C. LE CASDAR, DURABLEMENT AMPUTÉ : COMMENT SPOLIER LES EXPLOITANTS DE L'ARGENT QU'ILS SOUHAITENT INVESTIR DANS L'INNOVATION POUR L'AGRICULTURE DE DEMAIN

Historiquement, le CASDAR est le successeur du Fonds national de développement agricole, géré par l'Association nationale pour le développement agricole (ANDA) de 1966 jusqu'en 2002. Cogéré entre les pouvoirs publics et la profession agricole, le fonds, alimenté par des taxes payées par les filières agricoles, a été imaginé par les agriculteurs pour contribuer au financement de l'agriculture de demain. Les agriculteurs se voulaient contributeurs de l'innovation agricole.

Au moment de l'adoption de la LOLF, en 2006, pour diverses raisons légitimes, l'État a choisi de transformer ce fonds en un compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR), la collecte des taxes et la gestion du fonds étant transférées à l'État, ce dernier confiant ces crédits dédiés à la recherche et à l'innovation à des opérateurs agricoles spécialisés, notamment par le biais d'appels à projets. Si les modalités pratiques ont évolué, l'esprit du dispositif demeure toujours le même.

Le CASDAR est un outil essentiel de financement de la recherche et de l'innovation par les agriculteurs, pour les agriculteurs , tout en permettant de réaliser une péréquation essentielle entre les filières , les plus petites filières bénéficiant de financements voués à la recherche qu'elles ne pourraient obtenir si elles ne faisaient contribuer que leurs adhérents.

Le CASDAR fait l'objet d'un plafonnement défini chaque année en loi de finances à hauteur des recettes prévisionnelles estimées par le Gouvernement.

Toutefois, depuis 2016 , en dépit des ouvertures supplémentaires pouvant avoir lieu en loi de finances rectificative, les recettes fiscales effectivement constatées ont systématiquement dépassé les autorisations d'engagement octroyées au cours de l'année .

Concrètement, une partie importante des taxes payées par les agriculteurs au profit de leur innovation est fléchée vers le budget de l'État, tout surplus étant automatiquement écrêté à son profit. C'est un détournement légal mais illégitime de l'esprit du dispositif.

Depuis 2021, ce phénomène prend une ampleur plus grave encore, le Gouvernement ayant décidé de baisser le plafond de 136 à 126 millions d'euros.

Cette baisse était justifiée, l'année dernière, par une prévision à la baisse portant sur le chiffre d'affaires de la Ferme France. Les rapporteurs estimaient que ces données étaient clairement pessimistes et dissimulaient en réalité une volonté de réaliser une économie budgétaire déguisée en baissant le plafond. Les dernières prévisions pour 2020 leur donnent raison puisque le rendement de la taxe s'est finalement établi à 140 millions d'euros, soit un écart de 14 millions d'euros par rapport au plafond voté en loi de finances initiale. Si le projet de loi de finances rectificative du Gouvernement pour la fin d'année 2021 prévoit une rétrocession de 10 millions d'euros, l'État réalisera encore cette année une ponction de 4 millions d'euros au détriment de l'innovation agricole.

Cet exemple démontre la perversité de la logique de plafonnement a minima , qui, bien qu'elle soit accompagnée par des décaissements annuels en fonction des prévisions de perception de la taxe, ne garantit en rien le reversement intégral des cotisations des agriculteurs vers leur écosystème de recherche et d'innovation.

En 2022, le Gouvernement s'apprête à commettre la même erreur : quelle que soit la prévision de rendement, prévoir un plafond très bas prend le risque de rogner encore un peu des dépenses de recherche agricole au moment même où ces besoins sont importants, tant en matière d'adaptation au changement climatique, de transition agro-écologique, d'agriculture innovante et de lutte contre les ravageurs avec des solutions les plus respectueuses de l'environnement.

La commission estime, à l'inverse, que la mobilisation financière des agriculteurs en faveur de la recherche agricole doit exclusivement servir à la recherche agricole. Une partie de cette distribution sera de nature à financer davantage la recherche et l'innovation agricole, tout en finançant l'écosystème favorisant celles-ci, comme les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).

Proposition de la commission : rehausser le plafond du CASDAR et restituer les ponctions historiques réalisées sur ce fonds au détriment de la recherche agricole.

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