exemple, la situation est nettement plus difficile. Pourtant, une convention-cadre a été signée entre l'Éducation nationale, l'Enseignement agricole et l'association des départements de France afin d'effectuer la promotion de nos enseignements et d'orienter les jeunes vers ceux-ci » 55 ( * ) .

La mission d'information préconise de renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole, y compris hors champ agricole, en prévoyant, par exemple une présentation systématique de l'enseignement agricole voire, en fonction des territoires, une association directe de l'enseignement agricole dans les collèges et lycées de l'Éducation nationale - par le biais d'une présence au sein du conseil d'administration par exemple. Une telle présence serait de nature à familiariser la communauté éducative à l'existence de cette filière et à la percevoir comme un partenaire possible pour l'orientation des élèves, y compris ceux ne rencontrant pas de difficultés scolaires.

Proposition n° 28 : renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole, y compris hors champ agricole, en prévoyant, par exemple une présentation systématique de l'enseignement agricole, voire en fonction des territoires, une association directe de l'enseignement agricole par le biais des conseils d'administration des collèges et lycées.

(2) Accentuer et anticiper la présentation de l'enseignement agricole dans les temps dédiés à l'orientation des élèves

La réforme du lycée a profondément modifié le processus d'orientation des élèves. En effet, les spécialités choisies jouent un rôle plus important sur Parcoursup et le choix de la filière d'enseignement supérieur. Or, comme le remarquait Pierre Mathiot devant la commission de la culture du Sénat le 16 juin dernier, de nombreux élèves émettent des voeux très différents et ne réfléchissent à leurs orientations que lorsqu'ils obtiennent des réponses positives.

La prise en compte de l'enseignement agricole
sur la plateforme Parcoursup

L'enseignement agricole est un partenaire historique de Parcoursup, puisque les BTSA étaient déjà présents dans APB « admission post-bac ». Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a suivi la construction et les différentes saisons de Parcoursup comme un partenaire essentiel et contributeur à la réflexion et aux évolutions de la plateforme. Il est étroitement associé au pilotage de la plateforme (comité de pilotage interministériel, comité de pilotage hebdomadaire de pilotage des SAIO, comité de pilotage technique informatique...).

L'offre de formation relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a été ainsi étendue au fil des saisons de Parcoursup (inclusion des certificats de spécialisation, des écoles d'ingénieur recrutant post-bac...), et couvre depuis le recrutement 2019, 100 % de l'offre de formations post-bac relevant de ce ministère.

Plus de 1 100 formations de l'enseignement supérieur agricole sont accessibles via Parcoursup, dont 84% en BTSA-BTS. La moitié de ces formations concernent la voie de l'apprentissage (Source : Parcoursup, MESRI, au 22 janvier 2020). En 2019, plus de 145 000 voeux ont été enregistrés pour des formations de l'enseignement supérieur agricole (Source : Parcoursup, MESRI, au 7 juin 2019).

Certaines formations permettent de préparer, en 2 ans, aux concours communs (A ou A-TB) d'entrée dans les écoles publiques d'agronomie ou vétérinaires :

• pour les bacheliers généraux : classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) « biologie, chimie, physique et sciences de la terre » (BCPST) ;

• pour les bacheliers technologiques : classes préparatoires aux grandes écoles « technologie et biologie » (A-TB).

Via Parcoursup, certaines écoles recrutent directement après le bac. C'est notamment le cas de l'Institut Agro - Agrocampus Ouest, en spécialités « agroalimentaire », « horticulture » et « paysage » ; d'Oniris, en spécialité « agroalimentaire » ; d'AgroSup Dijon (Geipi Polytech) ; de Bordeaux Sciences Agro (CPBx) ; de l'École nationale supérieure de paysage de Versailles (ENSP).

Depuis la rentrée 2020, l'ENSP, en partenariat avec l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles (ENSAV) et l'École nationale supérieure d'art de Paris-Cergy (ENSA-PC), recrute post-bac sur Parcoursup pour un cycle préparatoire d'études en paysage, ouvrant également sur les études d'art et d'architecture. En 2020, le recrutement a été paramétré comme un cycle préparatoire d'études en paysage classique, avec seulement un descriptif des spécificités de la formation dans la fiche descriptive. Les écoles ont constaté que trop de profils « paysagiste » étaient présents dans cette première année commune, et pas assez de profils « artiste » ou « architecture ». Le service Parcoursup a été à l'écoute de ce bilan réalisé par le MAA et les écoles qui ont demandé un paramétrage spécifique pour cette année, identifié « art architecture paysage ». Ce nouveau paramétrage a été réalisé pour la session 2021.

Les inscriptions dans les écoles privées sous contrat avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont également intégrées sur Parcoursup. C'est ainsi le cas des écoles du réseau France Agro 3 (EI Purpan, Junia Isa, ISARA, ESA d'Angers) et d'UniLaSalle.

À partir de la session 2021, la nouvelle voie du concours vétérinaire est accessible aux élèves de terminales via Parcoursup. Pour tous les renseignements, Parcoursup est la référence ainsi que le site internet d'information dédié. Les 160 étudiants recrutés en 2021 sur Parcoursup accéderont au diplôme d'État de docteur vétérinaire après six ans d'études au sein d'une des quatre écoles nationales vétérinaires (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse). Ils seront rejoints en deuxième année d'études vétérinaires par les étudiants recrutés par les autres voies du concours vétérinaire, notamment celle organisée à l'issue de la classe préparatoire « biologie-chimie-physique-sciences de la terre » (BCPST). Comme l'ont souligné à la mission le directeur de l'ENVA et la directrice générale par intérim de VetAgro Sup, cette nouvelle voie d'accès entre dans la stratégie gouvernementale de diversification sociale du recrutement des grandes écoles et devrait permettre aux écoles nationales vétérinaires de recruter des élèves prometteurs sur des critères d'aptitudes futures à exercer un métier de vétérinaire, et non sur des critères uniquement académiques propres aux concours post classe préparatoire.

Par ailleurs, le BTSA à distance d'Eduter-CNPR et les certificats de spécialisation agricole sont également accessibles sur la plateforme Parcoursup.

Source : à partir de la réponse adressée par le service Parcoursup
au questionnaire de la rapporteure et des visites d'établissement

Tirant les conséquences de la réforme du lycée, un temps plus important dédié à la construction du parcours de formation de l'élève est prévu au cours de sa scolarité. Ainsi, au collège, 12 heures annuelles en classe de quatrième et 36 heures annuelles en classe de troisième doivent désormais être dédiées à l'orientation. Ensuite, 54 heures annuelles consacrées à l'orientation sont prévues en lycée général et technologique, et 265 heures sur trois années en voie professionnelle sous statut scolaire.

Pour la mission d'information, les profonds bouleversements que connaissent actuellement le lycée et l'orientation sont une occasion à saisir pour faire connaître le plus tôt possible la diversité des métiers proposés.

Il en va d'ailleurs de la survie de l'enseignement général dans l'enseignement agricole. Comme le note le rapport du CGAAER, « Les chefs d'établissement attribuent principalement cette diminution [des effectifs ces deux dernières années à l'entrée en seconde] à l'offre trop réduite d'enseignements de spécialité. En effet, les familles ont la préoccupation de permettre à leur enfant d'accéder au maximum de choix en fin de seconde GT. Elles ont donc tendance à choisir, pour l'admission de leur enfant en seconde GT, le lycée de secteur qui proposera un panel nettement plus large que celui du LEGTA » . Si, pour la mission d'information, il est indispensable que plus de spécialités et d'options soient proposées dans les lycées agricoles ( cf. ci-après), elle est également consciente qu'en raison de leurs tailles plus petites, la très grande majorité des lycées agricoles ne pourront pas proposer autant d'options et spécialités que les lycées de l'Éducation nationale du bassin. Il y a donc nécessité d'agir en amont pour montrer la diversité des débouchés possibles grâce à l'enseignement agricole, y compris dans la filière générale.

La mission préconise de prévoir, dans le cadre de ces heures obligatoires, la venue d'un proviseur de lycée agricole ou d'un directeur de maison familiale rurale devant les élèves pour permettre de présenter l'enseignement agricole. Dès lors que l'enseignement agricole recrute à partir de la 4 ème , elle suggère en outre, à la suite de l'échange qu'elle a eu avec Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de l'instruction publique et de l'action pédagogique à la direction générale de l'enseignement scolaire, d'expérimenter une anticipation de cette présentation en 5 ème , dans le cadre d'un partenariat entre un rectorat et une DRAAF devant faire l'objet d'une évaluation circonstanciée.

Proposition n° 29 : prévoir en 4 ème et en 3 ème , dans le cadre des heures annuelles d'orientation, la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale rurale devant les élèves des collèges relevant de l'Éducation nationale pour permettre une présentation de l'enseignement agricole.

Proposition n° 30 : expérimenter une anticipation de cette présentation en 5 ème , dans le cadre d'un partenariat entre un rectorat et une DRAAF devant faire l'objet d'une évaluation circonstanciée.

(3) Rapprocher la plateforme Chlorofil de l'ONISEP

Le rapport précité du CGAAER sur l'orientation préconisait de rapprocher la plateforme Chlorofil, plateforme « par et pour les professionnels de l'enseignement agricole » dépendant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, de la plateforme numérique de l'ONISEP.

L'ONISEP a indiqué à la rapporteure utiliser Chlorofil comme source d'information de référence pour la veille sur l'enseignement agricole, notamment afin de trouver les arrêtés de création ou rénovation de diplômes, les référentiels de diplômes ou des données statistiques d'insertion.

Pour autant, le rapprochement plus large préconisé par le CGAAER n'a pas encore été initié. La mission d'information recommande donc de procéder à ce rapprochement préconisé par le CGAAER.

Proposition n° 31 : rapprocher la plateforme Chlorofil de la plateforme numérique de l'ONISEP, tel que préconisé par le CGAAER.

(4) Mieux utiliser l'obligation de stage en 3ème pour faire découvrir le potentiel des métiers de l'agriculture et de l'enseignement agricole

La découverte des métiers de l'enseignement agricole passe également par une découverte en dehors du cadre scolaire classique, à travers des stages notamment. Des stages de découverte du monde professionnel sont prévus lors de la scolarité de l'élève. Tel est notamment le cas des stages obligatoires de troisième, de cinq jours. Ceux-ci doivent être, pour l'élève, l'occasion de découvrir le monde du travail, partager le quotidien des professionnels et bénéficier d'une expérience concrète. La mission d'information appelle à un travail, en lien avec les chambres d'agriculture et les établissements de l'enseignement agricole, à utiliser cette obligation scolaire pour faire découvrir les métiers de l'agriculture et de l'enseignement agricole : communications ciblées dans les établissements scolaires en fin de quatrième ou en tout début d'année scolaire - ce stage étant parfois effectué, selon les établissements avant ou après les vacances de la Toussaint -, proposition de stages dans des entreprises des métiers de l'agriculture et du vivant, situées à proximité de l'établissement scolaire, adaptées à des adolescents de 14 ans... Il en est de même pour les stages d'initiation et les stages d'application.

Outre ces stages obligatoires, les élèves ont également la possibilité, à partir de 14 ans, d'effectuer des stages dans une entreprise, pendant les vacances scolaires, pour une durée maximale d'une semaine, en vue de l'élaboration de leur projet d'orientation. L'article L. 332-3-1 du code de l'éducation prévoit explicitement que « dans l'exercice de leurs compétences, les chambres consulaires apportent leur appui à l'organisation de ces périodes » . Il paraît important de saisir cette opportunité offerte par le code de l'éducation pour mieux faire connaître les métiers du vivant - dans le respect de la sécurité du mineur et de l'intérêt pédagogique du stage.

Proposition n° 32 : utiliser pleinement l'obligation de stage en troisième pour mieux faire connaître les métiers du vivant et l'enseignement agricole, en proposant des stages de proximité aux élèves des collèges du bassin, en lien avec les chambres consulaires.

(5) Développer un réseau d'« ambassadeurs métiers »

Des actions en direction des élèves doivent également être menées . De très nombreuses personnes auditionnées ont mentionné la méconnaissance de la réalité des métiers pratiqués .

Gilbert Guignand, secrétaire-adjoint de l'APCA et président de la Chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, juge ainsi « indispensable de poursuivre le travail d'intervention dans les écoles et les collèges afin de présenter nos métiers aux jeunes en sortant du discours négatif généralement véhiculé, selon lequel les agriculteurs travaillent trop et ne gagnent pas assez bien leur vie. Je crois que nous devons présenter nos métiers avec passion pour attirer les nouvelles générations qui assureront la relève ».

Ce constat vaut également pour le supérieur, comme le relève Christophe Fachon, directeur général délégué à Junia pour ISA Lille, qui observe que « les lycéens ne sont pas suffisamment informés de la diversité des métiers qu'offrent nos écoles. Ils nous rejoignent en étant motivés, mais souvent avec des stéréotypes qu'ils se sont construits avec les enseignants du secondaire, qui méconnaissent nos activités. Nous dépensons d'ailleurs beaucoup d'énergie à entrer en contact avec les enseignants, notamment les professeurs de SVT, qui ont une influence extrêmement importante sur nos futurs étudiants. La connaissance de la diversité de nos métiers par les professeurs de SVT constitue par conséquent une voie de progrès . » La rapporteure a également fait le même constat en rencontrant des étudiants de Bordeaux Sciences Agro se présentant comme des « vétérinaires déchus », qui n'avaient pas connaissance auparavant des possibilités offertes par les écoles d'ingénieur agronome, mais qui s'y épanouissaient pleinement.

À plusieurs reprises, les membres de la mission ont ainsi entendu des apprenants exprimer le fait qu'ils avaient choisi leur orientation par défaut, du fait d'une méconnaissance des métiers proposés, mais aussi faire part de leur enthousiasme et de leur satisfaction d'avoir découvert des formations leur convenant réellement.

Face à ce constat, il semble nécessaire à la mission de développer un réseau d' ambassadeurs métiers capables d'expliquer leur quotidien, les contraintes, mais aussi les opportunités.

Proposition n° 33 : développer un réseau « d'ambassadeurs métiers ».

b) Mieux structurer l'organisation de l'enseignement agricole à l'échelon départemental

De nombreuses personnes auditionnées ont regretté dans l'organisation décentralisée de l'enseignement agricole l'absence d'un échelon départemental - sur le modèle des DASEN (directeur académique des services de l'éducation nationale).

La nomination d'un équivalent DASEN pour l'enseignement agricole permettrait d'une part de renforcer la coordination des actions menées par chaque établissement agricole , pour mieux défendre et promouvoir, collectivement cette filière de formation, publique ou privée. D'autre part, cette désignation permettrait d'avoir à l'échelon local une personne identifiée, représentant l'enseignement agricole . En effet, comme l'indique avec justesse Michel Sinoir, DRAAF de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les DRAAF, par le biais des services régionaux de la formation et du développement, « n'ont pas les moyens humains de se démultiplier, notamment dans les régions aussi importantes que la Nouvelle-Aquitaine ou Auvergne-Rhône-Alpes ».

Michel Sinoir a indiqué avoir désigné dans chaque département de sa région un chef d'établissement du public sur les questions de défense et de sécurité, et identifié en tant que tel auprès du préfet et du DASEN, ce qui constitue « un début de désignation départementale ».

D'ailleurs, le ministère de l'agriculture, par la voix de sa directrice générale de l'enseignement et de la recherche, reconnait la nécessité de cet échelon départemental : « Dans notre plan d'action, nous devons renforcer notre capacité à nous faire connaître et reconnaître à l'échelle du département, car les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN) interviennent à cette échelle » .

Pour la mission d'information, il est nécessaire de nommer, dans chaque département, un représentant de l'enseignement agricole, dans un double but de coordination des actions des établissements et d'identification par l'ensemble des acteurs de la formation . Cette recommandation appelle deux remarques :

- d'une part, une telle désignation nécessite des moyens humains supplémentaires ;

- d'autre part, en raison de l'importance particulière de l'enseignement privé dans l'enseignement agricole, la mission d'information ne voit pas d'opposition à ce que ce représentant soit nommé parmi le personnel d'un lycée agricole privé ou d'une MFR . Elle rappelle d'ailleurs que ces établissements privés participent au service public de l'enseignement agricole. Les dotations qu'ils reçoivent de l'État le prouvent.

Proposition n° 34 : instaurer un correspondant de l'enseignement agricole à l'échelle du département pour faire pendant au DASEN.

c) Améliorer la connaissance de l'enseignement agricole et des métiers auxquels il prépare auprès du grand public

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a lancé en 2019 une campagne de communication à destination du grand public, intitulé « l'Aventure du vivant ». Si cette campagne - qui a été perturbée par la pandémie de la covid - a le mérite d'exister, pour reprendre les termes du SGEN-CFDT, les résultats sont mitigés. Pour le CGAAER, « l'initiative de la campagne de communication «l'Aventure du vivant», saluée en interne, a eu en définitive un impact peu perceptible ». Plusieurs raisons expliquent ce constat :

- le tour de France avec le camion du vivant a été percuté par la crise sanitaire et a dû s'arrêter rapidement. Certes, lors des étapes, il y avait du monde pour visiter le camion, mais le CNEAP dresse un constat plus mitigé : il a constaté une difficulté à mobiliser les établissements de l'Éducation nationale pour y amener des classes, les journées grand public étaient porteuses, mais souvent les personnes découvraient le camion en passant, sans avoir eu connaissance de sa présence en amont. Enfin, alors que le but initial de ce camion était de toucher les jeunes en cours d'orientation, une part importante des visiteurs comprenait des personnes en recherche de reconversion - et donc un message à adapter ;

- le site Internet a été qualifié par plusieurs intervenants de peu intuitif, avec un moteur de recherche peu performant, des établissements non référencés, mais aussi des portraits de jeunes percutants à mieux valoriser. La mission d'information note néanmoins une progression dans l'utilisation du site Internet (+ 30 % chaque année), ainsi que la mise en ligne de nouveaux contenus sous forme de capsules ;

- la présence sur les réseaux sociaux reste pour le moment assez confidentielle : la chaine Youtube de l'Aventure du vivant a moins de 200 abonnés, certaines vidéos de promotion de l'enseignement agricole ont moins de 200 vues. Au final, l'une des vidéos ayant reçu le plus de vues date de 2019 et concerne non pas « l'Aventure du vivant » en tant que telle, mais l'annonce de la mise en place d'une campagne sur les réseaux sociaux - sans donner d'informations sur les métiers du vivant à proprement parler 56 ( * ) .

Le plan de relance prévoit 10 millions d'euros sur plusieurs années au titre de la communication pour l'enseignement agricole. La mission d'information approuve la volonté affichée par le Gouvernement de poursuivre la promotion de l'enseignement agricole et prend acte des nouvelles campagnes lancées au premier semestre 2021 (#CestFaitPourMoi ; campagne conjointe de promotion des métiers lancée par le ministère de l'agriculture et celui de la mer dans le cadre du plan France Relance, intitulée #EntrepreneurDuVivant).

Changer le regard de la société sur l'enseignement agricole nécessite une action à long terme. La mission propose ainsi trois axes pour la communication :

- lancer une nouvelle campagne ambitieuse d'information grand public, à l'image d'autres secteurs souhaitant recruter comme l'artisanat ou l'armée de terre, en tirant les leçons des résultats mitigés des campagnes précédentes et en tirant le meilleur parti des opportunités en cours d'année.

Les membres de la mission d'information regrettent que l'enseignement agricole soit systématiquement oublié par les médias au moment de la rentrée scolaire - qui se focalisent sur l'Éducation nationale - mais aussi au moment du baccalauréat qui commence « traditionnellement » par l'épreuve de philosophie. Or, certaines épreuves techniques de l'enseignement agricole et des baccalauréats professionnels se déroulent plus tôt. Des marges de progrès en termes de communication existent en la matière et contribueraient à la fierté des élèves de l'enseignement professionnel, comme l'ont confié certains interlocuteurs.

- Accorder plus de moyens aux établissements pour qu'ils puissent, localement ou par des actions concertées à l'échelle d'un territoire, promouvoir l'enseignement agricole.

Les journées portes ouvertes, la présence des établissements sur les salons de l'orientation et le bouche à oreille sont les principales sources de recrutement de nombreux établissements d'enseignement agricole.

Or, certains responsables d'établissements rencontrés par la mission ont relevé le coût que représente la participation à ces salons, souvent organisés par des structures privées.

La mission préconise donc la mise en place, dans chaque DRAAF, d'une enveloppe dédiée afin d'aider les établissements publics et privés sous contrat de l'enseignement agricole à se faire connaître des élèves et de leur famille. Cela pourrait notamment prendre la forme d'un soutien financier à la participation de l'établissement à un salon d'information et d'orientation, qui est une source importante de recrutement d'élèves.

- Inclure davantage les élèves, les apprentis et les étudiants de l'enseignement agricole dans la promotion dans cette voie de formation.

Dans les échanges qu'ils ont eus avec des apprenants de l'enseignement agricole, les membres de la mission d'information ont noté qu'ils étaient souvent enthousiastes e t ravis de la formation reçue , même s'il s'agit parfois à l'origine d'une orientation par défaut. La mission d'information, lors de ses déplacements, a pu également voir, lors de la visite des établissements, des projets d'élèves qui constituent de véritables étendards de l'enseignement agricole.

De son côté, dans une étude réalisée par le CNEAP pour ses établissements, près de 50 % des personnes qui viennent à une journée portes ouvertes ou contactent un établissement le font sur recommandation.

L'une des principales clé de recrutement de l'enseignement agricole est donc la force du témoignage des apprenants ou anciens apprenants. Aussi, la mission d'information recommande d'inclure davantage les élèves, apprentis et étudiants dans la promotion de leurs voies de formation. Un concours de communication à destination du public et des élèves en quête d'orientation , au sein des établissements de l'enseignement agricole, pourrait ainsi être lancé, sur le modèle de concours existant au sein de l'Éducation nationale 57 ( * ) .

Enfin, parce qu'elles sont ancrées dans les territoires et participent à leurs animations, de nombreuses structures de l'enseignement agricole ont des échanges réguliers avec le public. Parce que bien souvent ces établissements doivent fonctionner toute l'année, y compris l'été (présence d'animaux, cultures...), la mission d'information invite les structures à s'ouvrir au maximum, par exemple par l'accueil de colonies de vacances dans les internats. Certaines structures le font déjà, notamment les MFR, ce qui participe d'ailleurs à leur fonctionnement financier.

Dans le prolongement de la proposition précédente, et dès lors qu'on admet la dimension stratégique de l'agriculture pour remplir les objectifs de souveraineté alimentaire et de résilience, la mission considère que le cadre du service national universel (SNU) pourrait également être mis à profit par les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole pour promouvoir l'enseignement agricole. Le parcours de certains apprenants de l'enseignement agricole dans le cadre du SNU a d'ailleurs été mis en valeur par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Les missions d'intérêt général éligibles au dispositif du SNU ne couvrent pas explicitement l'agriculture mais intègrent à la fois l'éducation, l'environnement et le développement durable. Compte tenu de l'inscription de l'enseignement agricole dans la transition agro-écologique, il paraît légitime de permettre la prise en compte de missions d'intérêt général proposées par les établissements d'enseignement agricole.

Une telle démarche, outre qu'elle est pleinement en phase avec l'accent mis par l'enseignement agricole sur l'éducation socioculturelle et la citoyenneté, pourrait être un élément complémentaire utile dans le cadre d'une stratégie globale visant à faire découvrir et promouvoir l'enseignement agricole.

Proposition n° 35 : lancer une nouvelle campagne ambitieuse de promotion de l'enseignement agricole à destination du grand public, à l'image d'autres secteurs souhaitant recruter comme l'artisanat ou l'armée de terre, en tirant les leçons des résultats mitigés des campagnes précédentes et en tirant le meilleur parti des opportunités en cours d'année.

Proposition n° 36 : faire des élèves, apprentis et étudiants de l'enseignement agricole des acteurs de la promotion de cette voie de formation (concours de promotion de l'enseignement agricole par exemple, recueil dynamique de témoignages...).

Proposition n° 37 : sanctuariser dans chaque DRAAF une enveloppe dédiée afin d'aider les établissements publics et privés sous contrat de l'enseignement agricole à se faire connaître des élèves, par exemple en leur apportant un soutien financier pour participer à un salon d'information et d'orientation.

Proposition n° 38 : encourager les établissements agricoles à s'ouvrir au maximum au grand public (colonies de vacances dans les internats, visite des exploitations, fermes, filière hippique).

Proposition n° 39 : encourager les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole à s'engager dans le service national universel (SNU).

2. Mettre fin à une distorsion d'images entre les appellations et la réalité des formations proposées
a) Une filière de formation à renommer

Si, historiquement, l'enseignement agricole est intrinsèquement lié à la volonté de la France d'être une puissance agricole européenne et d'assurer sa souveraineté et son autonomie alimentaires, le champ des formations s'est progressivement élargi. Désormais seul un tiers de l'offre de formation est constitué par des formations purement agricoles. Comme l'indique la DRAAF d'Auvergne-Rhône-Alpes dans sa contribution écrite : « le terme « enseignement agricole » porte souvent à confusion chez les jeunes et leurs familles qui ne cernent pas la richesse de l'offre de formation que l'on trouve dans les établissements relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation » .

Interpellé à de nombreuses reprises à ce sujet, et notamment parce que la campagne de communication du ministère de l'agriculture lancée en 2019 a choisi comme slogan « l'Aventure du vivant », la mission d'information s'est interrogée sur l'opportunité de faire évoluer le nom de cette voie de formation. Elle note d'ailleurs que plusieurs établissements d'enseignement agricole ont déjà fait ce choix dans leur dénomination.

Outre la référence au « vivant », notion plus large que « l'agriculture », la mission d'information souhaite qu'il soit fait référence au lien avec les territoires. En effet, l'enseignement agricole participe profondément à l'animation et à la vie des territoires sur lesquels se trouve l'établissement. En outre, et c'est également ce qui plaît dans cet enseignement, il s'agit d'une formation bâtie sur la pratique, l'expérimentation, et donc ancrée dans le territoire dans lequel il se trouve. Aussi préconise-t-elle de renommer l'enseignement agricole « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires ».

Proposition n° 40 : renommer l'enseignement agricole « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires ».

b) Des noms de diplômes peu explicites et donc peu attractifs

Les noms des formations offertes par l'enseignement agricole, souvent présentés en acronyme, sont peu parlants pour des élèves et leurs familles ne connaissant pas l'enseignement agricole. En effet, comment savoir, au premier regard, que le baccalauréat SAPAT concerne les services à la personne et comporte une option « santé - bien-être » et une autre « animation », ou que le baccalauréat technologique STAV permet de s'orienter vers des métiers de l'agroalimentaire, l'environnement, mais aussi en lien avec les analyses biologiques et biochimiques, ou encore que le bac GMNF renvoie à la gestion des milieux naturels et de la faune.

Cette problématique de dénomination a d'ailleurs été signalée par la MFR de Villeneuve de Berg à la sénatrice Anne Ventalon, membre de la mission d'information : il lui a notamment été indiqué que le CAPA SAPVER, proposé par l'établissement, est en concurrence relative avec des formations plus spécifiques en restauration collective et aide à domicile. Si la spécificité des stages est un atout pour la MFR, cette formation souffre d'un défaut de lisibilité par son appellation.

La mission d'information note d'ailleurs, de manière anecdotique mais d'une certaine manière révélatrice, le manque constant d'attention sur l'attractivité véhiculée par la dénomination des diplômes. Ainsi, il y a quelques années, le baccalauréat général ne s'appelait-il pas, dans l'enseignement agricole, le bac « D' » dit bac « D prime » , par référence au bac scientifique D de l'Éducation nationale ? Il y a sans doute mieux pour attirer les élèves que de leur proposer un bac « D' » ...

Proposition n° 41 : revoir la dénomination des diplômes pour mettre fin à l'utilisation d'acronymes peu parlants et peu attractifs.

3. Appliquer pleinement la philosophie de la réforme du lycée dans l'enseignement agricole en permettant à chaque élève de construire son parcours en fonction de son projet professionnel

L'application de la réforme du lycée, en l'état, porte préjudice à l'enseignement agricole, celui-ci devenant moins attractif en raison du faible nombre d'options et de spécialités proposées. La raison est double :

• un problème structurel

Seules les spécialités physique/chimie, mathématiques et biologie-écologie (spécialité n'existant pas dans l'Éducation nationale) sont proposées. Elles sont au nombre de 14 dans l'éducation nationale, chaque lycée devant en proposer au moins 7.

Quant aux options, s'il existe des options spécifiques à l'enseignement agricole, comme hippologie et équitation, agronomie-économie-territoires ou encore pratiques sociales et culturelles, le choix reste limité pour les options communes avec l'éducation nationale aux mathématiques (expertes ou complémentaires), langue vivante C et EPS. Ils n'ont par exemple pas accès à l'option « droit et grands enjeux du monde contemporains ».

De même, l'option « sciences économiques et sociales » n'est pas possible. Or, d'une part, cette option serait de nature à rassurer les élèves - et leurs parents - sur un élargissement des débouchés possibles , lorsque l'orientation est encore indécise à la fin de la troisième. D'autre part, et comme le souligne le CGAAER, cet enseignement aurait tout son sens pour la poursuite d'études en BTS agricole : « les sciences économiques constituent une discipline importante au sein des référentiels de formation des 16 options de BTSA. C'est le cas notamment du BTSA ACSE (analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole), option la plus représentée en terme d'effectifs, dont le référentiel prévoit 444 heures de cours d'économie sur deux ans, soit plus du quart de la formation globale » 58 ( * ) . Cela répondrait également à la demande du monde professionnel constatant qu'il y a un manque dans la formation des élèves en matière de gestion d'exploitation et d'économie.

• Un problème de moyens

Alors même que la réforme du lycée propose une offre déjà réduite pour les lycées agricoles, ceux-ci sont confrontés à des problèmes de moyens humains et de dotations globales horaires pour pouvoir la mettre en oeuvre. Bon nombre de lycées n'ont pas les moyens de proposer au moins 2 doublettes de spécialités ou 2 options ( cf. II. A).

À titre d'exemple, dans la région centre-Val de Loire 59 ( * ) , sur les six lycées d'enseignement général et technologique agricoles de la région, et alors que les trois spécialités biologie-écologie/mathématiques/physique-chimie sont proposées systématiquement en classe de première, pour la classe de terminale :

- 3 lycées - soit la moitié - ne proposent qu'une seule doublette (biologie/Physique-chimie),

- la doublette physique-chimie/mathématiques n'est possible que dans un seul lycée agricole,

- la doublette biologie-écologie/mathématiques ne peut être choisie que dans deux lycées de la région.

Pour la mission d'information, il est impératif d'augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les baccalauréats généraux et technologiques des lycées agricoles. Dans ces conditions, le schéma actuel de diminution du nombre d'ETP ne peut être maintenu.

La mission d'information est consciente du coût budgétaire d'une telle augmentation. Mais elle estime que celui-ci pourrait être réduit par un renforcement des coopérations des enseignements avec les lycées de l'Éducation nationale et entre lycées agricoles.

Elle salue ainsi l'initiative pris localement par le lycée agricole du Valentin et le lycée général et technologique des Trois sources (qui dépend de l'Éducation nationale), voisins l'un de l'autre, de permettre un échange d'élèves pour les options « mathématiques expert » et « mathématiques complémentaires ». Si cette coopération est, dans ce cas précis, facilitée par la proximité géographique des deux établissements qui se font face et par une collaboration ancienne 60 ( * ) , la mission d'information est convaincue que d'autres coopérations de ce type sont possibles, non pas dans une optique de suppression de postes mais bien pour étoffer et renforcer la palette d'options ou spécialisations offertes par l'enseignement agricole.

Par ailleurs, elle appelle à capitaliser sur l'expérience acquise à la suite de la pandémie sur les cours en hybride (la moitié de la classe en présentiel, l'autre à distance) pour réfléchir à recourir à ce système afin d'élargir la palette des cours proposés. Bien évidemment, la qualité de l'enseignement délivré ne doit pas en pâtir et des modalités d'accompagnement des élèves qui suivent les cours à distance doivent être prévues : suivi du cours à distance dans une salle de classe sous la surveillance d'un AED qui gère les interactions et questions que les élèves souhaitent poser à distance, présence régulière de l'enseignant dans chaque établissement (un cours sur deux en présentiel),....

La mission d'information note d'ailleurs que les familles ne semblent pas opposer à cette idée, et même l'encouragent . Ainsi la Peep Agri estime « qu'il devait y avoir des mutualisation des moyens pour pouvoir faire des regroupements d'enseignement. Or c'est encore plus compliqué car les établissements sont éloignés. Il devait y avoir de l'enseignement à distance pour les matières non disponibles dans les établissements. Dans la pratique, c'est très marginal, si cela même existe. L'enseignement agricole pourrait trouver là un moyen de recruter des élèves : développer cet enseignement à distance sur les matières non disponibles, dans l'établissement, avec un vrai accompagnement. En tant que parent, quand on entend « enseignement à distance », on comprend « enfant laissé à lui-même ». Mais si on avait la possibilité d'avoir des salles d'études, un suivi des élèves par des enseignants, d'autres élèves, et du personnel pour s'assurer des bonnes conditions d'apprentissage, aider les enfants... » .

Enfin, cette réflexion est également présente dans l'Éducation nationale comme le démontre le récent rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) sur l'évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique 61 ( * ) . Il préconise notamment la piste d'un enseignement hybride pour les options rares et/ou les territoires isolés : « Compte tenu de l'expérience, aussi bien pédagogique que technologique, acquise depuis plusieurs années, mais aussi mise en place, depuis mars 2020, dans le cadre de la continuité pédagogique, il peut être envisagé de construire, dans les territoires concernés par les déserts d'enseignement optionnel, un enseignement hybride qui allierait présentiel et distanciel, synchrone et asynchrone et ce, dans des bassins ou territoires circonscrits, limités à deux ou trois établissements suffisamment proches pour permettre à l'enseignant en charge de cet enseignement optionnel de circuler de l'un à l'autre régulièrement (sur un rythme hebdomadaire), afin d'y assurer des séances en présentiel, en relais de l'agent (AED, ALVE...) habituellement présent » 62 ( * ) .

La crise de la covid-19 a été riche d'enseignements à cet égard : si elle a permis un développement massif du numérique éducatif, et du recours à la visioconférence, comme la rapporteure l'a constaté en échangeant avec des apprenants lors d'un cours à l'Institut d'études technologiques de Hoymille, elle en a aussi montré les limites : certains cours, fondés sur la pratique ou nécessitant un matériel spécifique, ne peuvent avoir lieu en visioconférence. Par ailleurs, rien ne remplace le face à face « enseignants/élèves ». L'enseignement en visioconférence n'a donc pas vocation à se substituer à un enseignement en présentiel, mais bien à le compléter et à le renforcer.

La mission tient ainsi à le souligner : tant la coopération entre établissements que le développement d'options ou de spécialités par enseignement hybride ne doivent pas être utilisés comme argument par le ministère du budget pour réduire le nombre de postes d'enseignant, mais pour offrir à des petits groupes d'élèves, dont le nombre est insuffisant pour former une classe, la possibilité de suivre ces enseignements, qui sans cela ne peuvent être proposés.

Cet ensemble de propositions, outre qu'il accroît l'attractivité de l'enseignement agricole, permettrait en outre à l'objectif de préservation et de valorisation du maillage territorial.

Proposition n° 42 : augmenter le nombre d'options et de spécialités proposées dans les lycées agricoles, notamment par des coopérations avec les lycées de l'Éducation nationale du secteur et le développement de l'enseignement mixte (présentiel/visioconférence), tout en s'assurant de la qualité de l'enseignement ainsi délivrée.

4. Assurer une meilleure prise en compte des établissements dans l'organisation des transports en commun

Du fait de leur histoire et des formations qu'ils proposent, les établissements d'enseignement agricoles sont souvent situés dans des territoires ruraux ou dans des zones péri-urbaines. La question de leur accès en transport en commun est donc essentielle. Or plusieurs personnes auditionnées et rencontrées ont regretté la mauvaise prise en compte de ces établissements dans l'élaboration de la carte des transports scolaires ou des dessertes par les transports en commun.

Ainsi le lycée agricole-pôle d'enseignement Terre d'Horizon de Romans-sur-Isère souffre-t-il d'un problème d'accessibilité à la suite des modifications de la desserte par les bus de l'agglomération : les passages y sont moins fréquents et à des horaires ne correspondant plus aux horaires de cours. Des élèves qui, jusque-là, pouvaient rentrer chez eux tous les soirs doivent désormais devenir internes - ce qui pour des raisons de coût, accentué par une inquiétude sanitaire en période de pandémie - décourage certaines familles.

Dans d'autres cas, établissements et transporteurs se renvoient la balle, l'établissement indiquant avoir transmis les horaires au transporteur qui dit ne pas les avoir reçus.

La mobilité des lycéens et des étudiants est une problématique essentielle ; elle l'est d'autant plus pour des établissements situés dans des territoires peu ou mal desservis par les transports en commun. Aussi la mission d'information appelle-t-elle à la prise en compte par les autorités organisatrices des transports de ces établissements lors de l'élaboration de la carte des transports scolaires et des horaires de desserte par les transports en commun classique (TER, réseau de bus).

Proposition n° 43 : engager une action au niveau des DRAAF afin de s'assurer de la correcte prise en compte des établissements d'enseignement agricole dans l'élaboration de la carte des transports scolaires et des horaires de desserte par les transports en commun.

5. Assurer des conditions d'accueil attractives

Les conditions d'accueil, les structures proposées, un établissement à taille humaine sont pour de nombreuses familles un critère de choix. L'entretien des locaux, leur rénovation et les subventions attribuées pour cela sont essentiels. La mission a ainsi pu constater à la MFR de Gelles la qualité des infrastructures d'hébergement, qui contribue à l'attractivité de la structure.

Tout en respectant l'autonomie des collectivités territoriales, la mission d'information appelle celles-ci, et en particulier les régions compte tenu de leurs différentes compétences, à se mobiliser en faveur de l'enseignement agricole, à le soutenir et à accroître le partage d'informations avec le ministère de l'agriculture afin d'éviter de trop grandes disparités entre les territoires.

Elle attire en particulier l'attention sur l'enseignement agricole privé, qui accueille une proportion d'apprenants plus importante que dans l'Éducation nationale.

Proposition n° 44 : dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales, inviter celles-ci, et en particulier les régions, à se mobiliser en faveur de l'enseignement agricole, à le soutenir, qu'il soit public ou privé, et à accroître le partage d'informations avec le ministère de l'agriculture afin d'éviter de trop grandes disparités entre les territoires.

6. Redonner envie d'enseigner et de travailler dans les lycées agricoles en revalorisant les personnels de manière équitable par rapport à leurs homologues de l'Éducation nationale

Au regard des constats posés précédemment, la mission juge nécessaire d'engager un effort de revalorisation des traitements accordés aux personnels de l'enseignement agricole afin d'assurer une pleine effectivité au principe de parité avec l'Éducation nationale posé comme horizon par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche.

La mission souligne en particulier l'importance d'apporter une réponse à la situation des AVS et des AESH.

Compte tenu de leur statut d'agents contractuels de droit public régi par le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 relatif aux contrats liant l'État et les personnels enseignants et de documentation des établissements mentionnés à l'article L. 813-8 du code rural, la revalorisation accordée aux personnels des EPLEFPA doit avoir des répercussions pour les enseignants de l'enseignement agricole privé à temps plein.

En revanche, s'agissant des personnels des établissements en rythme approprié, afin d'éviter un décrochage d'attractivité ou de trop grandes disparités, il conviendrait par mesure d'équité de prévoir un ajustement en conséquence des subventions accordées dans le cadre de la convention financière pluriannuelle signée avec l'État.

La mission prend acte des premières annonces du ministère de l'agriculture et de l'alimentation faisant état d'un transfert de crédits, en provenance du budget de l'Éducation nationale, afin de financer plusieurs mesures du Grenelle de l'éducation, comme la prime d'équipement informatique, la prime d'attractivité et la revalorisation des CPE. Sous réserve d'une analyse approfondie lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, ces mesures vont dans le bon sens.

Proposition n° 45 : affirmer la nécessité de respecter le principe de parité salariale entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole posé par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche et revaloriser en particulier rapidement les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

ANNEXES

TRAVAUX DE LA MISSION D'INFORMATION

I. COMPTES RENDUS DE LA RÉUNION CONSTITUTIVE ET DES AUDITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION EN RÉUNION PLÉNIÈRE

Le recueil intégral des comptes rendus de la réunion constitutive et des auditions et tables rondes est disponible en ligne :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/mi-enseignement-agricole.html

II. EXAMEN DU RAPPORT DE LA MISSION D'INFORMATION

MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2021

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M. Jean-Marc Boyer, président . - Notre réunion de ce jour marque la dernière étape de notre mission d'information : l'adoption formelle du rapport. Permettez-moi de remercier très vivement notre collègue Nathalie Delattre, qui a mené, en sa qualité de rapporteure, un très important travail. Elle avait une grande expérience du sujet et elle s'est déplacée à plusieurs reprises pour aller à la rencontre des acteurs. Ces sept mois et demi de travaux nous ont permis de partager de nombreux constats et propositions sur l'enseignement agricole, lequel apparaît comme un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires et, plus généralement, des territoires ruraux.

Pour nous permettre d'avoir un échange de vues complet sur la base du projet de rapport, dont vous avez été destinataires, à l'issue de la présentation de notre rapporteure, je vous propose d'organiser le débat en deux temps. Tout d'abord, une discussion générale permettant à chacun de s'exprimer sur la thématique d'ensemble des travaux de notre mission. Pour permettre une expression pluraliste, je donnerai la parole à un représentant par groupe, puis à tous ceux qui se seront inscrits. Dans un deuxième temps, je vous demanderai de nous présenter, si vous en avez, vos propositions de modification du projet de rapport. Nous nous prononcerons enfin sur le titre que la rapporteure souhaite donner à son rapport et, bien évidemment, sur l'adoption de l'ensemble du rapport.

Une conférence de presse de présentation sera organisée le mardi 5 octobre, à 11 heures 30. Nos travaux devront donc rester confidentiels jusqu'à cette date.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Je tiens à vous remercier, mes chers collègues, ainsi que notre président Jean-Marc Boyer, de la qualité des échanges que nous avons eus au cours de cette mission d'information ; j'ai apprécié votre présence à tous.

Nous avons beaucoup écouté les acteurs : douze auditions ou tables rondes en mission plénière, treize auditions ou tables rondes en format rapporteure, soit plus de quarante organismes et près de quatre-vingts personnes entendus au Sénat. Des délégations de la mission ont en outre effectué cinq déplacements sur le terrain, en Gironde, dans le Nord, dans la Drôme, à l'École nationale vétérinaire d'Alfort ainsi que dans le Puy-de-Dôme. À ces déplacements s'ajoutent les échanges que plusieurs d'entre vous ont eus avec les acteurs de l'enseignement agricole dans vos départements, ainsi que les témoignages qui nous sont parvenus, soit par vidéo ou courrier, soit à l'occasion de l'échange que le président Boyer a eu dans le cadre d'un webinaire organisé par le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap).

Au terme de ce travail, nous sommes plus que jamais convaincus que l'enseignement agricole est un outil indispensable pour nos filières agricoles et alimentaires, pour nos jeunes, pour nos territoires ruraux, en métropole comme dans les outre-mer. Je tiens à souligner cette dimension ultramarine dont nous avons longuement parlé avec Catherine Conconne. L'enseignement agricole d'aujourd'hui n'est plus celui du début du XX e siècle. Il a su évoluer avec son temps, s'adapter aux enjeux, mais aussi s'élargir. Aujourd'hui, il ne forme plus uniquement de futurs agriculteurs : 42 % des élèves suivent des formations dédiées aux services et 19 % à l'aménagement de l'espace et à la protection de l'environnement. C'est un point important, même si la focale de notre rapport nous conduit à mettre l'accent sur l'importance de l'enseignement agricole pour les filières agricoles et alimentaires.

Cet enseignement est innovant et ses résultats sont excellents. Les taux de réussite aux examens sont ainsi bien supérieurs à la moyenne nationale, alors même qu'il accueille souvent des élèves en échec scolaire. Il est pourtant trop méconnu et trop souvent déprécié au moment de l'orientation. Il obtient également les meilleurs résultats en termes d'insertion, même si les chiffres ne sont pas aisés à collecter en la matière.

Un autre constat est apparu clairement : la situation financière du réseau est préoccupante et il est fragilisé, sur fond de baisse du nombre d'apprenants en formation initiale scolaire au cours des dernières années. Les dernières données transmises par la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation indiquent toutefois une remontée du nombre d'élèves inscrits en formation initiale scolaire, jusqu'au baccalauréat, en cette rentrée : ceux-ci seraient 135 682, soit une hausse de 1,4 %. C'est peu, mais cela brise la dynamique de baisse des effectifs, suscitant ainsi de l'espoir. Les effectifs de l'enseignement agricole supérieur court seraient, en revanche, en baisse de 4,5 %.

Les contraintes budgétaires sont réelles et j'observe un décalage entre les chiffres généraux que fait valoir la direction du budget et la réalité constatée et vécue sur le terrain. La concurrence entre les établissements de l'enseignement agricole et, surtout, avec l'Éducation nationale, est un autre facteur évident de fragilisation du réseau. Le dernier point que je veux souligner - et qui m'a marqué comme beaucoup d'entre vous -, est la fragilité institutionnelle du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, perçu comme suiveur et affaibli, contesté par le syndicat majoritaire chez les enseignants de l'enseignement technique agricole public.

Face à ces constats, le projet de rapport contient quarante-trois propositions, organisées en trois axes.

Le premier axe consiste à réaffirmer le rôle de pilotage du ministère de l'agriculture et de l'alimentation en renforçant son positionnement au sein de la maquette gouvernementale et en établissant un nouveau projet stratégique pour l'enseignement agricole, confortant la spécificité de son enseignement. Ce ministère est, à mes yeux, devenu trop faible. Pour piloter réellement l'enseignement agricole, comme je l'avais dit au ministre en lui demandant de « mouiller le maillot », ce dernier doit s'impliquer et le défendre au moment de l'examen du budget ; il lui faut développer ses outils de suivi et de pilotage, objectiver les questions de coût et élaborer un nouveau projet stratégique clair et ambitieux pour l'enseignement agricole pour la période 2022-2027, assorti d'indicateurs de suivi et de performance. Il ne peut toutefois pas faire cela seul et il doit associer à cet effort l'Éducation nationale, les régions ainsi que les branches professionnelles.

Face aux besoins constatés sur le terrain, je propose également d'annuler, au titre de 2022, les suppressions d'emplois prévues dans le schéma prévisionnel d'emplois pluriannuel 2019-2022 et de réévaluer, dans le cadre du nouveau projet stratégique, les moyens humains affectés au secteur afin de renforcer son attractivité. À la suite des échanges que j'ai eus avec Julien Denormandie, nous avons très récemment reçu les dernières données de la DGER. Il en ressort que, dans le projet de loi de finances pour 2022, l'enseignement agricole subirait une diminution de 16 équivalents temps plein (ETP) au lieu des 110 emplois initialement prévus, et ce grâce à notre travail, car nos auditions ont été très commentées au sein du ministère et du réseau, qui attendent de connaître le contenu du rapport. Le budget consacré à l'enseignement technique agricole augmenterait, quant à lui, de 43,5 millions d'euros et permettrait, notamment, de financer certaines primes, comme cela est évoqué dans notre rapport. La DGER souligne également que ce budget permettra de lancer un grand plan de modernisation et de renforcement de la capacité d'accueil des quatre écoles nationales vétérinaires, ce qui fait écho, en partie, à la proposition n° 24. Nous examinerons ces données de très près lors de la discussion du projet de loi de finances. Nous sentons la volonté du ministre d'aller de l'avant et il me semble que notre mission n'y est pas pour rien ; nous l'encourageons donc et nous serons à ses côtés pour défendre encore l'enseignement agricole, s'il partage effectivement notre vision !

Enfin, dans le cadre d'un étroit partenariat entre les autorités académiques, je suggère une politique offensive de développement et d'accompagnement des initiatives pour valoriser et consolider le maillage territorial de l'enseignement agricole.

Le deuxième axe vise à consolider les fondamentaux de l'enseignement agricole pour que celui-ci contribue à relever les défis de l'agriculture et des territoires ruraux. Cela passe par une simplification et une adaptation de la cartographie des formations proposées, afin de la rendre plus attractive et plus en phase avec les attentes du monde agricole ainsi, plus largement, qu'avec les besoins des territoires ruraux. Le rapport recommande de revoir l'équilibre des référentiels de formation pour mieux valoriser les enseignements économiques et de gestion, mais aussi en matière réglementaire et de santé-sécurité au travail. C'est un point que plusieurs d'entre vous ont souligné.

Le projet envisage aussi d'utiliser pleinement le bio comme élément de réflexion sur les pratiques agronomiques, sans pour autant enfermer les apprenants dans le cadre d'une filière spécifique d'enseignement. Il me semble, en effet, ainsi que nous en avons notamment débattu à VetAgro Sup, que la force de l'enseignement agricole consiste à donner un socle de connaissances suffisamment large pour permettre aux futurs agriculteurs de bâtir leur modèle et de l'adapter, le cas échéant, en cours de carrière. Cette force doit demeurer.

Plusieurs propositions visent à renforcer les liens entre l'enseignement agricole et les acteurs du monde agricole, notamment au travers de la composition de la commission professionnelle consultative et des liens noués avec les entreprises de la transformation alimentaire.

Enfin, j'insiste sur le renforcement des relations entre enseignement technique, enseignement supérieur et recherche, et je formule plusieurs propositions en ce sens, en vue, notamment, de renforcer les interactions entre organismes de recherche et établissements de l'enseignement supérieur agricole, d'expérimenter un enrichissement du rôle de l'alliance Agreenium, de renforcer les aides à la recherche en matière agronomique et agricole et d'accroître la diffusion des pratiques innovantes dans les exploitations agricoles, dont je souhaite souligner combien elles représentent un atout pour l'enseignement agricole. Les instituts de recherche et les établissements d'enseignement supérieur devraient, par ailleurs, être mieux associés à l'élaboration des référentiels de formation des enseignements techniques agricoles. Le rôle de l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) doit à ce titre être davantage valorisé et les moyens dévolus aux réseaux mixtes technologiques renforcés.

Le projet de rapport avance également des propositions pour poursuivre et renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre, sur la base des recommandations formulées par la délégation aux droits des femmes dans son rapport d'information intitulé Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires .

À la suite des échanges que nous avons eus à VetAgro Sup, je demande également que soit ouvert un accès pleinement diversifié aux cursus de l'enseignement agricole supérieur long, notamment en soulevant la question de l'accès via la formation professionnelle continue. Le rapport met l'accent sur l'enjeu de la désertification vétérinaire ainsi que sur la nécessité, en particulier, d'ajuster le nombre de vétérinaires formés aux besoins des territoires et d'assurer le bon déploiement du dispositif d'incitation à l'installation dans les territoires ruraux que nous avons voté au Sénat.

Enfin, je propose que l'enseignement agricole soit pleinement mobilisé sur la thématique du bien-être de l'agriculteur. Cultiver ou élever ne doit pas se faire dans la pénibilité et dans la douleur. Au-delà des aspects économiques et de gestion, qu'il convient de renforcer, l'enseignement agricole, par sa capacité à intégrer les problématiques liées au changement climatique, à la maîtrise des charges et à l'évolution des différentes normes, est un dispositif essentiel pour permettre aux futurs agriculteurs d'améliorer, demain, leurs conditions de vie. Nos débats récents ont d'ailleurs illustré l'importance de protéger la rémunération des agriculteurs.

Le dernier axe consiste à renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole pour les élèves, les familles et les personnels. À cette fin, les propositions n os 26 à 37 visent à améliorer le dispositif d'orientation, lequel, nous l'avons vu, constitue un enjeu majeur. Je voudrais en particulier insister sur la nécessité de renforcer l'information des enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole et de permettre une réelle présentation de l'enseignement agricole au sein des collèges. Le rapport contient également plusieurs propositions offensives pour mieux communiquer sur l'enseignement agricole, au travers d'une nouvelle grande campagne de communication, mais aussi en utilisant différents leviers, comme les stages, le service national universel (SNU) ou un réseau d'ambassadeurs métiers dont j'appelle de mes voeux la création. Après avoir rencontré dans chaque établissement visité des apprenants dynamiques et motivés, je crois qu'il faut davantage s'appuyer sur eux !

Je suggère également qu'un dispositif d'aide financière soit mis en place au niveau des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) pour aider les établissements de l'enseignement agricole à participer aux salons d'information et d'orientation, qui sont des moments importants. Il est enfin essentiel d'instaurer un correspondant de l'enseignement agricole à l'échelle du département, pour faire pendant au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen).

L'effort de communication doit, en outre, passer par des dénominations de diplômes plus parlantes, mais je propose également de changer le nom de l'enseignement agricole, cette appellation ne rendant plus compte de la diversité des débouchés proposés, en « enseignement agricole, des sciences du vivant et des territoires ».

Le rapport appelle à travailler sur les enjeux d'attractivité pour les élèves en termes d'options, de transport et d'hébergement. Il propose, enfin, de redonner envie aux enseignants et aux personnels de travailler dans ce secteur en mettant l'accent sur les questions salariales ; il affirme ainsi la nécessité de respecter le principe de parité salariale prévu entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole et de revaloriser rapidement les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). C'est, là encore, un point que plusieurs d'entre vous avaient souligné au cours de nos auditions.

Mes chers collègues, tels sont les principaux constats et propositions du projet de rapport. Sur ces bases, je vous propose de donner au rapport le titre suivant : Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique , afin de souligner à la fois l'urgence d'agir et la nécessité de mettre en oeuvre une politique claire et ambitieuse pour cet enseignement absolument nécessaire.

Mme Nadia Sollogoub . - Je vous remercie de votre excellent travail. Nous sommes tous déterminés à améliorer l'attractivité des professions agricoles. Dans mon département, l'agriculture est en crise, mais si les agriculteurs gagnaient correctement leur vie, il serait plus facile de convaincre de la nécessité de travailler dans ce secteur ; à défaut, ils disent à leurs enfants de faire autre chose.

Ensuite, je suis témoin de beaucoup de désirs de reconversion professionnelle vers l'agriculture dans mon département, qu'il faudrait évaluer. Ce n'est pas oublié dans le rapport, mais il reste des besoins que l'on ne peut pas nier et il importe de mettre en regard les moyens pour permettre à ces installations de réussir et de pallier le défaut de renouvellement des générations.

Mme Céline Brulin . - L'état d'esprit constructif qui a régné durant nos travaux ressort bien dans ce rapport, qui aborde des sujets très vastes. Certains de nos interlocuteurs sont inquiets de son contenu, mais beaucoup d'acteurs ont été ravis que cette mission mette en lumière un enseignement dont la reconnaissance est inversement proportionnelle au rôle. Ses acteurs nous nourrissent, embellissent nos paysages, il est bon de les mettre en lumière en ce moment.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait entendu cette demande et nous avions organisé un débat au Sénat sur ce sujet. Je trouve très forte l'affirmation de la nécessité d'un pilotage pour l'enseignement agricole et de moyens afférents, avec la proposition n° 6 visant à annuler la trajectoire triennale de suppression des emplois, ainsi que l'accent mis sur l'importance de mettre en place des moyens de pilotage au sein de la DGER. Il nous faudrait en effet une sorte d'homologue du Dasen, même si cela ne peut être entièrement le cas. Je serais ravie que ce travail conduise à infléchir le budget en ce sens ; rappelons que nous avions rejeté ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2021 et que cela avait fait bouger les lignes.

Des débats sont posés, autour de l'école Hectar dont nous serons amenés à reparler, ou du rôle du syndicat majoritaire, je trouve cela très positif. Je rejoins, en outre, ce qui vient d'être dit : l'attractivité des professions agricoles repose aussi sur les prix agricoles ; de ce point de vue, l'enseignement ne réglera pas tout, et il importe d'insister sur l'enjeu que constitue le renouvellement des générations ainsi que la formation tout au long de la vie.

J'exprimerai enfin, durant la deuxième partie de cette réunion, quelques petites nuances.

Mme Marie-Pierre Monier . - Ce rapport très attendu est très riche, nourri de nombreux déplacements et brosse un tableau complet. Cet enseignement est à la croisée des chemins. Il constitue une spécificité française, une pépite, mais il fait face à des difficultés matérielles et de coordination avec l'Éducation nationale, alors qu'il est un outil important dans un contexte de transition agro-écologique et de renouvellement des générations. Nous avons su nous réunir pour définir une ligne de défense commune de ce secteur.

Je suis d'accord avec le titre proposé, car le rôle de cet enseignement s'étend, mais nous pourrons en débattre.

Globalement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, au nom duquel je m'exprime, partage les constats et les propositions du rapport, avec quelques petites réserves, sur lesquelles nous reviendrons en deuxième partie.

M. Gilbert Favreau . - Le monde agricole évolue très vite. Le contexte fait certes ressortir certaines faiblesses mais doit nous incliner à réfléchir aux atouts qu'il contient en germes. Le public va évoluer. Auparavant, l'enseignement agricole n'accueillait que des agriculteurs. Aujourd'hui, on y trouve beaucoup d'autres profils, alors que les préoccupations environnementales rejoignent les préoccupations agricoles et que l'enseignement agricole est plus mobile et adaptable que l'Éducation nationale, dont les lourdeurs sont gênantes, pour l'enseignement agricole comme pour sa propre évolution.

Le secteur a des atouts mais il a aussi des faiblesses : notre pays est hyper administré et cela pose des problèmes en termes d'orientation, de financements et de tutelles différentes. À mon sens, nous n'exploitons pas assez les compétences des conseils régionaux alors que l'orientation et la formation en relèvent. Nous devrions demander aux régions de promouvoir davantage l'enseignement agricole, car elles y ont intérêt.

Les propositions qui sont faites dans ce rapport sont autant d'avancées possibles et je suis optimiste sur l'avenir : l'agriculture telle qu'on la conçoit traditionnellement est, certes, en perte de vitesse, mais l'enseignement agricole peut s'adapter.

M. Joël Labbé . - Les missions d'information sont de véritables outils qui permettent de passer ensemble du temps pour travailler sur un sujet, ce qui permet, malgré nos conceptions différentes, de trouver des convergences. Je m'interroge pourtant sur le titre proposé pour le rapport. J'aime l'audace mais je souhaite avoir des explications supplémentaires.

Ce rapport contient beaucoup d'éléments positifs, il souligne l'importance de l'enseignement agricole face au défi climatique, face à la nécessité de produire une nourriture saine, de répondre aux préoccupations des citoyens en matière de bien-être animal - cela relève d'un fait de société -, d'assurer le renouvellement des générations et de garantir la souveraineté alimentaire.

Le manque de moyens consacrés à l'enseignement agricole, malgré ses atouts, est mis en avant. Le Sénat avait d'ailleurs unanimement demandé une amélioration dans ce domaine.

J'apprécie que le rapport fasse référence aux projets alimentaires territoriaux (PAT), aux circuits courts, aux plantes à parfum et médicinales ainsi qu'au développement de la formation pour ces filières, à l'enseignement du bien-être au travail, à l'amélioration de l'autonomie et de la gestion des agriculteurs et au travail sur la captation de la valeur ajoutée. Sur le bio, il nous semble toutefois manquer des éléments fondamentaux. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires souhaite aller plus loin dans les propositions à ce sujet et nous déposerons une contribution annexe.

M. Frédéric Marchand . - Ce rapport replace l'église au centre du village. Je ne connaissais pas ce monde et il me semble bon de le remettre au coeur de l'éducation. Le projet de rapport contient des informations intéressantes. Cet enseignement agricole est à la croisée des chemins, la question des moyens est abordée, mais ce n'est pas le seul problème : il souffre d'un déficit de communication et de perception.

Le rôle des collectivités est essentiel, je suis très attentif aux projets alimentaires territoriaux et mon département recèle en particulier l'Institut de Genech, notre pépite, que la mission a visité et qui rencontre un très grand succès. Cet établissement démontre, en effet, que l'enseignement agricole est également essentiel en matière d'aménagement du territoire et de développement durable.

Le titre proposé me semble aussi très audacieux, mais le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants se retrouve dans la quasi-totalité des propositions.

M. Olivier Jacquin . - Les coupes claires réalisées dans les postes du secteur étaient très inquiétantes et le signal envoyé par ce rapport, demandé par le groupe RDSE, est une excellente chose. J'ai moi-même été éduqué dans l'enseignement agricole et j'y suis particulièrement sensible. Je suis à mon tour interrogatif sur le titre que vous proposez, qui me semble également très audacieux.

La proposition n° 11, « utiliser pleinement le bio comme élément de réflexion sur les pratiques agronomiques, sans enfermer les apprenants dans un cadre de filière spécifique d'enseignement », m'intéresse particulièrement. J'ai longtemps exercé dans le secteur conventionnel et je suis maintenant passé en bio. Dans ce domaine, les besoins en matière de recherche et de formation sont considérables, et dans les deux sens. En effet, beaucoup d'outils ont été imaginés en bio et servent maintenant en conventionnel. De ce point de vue, la seconde partie de la phrase me semble poser question : dans certaines formations, on enferme surtout les apprenants dans l'agriculture conventionnelle et nous avons besoin d'enseignements spécialisés en bio. Ainsi, dans mon département, un grand lycée agricole de Nancy, desservi par le TGV et les transports en commun, donc attractif, est très avancé sur l'agroécologie. L'exploitation attenante était en cours de conversion en bio, dans une logique non pas dogmatique, mais d'adaptation à son contexte agronomique, mais le conseil d'administration a refusé, de manière un peu dogmatique, pour le coup, la conversion partielle, ce qui me semble très dommageable.

M. Vincent Segouin . - Au nom du groupe Les Républicains, je voudrais dire que ce sujet a été soulevé lors du dernier projet de loi de finances, il est aujourd'hui mis au clair dans ce rapport que nous approuvons. C'était une réalité, elle est aujourd'hui écrite. Comme rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je m'interroge toutefois. Le budget va être augmenté dans des proportions plus importantes que prévu, la baisse des équivalents temps plein a été limitée - tant mieux ! -, mais est-ce que cela permettra de compenser la différence de salaire, les difficultés dues au covid que rencontrent les maisons familiales rurales (MFR) et les difficultés financières graves auxquelles est confronté un tiers des établissements, ou s'agit-il seulement d'un effet d'annonce ? Un plan sur plusieurs années est-il prévu ?

En tout état de cause, nous sommes favorables à ce rapport.

M. Pierre Louault . - Ce rapport est très complet. Nous n'avons toutefois pas été assez sévères avec l'orientation apportée par l'éducation nationale, qui consiste toujours à envoyer les élèves qui ne sont pas très bons en lycée agricole et les plus mauvais en apprentissage. Nous aurions pu taper plus fort à ce sujet.

S'agissant du bio, nous n'allons peut-être pas assez loin. J'ai trois petits-enfants qui sont en enseignement agricole et leur impression est que l'enseignement du bio est philosophique et partisan, mais insuffisamment technique. Selon moi, une formation technique et scientifique des enseignants manque.

J'approuve toutefois sans réserve cet excellent rapport.

Mme Marie-Christine Chauvin . - L'enseignement agricole souffre d'un déficit de notoriété, j'espère que la publication de ce rapport et la conférence de presse vont mettre un coup de projecteur sur ce secteur qui subit trop d'idées préconçues.

J'insiste à mon tour sur les difficultés que rencontrent les MFR.

Mme la rapporteure a souligné la baisse d'effectifs dans l'enseignement supérieur agricole court, je l'en remercie, car cela suscite de réelles inquiétudes ; si l'enseignement supérieur agroalimentaire - j'ai à l'esprit l'École nationale d'industrie laitière (ENIL) à Poligny - forme de moins en moins de fromagers, la filière du lait risque d'en pâtir. L'agriculture est un tout, il est important de souligner ces problèmes pour que chacun en prenne conscience.

Mme Marie-Pierre Richer . - Je me souviens des premières auditions durant lesquelles nos interlocuteurs défendaient leur pré carré et je remercie tous ceux qui sont intervenus pour que l'on bouscule un peu ces acteurs.

À la proposition n° 3, je voudrais ajouter « au nom du monde agricole et du vivant », cela résume bien ce qu'entendait montrer ce rapport, qui répond à une attente de l'ensemble du monde agricole.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Je retiens que la spécificité de l'enseignement agricole est bien valorisée par rapport à l'éducation nationale, qu'il faut absolument augmenter l'attractivité du secteur, en faisant des efforts sur l'orientation et la communication, pour le faire connaître.

Je garde à l'esprit également la place qu'il faut ménager aux régions, car celles-ci sont un financeur important de la rénovation des lycées, laquelle joue un rôle sur leur attractivité et permet de donner une autre image du territoire.

S'agissant du versant écologique de ce travail, je comprends les propos de Joël Labbé. La mise en place de PAT fait partie des attentes sur les territoires. On parle beaucoup aujourd'hui de maltraitance animale, mais nous avons discuté récemment en séance de la rémunération des agriculteurs, et j'ai évoqué la maltraitance des agriculteurs dans notre monde. Ce secteur peut-il être attractif pour des jeunes avec de tels revenus ? Il est important que les agriculteurs, qui travaillent beaucoup, puissent gagner leur vie. Le juste revenu des agriculteurs passe aussi par leur bien-être et leurs conditions de vie. Un rapport peut favoriser une prise de conscience. Celui-ci sera, n'en doutons pas, important aux yeux de nos collègues.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous avons mené un combat très important, ensemble, sur cette partie du budget dont j'étais rapporteure pour avis. Notre vote négatif, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 a été un signal fort. Je me suis alors demandé comment poursuivre ce combat et j'ai utilisé le droit de tirage de mon groupe sur les missions d'information. Cependant, ce projet est véritablement collectif et nous allons le porter ensemble. J'ai voulu que ce rapport soit le reflet de tout ce que nous avons pu nous dire en auditions et je suis très touchée que cela fasse aujourd'hui l'unanimité. J'ai une pensée pour tous les jeunes formidables et passionnés que nous avons rencontrés, et j'ai envie que ce rapport leur soit spécialement dédicacé.

Concernant le budget, les crédits octroyés à l'enseignement agricole ne rattrapent pas encore ceux qui sont consacrés à l'éducation nationale ; l'augmentation de 43 millions prévue concerne notamment les crédits dédiés à l'inclusion sociale des élèves en situation de handicap, les aides sociales versées aux élèves, à hauteur de 14,2 millions d'euros, ainsi que la modernisation des systèmes d'information.

La conférence de presse sera importante pour mettre en lumière notre rapport. Il conviendra également de communiquer dans les territoires. Surtout, l'examen du projet de loi de finances est le moment idoine pour nous permettre de contribuer à infléchir cette politique. Nous devons poursuivre notre combat.

L'enseignement agricole fait sa transition en intégrant des modules bio. Dans le cadre de la transition environnementale, les établissements scolaires ont la volonté d'aller de plus en plus vers un enseignement bio. Toutes les personnes que nous avons rencontrées sont très motivées pour dispenser un enseignement bio. Toutefois, il importe que les jeunes connaissent tous les modèles pour qu'ils soient en capacité de bâtir le leur, entre agriculture conventionnelle et agriculture bio.

J'en viens au titre : « Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique. »

L'enseignement agricole doit être le reflet des défis actuels : certes, la transition agro-écologique en fait partie, mais la gestion, par exemple, doit également constituer un volet important. En parallèle, une transition politique est indispensable, qui soit sous-tendue par une volonté politique forte. Or le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est avant-dernier dans l'ordre protocolaire. Cela n'est pas de nature à envoyer un bon signal politique. Dans le cadre du PLF pour 2021, Julien Denormandie a quasiment perdu tous ses arbitrages face à Bercy !

Certes, on voit les prémices d'une nouvelle trajectoire, mais montrons que nous avons une exigence de transition politique en matière d'enseignement agricole.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Comme l'a dit la rapporteure, 43,5 millions d'euros de crédits supplémentaires pourraient être inscrits dans le PLF. Saluons le fait que notre collègue ait pu interpeller le ministre. Sur le plan politique, nous continuerons à apporter notre soutien au ministre de l'agriculture et de l'alimentation pour obtenir une augmentation de crédits.

Nous allons maintenant examiner les différentes propositions de modification.

Mme Nadia Sollogoub . - Ne peut-on pas quantifier les besoins financiers en matière de reconversion ?

Mme Marie-Pierre Monier . - À la page 22, vous écrivez que « la mission ressent un traitement inégal en défaveur des établissements privés, notamment dans les aides financières attribuées à l'occasion de la crise de la covid-19... ». Or, à la page 60, vous notez que les agents contractuels publics n'ont pas bénéficié du chômage partiel. Ne faudrait-il pas expliciter ces points ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous avons utilisé le verbe « ressentir ». Même si nous modifions la rédaction, il importe de faire figurer le ressenti du privé, car il est très fort.

Mme Marie-Pierre Monier . - Certes, mais concernant les aides, elles n'ont pas été traitées de la même façon, car les revenus diffèrent, vous l'expliquez d'ailleurs dans les pages suivantes.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous modifierons la rédaction.

Mme Marie-Pierre Monier . - À la page 44, vous dites que « le monde enseignant véhicule [...] un discours "idéologisé" et partisan ».

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Je comprends que ces propos passent mal, mais ils ont été tenus lors d'une audition en format rapporteure.

Mme Marie-Pierre Monier . - Il faudrait dire explicitement que ce sont les propos d'une personne auditionnée, et ne pas les reprendre au nom de la mission.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous avons noté qu'il s'agit « d'autres témoignages », mais peut-être devons-nous être plus explicites encore.

Mme Céline Brulin . - À la page 90, vous écrivez : « A minima , le gel de toute suppression d'ETP par rapport au schéma prévisionnel initial est nécessaire. À cet égard, elle [la mission] sera tout particulièrement vigilante à d'éventuels effets d'annonces sur une potentielle réduction des suppressions envisagées en 2017, qui ne seraient dans les faits qu'un rattrapage par rapport à une sur-exécution les années précédentes ». Pouvez-vous m'expliquer ce paragraphe ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - En 2019, il était prévu de supprimer 50 ETP ; or, dans les faits, 53 postes ont été supprimés. En 2020, 85 ETP ont été supprimés, contre 60 prévus. D'où le terme de « sur-exécution ».

Mme Céline Brulin . - Je comprends, merci pour cette explication.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Je me demande si nous ne devrions pas actualiser les chiffres pour 2022.

Pour en revenir à la question de Vincent Segouin, 22,2 millions seront consacrés à la mise en oeuvre de la revalorisation du Grenelle de l'éducation - primes d'équipement, primes d'attractivité, revalorisation indemnitaire des conseillers principaux d'éducation (CPE).

Mme Marie-Pierre Monier . - Dans le cadre de la proposition n° 6, nous souhaitons annuler les suppressions d'emplois prévues dans le schéma prévisionnel d'emplois pluriannuel 2019-2022. Mais vise-t-on le rétablissement des emplois supprimés dans l'enseignement agricole public et privé sur toute cette période ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Dès lors que l'on demande une revalorisation de l'enseignement agricole, cela impliquera à terme des emplois supplémentaires.

Procédons en deux étapes : demandons cette année le maintien des 110 ETP, puis inscrivons-nous dans une trajectoire plus large, en demandant que le nombre de postes soit en adéquation avec les nouveaux effectifs des élèves.

Mme Marie-Pierre Monier . - À la page 90, même si c'est un détail, vous avez plus développé le point de vue de l'administration que celui des enseignements.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous pouvons rééquilibrer ces deux paragraphes.

Mme Marie-Pierre Monier . - Il me semble que le terme « agro-écologie » inclut les exploitations et la taille de celles-ci. J'aimerais que l'on ajoute que l'agro-écologie s'inscrit dans un cadre un peu plus large. Au-delà de la question spécifique de l'agriculture biologique, elle doit veiller à rendre accessibles les modèles d'exploitation à chaque apprenant. Je propose l'ajout suivant à la page 98 : « Par ailleurs, le bio n'est pas la seule composante des évolutions portées par la transition écologique. Il est important que chaque apprenant ait accès au cours de sa formation à une présentation exhaustive du fonctionnement des exploitations de petite taille et de l'ensemble des pratiques agro-écologiques. »

M. Jean-Marc Boyer, président . - Vous proposez donc d'ajouter ce paragraphe entre l'avant-dernier paragraphe et le dernier ?

Mme Marie-Pierre Monier . - La proposition n° 11 pourrait être complétée par : « veiller à ce que les modèles d'exploitation agricole de petite taille... ».

M. Jean-Marc Boyer, président . - Pourquoi « de petite taille » ?

Mme Marie-Pierre Monier . - J'ai le sentiment que l'on ne parle que des grosses structures.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Non.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Je crains que votre proposition n'alourdisse la proposition n° 11. Il serait préférable d'apporter cette précision auparavant.

Mme Marie-Pierre Monier . - J'en suis d'accord.

M. Joël Labbé. - « Utiliser pleinement le bio comme élément de réflexion sur les pratiques agronomiques » : ces pratiques sont évidemment à la base du bio. Mais pourquoi ajouter « sans enfermer les apprenants dans un cadre de filière spécifique d'enseignement » ? Là n'est pas le sujet, cette précision m'apparaît même réductrice.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Le verbe « enfermer » est peut-être inapproprié, mais les jeunes doivent bénéficier de tous les enseignements. Ils doivent avoir toutes les clés à la fin de leurs études. Si l'on cantonne l'enseignement au bio, comment feront-ils s'ils travaillent dans l'agriculture conventionnelle ?

M. Joël Labbé . - Les pratiques agronomiques sont au coeur de cette proposition. À terme, elles devraient recouvrir l'ensemble des modes d'agriculture. Laissons tout ouvert.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Cette idée est reprise au c) « Ne pas faire de filière spécifique bio mais utiliser pleinement le bio comme élément de réflexion sur les pratiques agronomiques ».

M. Olivier Jacquin . - On pourrait s'entendre si l'on distinguait l'enseignement de base de spécialisations ultérieures. Les élèves doivent effectivement connaître tous les modèles d'agriculture, mais inscrire, de manière aussi martiale, « ne pas faire de filière spécifique bio » me gêne beaucoup. Il faut préciser « dans l'enseignement de base ».

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Vous avez raison, n'envoyons pas un signal négatif.

M. Olivier Jacquin . - La proposition de Marie-Pierre Monier allait en ce sens. Il faut que toutes les composantes de l'enseignement soient dispensées ; n'ayons pas une approche sectaire.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - En effet, nous allons nous inspirer de vos propositions.

M. Olivier Jacquin . - Vous allez réécrire le c) ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Tout à fait, nous allons trouver une formulation positive.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Il faut trouver une formulation équilibrée, car les enseignants ont choisi de ne pas faire une filière bio spécifique.

M. Joël Labbé . - Envisagez-vous de ne pas mettre la seconde partie de la proposition n° 11 ?

M. Vincent Segouin . - On ne va pas modifier tout le rapport non plus.

M. Joël Labbé . - Cela ne modifie pas tout le rapport.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous allons enlever le verbe « enfermer ».

M. Joël Labbé . - Il y a une demande de formation bio spécifique. C'est pourquoi je ferai une annexe sur ce point.

Mme Marie-Pierre Monier . - À la page 105, dans la proposition n° 17, vous parlez de la recherche. Vise-t-on les appels à projets ou la recherche de manière plus pérenne ? Soit on l'explicite dans le paragraphe précédent soit on modifie la proposition avec la rédaction suivante : « Renforcer le soutien à la recherche en matière agro-économique et agricole par la création de postes pérennes dans ce domaine ainsi que par des appels à projets de l'ANR... ».

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Votre proposition est judicieuse.

Mme Marie-Pierre Monier . - Des chercheurs m'ont confié qu'ils passaient leur temps à chercher des financements pour les appels à projets.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - En effet, ils nous l'ont tous dit.

Mme Marie-Pierre Monier . - À la page 116, il faudrait écrire : « la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale rurale » et non pas « ou. »

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Nous en sommes tous d'accord.

Mme Marie-Pierre Monier . - La proposition n° 40 parle de mutualisation. Veillons à ce que cette logique ne conduise pas à une logique de rationalisation des postes. Vous avez beaucoup insisté sur la qualité de l'enseignement à distance, vous avez raison, mais cela ne doit pas être de nature à déréglementer le secteur.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - La mutualisation concerne plutôt les locaux. Dans le Nord, plutôt que de construire dans dix ans un nouveau lycée, on a préféré ouvrir une classe de seconde générale dans des locaux d'un établissement d'enseignement agricole. Cette classe est en réalité un véritable vivier pour cet établissement.

Vous avez raison, par mutualisation, il ne faut pas que l'on entende « mutualisation de postes ».

Mme Céline Brulin . - Dans le même esprit, il conviendrait de bannir le terme « visioconférence ». L'enseignement agricole, plus encore que les autres, ne peut être dispensé à distance.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - La visioconférence ne concerne que des options. De nombreux établissements peinent à introduire certaines options, car seuls deux ou trois élèves sont intéressés. La visioconférence permettrait de développer certaines options, ce qui serait de nature à favoriser l'attractivité de ces établissements.

M. Vincent Segouin . - Ne nous interdisons pas le recours aux outils modernes.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Sans en abuser, il faut avancer. La proposition n° 40 résume nos développements sur ces options qui pourraient être dispensées en visioconférence.

Mme Céline Brulin . - Ces options peuvent en effet être un enrichissement. Mais, vu les difficultés budgétaires actuelles, des enseignements de base pourraient être dispensés sous cette forme. Or, nous l'avons vu pendant le confinement, la visioconférence n'est pas la panacée.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Permettez-moi de revenir sur la question des mutualisations. La ville de Rochefort-Montagne, qui compte un collège et un lycée agricole, a le projet de développer une cité scolaire pour permettre aux élèves d'y suivre leur scolarité jusqu'au baccalauréat, alors qu'ils doivent pour l'heure aller en internat dans une autre ville. Les ministères de l'agriculture et de l'éducation nationale demandent des mutualisations : un seul centre de documentation et d'information, un seul self, afin que la région et le département mutualisent leurs moyens. Mutualisation ne signifie pas suppression de postes : on peut supprimer un poste dans un service, mais en créer un autre dans un autre service. C'est ainsi que j'entends la mutualisation.

Mme Marie-Pierre Monier . - Certes, cela peut se passer comme cela dans une intercommunalité, mais il en va différemment au niveau de l'État. En témoigne la suppression de trésoreries ! Si l'on écrit le terme « mutualisation », quel usage en sera-t-il fait ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Madame Brulin, on va préciser que les visioconférences concernent les options.

M. Joël Labbé . - Oui à l'utilisation intelligente de la visioconférence, mais sinon...

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Je ne voudrais pas que Bercy prenne cette proposition au pied de la lettre.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Page 129, Mme Monier demande que la proposition n° 42 soit reformulée.

Mme Marie-Pierre Monier . - On peut dans le paragraphe précédant cette proposition : « Elle [la mission d'information] attire en particulier l'attention sur l'enseignement agricole privé dont le rôle est bien plus important que dans l'éducation nationale. » Le terme « rôle » me semble inapproprié. Ne pourrait-on pas dire : qui représente une part de formation plus importante.

Dans la proposition n° 42, il faudrait peut-être modifier la formulation : « à ne pas négliger l'enseignement agricole » en ajoutant : « qu'il soit public ou privé ou dans la diversité de ses structures. » La formulation retenue donne l'impression que l'on se focalise sur le privé.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Certes, je comprends, mais l'on sait que l'enseignement privé représente une part plus importante.

Mme Marie-Pierre Monier . - Sur le fond, je suis d'accord. C'est pourquoi je propose d'écrire : « l'enseignement agricole privé qui représente une part de formation plus importante que dans l'éducation nationale. »

M. Jean-Marc Boyer, président . - On peut ajouter cette précision en effet.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Cela me fait penser à la proposition de Gilbert Favreau : il importe que les régions se mobilisent plus activement en faveur de l'orientation dans l'enseignement agricole. Cela pourrait faire l'objet d'une proposition complémentaire.

M. Gilbert Favreau . - Les régions seront intéressées.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure . - Souvent, ce sont des acteurs privés ou des associations qui organisent les salons d'orientation. Les établissements d'enseignement agricole n'ont pas les moyens de promouvoir leur enseignement dans les salons. C'est pourquoi nous proposons que les DRAAF apportent leur aide. De manière ambitieuse, j'envisageais de proposer que les salons soient obligés d'accueillir tous les établissements d'enseignement agricole. Mais nous pourrions tout au moins alerter les régions sur la nécessité de voir l'ensemble des établissements et des filières représentés lors des salons.

Soit nous reformulerons notre proposition, soit nous ferons une proposition supplémentaire sur ce sujet.

M. Jean-Marc Boyer, président . - Permettez-moi de vous rappeler le titre du rapport : « Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique »

Le titre du rapport est adopté .

La mission d'information adopte à l'unanimité le rapport d'information, dans la rédaction issue de ses travaux, et en autorise la publication .

M. Jean-Marc Boyer, président . - Le compte rendu de cette réunion sera inséré dans le rapport. Les groupes politiques qui souhaiteraient annexer au rapport des contributions écrites pour faire état de positions spécifiques sont invités à communiquer ces documents au secrétariat d'ici le vendredi 1 er octobre à midi.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions plénières

Mercredi 3 mars 2021

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) : Mme Valérie BADUEL , directrice générale de l'enseignement et de la recherche.

Mardi 9 mars 2021

Table ronde avec des représentants des syndicats agricoles :

- Confédération paysanne : M. Étienne HEULIN , membre du comité régional et ancien porte-parole en région Pays-de-la-Loire ;

- Coordination rurale : M. Joris MIACHON , président de la section Jeunes ;

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : Mme Marianne DUTOIT , administratrice et présidente de la commission Enseignement-Formation, et M. Jérôme LACHAUX , chef du service Enseignement-Formation de la FNSEA pour OCAPIAT ;

- Jeunes agriculteurs : MM. Stéphane CORNEC , membre du conseil d'administration, et Xavier HEINZLÉ , conseiller chargé du renouvellement des générations en agriculture ;

- Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) : M. Pierre THOMAS , président.

Mercredi 10 mars 2021

Table ronde sur l'orientation vers l'enseignement agricole et son attractivité :

- Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) : MM. Bruno RICARD , inspecteur général des ponts, des eaux et des forêts et Éric BARDON , inspecteur général de l'agriculture ;

- Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) : Mme Sandrine MARCILLAUD-AUTHIER , cheffe du département des éditions ;

- Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Auvergne-Rhône-Alpes (DRAAF) : M. Michel SINOIR , directeur ;

- Régions de France : M. Jean-Louis NEMBRINI , vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine chargé de l'éducation et des lycées ;

- Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (ANDCIO) : Mmes Corinne BLIECK , ancienne présidente, et Saadia AIT-ABED , membre suppléante au conseil d'administration et directrice du CIO de Saint-Benoît (La Réunion), et M. Yohann LE PAPE , membre du conseil d'administration et directeur du CIO de Chartres ;

Mercredi 17 mars 2021

- Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation (UNMFREO) : MM. Dominique RAVON , président, et Roland GRIMAULT , directeur.

- Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) : MM. Jean SALMON , président, Philippe POUSSIN , secrétaire général, et Marc JANVIER , président de l'Union nationale de l'enseignement agricole privé (UNEAP) ;

Mardi 23 mars 2021

- Association pour la promotion de l'enseignement et de la formation agricoles publics (APREFA) : MM. Nicolas BASTIÉ , président, directeur de l'EPLEFPA de Toulouse-Auzeville, et Patrick DELAGE , directeur de l'EPLEFPA de Laval, et Mme Frédérique ELBÉ , ancienne présidente, et directrice de l'EPLEFPA d'Avize.

Mercredi 7 avril 2021

- Association des directeurs d'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) : Mme Isabelle PLASSAIS , présidente, et M. Jérôme STALIN , secrétaire-adjoint ;

Mardi 13 avril 2021

- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : MM. Philippe MAUGUIN , président-directeur général, Christian HUYGHE , directeur scientifique "agriculture", et Cyril KAO , directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe (DESSE).

Mercredi 12 mai 2021

- Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP) : MM. Victor GRAMMATYCA , président, Thierry DEFAIX , vice-président, et Laurent CARLES , directeur.

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) : MM. François BEAUPÈRE , deuxième vice-président et président de la Chambre régionale d'agriculture des Pays de la Loire, Gilbert GUIGNAND , secrétaire-adjoint et président de la Chambre régionale Auvergne-Rhône-Alpes, et Dominique BOUVIER , responsable du service installation-transmission, et Mme Fatma TERGOU , chargée de mission.

Mardi 18 mai 2021

Table ronde sur l'enseignement supérieur agricole long :

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Inspection de l'enseignement agricole : M. Emmanuel DELMOTTE , doyen ;

- AgroParisTech : M. Gilles TRYSTRAM , directeur général ;

- Fédération France Agro 3 : M. Christophe FACHON , directeur général délégué à Junia pour ISA Lille.

Mercredi 30 juin 2021

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : M. Julien DENORMANDIE , ministre.

Auditions de la rapporteure

Mercredi 5 mai 2021

- Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation : M. Jérôme TEILLARD , inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, chef de projet « Réforme de l'accès à l'enseignement supérieur - Parcoursup ».

- Association nationale des industries alimentaires (ANIA) : Mme Anastasia BOUCHERON , directrice des affaires sociales.

Mercredi 12 mai 2021

- Ministère de l'action et des comptes publics - Direction du budget : M. Morgan LARHANT , sous-directeur Europe et agriculture, et Mme Diane GEHIN , chef du bureau de l'agriculture.

Mardi 18 mai 2021

Table ronde avec des représentants des syndicats de l'enseignement agricole public :

- SNETAP-FSU : M. Frédéric CHASSAGNETTE , co-secrétaire général, Mme Laurence DAUTRAIX , secrétaire générale adjointe, secteur politique scolaire et laïcité, Mme Clémentine MATTEI , co-secrétaire général, M. Olivier BLEUNWEN , secrétaire général adjoint secteur Pédagogie Vie Scolaire ; M. Bruno POLACK , co-secrétaire ;

- Force Ouvrière Enseignement agricole : M. Nicolas GILOT, secrétaire général adjoint national ;

- Syndicat SEA-UNSA Éducation : M. Didier FLEURY , secrétaire général, M. Stéphane ROBILLARD , secrétaire général adjoint, Mme Gwendoline PROSPER , secrétaire générale adjointe, M. Nicolas PETIT , responsable du pôle direction et directeur LEGTA de Mirandes ;

- CGT-Sud Agri : M. Thierry JACOB , co-secrétaire général, Mme Fabienne VASSEUR , co-secrétaire générale ;

- SGEN-CFDT : MM. Jean-François LE CLANCHE , secrétaire fédéral, Romain BERTRAND , secrétaire fédéral.

Mercredi 19 mai 2021

- La Coopération agricole : M. Dominique CHARGÉ , président.

- Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : Mmes Patricia ANDRIOT , cheffe de projet de la mission ruralité, et Géraldine DEROZIER , cheffe de projet Ruralité.

Mercredi 26 mai 2021

Table ronde avec des représentants des syndicats de l'enseignement agricole privé :

- FEP-CFDT : MM. Bruno LAMOUR , secrétaire général, et Jean-Marc RAFENBERG , responsable du suivi de l'enseignement agricole privé ;

- SPELC Agro : Mme Séverine COLLE , responsable nationale ;

- SNEC-CFTC : Mme Annie TOUDIC , présidente.

Mercredi 9 juin 2021

- PEEP : Mme Gisèle BRUNAUD , vice-présidente, responsable de la section PEEP Agri.

Mardi 15 juin 2021

- Ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports - direction générale de l'enseignement scolaire : Mme Rachel-Marie PRADEILLES-DUVAL , cheffe du service de l'instruction publique et de l'action pédagogique, M. Philippe LEBRETON , chef du bureau de l'orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire.

Mardi 22 juin 2021

Audition commune :

- Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) : M. Stéphane RÉMY , sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle ;

- Opérateur de compétences OCAPIAT : M. Jérôme LACHAUX , chef du service Enseignement-Formation de la FNSEA, Mme Isabelle HELSENS , responsable du pôle Développement de l'apprentissage ;

- VIVEA : Mme Béatrice DINGLI , directrice générale.

Mercredi 23 juin 2021

- Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA) : MM. Pascal CORMERY , président, et Laurent ESTEVE , adjoint au responsable du département prévention des risques professionnels au sein de la direction de la santé sécurité au travail.

Mardi 6 juillet 2021

- Échanges avec Mme Sophie PRIMAS , présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Laurent DUPLOMB , président du groupe d'études sur l'agriculture et l'alimentation, Mme Marie-Christine CHAUVIN , présidente du groupe d'études sur l'élevage, Mme Anne-Catherine LOISIER , présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », Mme Marie-Pierre MONIER , présidente de la section « cultures traditionnelles et spécialisées » et M. Daniel GREMILLET , vice-président du groupe d'études sur l'agriculture et l'alimentation.

Mercredi 22 septembre 2021

- Ministère de la mer : Mme Raphaëlle SÉGUIN , conseillère budgétaire, fiscalité, gens de mer et métiers maritimes au cabinet de Madame Annick Girardin, ministre de la mer.

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION

1. Déplacement en Gironde, le 2 avril 2021

M. Jean-Marc BOYER, président de la mission d'information, et Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure, se sont rendus à :

- la Maison Familiale Rurale de Vayres : Accueil par MM. Stéphane TALAVET , directeur régional, et José SCHINAZI , directeur de la MFR. Échanges avec les équipes et avec des jeunes suivant le BTSA viticulture-oenologie ;

- Bordeaux Sciences Agro, à Gradignan : accueil par M. Bernard FARGES , président du conseil d'administration, et Mme Sabine BRUN-RAGEUL , directrice. Échanges avec l'équipe de direction, des enseignants et des étudiants ;

- l'EPLEFPA de Bordeaux-Gironde, à Blanquefort : accueil par Mme Corinne REULET , directrice. Échanges avec des jeunes en formation puis avec l'équipe de direction ;

- l'Agence Erasmus + France, à Bordeaux : échanges avec M. Sébastien THIERRY , directeur adjoint, Mme Corinne LEFAY-SOULOY , conseillère technique au cabinet de la direction, et M. Jean-Louis MAYONNADE , en charge de l'enseignement agricole.

2. Déplacement dans le Nord, le 27 mai 2021

Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure de la mission d'information, et MM. Jean-Pierre DECOOL et Frédéric MARCHAND, vice-présidents, se sont rendus :

- à la SAEM Euralimentaire, au M.I.N. de Lomme : présentation du projet Euralimentaire par Mmes Isabelle CAMBIER , directrice générale déléguée, Isabelle WISNIEWSKI , responsable du projet Euralimentaire, et Capucine MAES , responsable incubation. Échanges avec trois start-ups : Faba/Sincera , Encuentro et Happy Drêche ;

- à l'Institut de Genech, à Genech : accueil et présentation des enjeux par M. Pascal SOUYRIS , directeur général, et l'équipe de direction, en présence du président et du secrétaire général du CNEAP. Visite de l'exploitation et de l'écurie active.

Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure de la mission d'information, et M. Jean-Pierre DECOOL, vice-président, se sont rendus :

- à l'Institut d'enseignement technologique de Hoymille : accueil et présentation des enjeux par M. René VERSMISSE , directeur, et l'équipe de direction, en présence de MM. Jean SALMON , président du CNEAP, et Philippe POUSSIN , secrétaire général du CNEAP ;

- au Lycée Charles Brasseur à Bourbourg : accueil et présentation des enjeux par M. David VANDEWALLE , directeur, et l'équipe de direction, en présence de M. Éric GENS , maire de Bourbourg, ainsi que de MM. Jean SALMON , président du CNEAP, et Philippe POUSSIN , secrétaire général du CNEAP.

3. Déplacement dans la Drôme, le 28 mai 2021

Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure de la mission d'information, et Mme Marie-Pierre MONIER, vice-présidente, se sont rendues :

- à l'unité expérimentale de recherches intégrées (UERI) en arboriculture fruitière de l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), à Gotheron : accueil par M. Vincent MERCIER , directeur de l'unité expérimentale de recherches intégrées en arboriculture fruitière. Présentation du site, des enjeux et des travaux menés par l'UERI avec les lycées agricoles du Valentin à Bourg-lès-Valence et Terre d'horizon à Romans-sur-Isère (échanges scientifiques dans le cadre de projets en partenariat (AP3A, ALTO, agroforesteries...), techniques et scientifiques lors de visites d'étudiants, relations institutionnelles via les conseils d'administration, et échanges agricoles (estives des génisses, échanges de matériel et de fumier). La visite a plus particulièrement permis de présenter les projets MIRAD (essai système sur Abricotiers) et ALTO (re-conception de verger multi-espèces).

- au Lycée horticole - Pôle d'enseignement Terre d'Horizon : accueil et présentation des enjeux par M. Fabien CHALUMEAU , proviseur, et l'équipe de direction. Échanges avec des élèves.

- à l'EPLEFPA du Valentin : accueil et présentation des enjeux par Mme VÉRONIQUE LE GUEN , directrice-adjointe et proviseure adjointe du Lycée Le Valentin, M. Guillaume FICHEPOIL , directeur de l'exploitation, et Mme Florence FABRE , directrice du CFPPA de Bourg-lès-Valence. Échanges avec des apprenants.

4. Déplacement à l'École nationale vétérinaire d'Alfort, le 24 juin 2021

Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure de la mission d'information, s'est rendue à l'École nationale vétérinaire d'Alfort, à Maisons-Alfort.

Elle a pu échanger sur les enjeux de l'établissement et, plus généralement, sur ceux de la filière vétérinaire avec MM. Christophe DEGUEURCE , directeur, Renaud TISSIER , directeur scientifique, Henry CHATEAU , directeur des formations, Mme Djérène MASO , directrice de l'hôpital des animaux de compagnie, M. Emmanuel BERTHENAND , secrétaire général, Mme Juliette BOURDON , secrétaire générale adjointe, et M. Sébastien DI NOIA-POLLE , directeur de la communication.

5. Déplacement dans le Puy-de-Dôme, le 23 septembre 2021

M. Jean-Marc BOYER, président de la mission d'information, Mme Nathalie DELATTRE, rapporteure, M. Joël LABBÉ, vice-président, et Mme Catherine CONCONNE se sont rendus :

- au campus agronomique de VetAgro Sup, à Lempdes : échanges avec Mme Jeanne-Marie BONNET , directrice générale par intérim (en visioconférence), MM. Étienne PAUX , directeur général-adjoint pour le campus agronomique de Lempdes, Luc MOUNIER , directeur des formations (en visioconférence), Mathieu CAPITAINE , directeur de l'enseignement et de la vie étudiante sur le campus agronomique et Yves MICHELIN , professeur en géographie (département agriculture et espaces, UMR Territoires) ;

puis, en présence de Mme Nathalie PRUDON-DESGOUTTES , directrice-adjointe de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes - cheffe du service régional de la formation et du développement (SRFD) :

- au lycée agricole de Rochefort-Montagne : accueil et présentation des enjeux par M. Bertand BISSUEL , proviseur, et l'équipe de direction de l'établissement. Échanges avec des apprenants ;

- à la maison familiale rurale de Gelles : accueil et présentation des enjeux par Mme Anne RABÉRIN , directrice, et M. Pierre MILLET , directeur de la Fédération régionale des MFR d'Auvergne-Rhône-Alpes. Présentation du site et des enjeux. Échanges avec les équipes de la MFR et avec des apprenants ;

- à l'EPLEFPA de Marmilhat (lycée Louis Pasteur) : accueil et présentation des enjeux par Mme Isabelle PLASSAIS , directrice, présidente de l'association nationale des directeurs et directeurs-adjoints d'EPLEFPA. Échanges avec l'équipe de direction.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

Contribution de M. le sénateur Joël Labbé

au nom du groupe Écologiste - Solidarité & Territoires

Pour un enseignement agricole doté de moyens et d'ambitions à la hauteur de l'urgence écologique et des enjeux de souveraineté alimentaire

Le Groupe Écologiste - Solidarité & Territoires salue l'initiative du Sénat et la tenue de cette mission sur le sujet essentiel qu'est l'enseignement agricole, ainsi que la qualité globale du travail qui a été mené dans ce cadre.

Il est capital que le Sénat se penche sur le sujet tant les défis à relever sont immenses pour ce secteur, défis qui ont été rappelés à juste titre par la mission. Renouvellement des générations (près de la moitié des professionnels partant en retraite sous 10 ans), changement climatique, biodiversité, bien-être animal, relocalisation de l'alimentation, le tout dans un contexte de difficultés de revenus et de conditions de travail pour un trop grand nombre d'agriculteurs : l'enseignement agricole se situe à un tournant et mérite une attention forte.

Pourtant, comme la mission l'a souligné, l'enseignement agricole souffre d'un manque criant de moyens, alors qu'il serait essentiel d'investir dans ce secteur pour le renforcer afin d'en faire un véritable outil stratégique de notre politique agricole.

Le Groupe Écologiste-Solidarité & Territoires partage ainsi les questionnements face au manque d'ambition de l'État à cet égard, qui semble laisser la place à des acteurs du privé dont le projet Hectar, qui suscite beaucoup d'interrogations, est l'un des symptômes. Le groupe écologiste va cependant plus loin que la mission en soulignant ses inquiétudes face à ce type de projets, et aux finalités idéologiques qu'ils seraient susceptibles de servir. L'ouverture de l'enseignement vétérinaire au privé ou la vente du domaine de Grignon sont d'autres signaux qui semblent traduire une forme de désengagement de l'État d'un secteur pourtant stratégique.

Ainsi le groupe EST partage les axes principaux de la mission sur le renforcement des moyens de l'enseignement agricole, de son pilotage stratégique et de ses ambitions, de la communication autour de ses atouts et des métiers de l'agriculture, de la consolidation de ses enseignements.

Ces éléments sont essentiels pour l'attractivité de l'enseignement agricole, mais, pour le groupe EST, c'est aussi, voire surtout en inscrivant pleinement l'enseignement agricole dans la transition agroécologique et en particulier dans l'agriculture biologique, qu'on lui permettra de trouver la place qu'il mérite.

C'est en effet un enjeu pour l'attractivité de cet enseignement, puisque les chiffres d'installation en bio sont en constante augmentation, en particulier chez les paysans « Non Issus du Milieu Agricole ». C'est aussi, bien sûr, un enjeu pour la transformation de notre modèle agricole, pour répondre à la demande des consommateurs, et plus globalement aux enjeux environnementaux auxquels nous faisons face. Cette problématique ne semble pas suffisamment développée par le rapport.

Renforcer la formation à l'agroécologie et à l'agriculture biologique en formation initiale et adulte

Développement de formation à « orientation bio » et de formations « spécifiques bio » :

On constate aujourd'hui un véritable manque d'ambition sur l'enseignement en agriculture biologique, alors que les installations dans ce système se développent rapidement. Si on peut regretter que le gouvernement ne se donne pas les moyens de produire des chiffres nationaux en la matière, on constate néanmoins que, en 2019, elles représentent environ un tiers des installations aidées en Régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne et Pays de la Loire.

Certes l'agroécologie a fait son entrée dans les programmes et des améliorations ont été notées depuis les plans "Enseigner à produire autrement". Mais on note une ambition de ces plans en décalage avec l'urgence écologique, la demande des consommateurs, mais aussi celle des porteurs de projet, en formation initiale comme en formation adulte. Ceci est particulièrement vrai pour les porteurs de projet non issus du milieu agricole, aujourd'hui essentiels au renouvellement des générations, et qui représentent plus de 60% des personnes se présentant aux « points installation transmission ».

Les échanges avec la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique, ou avec des syndicats d'enseignants comme le SNETAP-FSU, membre du Comité de défense de l'enseignement agricole public, font ressortir un fort manque de formations axées sur l'agroécologie et l'agriculture biologique. C'était aussi le constat dressé dans le rapport d'information du Sénat sur les financements publics consacrés à l'agriculture biologique, effectué en 2020 par la Commission des finances, qui constate que l'agriculture biologique, d'après les acteurs auditionnés, « n'avait pas encore trouvé une place suffisante dans les programmes des différents niveaux d'enseignement agricole ».

Il convient donc de se fixer des objectifs chiffrés et territorialisés en termes de développement de formations à orientation bio, en particulier pour certaines filières comme l'élevage ou les grandes cultures, pour lesquelles les formations sont quasi-inexistantes. Ceci est particulièrement problématique dans le cas de l'élevage, puisque ce secteur est particulièrement touché par les difficultés de transmission des fermes.

Renforcer la qualité des formations en bio :

On constate sur le terrain des besoins importants pour renforcer la qualité des formations en bio : la FNAB a ainsi réalisé en 2019-2020 une enquête révélant un manque de moyens des établissements concernant l'enseignement de la bio, avec des besoins en termes de formations des personnels enseignants, de proximité avec le monde professionnel bio, de contenus et de supports. Le Ministère se doit de répondre à ces attentes, qui ne peuvent être laissées à la seule charge des professionnels du secteur. Le groupe écologiste estime également que ce développement de l'enseignement de l'agroécologie doit passer par des liens avec l'Institut Technique d'Agriculture Biologique, dont l'approche systémique, en partenariat avec les agriculteurs est particulièrement adaptée à ces enjeux.

Pour le groupe écologiste, il convient aussi d'adapter les référentiels de diplômes du secteur de la production agricole à ces enjeux de développement de la bio et aux spécificités de l'agroécologie. A titre d'exemple, aujourd'hui, des formations « à orientation bio » peuvent ne contenir qu'un seul module sur la bio, ce qui est problématique. La bio et ses spécificités doivent être clairement indiquées dans les référentiels métiers.

De même, concernant la simplification de la cartographie des formations proposée par la mission, le groupe EST s'interroge sur cette orientation qui pourrait porter un risque de déqualification des formations. Un questionnement sur cette cartographie peut être pertinent s'il est plus global, pour prendre en compte la transition agroécologique (par exemple pour sortir de logiques de filière et aller vers la polyculture élevage).

Toutes ces orientations nécessitent bien sûr des moyens, pour le moment bien trop faibles.

Développement de formation sur les circuits courts et la transformation à la ferme :

Aujourd'hui, de plus en plus d'agriculteurs souhaitent se tourner vers les circuits courts. Il s'agit d'une tendance de fond qui correspond à la fois à une demande forte et en croissance des consommateurs, et à une recherche de captation de la valeur par des agriculteurs. Cette tendance est aussi un objectif de politique publique, avec notamment le dispositif des PAT. L'enseignement agricole est en retard à cet égard alors que de réelles compétences sont nécessaires pour piloter la vente en circuits courts de ses produits, ou pour la transformation de produits agricoles. La Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique a ainsi identifié le besoin de référentiels métiers spécifiques sur les circuits courts et sur la transformation alimentaire en production biologique. Le groupe EST souhaite donc aller plus loin que les propositions de la mission sur ce sujet.

Faire des fermes des établissements d'enseignement agricole des lieux centraux pour la transition agroécologique, le développement de la bio et des circuits courts

Ces fermes sont de véritables outils, qui méritent qu'on aille au-delà des objectifs de développement de surfaces en bio, ou de sortie du glyphosate, tels qu'affichés par le plan stratégique actuel.

Certes, pour les établissements publics, 64,9 % des fermes ont au moins un atelier en bio et 16,7 % des fermes sont 100 % bio (22,5 % de la SAU). Certes, des objectifs ont été fixés pour 2025, à savoir 100 % des fermes avec au moins un atelier AB.

Mais ces objectifs restent très restrictifs par rapport à l'ensemble des possibilités qui permettraient de faire des fermes d'établissement des leviers de transition agroécologique. Pourtant, on constate, sur certains territoires, des initiatives très positives, que les politiques publiques doivent soutenir, et développer.

On peut citer à ce titre les pépinières d'entreprise ou espaces test agricoles, développés sur certaines fermes d'exploitations : ces espaces permettent à des porteurs de projets de tester leur activité pendant une durée déterminée, généralement d'un an. Ce dispositif est particulièrement utile pour les porteurs de projets non issus du milieu agricole qui peuvent ainsi sécuriser leur installation en démarrant une activité de production en condition réelle mais dans un cadre permettant un accompagnement, et sans risques liés à l'investissement.

Toujours dans cet esprit de renouvellement des générations, il conviendrait de développer, sur ces exploitations agricoles, des fermes pédagogiques, afin de sensibiliser le public non agricole à cette profession. Cela serait également un outil pour recréer du lien entre agriculture et consommateur.

Enfin le développement d'ateliers de transformation et/ou de vente directe sur les fermes des établissements seraient également des atouts. En particulier, les points de vente sur le site des établissements, qui existent déjà sur certaines fermes permettent à la fois de former à la vente directe, mais aussi de créer du lien entre le monde agricole et les territoires qui les entourent.

L'agroécologie a aussi une dimension économique et sociale, de lien au territoire, qui doit être englobée dans son ensemble par les exploitations des établissements.

Toutes ces orientations nécessitent encore une fois des moyens : aujourd'hui bon nombre des exploitations et ateliers technologiques des établissements sont en grandes difficultés financières, du fait de la crise Covid, mais aussi de façon structurelle. Elles doivent être aidées pour mener à bien leur conversion agroécologique et leurs missions pédagogiques.

Doter les futurs installés d'un maximum d'autonomie pour développer la résilience agricole :

La réforme de l'enseignement agricole a acté une perte d'heures sur la partie gestion d'entreprise, ce qui nuit au développement de compétences permettant une meilleure autonomie sur sa ferme, par la bonne maîtrise des notions de pilotage d'activité, gage de résilience économique, et de réflexion sur la captation de la valeur, dans un contexte où les rapports de force économiques sont trop souvent défavorables aux paysans.

Il en va de même concernant la perte d'heures sur les agroéquipements, alors que les futurs agriculteurs doivent être en mesure de comprendre l'impact du choix de leur équipement sur le sol, sur leur travail, sur l'économie de leur exploitation, afin d'effectuer des choix éclairés, dans un contexte où l'on constate trop souvent un suréquipement des fermes, pouvant parfois conduire à des difficultés économiques.

Une gouvernance ouverte et pluraliste de l'enseignement agricole nécessaire pour mener à bien la transition agroécologique :

Enfin, pour le groupe EST, cette transition vers l'agroécologie doit aussi passer par une ouverture de la gouvernance de l'enseignement agricole. En effet, il ne peut être abordé uniquement sous l'angle économique du besoin des filières, l'agriculture étant au carrefour d'enjeux sociétaux majeurs.

Ainsi, les orientations de la loi dite Pénicaud de 2018, qui renforce le côté marchand de la formation professionnelle, et notamment son décret d'application définissant la composition de la Commission Professionnelle de Certification (CPC) de l'enseignement agricole, sont éminemment problématiques.

Alors que les CPC sont chargées d'émettre des avis conformes sur la création ou la révision de diplômes professionnels, leur pluralisme a été très fortement restreint par le décret du 26 décembre 2018. Ce texte exclut de la CPC les personnalités qualifiées qui représentent les usagers (familles et apprenants) et les acteurs sociaux (dont les personnels de formation). Les syndicats agricoles minoritaires n'y ont pas de droit de vote. Cela renforce fortement la place des professionnels, et notamment de ses acteurs majoritaires dans le secteur agricole et agroalimentaire, mais aussi d'acteurs économiques sans lien spécifique avec le monde agricole. Ainsi, ne sont pas représentées dans ces instances les attentes sociétales et la pluralité du monde agricole, à l'heure où un changement de modèle est reconnu comme nécessaire. Le Groupe EST estime qu'une modification de ce décret est indispensable, des CPC pluralistes étant nécessaires pour l'orientation des formations agricoles.


* 1 « L'enseignement agricole : une chance pour l'avenir des jeunes et des territoires », rapport d'information de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission des affaires culturelles, n° 27 (2006-2007) - 18 octobre 2006.

* 2 « Quel avenir pour l'enseignement agricole ? », débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, 30 octobre 2019.

* 3 Projet de décret sur l'organisation de l'enseignement agricole précédé de l'exposé des motifs par le citoyen Tourret, ministre de l'agriculture et du commerce (examiné à l'Assemblée nationale lors de la séance du 17 juillet 1848).

* 4 François Purseigle, La mosaïque de l'enseignement agricole : recomposition, enjeux et métamorphose - Formation et emploi 2020/3 (n° 151).

* 5 Loi n° 60-791 du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles.

* 6 Loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 portant rénovation de l'enseignement agricole public et loi n° 84-1285 du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l'État et les établissements d'enseignement agricole privés (modifiant la loi n° 84-579 du 9 juillet 1984 pré-citée).

* 7 Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.

* 8 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

* 9 Communiqué de presse du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 11 janvier 2014.

* 10 « Observations définitives sur les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole », Cour des comptes, 3 ème chambre, juin 2021.

* 11 https://impactons.debatpublic.fr/

* 12 Demain je serai paysan.

* 13 Insee Focus, n° 312, 23 octobre 2020 : Les agriculteurs : de moins en moins nombreux et de plus en plus d'hommes.

* 14 CGAAER, rapport n° 19069 de juin 2020, « L'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité ».

* 15 Panorama de l'enseignement agricole 2021.

* 16 Auditions de l'UNMFREO et du CNEAP du 17 mars 2021.

* 17 Audition du mercredi 3 mars 2021.

* 18 Audition du mardi 18 mai 2021.

* 19 Audition du mercredi 3 mars 2021.

* 20 Décret n° 2002-482 du 8 avril 2002 portant application au système français d'enseignement supérieur de la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur.

* 21 « Des lycéens professionnels et des apprentis mieux insérés 12 mois après leur sortie d'études que 6 mois après, malgré la crise », DARES, n° 24, mai 2021.

* 22 « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? » Rapport d'information n° 528 (2018-2019) de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 28 mai 2019.

* 23 « Vers une alimentation durable et locale : corriger les faiblesses et consolider les forces de notre modèle agricole ». Rapport d'information n° 620 (2020-2021) de MM. Laurent Duplomb, Hervé Gillé, Daniel Gremillet, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Frédéric Marchand et Mme Kristina Pluchet, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 19 mai 2021.

* 24 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 25 Compte-rendu du 10 mars 2021.

* 26 « Les plantes médicinales et l'herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d'enjeux d'avenir », rapport n° 727 (2016-2018) de M. Joël Labbé.

* 27 Présentation du plan « enseigner à produire autrement ».

* 28 Postface au dossier « La mosaïque de l'enseignement agricole : recomposition, enjeux et métamorphose », Revue Formation emploi 2020/3 (n° 151).

* 29 Troubles d'apprentissage comme la dyslexie, la dyspraxie, la dysorthographie, la dysphasie, la dyscalculie, le trouble spécifique du développement des processus attentionnels et des fonctions exécutives (TDA/H).

* 30 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

* 31 Cour des Comptes, Relevé d'observations définitives, « Les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole », juin 2021.

* 32 Cf. comptes rendus des auditions du 17 mars 2021.

* 33 Compte rendu de l'audition de M. Julien Denormandie du 30 juin 2021.

* 34 Audition du 10 mars 2021.

* 35 Rapport n° 19069 sur l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité, CGAAER, juin 2020.

* 36 « Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles », rapport de M. Pierre Mathiot, 24 janvier 2018.

* 37 « Appropriation par l'enseignement technique agricole public de la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue - Les conditions pour bien répondre aux besoins des branches professionnelles », rapport n° 19084, décembre 2020.

* 38 « La visibilité des formations portées par le ministère de l'éducation nationale est beaucoup plus forte que celle des formations proposées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et mises en avant par les prescripteurs de l'orientation », contribution écrite du CNEAP.

* 39 Cet article dispose que « Les statuts des personnels des établissements visés à l'article L. 811-8 sont harmonisés, jusqu'à réalisation de la parité, avec ceux des corps homologues de l'enseignement général, technologique et professionnel, de telle sorte que l'ensemble de ces personnels soit en mesure d'exercer ses fonctions selon les mêmes conditions et avec les mêmes garanties dans les établissements relevant de l'enseignement général, technologique et professionnel et dans les établissements relevant de l'enseignement agricole. »

* 40 Programme 143.

* 41 Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, Rapport d'évaluation de l'École nationale vétérinaire de Toulouse, 1 er avril 2021.

* 42 La Dépêche Vétérinaire, n° 1561 du 13 au 19 février 2021, pp. 8-9.

* 43 Web-agri.fr, 1 er septembre 2021.

* 44 Audition du 30 juin 2021.

* 45 Lettre de mission du 9 septembre 2021.

* 46 Avis n° 143 « enseignement agricole » sur le projet de loi de finances pour 2021 de Mme Nathalie Delattre, session 2020-2021.

* 47 Cf. page 69 et suivantes.

* 48 « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse », Rapport d'information n° 451 (2020-2021) de M. Henri Cabanel et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 mars 2021.

* 49 Aux termes de l'article L. 814-1 du code rural et de la pêche maritime. Le CNEA est l'une des trois instances consultatives nationales placées auprès de la DGER, avec le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (CNESERAAV) et le Comité technique de l'enseignement agricole (CTEA), plus spécifiquement chargé de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des établissements de l'enseignement agricole, sur les effectifs, les emplois et les compétences, les règles statutaires, les méthodes de travail, les grandes orientations en matière de politique indemnitaire, à la formation, à l'insertion professionnelle, à l'égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations. Le Comité régional de l'enseignement agricole (CREA) est par ailleurs une instance régionale placée auprès du préfet de région.

* 50 Monde des grandes écoles, 19 janvier 2021.

* 51 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 52 Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

* 53 « Femmes et agriculture : pour l'égalité des territoires » , rapport n° 615 de Mmes Annick Billon, Corinne Bouchoux, Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, M. Didier Mandelli et Mme Marie-Pierre Monier, 2016-2017.

* 54 http://www.senat.fr/seances/s202109/s20210921/s20210921008.html#Niv1_SOM8

* 55 Audition du 12 mai 2021.

* 56 L'Aventure du vivant : une nouvelle campagne à découvrir sur les réseaux sociaux !, youtube, vidéo du 22 février 2019, près de 6 000 vues.

* 57 Par exemple le concours national de la résistance et de la déportation, ou encore le concours « non au harcèlement » où les élèves sont invités à imaginer et proposer des affiches et vidéos de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

* 58 Rapport n° 19069 sur l'orientation des élèves vers l'enseignement agricole et son attractivité, conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, juin 2020.

* 59 http://draaf.centre-val-de-loire.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/DECISION_V2_signee_07_02_2019_
Bac_general_specialite_-_option_cle4e1afd.pdf

* 60 Certaines années, le lycée agricole du Valentin accueille des élèves du lycée des trois sources dans son internat lorsqu'il y reste des places.

* 61 Évaluation de la mise en oeuvre des enseignements optionnels au sein du nouveau lycée général et technologique, rapport n° 2021-106, IGESR, juin 2021.

* 62 Et d'ajouter comme recommandation : « lutter contre les déserts d'option en assurant la présence dans chaque académie, le cas échéant dans chaque département, d'une offre d'enseignements optionnels qui reflète la multiplicité des demandes des élèves, et la diversité des besoins de la nation , en l'appuyant lorsque c'est nécessaire par la création d'un enseignement hybride pour les territoires isolés ».

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